HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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8.10.13

360.56

L’homme resta là sur son fauteuil de cuir à regarder la porte fermer et à entendre les pas qui s’en allaient sur le plancher du corridor et les premières marches de l’escalier.

Ensuite, ils ne les entendraient plus. Il y avait du bois partout. Beaucoup d’échos.

Il fut soulagé par leur départ. Plus le temps passait, plus il se sentait mal. Une nouvelle crise approchait de lui.

Il savait tout d’elle.

Et de ses semblables.

Avait fait des recherches autant qu’un apprenti médecin amateur pouvait faire. Ou un philosophe occasionnel.

Acédie.

Vice monastique.

Péché de la tristesse, de la désolation et de la dépression spirituelle.

La liste des symptômes était passionnante.

Langueur, amertume, ennui, morosité, dégoût, abattement, manque d’enthousiasme et d’intérêt. Fatigue, ennui, accablement, aboulie, désintérêt, désespoir (réellement perte de l’espoir), mélancolie, spleen romantique, désenchantement, dépression, crise morale. Abattement léthargique, état de paresse, oisiveté, passivité prostrée, tristesse généralisée qui empêche toute contemplation, somnolence. Perte de l'élan vital. Ralentissement psychomoteur qui peut affecter même sa démarche et ses gestes qui se feront lents et rares. Sa mobilité en sera fortement diminuée jusqu'à la prostration, l’abattement profond.

Inquiétude féminine, vagabondage de l’esprit.

Et ce n’était pas mieux dans la conversation qui n’était plus que paroles importunes, frivoles, inutiles et nuisibles.

Faiblesse de l’esprit provoqué par la faiblesse du corps. Faiblesse du corps provoqué par la faiblesse de l’esprit instable, errant, flottant et fugitif, se tournant de tous côtés. Voulant et ne voulant plus, changeant d'avis, alternant ses désirs.

Comme une feuille soulevée par le vent tourbillonnant.

Instabilité du mouvement de l'esprit et des actions du corps.

Inertie, asthénie, fatigabilité accrue. Tendance au retrait social, à l'isolement. Perte de l'élan vital. Ralentissement psychomoteur qui peut affecter même la démarche, les mouvements et ses gestes qui se feront lents et rares. Sa mobilité ralentira et diminuera jusqu'à la prostration, l’abattement profond.

Le malade délaissant la prière et le dieu négligé et toujours jaloux, ne peut plus nous être d’aucune aide. Et comme une épouse deviendra rancunier et ne pensera qu’à se venger. Et le malheur s’abattra sur vous.

Vice instable qui fait que le sujet absorbé par sa tristesse, noyé dans sa détresse se vautre dans des réflexions théologiques que l’église réprouve. L’insatisfaction et l’hérésie n’est pas loin. Le feu salvateur de la Sainte Inquisition en extrayant du corps social les esprits malades et les jetant au feu permettait la guérison des peuples. De la même façon qu’un médecin sévère mais juste ampute un membre gangrené pour soulager et sauver sinon guérir tous les autres. Mais l’Église s’est trop adoucie et a perdu toute rigueur.

Mal de l’âme entraînant le dégoût pour la prière de la pénitence et des saines lectures spirituelles. Le découragement général fait qu’on ne prie plus ou qu’on prie mal

État de l’âme plongée dans une torpeur spirituelle ce qui fait que l’âme se replie sur elle-même. Devient alors pour elle-même une forme cancéreuse de maladie spirituelle.

Émotion traîtresse car son origine peut être louable - s’attrister de ses péchés - ou blâmable - convoiter un bien impossible : femme, situation sociale, richesse, popularité, jeunesse (quand elle n’est plus), beauté. Heureusement, les concours d’apprentis-vedettes à la TV sont très utiles pour représenter la version moderne de l’Enfer et du Paradis.

«C’est un homme de marbre assis sur un tombeau.»

Une belle citation de Jules Lemaître. Poésies. Les médaillons. Alphonse Lemerre éditeur, Paris, France. Vers 1881.

