HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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8.10.13

366.62

Monsieur Dickson n’aimait pas se souvenir, regretter, se gratter sans fin en essayant d’imaginer ce qui aurait pu ou du se passer.

Ce qui s’était passé, s’était passé, était passé.

Parce qu’à ce moment, c’était inévitable.

Si ça avait un jeu d’acteur, du théâtre, il aurait pu modifier son rôle ou celui des autres.

Le moment.

Les personnalités de chacun.

Le rythme du sang.

Tout ceci avait provoqué cela.

Et c’était aussi net que si on l’avait gravé dans la pierre.

Un jour, il oublierait. Un jour il ne serait plus là, si ce qui s’était passé était ineffaçable et inoubliable.

À moitié endormi, malgré lui, comme lorsqu’il était plus jeune, il se mit à penser à ce qui se serait passé si.

Activité tout à fait inutile et nuisible qu’on ne fait que si on est jeune et ignorant de ses conséquences. Ou que si on est encore à moitié endormi.

Qu’est-ce qu’il aurait pu dire ?

Il aurait pu dire que c’était une manie, une fantaisie, une forme de maniaquerie ou un symptôme de folie. Que rien ne garantissait qu’il aurait fait mieux que la police si la chance avait tourné de son bord.

Ils étaient arrivés au mauvais moment.

Il aurait pu dire que la police continuait à faire des efforts. Que son mari avait engagé des détectives privés. Placé des annonces dans les journaux. Avec la photo de sa fille. Son nom. Un visage. Un petit être humain. Davantage car il y avait 10 000 $ de récompense. Avec un numéro de téléphone menant à une centrale téléphonique 24 heures. Il avait placé un avis sur le site internet des enfants disparus. Facebook. Twitter. Youtube où on pouvait voir la mère qui pleurait et implorait les ravisseurs de donner signe de vie. Il y eut des milliers de Like. Et des centaines d’abonnés au site.

Une chose inquiétait. Les kidnappeurs n’avaient jamais demandé de rançon.

On était déjà à un autre stade où le seul mot kidnappeur inquiète. Dans le lot des possibilités, celle-ci devenait rassurante comparée à toutes les autres.

Parce que s’il y avait un criminel, il prouvait qu’il était humain et avait des défauts.

Humain donc cupide avec qui on pouvait dialoguer.

La spécialiste des cas d’enlèvement affirmait que le dialogue était tout. Il fallait que le ravisseur se sente accepté, pris au sérieux. Important. On pouvait l’appâter.
Mais si le criminel ne donnait pas signe de vie, c’était qu’il avait d’autres contentements en vue que la finance.

Ce qui donna des idées à des originaux. Aussi stupides que sans scrupule. Incapables de comprendre dans leurs crânes épais qu’aussitôt qu’ils se mettaient en contact avec la police ou les parents – c’était toujours la police sous ses différentes formes qui contrôlait la circulation des informations - on les repérerait immédiatement. Il y eut des téléphones, des lettres anonymes, des courriels, des textos. Tous anonymes. Au départ. Au début. Tous avec des adresses quelque part. Au bout d’un certain temps. Adresse où se rendait des spécialistes dès qu’on se rendait compte que ce n’était que de simples usurpateurs.

Il aurait pu appeler son ex-ami pour. Pour quoi? S’excuser. Le genre de chose qu’un homme fait quand sa femme a tort, a fait une folle d’elle et qu’il veut acheter la paix. Jusqu’à ce qu’il devienne cardiaque et impuissant.

Et puis il revit le dernier visage qui lui resterait d’elle. Une sorte de méduse démoniaque vicieuse et hurlante.

L’envie lui passa définitivement.

Et quand d’autres souvenirs plus anciens revinrent plus tard pour diluer un peu la dernière image, il serait trop tard, elle serait morte. Il l’apprendrait par les journaux. Et il ne ressentit aucune émotion particulière.

Le même jour, dans un de ses journaux, il lut un article qui lui apprit le sort de son ancienne amie effrayée. Elle était bien disparue. On venait de la retrouver et de l’identifier. Son corps était presque reconnaissable. Mais la police ne donnait pas la cause de la mort. Ni aucune cause expliquant sa disparition.

Le nombre de morts et de mortes suivant le sillage de monsieur Dickson augmentait régulièrement.