HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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25.7.12

199. LES DORMEURS QUI MARCHENT, LES MARCHEURS QUI RÊVENT, LES MORTS QUI DORMENT DEBOUT

Henry Dickson prépare la nourriture du chat, vide la nourriture du chat dans son plat sur le sol d'un coin de la cusine, se retourne pour laver la boite à l'évier et la jeter dans le bac de récupération, se retourne, le bol est vide. Pas de chat.

Pendant ce temps, un homme marche rapidement puis lentement.

Un léger choc dans sa tête, dans son crâne

_ Hein!

Il regarde autour de lui

_ Mais qu'est-ce que je fais ici?

Comme s'il se réveillait. Mais il était debout. Dans la rue. Habillé.

Et autre question: où c'es ici?

Le dernier souvenir de lui qui lui reste était lui dans son appartement. Il regarde sa montre. La date et l'heure. Presqu'une journée a passée. Une demie journée. Comme s'il avait passé la nuit dehors.

La dernière pensée qui lui reste avant celle-là était qu'il avait envie de dormir. Il était tôt mais il était fatigué. Et il faudrait travailler le lendemain donc être en forme donc dormir. Et il était déjà en retard pour le boulot. Et ensuite, cette nouvelle pensée, inquiétante, terrifiante: mais qu'est-ce qu'il faisait ici?

Il secoua sa tête comme si le fait de la secouer pourrait remettre en place les soudures à l'intérieur. Ce qu'on conseillait de faire avec les anciennes radios ou les épouses défectueuses.

Il essaya de s'orienter.

Chercha un nom de rue ou de commerce qui lui dirait quelque chose. Il trouve bien un nom de rue sur un poteau. Mais rien. La ville était grande. Et lui pas grand chose. Était-il même dans la même ville que la veille?

Il restait des poteaux de bois dans ce coin, élecricité et téléphone, il était donc dans les bas quartier de la ville, ailleurs, on les enterre. Dans les ruelles de l'arrière des immeubles, il y a une fausse rue. Le devant faisant face à la vraie rue. Ici, c'était la voix de circulation des camions de livraisons et des ordures. Et des choses qu'on ne veut pas voir, comme le poteaux de bois crésotés et les mandiants. Ils dorment ici mais demandent la charité en avant, dans la vraie rue où défilent les vrais passants.

Il n'aimait pas cet endroit. Sombre le jour, à cause de l'étroitesse de la rue et de la hauteur des immeubles aux vitres sales, pas besoin de les laver, personne ne les voit d'ici. Les vraies fenêtres avec des vitres propres sont pour le bon côté de la rue. Là où les gens peuvent admirer la belle facade des immeubles. La belle pierre. Les autres côtés sont en brique ordinaire et en briques sales au dos. Il y a aussi les escaliers d'incendie rouillés.

Cet endroit ne devait pas être très rassurant la nuit. Il y avait quelques lampadaires sur les poteaux mais la belle lumière était pour l'autre côté, là où il y a des vitrines à regarder et des portes invitantes qui mènent à des commerces où on est content de recevoir des gens.

Ici, les gens ne devaient pas être contents. Et on n'aimait probablement pas rencontrer les gens qui y vivent. Vraiment, les gens naturellement contents ne devaient pas vivre ici et s'ils y étaient obligés, ils ne devaient pas rester contents bien longtemps.
Il passa du bon côté de la rue, propre, claire, content. Chercha une boutique à touristes et acheta une carte. Encore un immigrant qui parlait une langue, était-ce une langue? Ou émettait des sons et des bruits étranges. Pourquoi les gens à peau foncé ont-ils tous l'air d'être sale. Ce qui fait éviter de les approcher au cas où ils pourraient puer en plus.

Mais même si l'étranger avait l'air d'être un animal sale et puant, ayant l'air de se complaire dans un commerce remplie de mouches mortes, à l'agonie et vivantes qu'il pourchassait avec son tue-mouche et écrasait même sur le comptoir sans les ramasser. Non, il n'aimait pas les étrangers. Le problème était que la ville était remplie d'étrangers et que le monde entier était plein d'étrangers. Ils utilisèrent le langage universel commun aux humains, mêmes sales, celui de l'$. Prix sur la carte. Taxe. Taxe sur la taxe.

