HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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19.10.13

391.87.6. MONSIEUR ADOLF HITLER PENSE AUX JUIFS

Monsieur Adolf Hitler pensait aux juifs.

La vie est un théâtre. Surtout si on fait de la politique. Mirage. Illusion. Apparence. Jeux de marionnettes.

Seuls les enfants croient aux bons et aux méchants. Au Mal et au Bien. 

Il n'y a que des idées, des buts, des décisions. Et les moyens pour les atteindre.

Des moyens efficaces et inefficaces.

Donc Mauvais.

Le Mal était l'erreur.

Il pensait à tout ça en agitant le bras vers la délégation d'athlètes Allemands qui défilaient fièrement. Ces soldats du sport. Porteur du sang de la race. 

Dans son ancienne vie, alors qu'il était artiste - il ne savait pas s'il serait peintre ou architecte ou un peu des deux comme les grands anciens - il n'avait aucune opinion particulière au sujet de la race. C'étaient des concepts primitifs. On pouvait entendre Wagner et ses grandes voix. 

Un peintre ne pense pas.

Ses idées sont des couleurs. Des formes. Des traits. 

Le peintre qui ne pense pas - ses dessins sont ses pensées - Vinci disait que «la pittura è mentale» «Una Cosa mentale» se pose devant les formes et les couleurs dans un certain ordre assemblés. Les objets et les êtres. 

Lorsqu'il était fatigué, il allait prendre une bière avec des amis - à ce moment il avait des amis- et revenait se coucher. La vie se passait très bien.

Et il préparait son entrée dans une grande école pour parfaire sa formation.

Probablement qu'il aurait été jeté dehors ou serait parti de lui-même. Alors, dans toute l'Europe, les nouveaux artistes étaient fatigués des vieilles formes et des idées anciennes, qui avaient été pendant longtemps de nouvelles idées et des formes vivants. 

Mais le temps - 500 ans depuis la Renaissance - avait tout figé. 

Dans la cire. Comme le musée Grévin ou le musée de Madame Tussauds, musées de cire à Paris ou Londres. 

Et des professeurs mités enseignait encore des sciences mortes alors que la photo remplaçait les images. Rendant inutile tout leur savoir. La photo concurrençait les besogneux. Les bourgeois toujours économes préféraient la photo moins chère et plus rapide pour immortaliser - terme consacré - leur famille et leurs biens. Il restait alors aux peintres à chercher du nouveau. À scandaliser le bourgeois si sensibles aux bonnes moeurs. Les apprentis artistes entraient dans les écoles et dès qu'ils se rendaient compte de ce qui s'y passait, s'enfuyait.

Il n'y était pas entré. N'avait donc pas pu s'enfuir. N'avait pas eu un aperçu de ce qui se passait dans le monde de l'art d'alors. Et était resté provincial et bourgeois. 

Mais il était jeune et pouvait changer. 

Etait alors arrivé la catastrophe. Une de ces épidémies sociales inventées par les politiciens. Ils ont de grandes ambitions. Ils peuvent longtemps se servir des banques et des contrats. Arrive un jour où ils sont devant un mur. Un concurrent est aussi habile qu'eux à ce jeux de papier. 

On en revient aux vieilles pratiques.

La guerre est la poursuite de la politique par d'autres moyens.

Les affaires sont la poursuite de la guerre par d'autres moyens.

Et c'est la guerre.

Il faut de la chair fraîche. 

Comme il était jeune et influençable, avait peu vécu, il fut soumis à ce torrent mental qui emporta sa pauvre tête dans les tranchées. 

Quoiqu'il préférait le vélo.

Il fallait porter les messages lorsque les lignes téléphoniques étaient coupées. Les estafettes le faisaient. Leur durée de vie moyenne était de 10 jours. 

Chanceux, il avait toujours été chanceux, il dura toute la guerre. Et devint un peu fou. Comme à peu près tout le monde dans cet enfer.

Les gaz de combat eurent raison de son esprit et de ses yeux. Après tout ce qu'il avait vu, il n'en avait plus vraiment besoin. Pas plus que de sa vie. Ou de sa raison. Quand on a vu ce que les hommes sont capables de se faire, on n'a plus vraiment envie de rester en leur compagnie. 

