HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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8.10.13

357.53

Enfin.

Elle attendait depuis si longtemps. Ou pas si longtemps. Mais de déception en déception, il. Elle.

Ce qui changea immédiatement son attitude.

Elle cessa de le mépriser pour changer de lentilles dans ses yeux. De ternes et opaques - genre poisson mort pas frais - à brillants et scintillants.

C’était presque de l’amour. Comme il y avait longtemps. Ou pas si longtemps.

Elle était comme un outil à piles dont on venait de changer les batteries rechargeables. Une perceuse jaune DEWALT lithium-ion 20 volts. Transmission à 2 vitesses. 0- 2000 tours/minute. 3 lampes à DEL s'allument 20 secondes après le relâchement de la gâchette.

Il trouva ce si soudain changement d’attitude et de physionomie particulièrement intéressant.

Oui. Il connaissait quelqu’un.

Et si quelqu’un pouvait quelque chose, c’était lui.

Il y en avait peut-être d’autres tout semblables, aussi remarquables dans la ville mais il ne les connaissait pas.

Et le seul miracle de la nature et de l'évolution qu'il connaissait personnellement avait déjà fait. Il avait déjà vu des choses étonnantes.

C’était de ces êtres qui sont si intelligents qu’ils en deviennent contagieux. On se sent soudainement plus intelligent grâce à eux. Malheureusement, ça ne dure pas longtemps. Dès que l’on quitte leur orbite.

Il pouvait aussi comme les dieux anciens être écrasant, méprisant.

Indifférent le plus souvent.

Les mortels et les insectes ne l’intéressaient pas. Pour lui, ils avaient quelque chose de répugnant et de salissant. Il en évitait donc le contact et même la présence.

Sauf lorsqu’il avait besoin d’$.

Ce qui ne lui arrivait pas souvent. Puisqu’il était économe et spartiate. Justement pour s’éviter l’obligation de subir leur contact.

Et, pire, se trouver dans la situation de leur demander quelque chose. Quelque chose qu'ils peuvent refuser.

Donc l'$ et ce qu'il procurait ne l'intéressait pas. Contrairement à la plupart des êtres primtitifs pour qui c'est une carotte enviable. Leurs ancêtre avaient probablement vendu New York pour un miroir et des mouchoirs rouges. Sélection naturelle avec transmission des caractères acquis par le mécanismes de l'hérédité. Parce que la vie s'adapte aux variations de l'environnement et façonne les formes et les esprits des êtres provisoires qui devront y vivre. Ces êtres adaptés sont prêts à tout subir et à encore plus supporter pour pouvoir enfin se procurer un tracteur à gazon dont la publicité TV leur a dit - pourquoi ne le croirait-ils pas? - qu'il est indispensable. Ils sont faits pour cette époque.

L'évolution suivante sera un lien en continu avec un flot d'ondes bienveillantes qui apaisera en continu leur cerveau et leur fera placer leur tentes dans une allée d'un magazin. Toutes ces choses indispensables dont ils ne peuvent se passer.

Mais on peut prévoir mieux. Ils pourront aussi devenir stylithes. Une variation des ermites anciens qui ne vivaient plus retirés dans une grotte ou un désert mais solitaire au milieu de la foule, installé définitivement au dessus d'une colonne. Jusqu'a leur mort. Immobiles et figés dans leurs os et leurs articulations. Priant le plus près possible de leur dieu - d'où la hauteur et la colonne - et mourant de faim pour lui. Mais on sera moderne. Et ils serviront de présentoir à téléphone. Figé définitivement dans leur dernier mouvement d'adoration. Tout ceci sera admirable et on a vraiment hâte que ça se produire.

On peut prévoir des tours du silence, variante des zoorastres. Les consommateurs décédés seraient installés au haut des étagères ou sur le toit des centres commerciaux où des vautours apprivoisés et des corbeaux familiers déchiquèteraient leurs corps jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que les os. Ce qui est férocement écologique. Ensuite, les os sècheraient au grés des vents et des saisons jusqu'à ce qu'ils soient suffisamment secs pour être broyés facilement. On moulerait ces cendres et ces poudres et les transformerait en tuiles de planchers à placer dans les allées des fruits et légumes.

