HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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14.9.12

237. SOUS LE PLANCHER DE LA CUISINE UN AUTRE SECRET

Henry Dickson éclaire le trou du plancher et la petite tête blonde tout en bas. Elle lui fait signe de sa petite main. Comme elle a l'air minuscule. Une poupée. Un poupée courageuse.

_ C'est à ton tour de descendre.

Monsieur Dickson tâte les montants de l'échelle, essaie de les tordre mais ils ne tordent pas, secoue l'échelle et la frappe sur le rebord du trou. L'échelle frappe bruyamment les bois et a un son plein et rassurant. Il est plus lourd qu'elle et il serait ennuyant de se casser la gueule face à elle. Mourir, oui. Mais bravement. Pas piteusement. Qui a déjà dit qu'il valait mieux mourir une fois en lion qu'indéfiniment en mouton? Et, de toute façon, il ne s'agissait pas d'un duel pour les beaux yeux d'une belle ou son mouchoir de soie ou de dentelles ou ses petites culottes mais simplement de descendre une échelle.

_ Tu éclaire les barreaux pendant que je descend, je ne vois pas mes pieds.
_ À vos ordres mon Seigneur.

L'échelle grince sous son poids mais  ne remue pas. Et il arrive enfin tout en bas. Il regarde en haut, le carré de lumière de la cuisine.

_ Puisqu'on y est, qu'est-ce qu'il y a à voir?

Il éclaire la chambre secrète avec sa puissante maglite.

_ Intéressant!
_ J'ai d'abord pensé que c'étaient des tombes d'enfants ou de nains. Mais, j'ai étudié les formats standardisés pour mon projet, tu sais mon projet, rien ne correspond. Ensuite, j'ai pensé que c'était des caisses de vin. Un des mes oncles collectionne les caisses de vin. Il y a des collectionneurs de vin, de bouteilles de vin mais lui, c'est par caisse entière. C'est plus cher à l'achat mais ça aura plus de valeur à la revente si c'est un bon millésime.

Et des caisses, il y en avait des caisses. Des caisses de bois. Des caisses de bois de tout format mais trop petite ou trop grandes pour des tombes d'enfants ou de nain ou pas assez rectangulaires pour des bouteilles de vin.

Tous 2 avec leur Maglite éclaire leur dernière demeure - ce qui serait le cas si jamais quelqu'un venait et retirait l'échelle. Pas de fenètre. Des murs de pierre partout. 3 murs de grosses pierres carrées correspondant aux murs extérieurs de la maison et un mur de pierre plus récent donnant sans aucun doute (mais pour le savoir il faudrait faire un trou) sur la cave. Pas de porte. Ni de fenêtre. Une sorte sortie et entrée, la trappe ou le trou au-dessus de leur tête.

_ Pourquoi se donner tout ce trouble?
_ Si tu étais de l'autre côté du mur, dans la cave, il faudrait essayer, tu aurais beau sonder le mur, il n'y aurait aucun son signifiant le vide et le creu. La cachette idéale.
_ Mais pour cacher quoi?
_ C'est ce qu'on va découvrir à l'instant.

Des caisses et des caisses, des rangées de caisses, des colonnes de caisses, des murs de caisses, des ramparts de caisses, des édifices de caisses. Tant de caisses de bois. Rangée le long de tous les murs de pierre. Avec un espace entre les rangées de caisses et les murs de pierres pour laisser l'air circuler comme on fait lorsqu'on corde du bois. Évitant que l'humidité entre en contact avec le bois ce qui est toujours dommage.

Elle essaya de soulever une caisse

_ Pfff! Quand on pense qu'on les a toutes descendue par ce trou...
_ Pas nécessairement. On a pu les faire entrer en les roulant avec un diable par les doubles portes de la cave, celles du  temps du maréchal-ferrant, on les roule ici, les range et les empile et construit le mur de pierre derrière. Tout dépend du temps dont on disposait. Et de la discrétion à sa disposition.

Elle essaya de soulever une petite caisse plus petite que la précédente. Elle n'avait même pas essayé de soulever les plus grandes.