Quant à l'art qui est la célébration du vivant et la représentation de l'homme - quand l'homme vous donne envie de vomir - on n'a plus vraiment besoin de crayons ou de pinceaux. 

Sa soeur l'amena voir un médecin. On ne connaissait pas vraiment les troubles psychosomatiques ou le choc post-traumatique à cette époque. Et les horreurs inimaginables de cette première guerre moderne suffisaient à rendre fou n'importe qui ne l'était pas déjà avant. 

Et les médecins aliénistes avaient l'habitude de traiter les soldats qui en étaient atteints en les envoyant dans des bataillons disciplinaires ou en première ligne où ils serviraient de bouclier vivant aux véritables soldats qui les suivraient. C'étaient des tire-au-flanc, des lâches qui fuyaient le combat. Et n'avaient même pas cette sorte de courage absurde se tirer une balle dans le bras gauche - si on était droitier - ou dans la main ou le pied, pour se faire exempter du combat. Ce qui vous amenait encore plus rapidement vers le peloton d'exécution. Ou c'était des chocs électriques au cerveau qui faisait lever de terre les «malades imaginaires» jusqu'à ce qu'ils en aient assez. Ou soient définitivement infirme. Ou préfèrent retourner bravement au font plutôt que de subir ça.

Les français qui se prétendent civilisés tiraient sur les fuyards. Et leurs généraux, les mêmes imbéciles qui firent si bien à la guerre suivante, faisaient tirer au canon à l'arrière de leurs troupes pour les inciter à avancer vers l'ennemi. Rapprochant de plus en plus les tirs pour les encourager à aller encore plus vite.

Donc, il était devenu aveugle et fou.

Et le médecin qui le soigna - la guerre était finie, on n'avait plus besoin de soldats mais d'ouvriers - lui dit qu'il ne pouvait pas se laisser aller comme ça. Il chercha sans doute une raison. Se souvenait probablement de la propagande si récente. Il lui affirma que son pays avait besoin de lui. - il n'avait pas le droit de mourir - sa vie ne lui appartenait pas - et comme il avait certains pouvoirs magnétiques (on appelait ce genre de choses ainsi), il le guérit. Ou le fit bouger le sortant de sa prostration.

Il bougeait donc.

Il se retrouva donc vivant. Sans aucun but dans le vie. Ni aucune raison de vivre. 

Il voyait aussi mal qu'avant. Mais il voyait.

Il retrouva un ancien camarade de guerre ou celui-ci le retrouva. Contrairement à beaucoup d'autres, inutilisables, il était non seulement vivant mais fonctionnel - ou à peu près - et en un seul morceau. Les nouvelles armes avaient ce don de vous dépiauter comme un poulet en une seconde. Et les médecins de guerre qui prenaient de l'expérience arrivaient à soigner sinon guérir ces loques humaines. On n'avait plus besoin d'achever les blessés sur le champs de bataille comme dans le passé. Ils pouvaient mendier comme tous les autres.

Puisqu'il avait besoin de travail et qu'on l'occupe, son camarade lui proposa de servir l'armée autrement. Il y avait de l'agitation dans les rues. Il fallait des gens capables d'aller partout et assez vigilants pour recueillir le pouls de la population. Deviner où une crise allait subitement surgir. 

Beaucoup d'anciens militaires étaient revenus et ce qu'ils disaient de la guerre et du fonctionnement de l'armée était trop négatifs. 

On cherchait des coupables pour ce qu'on appelait une abomination et on pointait l'armée. S'il fallait des coupables, on devait les trouver au gouvernement. L'ancien empire s'était effondrée. Il y avait des bourgeois qui essayaient de diriger ce pays blessé rempli d'éclopés. 

Comme il n'avait rien à faire d'autre - et qu'on lui interdisait de mourir - il fit ce qu'on attendait de lui.

Ce n'est que bien plus tard qu'il s'intéressa à la politique.

On parlait de revanche.

Les vainqueurs avaient exigé une énorme rançon. On avait exproprié les industries. Confisqué le trésor de l'État. On voyait l'Allemagne comme un pays agricole que l'on traiterait comme une colonie. Comme si l'Allemagne était responsable de la guerre. Comme s'ils croyaient à leur propre propagande selon laquelle cette guerre était au nom de la liberté. 