Paya. Heureusement, il avait de l'$. Il accepta dédaigneuement la monnaie que lui tendait la main sale de l'étranger. Il avait envie de la laver. Où avait-elle été avant d'aboutir dans son tiroir caisse ancien, démodé et sale.

Il sortit en yant envie de se gratter.

Non, il n'aimait vraiment pas les étrangers.

Comme pour faire exprès, il était à égale distance de chez-lui et de son travail. En retard. Est-ce qu'il avait passé la nuit à marcher? S'il n'avait pas marché, il s'était assis où? Combien de temps? Il avait faim, donc il n'avait pas mangé. Il n'avait pas le goût du vieil alcool mal digéré dans la bouche. Il n'avait peut-être pas bu. Il avait envie de fumer mais il ne lui restait plus de cigarettes.

Impression générale. Comme s'il sortait d'un gymnase. Sans avoir pris de douche. En sueur.

Il se sentait sale et avait l'impression qu'il sentait mauvais. Il avait de la poussière sur son costume et le bas de ses pantalons étaient sombres et mouillés. Et il avait l'impression que sa peau était poisseuse, mouillée, suante. Comme s'il avait travaillé. Physiquement. Comme il l'avait déjà fait dans sa jeunesse. Son emploi actuel consistat à examiner des dossiers et à les noter. Ceci n'avait aucun intérêt pour lui et ne servait probablement à rien mais dans la compagnie qui le payait, on en jugeait autrement. Le travail était mal payé mais pas fatiguant et pas salissant.

Il y avait probablement des humains en avant des dossiers qu'il observait et après, et ses notes avaient sans doute des conséquences pour ces humains. Mais ceci ne le concernait pas. Et c'étaient des étrangers.

Il n'irait pas travailler aujourd'hui. Pas dans cet état.

Il fallait qu'il dorme. Il dormait des moins en moins. Et pour dormir, il devait trouver un moyen de revenir chez lui.

Chez lui, il penserait mieux.

Ici, il ne se sentait pas libre de penser. Tous ces étrangers. Il avait l'impression qu'il devait penser vite et ceci l'épuisait déjà. Chez lui, il pourrait penser lentement.

Mais, avant, il dormirait.

Ensuite, il pourrait penser.

À lui. À ce qui lui arrivait.

Il avait des... il n'osait pas utiliser le mot «crise».. de plus en plus fréquente.

C'était quelque chose dans sa tête.

Il n'y avait pas seulement les oublis.

Et le fait de se retrouver ici et ne pas savoir ce que c'était que cet ici et où c'était ici. Et depuis quand il était parti de chez-lui, qu'est-ce qui l'avait fait partir et pour où. C'était déjà tout un problème. Mais il ne penserait pas à ce problème ici. Il y penserait chez lui. Après avoir dormi. Il aurait alors l'esprit plus clair.

Autre problème.

Son esprit.

Son esprit, son cerveau, qui.

Qui avait des. Qui avait des pannes.

Pouvait-il appeler ça des pannes de courant?

Ou des chutes de tensions.

Ou des délais.

Car c'était trop brefs pour utiliser le mot panne. Comme il n'aimait pas utiliser le mot crise.

Sauf cette fois.

Où se retrouvait ici. Il chercha sur la carte, dans l'index des noms de rues, le numéro vertical et horizontal qui lui dirait où était cet ici.

Cette fois, il avait eu toute une panne.

Mais  généralement c'était.

Comme si on passait d'un disque dur à un autre. Comme dans une vieille machine. Il y avait un délais, un vide, une attente, un blanc, dans le flux d'information, entre les 2 disques. Délais, laps de temps, très bref, mais reconnaissable. Embêtant.

Comme lorsqu'on attend qu'un site Internet se décharge ou télécharge lorsqu'on n'a pas la haute vitesse. Il n'aimait pas avoir des ordinateurs lents. Et encore moins avoir un cerveau lent.

Non que son cerveau soit lent, c'étaient plutôt les coupures de courant ou d'information. Il ne pourrait pas le faire réparer.
Par exemple, lorsqu'il composait un numéro de téléphone. Pas un nouveau numéro, dans ce cas, il devait se l'écrire et le lire, car il ne parvenait pas à se souvenir de plus d'un chiffre à la fois. Écrire. Lire le premier chiffre. Le composer sur le clavier. Lire le second chifre. Ceci 10 fois. Pour les numéros les plus fréquamment composés, il utilisait la composition automatique programmée mais le temps qu'il mettait à incorporer ces numéros dans l'appareil était si long - la lecture des 10 chiffres- que c'en devenait épuisant et 'il préférait limiter le nombre et utiliser cette fonction pour les numéros les plus importants ou les presques indispensables.