Entre temps, ils font parti du système qui extrait d'eux le plus de travail possible, leur donne en échange le moins d'$ possible et, comme si ce n'était pas suffisant, le mouvement perpétuel du système exige que cet $ retourne aussitôt dans le système et son mouvement lors de l'achat de chandelles parfumées pour les femmes ou d'aspirteur à feuilles, pour les hommes.

Une succession d'expériences financière émotionnelles et ravissantes.

Exaltation mystique.

Cet homme n'était pas ainsi.

Pour espérer son aide, il faudrait qu'il ait besoin d'$ - ce qui avait peu de chance d'arriver - ou s'ennuie.

Il ne faudrait pas s'attendre à l'émouvoir au sujet de la vie et de la santé de la fillette.

Et ne pas se laisser aller à des sentiments excessifs comme le chagrin ou le désespoir.

La connaissance qu'avait l'amie (il faudrait un autre terme) des différentes catégorie d'humains étant limitée; il valait mieux ne pas préciser les caractéristiques de l'homme étrange qu'elle allait rencontrer.

Il fallait donc qu'il s'ennuie. Oui, lorsqu’il s’ennuyait.

Et que la lecture, la musique, le cinéma, la rêverie ne suffisent plus à le sortir de ce monde inférieur.

Dans quel état se trouvait-il à ce moment?

Accepterait-il de revoir monsieur Dickson ? De se souvenir de lui? De supporter la présence d’une étrangère?

Il n’aimait pas les femmes. Ce qui n’est pas surprenant. Statistiquement. Bien des hommes n’aiment pas les femmes. Pour de très bonnes raisons. Une épouvantable grand-mère. Une mauvaise mère. Une terrible sœur. Une misérable première baise. Une humiliation après l’autre. Ou de mauvaises raisons.

La stupidité étant l’état d’esprit le plus commun.

L'homme étant ce qu'il est, a l'habitude de tuer tout ce qui est différent. Avec le temps, le goût du meurtre s'est transformé en destruction psychologique, racisme, sexisme, mépris. Ce qui est un grand progrès du point de vue civilisation.

Mais la femelle de l'homme lui est parfois, brièvement, indispensable. D'où le phénomène constant de dissonance cognitive. À la fois, le goût de meurtre et le besoin de baiser. L'envie irrésistible de la tuer ou de la caresser. Sentiments complexes et contradictoires. Ce qui pour la femme, ignorante de toutes ces complexités, est une source de constante perplexité. Tant qu'elle n'est pas tuée à coups de hache ou violée par 3 hommes dans une ruelle.

Lorsque l'on sait que les gestes les plus communs, ceux qui semblent les plus inoffensifs, sont presque tous les mimes d'agressions passées,rien ne surprend. La poignée de main servait jadis à démontrer que sa main était vide, sans couteau. On utilisait la main droite, celle qui tenait la poignée de l'épée. On fait tinter ses verres de vin en portant un toast ou un salut parce qu'on cognait ses verres de façon à faire déborder d'un verre à l'autre la boisson qu'ils contenaient, démontrant qu'il n'y avait pas de poison.

Ainsi de nombreux rites de sorcellerie permettent d'oublier la femme évitant aussi son meurtre. Certains musulmans la recouvre de tissus. Parfois, totalement. Comme un tombeau souple et mobiles. Il y a probablement une forme une poésie.

Des juifs lui rasent la tête et la recouvre d'une perruque de cheveux humains catholiques ou la pénètre dans ce qu'anciennement on appelait l'orifice des générations au moyen d'un drap étendu sur son corps - ce qui évitait de devoir entrer en contact avec un être impur. Il n'y avait qu'un trou brodé au milieu du tissus permettant le contact humain. En évitant toute forme d'enthousiasme. Malgré les difficultés qu'on imagine, de nombreux enfants ont été ainsi produits avec régularité. La relation charnelle - il ne faut pas s'attacher- était possible. On pouvait donc procéder adéquatement à l'opération nécessaire sans émotions superflues.