C'était une affaire de marine marchande et de guerre. L'Allemagne voulait ses bateaux. Ce que l'Angleterre et la France ne voulait pas.

Il fut facile de convaincre leurs populations d'aller se faire tuer pour de si belles idées. Les gens croient n'importe quoi.

C'est cette idée si vraie que les gens sont prêt à croire n'importe quoi et, comme il l'avait vu, à obéir à n'importe qui, à se faire tuer pour des gens qu'ils détestent, des idées qu'ils méprisent, si, seulement si, des gens qui leur font peur le leur ordonne.

Dès la fin de la guerre, l'État-Major préparait la revanche. Qui ne surviendrait que 27 ans plus tard. Comme d'habitude, le temps que les femmes accouchent une autre génération de soldats. On ne pouvait se passer de ces machines vivants. Bien imparfaites mais si utiles. Faute de mieux.

Lui-aussi se mit à penser à la guerre future.

C'était l'évidence. Il y aurait une guerre. Et il faudrait encore plus de gens pour la faire étant donné les puissances des nations qui, elles-aussi, auraient leurs armées innombrables. 

Tous les jours, ils voyaient passer au milieu d'eux, ces fantômes informes de la guerre précédente. Que la médecine avait sauvé du royaume des morts sans parvenir à les rendre tout à fait à la vie. Des monstres. Des infirmes. Déchets humains qu'il aurait fallu abattre pour leur propre bien. Et qui l'auraient fait eux-mêmes si leur religion ne les en avait empêché. 

Il fallait une armée.

Il fallait une guerre. Mais celle-ci surviendrait au moment voulu. 

En 1918 ou en 1919, toute idée de guerre était impossible. Inimaginable. 

Mais en 1928 ? 

En 1938 ? 

En 1948 ?

En 1958 ?

Il pensa qu'en 1958, l'Allemagne aurait suffisamment retrouvé de force pour encore une fois tenter le destin. 

Il aurait 69 ans. Ce qui est encore jeune pour un politicien. Mais son père était mort à 66 ans. 

Serait-il encore de ce monde ? Quelle importance. 

Il n'était qu'un pion. Il avait été un soldat. Il était un espion, un agent d'influence comme bien d'autres. Un baromètre de l'humeur de la population. Un sondeur vivant. Comme de nos jours, il y a des agences de sondages qui font remplir des questionnaires à un échantillonnage de la société. Lui écoutait et rapportait ce qu'il avait entendu à son agent contrôleur. Son ancien ami. Qui était devenu son chef. Il était son aîné. Et plus gradé que lui. Il était démobilisé de l'armée et n'avait plus à obéir. Mais dans les services secrets, il y a aussi un ordre hiérarchique mais invisible pour les gens de l'extérieur. Qui n'en font pas parti.

S'il n'était plus là, un autre le serait. Les fils de l'Allemagne ne manquerait jamais.

C'est en faisant son job d'agent, que sans le vouloir, il se découvrit de nouveaux talents. L'art ne l'intéressait plus, sauf comme spectateur ou esthète. Mais il découvrit la politique. Et, avant, le don qu'il avait de parler longuement. Rien de nouveau auraient dit ses anciens amis artistes et intellectuels. 

Il avait assisté longtemps aux discours de politiciens amateurs. Sans intervenir. Ni pour approuver. Ni pour contredire. Ce n'était pas son rôle. Les services secrets de l'armée avait à leur solde des spécialistes. On subventionnait des partis politiques, des journaux, des écrivains, des journalistes. 

Mais ce qu'il avait entendu une fois l'avait tellement scandalisé qu'il était intervenu. On se moquait de ses camarades morts au combat, on méprisait son pays, on prenait parti pour un pays étranger, ennemi. 

Il avait parlé.

S'était levé. Et avait fait connaître son indignation.

Il leur avait cloué le bec comme disent les français.

Et plus il parlait, plus il aimait ça. Rien de nouveau auraient dit, encore une fois, ses anciens amis disparus. Beaucoup partis en morceaux de chairs sanglantes sur la boue.

Il se voyait comme un tambour. 

Quand il parlait, il entrait en transe, comme jadis le médecin qui l'avait traité et lui avait redonné la vie et la vue et redonné un fils à son pays.

Une grosse caisse qui résonnait.

