HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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6.10.13

351.47

C’est en retournant à son hôtel.

Il y avait encore une manifestation interdite.

Solution économique choisie par la ville. Taxer les manifestants. Le pouvoir montrait ainsi sa puissance. Il pouvait varier à l’infini la manière d’emmerder les citoyens qui osaient le critiquer publiquement au lieu de rester silencieux. Comme tout bon payeur de taxe.

Et c’était l’occasion pour la police de jouer.

Pour un moment, fini les tâches bureaucratiques. La paperasse. Et l’aide au payeur de taxe. Après tout, ils étaient des fonctionnaires payés pour rendre service.

Heureusement, de temps en temps, c’était la récréation.

Une bonne manifestation illégale.

La parade n’avait pas obtenu de permis.

Ou en avait eu un.

Mais avait choisi d’aller hors du sentier balisé.

Ou un fonctionnaire assez haut placé pour faire ce genre de chose avait décidé d’annuler une permission accordée par un autre fonctionnaire.

Le fun commençait.

Quoi de mieux que de matraquer des gens sans défense et sans arme.

Il serait excessif de tirer sur eux à balles réelles. Il y aurait certainement quelqu’un qui trouverait à redire.

Quoiqu’il soit arrivé que l’on ait à tirer sur un malade mental armé d’un couteau à patate. Dangereux. Et que, dans l’énervement, on vise à côté. Et tue quelqu’un de non concerné. Une belle bavure policière. Mais une erreur humaine. Et le pardon est divin. Tout le monde peut faire des erreurs. Cet homme allait à son travail et a été atteint par une balle perdue. Ou 2. Ce sont des choses qui arrivent. On n’est pas pour punir un brave fonctionnaire de la police pour l’humanité de son comportement. Soit une erreur. Bien compréhensible. Que l’on comprit.

Mais on pouvait lancer des gaz lacrymogène – interdit à la guerre sur des soldats mais permis en temps de paix sur des civils – faire une belle fumée étouffante, pleurante, qui cache les détails.

Tirer dans les foules et les groupes à la balle de caoutchouc. Soit de petites billes de plomb recouvertes de plastique de différentes couleurs selon leurs poids et la force d’impact. Dans des cartouches de .12 tiré de fusils à pompe. Ou de gros calibre tiré au mortier. Miniature. Lance-grenade. Un grosse balle de plastique de la taille d’une balle de golf ou de tennis.

De quoi vous défoncer la face.

Ou vous crever un œil.

Ce qui venait de se produire dans la fumée.

Une jeune femme avait 2 jolies yeux qui pleuraient.

Puis un gros trou d'où coulait du sang rouge.

Plus foncé.

La police arrivait toute casquée comme un gros insecte vert pour taper sur tout ce qui bougeait.

À force de poursuivre et d’enfumer les groupes, la foule s’était séparée en sections plus ou moins petites qui paniquaient et s’enfuyaient au hasard.

On leur coupait le chemin.

On le faisait paniquer à gauche ou à droite.

Terrorisant les femmes et les hommes.

Le plaisir absolu.

Quand on est armé et que l’autre ne l’est pas.

Quel plaisir d’abuser de son pouvoir.

Alors que l’autre ne peut que pleurer. Il a déjà des gaz de poivre dans les yeux et on lui fend le crâne en plus.

Et on est payé en double. Avec prime de danger

Voilà qu’un groupe, comme un banc de poissons avait été dirigé sur lui. Il avait changé de direction, comprenant très bien ce qui allait se passer, inévitablement.

Une autre charge de police, bâtons en l’air. Fauchage en vue.

Voilà qu’un autre groupe arrivait.

Pourchassé.

Se rendant dans une ruelle où l’attendait un petit groupe de policier, bâtons en l’air.

Que du plaisir.

Le carnage et le massacre.

Probablement que la plupart des manifestants ne mourraient pas.

Et le voilà coincé.

La foule ou les petites foules étaient comme des tourbillons entraînant dans leur remous les environs.

La police, difficile à compter le nombre, se lançait dans la moisson.

Il y avait du sang qui coulait dans les rues.

La peau sous les cheveux saigne facilement. Et les jeunes femmes à la tête éclatée rougissaient leurs cheveux blonds.

Il crut reconnaître la petite blonde.

Il savait qu’elle aimait beaucoup manifester.

Il avait eu beau essayer de la décourager, lui affirmant qu’on ne peut aider le gens contre eux-mêmes. Ils aimaient obéir. On ne pouvait rien pour eux. Dès qu’ils seraient assez vieux, si l’occasion se présentait, ils feraient obéir aussi.

Ce n’était probablement pas elle.

C’était allé très vite.

La police tapait sur ceux qui étaient debout. Puis sur ceux qui étaient tombés. Puis sur ceux qui bougeaient encore.

On appelait ça résistance à agent dans l’exercice de son devoir.

Ou résistance à arrestation.

Refus d’obtempérer.

Puis on tapait sur ceux qui respirait.

Il y avait une manière de saigner et de pleurer qu’avaient les jeunes femme qui irritaient profondément les agents. Qui les faisait cogner. Presque à défigurer.

Il s’était trouvé emmêlé avec des gens debout. Puis dernier debout entouré de gens fauché. Comme on bûche les arbres.

Il avait évité les coups.

Jusqu’à présent.

Il trouvait ce spectacle fascinant.

C’est alors que les policiers le remarquèrent.

Avec toutes ces fumées.

Ces émotions.

Cette fatigue.

On a beau taper sur des femmes qui tombent, on finit par s’épuiser.

Et il y avait là monsieur Dickson, debout, on ne savait pas encore comment ni pouruqoi. Qui n’avais pas l’air d’avoir peur. D’avoir envie de bouger. De tomber. D’expliquer. De montrer ses papiers.

Qui n’aurait pas dû être là.

On allait donc lui faire sa fête.

Les policiers portaient des casques et des vêtements théoriquement anti-balles. Tout à fait inutile contre des manifestants civils sans défense. Mais le coûteux et complexe uniforme faisait plaisir. Faisait professionnel.

Sérieux.

On allait donc lui faire cracher son sang.

Et monsieur Dickson ne se défendit même pas.

Il sortit son pistolet et abattit un à un les agents qui couraient vers lui et ceux qui avaient compris un peu tard qui fuyaient.

Ils étaient tous armés. Mais si habitué de s’en prendre à des étudiants ou des retraités qu’ils avaient désappris l’usage de leurs armes. Comme si.

Et il acheva les blessés par terre.

Monsieur Dickson détestait faire souffrir les gens.

*

État 1. 11 septembre 2013. État 2.3.4: 1, 2, 3 octobre.

Morts. 10

10 hommes.
1 femme.
1 filette.