Même s'il n'avait pas vraiment de numéros importants ou même moyennement importants. Quant aux numéros indispensables.

Non, il ne connaissait pas vraiment de numéro indispensables dont il fallait absolument se rappeler.

Il avait fait de même pour son téléphone cellulaire ce qui était.

Et si c'était seulement pour les longs numéros. Même les numéros  courts comme les 4 chiffres de l'alarme de son appartement. Il les savait par coeur, n'en avait pas changé depuis des années, n'avait donc pas besoin de les noter, il composait les 2 premiers, facilement, et entre le deuxième et le troisième, fffff! le changement de disque, comme un flottement, presqu'un vertige, presque, comme s'il tanguait, et ça lui revenait, il n'avait pas oublié le troisième et le quatrième qui se faisaient facilement.

C'était juste lent.

Soudainement lent.

Comme.

Comme s'il y avait un vide. Une rupture entre les nombres. Puis les nombres revenaient.

Défaut de fabrication de son cerveau?

Pas réparable.

Il ne pouvait pas faire comme avec le disque dur de son ordinateur, le faire changer pour une meilleur, plus rapide avec une plus grande quantité de mémoire. Ou acheter simplement un ordinateur neuf. Avec plus de mémoire. Et une mémoire plus rapide.

Son cerveau l'inquiétait.

Quelque chose se passait dans son cerveau qu'il n'aimait pas. On prend pour acquis ses possessions jusqu'à ce que.

Il avait 2 bonnes jambes. Tout le monde n'a pas de bonnes jambes.

Il avait tous ses cheveux.

Ceci le rassurait.

Quoique, dans le cas du cerveau, on ne sache pas vraiment qui possède qui et quoi. Il est le seul intercesseur entre la réalité et nous. Entre ce qu'on perçoit comme la réalité. Et là est ce qu'on appele soi. Queque part là-dedans, il y a soi. Nous. Moi.

Et dehors, il y a eux.

Les étrangers.

Compliqué.

Personne ne se pose des questions de ce genre à moins d'y être obligé.

Et ses pannes de plus en plus fréquentes l'avaient amené à se poser des questions.

Comme lorsqu'il avait eu une maladie vénérienne d'une salope. Une étrangere en plus. Qui l'avait sali.

Son pénis avait été défectueux pendant un moment.

Il avait même pissé du sang.

Mais on lui avait donné des pilules et c'était réparé.

Quelque fois, c'était lorsqu'il s'endormait, lorsqu'il était sur le point de s'endormir. On lui avait expliqué le phénomène. Ceci avait pris du temps parce que personne n'avait d'explication avant qu'un neurologue ne lui explique ce qu'on considérait normal chez ses collègues. Étant donné l'état des recherches actuelles.

Lorsqu'on dort, le coeur continue à battre, le sang de circuler, les poumons de respirer. Le cerveau gère tout ça. Il ne dort pas. Il se met en phase de veille comme un ordinateur. Les fonctions les plus importantes, les vitales sont maîtrisées. Nous, on, soi, moi, avons l'impression de dormir parce que toutes les autres fonctions sont éteintes, que nous sommes quasiment paralysé ou ce qui s'en rapproche le plus. Et que nous sommes coupés pour quelques heures de la réalité. Et nous sommes éteint. Off! Quelque chose de nous dort. Ceci on n'en sait rien. On peut en penser quelque chose après. Lire quelque chose à ce sujet. Poser des questions. Mais lorsque ça se passe, on, nous, soi, moi, est ailleurs. Désactivé. Débranché. Pas mort. Mais on pourrait être mort. Ou dans le coma. On n'en saurait rien. Quelque chose de nous veille sur nous. Et nous n'en savons rien parce que nous sommes, disons, déconnecté. Soi. Nous. Toutes les sortes de soi et de nous et de moi sont coupés et séparés.

Off!

Généralement, chez les plupart des gens, le passage entre l'éveil et le sommeil se fait doucement, imperceptiblement. Un moment avant, ils pensent à ci ou ça et le moment d'après, ils ne sont plus là. Ce n'est qu'au réveil, des heures après, qu'ils sauront qu'ils ont dormi.