Et alors qu'il allait faire un autre discours dans une assemblée, il s'aperçut pour la première fois de l'état pitoyable de l'organisation de l'événement. Avant, il ne se serait jamais préoccupé de ces détails. Maintenant, c'était une des choses qu'il évaluait.

Le parti qui avait loué la salle était du bon côté. Celui de l'armée. De la nation. Mais uniquement composé d'intellectuels bourgeois, ils ne faisaient que discuter et se contredire sans jamais décider quoique ce soit. On venait les écouter. Puis on s'en allait. Il y avait, ailleurs, pas loin, un spectacle semblable mais probablement plus plaisant.

Sans en référer à ses supérieurs qui auraient réfléchi longuement à l'efficacité à court, moyen et long terme de cette initiative hasardeuse, il se laissa aller à son destin. À sa première impulsion. Et sortit son pistolet. Les rues n'étaient pas sûres avec tous ces révolutionnaires rouges. Tira en l'air. Menaça les orateurs. Les emmena à l'arrière de la salle. Les menaça encore. Comment des lâches pareils pouvaient-ils diriger un parti quelconque. Aussi insignifiant soit-il ?

Il les fit se réunir et voter. 

Voter à la fois leur démission et leur acceptation de son offre enthousiaste pour diriger leur parti.

Ainsi procédait la mafia pour prendre possession d'un commerce.

Mais son but n'était pas mercantile. Que valait ce parti qui n'avait qu'une table et 4 chaises. Et qui louait une salle de brasserie pour faire ses discours en ramassant des dons en passant le chapeau.

Pitoyable.

Il avait son propre parti. Il le dirigeait. Mais n'avait aucun membre.

Il fit imprimer des cartes de membre numérotées et les fit distribuer lors de l'assemblée suivante. Prenant de force les cotisations. Il avait toujours son révolver militaire. Prudent, il ne se donna pas la carte numéro 1. Il réussit à convaincre des membres honoraires plus argenté qui acceptait - même sans révolver - de contribuer au parti. 

C'est lorsqu'il fut seul. Après que les spectateurs curieux et de plus en plus curieux soient venus et ensuite parti, après avoir assisté au spectacle de cet énergumène qui avait de si grandes idées pour leur pays si malade et blessé qu'il pensa à son avenir et eut une autre idée.

Celle-là aussi il n'en dirait rien aux officiers de l'armée. Des esprits trop terre-à-terre pour comprendre les grandes vues de l'aigle qui vole très haut.

Il fallait une guerre.

C'était inévitable.

Les gens n'étaient pas près. Un homme d'État - il n'était rien à ce moment  - mais pensait déjà comme un chef - doit voir, comprendre, décider, ordonner. 

Le futur est déjà là si on sait voir comme il faut.

Les gens, dans leur esprit actuel, n'accepterait jamais de combattre.

Mais il y avait amplement de chômeurs, de soldats démobilisés et encore en bon était qui ne savaient plus rien faire d'autre que de se battre ou n'avait envie de rien faire d'autre. Si on ne leur proposait rien, ils finiraient par travailler pour les milieux criminels. 

Mais s'ils étaient suffisant pour une police privée, ce n'était même pas une armée. Et la véritable armée n'en voudrait même pas.

Il fallait recruter plus largement. D'abord les mécontents, ceux qui n'avaient rien à faire ni à perdre. Mais beaucoup plus.

Il fallait pour les rassembler une menace, un ennemi intérieur.

Il y avait les communistes qui voulaient imiter leurs frères de Moscou et prendre le pouvoir. Presque tous les soirs, ses hommes et lui les combattaient. Ils interrompaient leur réunions, allant dans leurs salles. Comme eux venaient dans ses salles. D'où le besoin d'une police privée. Non seulement un parti d'idéaliste.

Un seul, lui, suffisait.

Il fallait donc un ennemi intérieur. Sournois. Implacable. Que l'on pouvait désigner. Mais pas suffisamment effrayant pour paralyser les volontés. C'aurait pu être les aristocrates, les Junkers. Qui avait été derrière la guerre. Pour protéger leur pouvoir. Chacun s'occupant de leurs intérêts. 

Mais les citoyens allemands respectaient encore ces vieilles gloires. 

Depuis 10 000 ans, son pays avait eu des rois comme chefs. Son pays avait été plusieurs fois un empire puis une série de principautés que Napoléon dans sa frénésie de conquête avait forcé à se réunir. Ironiquement, la France était à la naissance de son pays. 

