Monsieur Adolf Hitler et monsieur Franz Kafka s'étaient donné rendez-vous à la brasserie où ils s'étaient rencontrés la semaine précédente. Entre son travail à l'atelier de dessin du grand magasin qui l'employait où il faisait des dessins au trait - ressemblant à des gravures - où il devait dessiner le plus exactement possible les objets en vente pour le catalogue et les affiches du commerce: que ce soit des bijoux, des dentelles, de poèles à bois et ses cours du soir d'histoire de l'art et de dessin, il était très occupé.
Le studio où il travaillait le jour se trouvait dans les combles du grand magasin. Il découvrit que la porte voisine, de l'autre côté du corridor, se trouvait un autre studio où des jeunes hommes comme lui faisaient également des dessins mais dans un autre domaine culturel. Il s'agissait de bandes dessinées que l'on vendaient à des journaux. L'entreprise était un succès et on manquait de personnel. Mais c'était encore plus mal payé que son travail. Mais ce serait un surplus financier intéressant s'il pouvait travailler là aussi. Sans risquer de perdre son emploi. L'idée de loger une nouvelle fois dans les gîtes pour sans abris - dans ses pérégrinations, il avait appris que les gîtes Allemands étaient mieux tenus que les Autrichiens. Il n'y avait pas de punaise à Berlin - ne l'enchantait guère.
Mais il avait découvert qu'il n'avait aucune imagination.
Ses anciens professeurs lui reprochait sa difficulté de fixer son attention. C'est parce que trop de choses l'intéressaient à la fois. C'était ça le problème. En même temps. Se courtcircuitant dans son cerveau. Trop de chose dans le même espace limité. Et le même temps.
Il aurait dû se consacrer uniquement à sa nouvelle carrière qui s'annonçait pleine de promesses en tant que dessinateur studieux de bijoux, broderies, flacons de parfum. Le chef d'atelier lui avait, en effet, promis un brillant avenir.
Mais il se fatiguait vite de de travail de moine miniaturiste alors qu'il rêvait de murales comme on en faisait anciennement avec des chevaux, des cavaliers en armure qui défendait l'Église ou la Patrie. Et mourait ou ne mourait pas glorieusement.
Mais il avait vite fait le tour des possibilités actuelles de l'atelier où il travaillait besogneusement avec 10 autres dessinateurs. La plupart apprentis comme lui. Et quelque maîtres lettreurs, calligraphes, peintres d'affiches. De grandes lettres peintes pour les banderoles. Et des phrases écrites à la plume parce que les caractères d'imprimerie étaient trop limités. Trop mécaniques. Insuffisamment artistiques.
Il lui fallait s'accrocher à ce travail. Il y avait un bon poêle au charbon qui chauffait l'atelier. Et on ne ménageait pas le charbon. Et le combustible était de bonne qualité. Sans fumée. Il n'y a rien de plus difficile que de dessiner quand on gèle des mains.
L'éclairage au gaz était gratuit.
Et on promettait d'améliorer encore le chauffage. On prolongerait le réseau de tuyauterie d'eau chaude qui chauffait les calorifères de fonte ouvragés des magasins.
Manger à sa faim.
Boire quand on a soif.
Faire un travail utile.
Avoir chaud.
Que demander de plus à la vie?
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25 oct. 2013. État 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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