Les prêtres cathos parlaient d'acte de chair. Ce qui permettait d'interdire de telles choses aux adultes sans permission du Ciel de façon à ce que les enfants si présents, n'y comprennent rien. On procède encore ainsi avec les images des cours d'éducation sexuelle. On saura tout de l'ovule et du spermatozoïde et de leur localisation sans avoir la moindre idée de la façon dont il faut s'y prendre pour aller du point A et B. Que l'on pourra tout de même observer sous forme de coupe transversale du dessin d'un homme et d'une femme. Les 2 êtres paraissnt nécessaire pour cette opération pysique. Chef-d'oeuvre de l'éducation.

Une amie à monsieur Dickson se rappelant son adolescente où elle avait elle aussi subi ce genre d'ignorance technique, n'avait toujours aucune idée comment le petit sacripant de spermatozoïde s'y prenait pour aller jusqu'où était logé le gros oeuf. Profondément dans le corps du dessin. Et probablement aussi en elle. Et à chaque mois ou environ dans le bol de la toilette. On présentait bien le pénis d'um homme mais au repos, coupé lui aussi. Une sorte de saucisse molle ou mourante. Tandis que les garçons voyaient les couloirs du métro féminin - en coupe - en se demandant où ça se trouvait. C'était flou. Heureusement, l'industrie pornographique comprenant leur désir sincère et intense d'information, leur procurait des films scientifiques. Encore une fois, on leur avait caché quelque chose, soit l'existence d'une des industries les plus rentables avec l'industrie militaire. Et, comme à chaque fois que les adultes propageaient avec sincérité l'ignorance, un petit compagnon ou une petite camarade délurée apportait un des spécimens de la collection de VHS/DVD de ses parents. Heureusement, avec l'Internet, la connaissance est mise à la portée de tous. Un des 3 principaux secteurs d'intérêt, comme on dit d'un village touristique: avec les jeux d'$, les petits chats. Aisi la science se transmettait d'esprit en esprit avant qu'on passe avec plus ou moins de terreur - du côté des filles - aux exercices pratiques. Et il arrivait de moins en moins qu'un garçon à l'esprit un peu lent essaie de faire l'amour à sa copine par le nombril. Sous prétexte que c'est creux et doit bien servir à quelque chose.

Les ceux et les celles qui préféraient la théologie avaient appris qu'Adam, Éve et Lilith n'avaient pas de nombril.

Ainsi est le charment animal qu'est l'homme.

Donc, il n'aimait pas les femmes. Mais monsieur Dickson qui le connaissait depuis un moment ne lui en avait jamais demandé la raison. Ceci ne le concernait pas. Le besoin de soigner les gens malgré eux ne l'ayant jamais fortement tenté.

Mais la nature avait fait que beaucoup d’êtres inférieurs ne pouvaient s’en passer.

Même si c’était illogique.

Tout en se prétendant libre, on fait son jeu. Parce qu’on ne pense pas. Qu’on croit penser. Et le petit jeu de la nature était accompli. Ceci prenait si peu de temps. La voilà enceinte. Une nouvelle vie commence. Et même s’il y avait des millions d’années que ceci se passait, il y avait encore des gens que ça surprenait.

Pour quelle raison, bonne ou mauvaise, l’ami/le camarade/la connaissance (mais c’était plus que ça!) – on ne saura pas ici dans quelles circonstances ils s’étaient rencontrés. Ils étaient restés en relatifs bons termes quoique n’ayant aucune envie de se revoir.

Sauf en cas de nécessité.

Ce n’était pas arrivé de la part de l’autre. Et c’était justement en train d’arriver à monsieur Dickson. Maintenant.

Il avait son numéro. Qui n’avait pas changé depuis 5 ans. Il avait prévenu de son arrivée. Résumé la situation au téléphone. On avait accepté de les recevoir sans promettre de faire davantage que d’écouter leur histoire pour son divertissement personnel.

Dieu s’ennuyait.

Ce qui était mieux que rien.

Il avait au moins en ce moment de légers sentiments. D’imperceptibles émotions. Et les aventures et malheurs des hommes réels ou imaginaires (pour ces êtres infirmes ou supérieurs, les personnages de romans, de films, de jeux vidéo, les êtres vivants (ou à peu près) (une fois la transformation effectuée par les journalistes) des nouvelles de la TV et des journaux, humanoïdes des rues ou animaux des airs et des caves, les êtres inanimés ou mobiles (algues ou roches) se valaient.