L'Allemagne avait été encore amputée à la fin de la guerre. Les vainqueurs se partageant les morceaux ou abandonnaient les os à leurs alliés affamés.

Il fallait donc un ennemi. Implacable. On le dirait tel. Sournois. On le dirait aussi. Secret et mystérieux. Cupide. Sans pitié. Apatride. 

Un groupe, une force capable de menacer tout un peuple. 

Il chercha longuement. 

Les USA avaient leurs noirs qu'on pouvait pendre à volonté. Mais l'Allemagne n'en avait pas.

Une idée brillante et lumineuse lui apparut sur le mur de sa chambre. Comme cela lui arrivait souvent.

Le Juif.

Il n'avait rien contre les juifs. 

Il n'avait aucune opinion sur les Juifs.

Mais il était capable de s'enthousiasmer pour n'importe quelle idée tant il était devenu bon comédien.

Cette idée était fertile de tant de possibilités.

Les Juifs, c'était connu étaient riches. Combien de gens seraient heureux de voir leurs dettes effacées. De prendre leur commerce. Leurs raisons sociales et l'affiche de leur entreprises. Leur appartement. Leurs maisons. 

Il avait déjà vu des gens plein de haine, on les appelait antisémites, il n'aimait pas les gens qui perdent le contrôle de leur émotion.

Lui, au contraire, parvenait à se contrôler en  toute circonstance. Et, encore mieux, à perdre le contrôle, volontairement, quand la situation l'exigeait. Il entrait alors en transe. Comme les sorciers anciens. Un esprit malin ou habile prenait possession de lui. Et il possédait ensuite toutes les personnes qui l'écoutaient.

Leur esprit et leur corps étaient à lui.

Il réfléchit encore à cette idée. Cherchant les avantages et surtout les inconvénients. Il n'y avait que des avantages.

Ce serait laid.

Horrible.

Il fallait surmonter son dégoût.

Comme dans un abattoir, une salle d'opération, une salle d'autopsie ou d'embaumement, rester neutre.

Imperturbable. 

On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs. 

Les gens étaient trop mous. Il fallait leur réapprendre à être brutal. À supporter l'insupportable. 

Il faut que le coeur se brise ou se bronze comme disait Chamfort. Un ironiste français. 

Régulièrement, on leur ferait voir et assister à des spectacles insupportables et ils finiraient par s'y habiter et à y prendre goût.

Mais pour que ces spectacles insupportables et dégoûtant aient véritablement lieu, il lui fallait des brutes primitives enragées. Et il en avait. Des désespérés capables de tout. 

Il fallait agir publiquement. 

Il fallait le dire. Le promettre. Menacer. Que tous entendent. 

Ce serait d'abord dans les rues.

Puis dans les commerces.

Les spectateurs qui n'interviendraient pas par lâcheté finirait par devenir complice.

Comme du temps où l'État faisait des exécutions publiques ou brûlaient de vieilles folles en les accusant d'adorer le démon.

L'Allemagne était riche en biens de toute sorte, y compris en population. Il y aurait bien quelques millions de gens inutiles à massacrer.

Il ne fallait avoir aucune pitié.

Les malades, les pauvres, les infirmes, les vieillards, les enfants, les femmes. 

De leur souffrance, de leur peur, mort, de leurs cadavres qui serviraient d'engrais, naîtraient des monstres. 

Il avait besoin de cette haine.

Ainsi, dans le sang, seraient baptisés ses adeptes. 

Par un sacrifice humain. 

Un bouc émissaire.

Et bientôt, des hommes de fer, des guerriers impitoyables, conquerraient l'Europe. 

Il pensa au monde. Puis changea d'idée. Le monde et la Terre était trop gros. L'Europe. L'Est. La Russie. À la manière de Napoléon mais avec plus de chance. 

Le pétrole de l'Arabie.

Quel plaisir de le voler à ces voleurs d'anglais.

Il aurait besoin de plusieurs décennies. 

La guerre si utile pour rebrasser les cartes du jeu, ne pourrait avoir lieu avant 1958. 

Il était content de son idée. 

Demain.

Demain, il se mettrait à haïr les juifs.

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État 1. 19 oct. 2013