Il avait enfin l'impression d'être un chasseur.
Ce qui ne lui était pas arrivé depuis un moment.
Il avait toujours été un chasseur. Puis, sans qu'il s'en aperçoive,
Cessé de l'être.
Graduellement.
Pire.
Les malheurs familiaux l'avaient ensuite, graduellement, encore, transformé en gibier. Même s'il n'était pas de cette espèce.
Ce n'était pas naturel pour lui.
Il était un homme.
Il était un homme riche.
Être un homme vous sépare déjà de tout ce qui n'est homme. De tout ce qui est moins qu'un homme.
Être un homme riche vous sépare définivement de tout ce qui vit péniblement.
L'homme pénètre la femme par tous les endroits où elle peut être pénétrée. La nature l'a faites ouvertes à tous. Le sort pénètre la femme. La malheur s'engouffre en elle. Depuis des millénaires, elles se résignent, désespèrent. Tendres instruments de la vie.
Depuis longtemps
Il n'avait pas chassé.
Des compagnies à prendre. À attaquer. Vaincre. Dépecer.
Et des femmes.
Les femmes.
Il avait parcouru des yeux ses bureaux
Avec le regard affamé
Dans l'oeil du tigre dans un oasis. Reflets de reflets dans l'eau.
Et il découvrit avec satisfaction de nouvelles femelles. Allant et venant, s'abreuvant ou faisant des gestes d'oiseaux gracieux. Reflets dans l'eau.
Ignorantes.
Innocentes.
Victimes consentantes du fait même qu'elles acceptent de respirer à proximité du tigre.
Il aimait leur supplication.
Vous ne me ferez pas mal.
Et il déciderait, choisirait de ne pas leur faire mal. Ou de les faire souffrir. Car la souffrance dans leurs yeux. Dans leurs yeux, dans l'eau de leurs yeux, il y avait des mondes qu'elles ne pouvaient atteindre que par la douleur, la souffrance, l'humiliation.
Il allait dans les corridors comme le minotaure dans son labyrinthe.
Respirant les parfums.
Partout.
Comme des biches et des gazelles penchées.
Vers la source claire.
Il sentit le début d'une érection.
Il était vivant.
Il était enfin un homme.
Le malheur vous fait femelle. Résignée et soumise.
Toutes ces jolies antilopes aux jupes étroites et courtes, aux pentalons agiles moulant leurs peaux et leurs fesses. Ces collets raides ou souples et ces décolletés. Ces colliers fins et brillants attirant l'attention vers les courbes et les rondeurs. Les plis des jupes qui s'enfonçaient entre les jambes à chaque mouvement. Les ventres ronds menant vers de larges espaces entre les cuisses des pantalons.
Il avait envie de laisser aller ses mains partout.
Toutes ces rondeurs, ces courbes, ces sphères, ces protubérances.
Il rôdait autour de son troupeau.
Et les petites bêtes agiles tressaillaient à sa présence. Prêtes à s'enfuir au moindre signe de danger.
Prêtes à tout subir.
À se rendre, s'allonger et s'abandonner lorqu'elles verraient que toute fuite est inutile.
À la manière des millions de proies vaincues lors des millions d'années avant ce jour.
Il sentait leur sexe souple vibrer lorsqu'il passait à leur proximité. Il entendait leur respiration s'affoler. Ressentait le rythme de leur sang s'accélérer dans leur veine. La sueur sur leur nuque. Leur salive entrer dans leur gorge au fond de leur long cou.
Il était le maître en son domaine et choisissant lentement.
Faisait exprès de dépasser et de franchir la limite jamais décrite ni précisée mais sentie précisément, intérieurement, comme telle du territoire personnel et privé. Frontière entre l'extérieur et l'intérieur qu'on ne doit pas franchir sans y être invité, sans politesse, frayeur ou supplication. L'espace au-delà de la peau et des vêtements, extérieur, public. Espace des tissus plus souples aux tissus finement tissés et si doux. Espace de la peau offerte et nue. Espace et surface craintives, palpitantes, petites et intimes, après les premiers voyages sur la peau des alentours. Cette ligne imaginaire presque invisible d'air et d'espace. Du défintivement trop proche.
Il fallait qu'il plonge en elles.
Il ne voyait plus maintenant que des seins et des fesses.
Des seins, des cuisses, des ventres, des fesses rondes et gonflées, façonnés par Dieu pour la main de l'homme.
Afin qu'il soit satisfait.
Des mammelons qui pointaient vers lui.
De petites langues roses qui s'allongeaient démesurément. Qui lècheraient le gland de son pénis puis tout autour son pénis. En le ferait encore plus grand et plus large et plus lorud.
Des bouches peintes dans toutes leurs variantes, rondes et larges qui avaleraient comme si elles étaient affamées et assoffées son pénis dur, long et brûlant.
Ces petites mains et ces doigts minuscules mais si agiles qui se saisiraient de lui pour le palper et le traire sans pouvoir s'arrêter.
Il ne s'apercevait que maintenant à quel point et combien de temps, il avait été triste à cause de tout ce malheur des autres. Extrait et retiré du rythme du sang du monde.
Dans l'attente.
Comme n'importe quelle femme.
Toute cette peau. Tant de peaux délectables.
Si légèrement découvertes.
Si peu de tissus à écarter.
Et, ensuite, des peaux encore plus souples qui s'écartèleraient encore.
Et, dans son entreprise, beaucoup beaucoup de jolies femmes.
La chasse au trésor était commencé.
Et, dans sa tête, il se faisait un ordre précis de celle qu'il prendrait.
Elle.
Elle.
Elle.
Et, elles acceptaient toutes. Comme si elles n'attendaient que ça.
Même pas besoin de parler.
Il lui suffisait de regarder d'une certaine façon et la femme choisie entre toutes les femmes le suivait docilement.
Car il était un tigre.
Et tout ce qui vivait dans son oasis lui appartenait.
Il leur donna des numéros.
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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