L’instrument de lutte contre ce vice est donc le travail manuel. Ou dans le cas de l’ami de monsieur Dickson, la recherche criminelle.

Si on est sujet à l’enthousiasme, on peut le voir comme une épreuve passagère.

Quelqu’un qui a perdu la foi ou la ressent plus. Qui s'est mis à pensé et a déduit logiquement qu'il n'y a plus d'espoir.

Les morts restent morts. Et on ne les reverra jamais.

Vous êtes seul. Lorsque vous commencez à croire que vous ne l'êtes plus, c'est le début d'une illusion. Qui cessera.

Chez les moines, c’était envers la religion et dieu.

Chez le civil ou le laïque, c’est envers les préceptes sociaux, matrimoniaux.

On ne croit plus au travail, à l’$, au capitalisme, à l'humanité. Ni au mariage, la famille, le futur.

Ou le présent.

Le doute remplace la foi en la société, en la croyance en la politique ou la démocratie.

Le moine a définitivement cessé de faire des efforts dans la prière et l’étude de la connaissance de Dieu. Il néglige ou abandonne les pratiques religieuses comme la prière, la dévotion, l’adoration, les lectures saintes, la participation régulière aux offices.

Tout homme est pécheur et appelé au salut par une voie de purification qui passe par les épreuves ordinaires de la condition humaine. Donc son salut est la responsabilité morale du pécheur. Même si son corps ou son esprit est soumis à la maladie. Ou que son âme subit une épreuve de type mystique. Ce n'est qu'une tentation sur le chamin de la vertu et du Salut.

Mais à contrario, il y a des symptômes contraires tels que la verbosité et la curiosité.

Et, en effet, il lui était arrivé de trop parler.

Mais il n'avait pas été le seul.

Excitation motrice n’entraînant qu’une hyperactivité stérile, une agitation continue, une fébrilité et une instabilité chroniques. Comme une moteur d’auto stationné qui tourne à vide.

Exaltation psychique. Exacerbation de la vigilance et des comportements de logorrhée. Le malade devient rêveur, irréaliste, plongé dans le ludisme dans un état d'euphorie irréaliste et d’instabilité émotionnelle.

Des raptus agressifs.

Exaltation. Épilepsie intellectuelle et morale. Forte perturbation du champ de conscience entraîné par une pulsion puissante affectant brusquement le comportement et pouvant avoir des conséquences graves telle que l’assassinat, le viol, l’automutilation, le suicide.

Il arrive que des passions n’aient plus de borne et s’emportent jusqu’à l’exaltation maladive.

Ainsi l’église a toujours réprouvé la passion et l’amour dans le mariage. et demander d'être soulagé du risque d'exalatation de la lecture.

Sur le plan affectif.

Ça ne s'améliorait vraiment pas.

État général d'abattement, reconnaissable à une mimique appauvrie, un regard inexpressif et absence d’émotion.

Mort vivant.

Les représentations de l’imagination, les contenus de la pensée subissant des distorsions pathologiques subtiles.

En effet.

La tristesse, le découragement, le désespoir accompagne tous les actes – si on agit encore - et envahissant toutes les pensées – si on pense encore.

État d'anhédonie : incapacité d’éprouver et de ressentir du plaisir.

Désintérêt généralisé.

Sentiment évident d'être déjà mort. Mais surprise de bouger encore.

Sur le plan cognitif.

Ralentissement psychique global. Inhibition intellectuelle caractérisée par une baisse de la qualité des raisonnements causée par la difficultés d'attention et de concentration.

Le raisonnement est ralenti, inefficace.

Donc, dans cet état, penser est presque impossible. Et une pensée utile, dérisoire. Donc retrouver la fillette.

Il aurait pu lui expliquer. Mais il connaissait ce genre de femme qui méprise très bien. Avait-il besoin d'être mépriser ce soir-là ?

Non.

L'imagination appauvrie ne subsistant plus que sous la forme d’une rumination obsessionnelle des mêmes idées. Résultant en l’indécision et l’incapacité d’avoir des idées neuves.

