HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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24.10.13

397.93.1. MONSIEUR HITLER SE RAPPELLE SA JEUNESSE STUDIEUSE

Monsieur Adolf Hitler était perplexe.

Il regardait le texte qu’on lui avait demandé d’illustrer.

Ode à la femme.

Les sérums permettent de raviver l’éclat du teint, d’estomper les rides, ridules, pattes-d’oie, cernes, poches sous les yeux, d’unifier, de raffermir la peau et de soutenir sa structure. Repulpent les arrondis du visage et procurent de l’éclat aux minois. Réparent les signes de l’âge sans irriter la peau si sensible des paupières et des contours des yeux. Voilà un élixir anti-âge intensif. Il apaisera et redonnera de la luminosité à l’épiderme fatigué, déshydraté et terne. Le sérum de beauté est un gel fondant hautement concentré qui pénètre l’épiderme en injectant des ingrédients actifs alimentaires de source comestible bienfaisants : vitamines, antioxydants, huiles essentielles, ingrédients botaniques, 20 extraits de plantes. Son action est rapide. L’ìnspiration de son créateur : les paysannes hongroises qui parviennent à garder la peau claire malgré l’action du soleil, appliquent au cours de la journée des rondelles de tomates sur leur visage.

Monsieur Hitler pensa à des fleurs, des tomates – la tomate est-elle un fruit ou un légume ? Mais elle a des fleurs.

Monsieur Hitler pensa à une femme, une jeune secrétaire dactylographe, fatiguée de sa journée au bureau et qui rentre à la maison. Ou dans son appartement. Elle est seule. Son visage manque d’éclat. Va-t-elle pouvoir se marier ?

Comment dessiner une jeune secrétaire dactylographe, fatiguée de sa journée au bureau ?

Comment cette jeune femme pleine d'espoir envers le mariage est-elle vêtue?

Il avait été content d’avoir ce travail.

Il avait chaud, mangeait plus souvent qu'avant, avait découvert le végétarisme qu'il préférait pour des raisons philosophique. Et parce qu'il était particulièrement influençable. Une jeune femme à l'esprit fiévreux - caractéristique particulièrement dangereuse chez la jeune femme - lui avait fait découvrir, en autre chose, l'écologie. Et la nécessité de sauver la planète. Et l'impératif ontologique de ne pas faire souffrir des animaux sans défense.

Il suivait des cours du soir d’art plastique et d’histoire de l’art. Et il avait rencontré là des jeunes gens aussi avide de culture que lui. La tête pleine de projets, ils sortaient ensuite dans une brasserie où ils refaisaient le monde. 

Lui, n’aimait pas la politique qui est source de division. 

Eux, penchaient vers la gauche, le socialisme et même le communisme. 

Il apprit même qu’il y avait quelques juifs parmi eux. Il n’en avait jamais vu avant. On n’en parlait pas beaucoup dans sa famille. C'était arrivé mais on avait fait rapidement dévié le sujet. Il fut surpris de découvrir que leurs nez n’étaient pas aussi proéminents qu’on le prétendait. Et leurs oreilles tout à fait normales. Pas décollées comme celles des éléphants. 

Ils étaient presque normaux. Pensant-il, méfiant. 

Pour découvrir par la suite qu’ils étaient aussi Autrichien que lui. Il y avait aussi quelques Allemands. Mais il n’aimait pas les Allemands, toujours prétentieux. Les Berlinois, pire que tous. Et il y avait ces Prussiens, que l’on disait aimant démesurément la guerre. Encore ces préjugés.

Il avait besoin d’$, et un de ses nouveaux amis artistes qui partait en voyage en Grèce, les jeunes garçons y étaient superbes, disait-il – il venait de découvrir qu’il y a des hommes qui ont des goûts étranges mais n’avait pas davantage d’opinion à ce sujet.

Il eut un premier réflexe intellectuel de demander à ses amis – camarades était plus précis - Juifs, s’ils pratiquaient encore des sacrifices humains. 

À l’école, un des frères enseignants avait affirmé, preuve à l’appui – il s’agissait d’une reproduction de gravure ancienne – qu’il arrivait que des Juifs fanatiques – ils le sont tous – lorsqu'un de leurs suppôts allait à la messe, costumé pour la circonstance en homme normal, faisait semblant de communier, mettait rapidement l’hostie consacrée dans sa poche pour la ramener chez son rabbin qui la clouait au mur. 

Comme le mystère de la transsubstantiation permettait à Jésus, le fils de Dieu, notre Sauveur, de revenir sur terre sous les signes réels des 2 espèces : son corps devenant le pain du Christ, l’hostie consacrée, et son sang, le vin qui était réservé aux prêtres diplômés. Il était donc aisé de torturer encore Jésus malgré tous les malheurs et misères qu’Il avait déjà supporté. Comme il était bon, infiniment Bon, il endurait ce que les Juifs mécréants et impies lui faisait subir sans protester. À la suite de ce cours d'Histoire, on leur demandait de prier pour le salut des Juifs. Car si personne ne faisait rien pour eux, leur pente naturelle malfaisante les conduirait directement en enfer.