Il n’y avait qu’une infime gradation lors de la transformation d’une matière en une autre.

Et pas nécessairement pour le mieux.

Et s’il y avait dégradation, c’était entre la roche et l’homme. Car il trouvait la pierre polie par l’eau ou les glaciers bien supérieure aux humains.

Lors de ses voyages - il ne voyait pas vraiment la nécessité de dire où il allait et d'où il revenait - il remenait quelques petites roches d'un volcan, Vésuve, Krakatoa, du Colisée de Rome, du Konzentrationslager Auschwitz. Près d'Oświęcim et de Brzezinka, province de Haute-Silésie, Pologne. Концентрацио́нный ла́герь и ла́герь сме́рти Осве́нцим. Концентрационный лагерь и лагерь смерти Аушвиц. Monument historique et culturel majeur. Devoir de mémoire. Inscrit en 1979, lors de la 3e session du Comité du Patrimoine Mondial, au patrimoine mondial l'UNESCO. Il en avait aussi d'Alcatraz. Potosi. Les petites filles des mineurs vendent ces petites pierres bleues.

Ces roches sombres et ternes, il les empilait dans de petits aquariums circulaires qui auraient pu contenir un poisson rouge. Avec un petit coffre au trésor en plastique qui fait des bulles.

Certains aquariums contenaient de l'eau ce qui redonnait toutes leurs couleurs aux petites pierres. Il y avait parfois un scaphandrier en plastique qui faisait aussi des bulles.

L’intérêt qu’on leur porterait dépendrait de l’humeur du moment. Et, entre son appel et leur visite, il pouvait se passer bien des choses dans son système nerveux.

Pour le reste, qu’ils aient existé ou cessé subitement d’être dans cet état provisoire n’avait aucun intérêt.

L’ami était civilisé, courtois et poli.

Leur souhaita quelque chose.

S’assit et leur montra les fauteuils dépareillés de son salon. Ou ce que d’autres êtres que lui désigneraient ainsi. Il ne se souciait pas de ces choses qui intéressent les femmes comme la décoration, l'étalage de ses possessions ou les objets inertes à assembler par formes, couleurs ou prix. Ou les objets vivants à entretenir comme les fleurs, les plantes, les animaux de compagnie et les bébés. À son avis, trop nombreux un peu partout.

Quant aux meubles, c’étaient des ustensiles utiles conçus pour s’asseoir et ils faisaient parfaitement leur rôle. Le fait qu’ils soient vieux, laids, jurent les uns avec les autres, qu’ils aient été là avant qu’il emménage dans cet appartement dont il n’avait pas modifié la décoration – pourquoi faire ?

Afin que son mobilier reflète sa personnalité comme on disait dans les annonces de la TV. Pour que son fauteuil, sa salle de bain, son auto, ses vêtements lui ressemble. Ce qui paraissait indispensable pour les autres êtres. Ceux de la TV.

Il disait qu’il n’avait pas de personnalité. Ce qui était faux.

Une fois qu'ils se furent assis tous les 2, il attendit sans rien dire qu'ils parlent les premiers. Lui, n'avait rien à dire.

L’amie de monsieur D était jolie. Quoique ménopausée. Ce qui retint provisoirement l’attention de l’ami de monsieur Dickson. Il était encore hétérosexuel. Ou l’avait été. Et avait décidé un jour que la pénétration d’une femme ne valait pas tout le trouble que l’on devait subir pour parvenir à son plein consentement éclairé. Et une conviction enthousiaste. Et il y avait toujours le risque de bébé ou de maladies diverses.

Comme on a essayé de le dire : il s’ennuyait très vite. Et avait beaucoup d'imagination. Et, en un instant, il voyait 40 ans de vie commune avec cette femme ou cette autre. Les chicanes. Les incompréhensions. Sa vieillesse et sa mort.

Et séduire une femme, l’intéresser, devenir indispensable à ses yeux, prend beaucoup de temps. Sauf si on est riche, célèbre, important, dangereux, malfaisant.