_ Tu sais la chose qui m'insulte le plus dans le fait d'être femme est nos petits bras.
_ Mais vous avez de grosses cuisses, ça compense.
_ Pas si grosses quand même?
_ Au moins 3 ou 4 fois vos bras. Il y avait un vieux marin que je connaissait qui se plaignait de ses jeunes recrues. Il disait que dans son temps, les marins avait les bras aussi gros que leurs cuisses et que maintenant et maintenant c'était il y a un bon moment, ils avaient les cuisses aussi grosses ques leurs bras. Manque d'exercice pour les hommes. La nature et l'Évolution et Darwin pour les femmes.
_ Un bonhomme intéressant ce marin.
_ Très, il avait déjà assisté à une appartion de la Vierge
_ Comme les enfants de Fatima?
_ Oui. Mais lui c'était des rectangles et des triangles de lumière.
_ Quel rapport?
_ Une voix lui disait que c'était ça qu'il fallait voir. Il m'a même fait un dessin.
_ Je me doutais qu'il y avait une voix.
_ Il m'a aussi raconté qu'un de ses marins refusaient d'enlever son gilet même lors des chaudes journées d'été. C'était un vieux marin qui était resté marin toute sa vie. Et dans le métier, tout le monde vient de partout et personne ne pose de question. Il suffit qu'il fasse bien son job puisque la vie de tout le monde en mer dépend du plus petit marin. Il raconte que d'habitude, on laissait tranquille les gens de l'équipage. Mais ce jour là, tous avaient un peu bu et l'idée leur pris de déshabiller celui qui ne voulait jamais le faire. Il n'aurait pas dû, comme toutes les bonnes idées qui viennent lorsqu'on est saoul. Sous son gilet, il y avait son dos et son dos était couvert de traits cicatrisés.
_ Tatouage?
_ Pire. Il était vieux alors mais il était jeune lorsque sur les bateaux on fouettait les marins dans les cas de viol. Normalement, on ne s'occupait pas de ce que faisait les marins au port en permission. Mais quand ils dépassaient les bornes, on le leur montrait. Et les traces de fouet ne disparaissent jamais.
_ Bien fait pour lui.
_ Je ne le plaint pas. C'est juste une histoire.
_ Une histoire vraie?
_ Oui. Marin. Vieux marin. Bateau. Apparition. C'est lui qui racontait.
_ Et on en revient à mes petits bras
_ Et à tes grosses cuisses et tes grosses fesses.
_ L'évolution, Dieu, Darwin. Puisque tu es si fort, soulève.

Monsieur Dickson souleva un bord de la caisse la plus proche de lui par les poignées de cordes tressées.

_ Ok! Ok! Tu es fort! Très fort! Et je suis faible.
_ Mais on vous aime quand même.

Elle éclaira les murs de caisses et des lettres et des noms inscrits à l'encre ou à la peintre au pochoir apparaissaient.

_ C'est une sorte de jeu questionnaire.
_ Oui.
_ Les mots indiquent le contenu des caisses mais il ne veulent rien dire
_ Pour toi.
_ Parce que pour toi, ça veut dire quelque chose?
_ Non seulement, les caisses parlent mais elles ont une jolie voix
_ Tu me niaises?
_ Femme de peu de foi.
_ Ok! Est-ce que ça vaut quelque chose?
_ Ça dépend
_ Comme d'habitude.
_ Ça dépend à qui tu en parles. Ce que tu vois ici, valait des millions au moment de leur installation. Au moins un million. Ou pas loin. Mais aujourd'hui. Si c'est bien ce que je crois que c'est. Si ce qui est inscrit sur les boites correspond au contenu. Le problème est comment écouler tout ça à la piece sans attirer l'attention.
_ Tu crois qu'il y a un danger?
_ Ou crois-tu que proviennent ces caisses. De l'État. Et même si ça date de longtemps, je suîs sûr que c'est écrit quelque part. Et je ne crois pas qu'on les a enlevé d'où elles étaient pour les cacher ici sans laisser de trace. Il y a bien un fonctionnaire quelconque qui sera informé par la police qui aura redécouvert ces objets qui fouillera dans les archives. Si on les vend, vaut mieux s'en débarrasser d'un coup. Trouver quelqu'un qui ne marchandera pas. Mais on n'en aura que la moitié de la valeur.
_ Donc tu crois encore que ça vaut quelque chose?
_ Il y a des collectionneurs qui vendraient leur vieille mère pour ça. Des trucs d'époque, neufs, qui n'ont jamais servi.
_ Ne me dit pas que ce sont des photos coquines de 1900 comme dans un de tes catalogues.
_ Chacun ses perversions mais ceci n'a rien à voir avec les moeurs et coutumes des bourgeois. Oui si mais pas ce que tu penses.
_ Je te l'ai dit, je ne pense rien.

Pour mieux penser, sans soulever une caisse, elle essaya de forcer un couvercle de bois avec le bout de sa Maglite. Encore une fois ses bras, ses poignets et ses mains étaient trop faibles.

_ Comme je déteste être faible.

_ Ces couvercles sont cloués. Je n'ai aucun levier pour le forcer aussi je n'essayerai même pas.

Il alla vers l'échelle

_ Tu me laisses toute seule?
_ Je reviens dans un instant. Il me faut 2 outils indispensables.

Monsieur Dickson monte et descend l'échelle avec ses outils. Un marteau Eatwing et une barre de déconstruction.

Il introduit la barre entre le couvercle de bois et le reste de la  boite, cogne avec le marteau. La grande pièce, plutôt une salle s'emplit de l'échos du métal cognant le métal et résonnant dans le bois sec qui craque et s'ouvre lentement au fur et à mesure que les clous se désolidarise des parois.

Le couvercle se soulève enfin, Il arrache ce qui reste encore pris. Bruit de lamentation du métal et du bois unis depuis trop longtemps et trop violemment séparés.

Soulève, écarte et retire précautionneusement le papier huilé et une délicieuse odeur d'huile emplit la salle. Cette odeur délicate flottait déjà partout mais était si diluée et si discrète depuis le temps qu'elle n'était plus reconnaissable que pour les connaisseurs.

_ Je connais des hommes qui auraient une érection en voyant ça.
_ Certainement pas moi.
_ Heureusement!

*

14 sept. État 1