La conversation si elle subsiste encore se présentera sous la forme d’un discours est réduit, entrecoupée de longs délais de réponse aux questions.

Finalement le silence et le mutisme.

Et la mort.

Dante dans sa Divine Comédie disait que les coupables du péché d’acédie étaient en Enfer.

Pourquoi pas!? Ils y étaient déjà de leur vivant!

Nausée.

Pesante répugnance.

L’être vivant n'en peut plus, ne veut plus.

Perte du sens de toute chose y compris du sens de la vie qui se vide de sa substance.

Tous, y compris lui-même (si cet état existe encore) ne sont plus que des marionnettes vides manipulés et bougées.

Procrastination.

L’individu n’a plus la capacité de commencer ou terminer quelque chose. Ou de décider quoique ce soit. Inertie. Langueur d'esprit.

Cet esprit capricieux qu’il ne maîtrise plus, qui le possède, le domine et le manipule ne peut plus produire qu’une pensée infirme, une parodie de logique lancinante et insinuante sous forme de rumination mentale.

Il a perdu la « foi », dans son dieu, dans ses croyances, dans l'économie, la politique, l'entreprise, le travail, le métier.

Et il se remet à resasser les mêmes idées. Avec les mêmes mots.

Il se verrait transparent, comme on conseillait aux jeunes hommes dans le passé lorsqu'on leur enseignait les méthodes pour résister aux femmes et à leur attraction coupable. Les voir, se les imaginer dans la peau. Comme des figurines de médecine ou de chirurgie. Mais vivante. Leur sang qui coule, leur liquide infect, leurs tripes et leurs organes luisnts et informes, leurs odeurs pestilentielles et pourries. Tout ceci, la vérité, ils ne le voyait pas, à cause des vêtements et de la peau sous les vêtements. Enlevez les uns et les autres. Il n'y a plus que des carcasses d'abattoir et de bourreaux.

C'est ainsi qu'il se voyait.

Pour se maintenir provisoirement au-dessus des eaux boueuses, il faut béquilles physiques et émotionnelles. Caféine, nicotine, alcool, drogues, excitants psychotoniques, médicaments, films pornos, prostituées (s’il peut encore avoir une érection).

Exaltation religieuse vécu en groupes sectaires au moyen de cérémonies envoûtantes par le chant, la musique, la prière collective et théâtrale, les odeurs de fumée, les bûchers, les lapidations, les sacrifices humains, le ravissement de ces spectacles sidérants et la guerre.

Pour l’Église catholique romaine, en théologie morale, l’acédie est l'un des 7 péchés capitaux.

Qui si on s'y laisse prendre vous conduira en Enfer.

Et cette idée, il l'avait déjà eu. Venait de la retourner une nouvelle fois. Mais signe de la maladie, les mots, les verbes, les concepts repassaient sans cesse en boucle dans sa tête malade.

Bref, ça allait mal.

Et ce n’était vraiment pas le bon moment pour le rencontrer.

Mais il ne servait à rien de le dire. Il n'avait pas la force de contredire. Et monsieur Dickson, comme d'habitude, était très convainquant.

Était-ce vraiment la fille de cette seule femme?

Trop compliqué!

Il n’avait accepté ce rendez-vous chez-lui car il était incapable d’aller ailleurs qu’à cause des quelques souvenirs qui le reliait à un passé commun entre monsieur Dickson et lui.

L’effet bénéfique de cette visite, c’est qu’elle lui redonna un peu d’énergie. Énergie trop soudaine qui allait le rendre malade, comme le diabétique en mal de sucre qui se goinfre parce qu'il est possédé par la drogue blanche qui le tue. Et s'en veut aussitôt.

Comme le vampire, il ne pouvait produire celle-ci qu’en la volant aux autres par circonstances interposées.

Ce n’était pas du sang mais quelques émotions.

Ce qui lui permit de retrouver le goût de la lecture.

La crise passait doucement. Était moins virulante.

L’ami de monsieur Dickson se replongea donc dans le livre qu’il essayait de lire à leur arrivée. Et ceci fonctionna. Il les oublia aussitôt.