Chez lui, mais ce n'était pas rare, malheureusement, le passage de l'éveil au sommeil se faisait brutalement. Encore le changement de disque dur. Il avait l'impression, un instant de tomber. Même couché, sur un grand lit, c'était si brutal que quelque chose de semblable aurait été que le plancher de sa chambre s'effondre et qu'il tombe dans le vide. Vraiment l'impression. Plus qu'une impression, il tombait. C'était si violent que la peur le faisait se réveiller pour un moment se demandant ce qui venait de se passer. Et il en avait ensuite peur de se rendormir. Jusqu'à ce que le sommeil soit trop fort. Mais, heureusement, cette fois, il ne tombait plus.

Parfois, oui, il tombait endormi, c'était le mot. Parfois le fait de tomber, le réveillait. Oui.

L'explication scienfique voulait que la rupture de contact entre son système nerveux central servant à l'éveil et à sa vie éveillée de tous les jours et le système secondaire, primaire, nécessaire au sommeil et au contrôle des fonctions primitives vitales se faisait trop rudement chez lui.

Et ce n'était pas seulement.

Parfois lorsqu'il descendait un escalier, il avait une de ces abscences, autre nom qu'il avait donné à ce phénomène envahissant qui se mêlait à toutes sortes de moments de sa vie, quelque fois lorsqu'il descendait l'escalier, il mettait le pied sur une marche, ce qu'on fait automatiquement sans y penser, le pied fixée sur la marche, le corps stabilisé, l'autre pied s'en allant déjà à la marche suivante.

Et là, ffff!

Il perdait le contact. Comme s'il avait eu le vertige. Jusqu'à présent, ça avait duré si peu longtemps qu'il avait eu le temps de mettre le pied sur la marche suivante. Mais il aurait pu tomber. Rater une marche.

Mais, mais, oui, ça avait duré assez longtemps pour qu'il oublie qu'il était dans un escalier, en train de descendre - ceci ne lui arrivait pas lorsqu'il montait.

Il avait perdu le contact avec lui-même et son pied. Une fraction de seconde. Un peu plus et il aurait tombé. Basculé. Jusqu'à présent, il n'avait pas basculé.

Mais un jour.

Combien de fois pouvait-il manquer tomber avant de vraiment tomber vraiment?

Mais cette hésitation, ce sentiment de ne pas savoir où il était ou, plutôt, de ne pas avoir su où il était, comme s'il émergeait d'un autre endroit, ailleurs.

Le temps du passage d'une marche à une autre.

Plus jeune, il avait déjà ressenti ce genre de chose mais pas dans un escalier. À cette époque, il montait et descendait très bien les escaliers. Mais en classe. Le professeur expliquait. Il se concentrait pour comprendre, prendre des notes.

ffff!

Il revenait à lui. C'est comme s'il revenait à lui. Mais il n'avait pas dormi ni rèvé éveillé. Il savait très bien la différence entre dormir, rêvasser et. Le prof continuait à parler. Sans que ce qu'il dise ait de rapport avec ce qu'il avait entendu il y a, il y a. Il regardait l'heure sur la grosse horloge au dessus et au centre du tableau. Il venait de se passer 10 minutes. Il avait été ailleurs.

Il regardait les notes qu'il avait pris. Il voyait le mot coupé.

Lorsque son esprit était parti.

Ensuite, il devait utiliser tout son cerveau disponible pour comprendre ce qu'il avait raté. Parfois, c'était facile avec les profs qui répètent pour les plus lents. Quelque fois, c'était.

Souvent ça le reprenait au travail. Avec sa femme. C'est pour ça qu'elle l'avait quitté. Il ne s'intéressait pas assez à elle. Son explication à elle. Au contraire, il s'intéressait à elle. Il essayait de l'écouter mais tout à coup il partait. Revenait. Et elle le regardait. Comme sa mère. Elle s'était aperçu qu'il était parti. Avec des yeux de reproche. Elles interprétaient toutes les deux ce fait comme si elles l'ennuyaient. Sa mère, l'excusait en disant qu'il était distrait et les gens intelligents sont distraits. Mais ce genre d'explications ne convenait pas à sa femme. Elle parlait. Ça l'endormait. Il faisait semblant de l'écouter. Son explication. Puis ne faisait même plus semblant. Son explication encore. Et une fois qu'une femme a commencé à expliquer, il n'y a plus rien à faire.