Il y avait pire, on - ils - enlevait des bébés et des enfants baptisés, de jeunes vierges pour les sacrifier sur l’autel.

Il y avait en effet une publication documentaire appelée Les Protocoles des Sages de Sion qui en parlait, de même que du complot de cette race pour dominer le monde.

Il y avait un jeune Juif Tchèque qui venait d’arriver de voyage et qui était à une table voisine en train d’écrire des idées insatisfaisantes. Comme eux tous, il s'intéressait à la littérature et aux idées socialistes. Il avait aussi suivi des cours de germanistique qui l’avait laissé insatisfait. Il avait entendu leur conversation et se demandait s'il devait intervenir. Il conclut que non. 

Il les écouta parler ensuite des femmes. Il y en avait à l'atelier de dessin qui faisait du nu comme eux tous. Il y avait des journées réservées au corps des hommes et des femmes. Des corps parfaits et d'autres plus ordinaires. Le professeur prétendant que plus il y a de courbes et de graisses, plus on apprend à dessiner. 

Au début, on voulu reléguer les filles dans une autre classe où on leur ferait copier des têtes de plâtre de visages antiques, des grands hommes et des héros. Elles protestèrent. Ne voulant pas rester à leur place .On eut pitié d'elle et les admit au cours régulier. À condition qu'elles paient le même tarif que les hommes. 

Bref, où qu'elles soient, les femmes compliquaient tout.

Comme beaucoup d’entre eux, Kafka entretenait des relations problématiques avec les femmes. Ce qui fait que certains, comme on vient de le dire, préférait les hommes pour leur simplicité naturelle. Ou les jeunes garçons pour leur entrain. 

Tandis que Kafka conservait encore un souvenir ému des conversations et de la correspondance passionnée qu’il avait eu avec la journaliste et écrivaine anarchiste tchèque Milena Jesenská.

Quoique timide, les montagnes de stupidités qu’il entendait depuis un moment, le poussèrent malgré lui à intervenir. Il se mêla à la conversation sans y être invité, ce qui est, comme on sait, particulièrement impoli, se présenta comme étant Franz Kafka, né à Prague, un des innombrables fils de l'empire Austro-Hongrois.

Comme Hitler était pacifiste et aimait discuter, il toléra l'intervention inopportune de cet étranger. Et les autres l'invitèrent à leur table. 

Il n'attendit même pas de s'asseoir pour leur dit que tout ceci était absurde. Qu’ils étaient tous des idiots. Il avait des angoisses maladives et, parfois, des convulsions, mais certainement pas à ce sujet.

Comme on abordait ce sujet, un des buveurs de bière lui apprit que l’éditeur local des Protocoles des Sages de Sion cherchait un illustrateur, ce qui lui convenait. Il faudrait discuter du prix. Et de la qualité de la reproduction qui laissait souvent à désirer chez les imprimeurs insouciants.

Mais il aurait à faire ces dessins de produits de beauté. Lettrer le tout. Dessiner au trait le flacon.

Il fallait choisir une calligraphie élégante pour les magnifiques promesses des scientifiques qui avaient concocté ce produit miraculeux. 

L'atelier était chaud et confortable et il ne demandait pas mieux.

Quant aux promesses de jeunesse et de bonheur ? 

Monsieur Hitler approuva ce que disait Kafka, tous 2, se disant que les gens étaient vraiment prêts à croire n’importe quoi.

*

État 1. 24 oct. 2013

État 2. 29 nov. 2013

Note:

Ici, commence une nouvelle série d'images mettant en scène monsieur Hitler, jeune. On y verra son indécision face à sa carrière. Sa rencontre avec un futur ami, monsieur Franz Kafka, qui est son aîné de quelques années - et qui, contrairement à lui, à réussi dans la vie. Quoique cet état de fait l'ait laissé profondément insatisfait. D'abord, son père, compte bien qu'il réussisse encore davantage. Qu'il réussisse sans cesse. Et se marie. Toute cette pression familiale a fait que monsieur Kafka a fugué de Prague et après une série de voyages dont on ne parlera pas, s'est retrouvé quelque part en Autriche, où en toute invraisemblance (mais pourquoi pas ?) (et pourquoi ne pas?), il rencontrera monsieur Hitler. Celui-ci, devenant quelques temps plus tard, détective privé. Nous verrons donc ici, les aventures palpitantes de monsieur Adolf Hitler, détective privé.

397.93.1 -