Quand il allait mieux, il lui arrivait de lire des romans mais préférait les documents. Il avait découvert qu’il n’aimait qu’une chose dans la vie : lire.

Quand il allait bien.

Il aimait apprendre.

Quand il allait mieux.

Les enquêtes auxquels il participait n’étaient que la façon la plus facile d’utiliser un don involontaire qu’il s’était découvert par hasard. Un don qui faisait son malheur comme ce pauvre type antique qui pondait des oeufs d'or ou qui, lorsu'i touchait toute chose ou nourriture, la transformait en or. Mourant de faim au milieu de ses trésors.

Comme Hitler qui plongé dans un état d’abattement puis, dans des circonstances politiques pénibles et compliquées, avait découvert en lui un don miraculeux d’éloquence et de commandement qui faisait que tous ceux qui étaient à proximité le suivait comme une amoureuse.

Comme s’il était le joueur de flûte de Hamelin appelé aussi l’attrapeur de rats de Hamelin.

Son don artistique s’était métamorphosé et transmuté en don politique et religieux.

Si on est critique, on pourrait dire que son ancienne vocation n’aurait entraîné au pire que des dommages à des feuilles de papier ou des toiles de tableaux. Sa nouvelle provoqua des ennuis à 100 millions de personnes. Mais qui est-on pour juger le destin qui s’amuse avec nous avant de nous tuer ?

Il trouvait que les romanciers étaient bien utiles à certaines époques anciennes et révolues pour démontrer l’existence d’autres individus que les voisins ou visiter des lieux où on n’irait jamais parce qu’on n’y serait pas admis pour raison de classification sociale.

Pareillement le théâtre, l’opéra, la danse classique à tutu.

Maintenant, on avait tout ceci à la TV et au cinéma.

Et les scientifiques qui traînèrent la patte pendant quelques millénaires – les religieux et les sorciers expliquant tout et tuant toute personne qui doutait de ce pouvoir.

Eux expliquait encore mieux.

De la même façon que bien des savants vendent leur âme ou leur ventre aux grandes compagnies, il leur avait fallu la vendre avant aux théologiens pour faire des tours de magie.

La reptation est une habitude qui se perd difficilement.

De nos jours, à notre époque, ils pouvaient enfin s’épanouir, commenter, expliquer, découvrir. La nature était encore cachottière et pleine de mystères et de secrets mais on la suivait à la trace.

Ou se vendre aux nouvelles églises: finance et industrie.

Ce qui ne l’empêchait pas de persévérer. Et d’essayer régulièrement de lire un roman qui prétendait informer de quelque chose sous forme de fiction. Si ce quelque chose l’intéressait, il lirait.

Mais il terminait rarement. Comprenant et devinant vite ce qu'on allait dire.

Et, la veille, lorsque sa maladie lui avait laissé une brève pause, il avait encore essayé de lire un autre roman qu’il avait envoyé au feu dans le foyer de briques qui avaient déjà consommé quelques auteurs maladroits. Du moins, leurs livres inefficaces. Napoléon faisait pareil avec les livres de son époque.

Il se remit à lire Le Traité des violences criminelles.

On y traitait des questions posées par la violence. Sujet qui était supposé intéresser toutes personnes. Ce qui était faux. La plupart des gens ayant à la place de la pensée des émotions parasites.

À ces questions, il y avait des réponses de la science de 2013.

Ouvrage s’autoproclamant important – c’était écrit au dos de couverture – On y disait aussi qu’il avait été réalisé sous la direction de Maurice Cusson. Stéphane Guay, Jean Proulx, Franca Cortoni et 48 spécialistes. On ajoutait qu’il y aurait 37 chapitres.

Et on prévenait qu’on y couvrerait l’essentiel des connaissances actuelles sur le sujet.

On devenait poétique.

Le livre offrait un panorama des connaissances scientifiques contemporaines sur l’origine de la violence, ses théories, ses manifestations, ses victimes, la prévention, la répression et les traitements des agresseurs et des victimes.
Tout ceci était admirable.

Et si désennuyant.