Une femme qui a l'impression de parler tout seule, c'est une des raisons qui fait qu'elle cherche à être en couple, pour ne plus être seule. Une femme qui a l'impression de parler toute seule, avec quelqu'un en face d'elle, une femme...

Elle n'aime pas.

C'est lorsqu'il avait oublié son nom qu'elle était partie. Elle était déjà parti avant mais elle était resté, avait essayé, parlé de partir, était revenue, trouvant une raison de plus pour rester avant de partir.

S'il avait seulement oublié son nom, elle aurait peut-être pensé qu'il était malade, qu'il deviendrait comme sa mêre, mais il l'avait appelé du nom de la femme qui était là avant elle et qui était parti elle aussi.

ffff!

Encore une fois, le passage à vide. Et le défilement de plusieurs noms de femmes pendant qu'elle parlait, ce qui le rendait certainement moins attentif mais elle était de ces femmes qui tiennent à ce que leur amant se rappelle et se souvienne de leur nom.  Il fallait donc qu'il puisse le dire au bon moment. Et pour ça qu'il le retrouve dans la liste des noms possibles.

Depuis ce temps, il était seul.

Depuis ce temps. Il ne savait pas très bien combien de temps voulaient dire ces mots. Il avait cessé de compter. Comme il avait cessé de changer les pages de son calendrier. Et même de changer de calendrier lorsque l'année était finie, terminée et qu'une autre année commence. La plupart des gens aiment les années nouvelles, les calendriers neufs, les agendas sous plastique attendant qu'on les déballe.

Ses horloges pointaient toutes des heures différentes, marquant le moment où leurs piles avaient rendu l'âme.

Et l'horloge du poèle de sa cuisine qui clignotait sans cesse depuis la dernière panne de courant.

Il avait pensé la reprogrammer. Puis avait pensé que ces clignotements avaient quelque chose de vivant, de régulier. Rassurant.

Il avait pensé avoir un chat.

Mais un animal ou une femme c'est compliqué.

Tandis que l'horloge numérique lumineuse de sa cuisinière électrique avec ses chiffres verts sur fond noir.

Il la regardait et se sentait bien.

Un peu comme au début quand il regardait sa femme.

Avant tous ces reproches. Ces explications qui n'étaient pas vraies.

Les étrangers sont compliqués.

Et sa montre était une heure en retard.

Il n'y avait que sa montre qui donnait à peu près l'heure juste. Et la TV lorsqu'il regardait les nouvelles du soir. 10 heures.

Tous les soirs.

Mais à sa montre, il n'avait pas effectué le changement d'heure. Entre l'heure d'hiver et l'heure d'été.  Il fallait donc qu'il pense que.

Penser le fatiguait.

En marchant jusqu'à l'arrêt d'autobus, il cessa de penser à sa montre et fit un effort pour repenser à lui et à ici.

Il essayait de se souvenir de ce qu'il avait pu faire cette nuit. Environ 8 heures qui lui manquait.

Est-ce qu'il avait marché tout ce temps?

Il y avait plusieurs milles entre son appartement et l'endroit d'où il avait émergé. Il avait peut-être pris un taxi mais il n'avait pas demandé de reçus puisqu'il n'en avait pas dans sa poche ou il l'avait jeté.

ffff !

Il était assis au fond de l'autobus.

Ne se rappelait pas être entré dans l'autobus ni l'avoir vu venir ni avoir payé.

Il fallait qu'il se concentre sinon il raterait son arrêt, passerait devant et se réveillerait mais il ne dormait pas et ce serait comme s'il se réveillerait plus loin.

Il devait être attentif.

À lui. Au monde qu'il habitait. À sa place, petite, minuscule et sans intérêt dans ce monde.

C'était épuisant.

D'être attentif tout le temps.

Car s'il cessait de se concentrer sur le moment présent. Il se retrouverait ailleurs plus tard.
Qu'est-ce qu'il avait fait cette nuit?

Ses mains l'agaçaient depuis un moment. Il avait l'impression qu'elles étaient collantes. Comme s'il avait mangé et ne s'était pas lavé.

Pour la première fois il les regarda, les observa, comme des corps étrangers greffés à lui.

Elles étaient couvertes de sang.

Il n'était pas blessé, ne ressentait aucune douleur, ce sang n'était pas à lui.

Mais à qui était ce sang?

*

25.27  juillet 2012. État 2