HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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27.11.13

446.143.50. NOS PREUX CHEVALIERS ONT TRAVERSÉ LA PREMIÈRE ÉPREUVE. SURVIVRONT-ILS À LA SECONDE ?

Monsieur Adolf Hitler, monsieur Franz Kafka et mademoiselle la secrétaire, traversèrent à tour de rôle le terrible piège.

Les redoutables piques pointées vers le plancher, le toit, leurs pieds les attendaient au fond de la fosse. Patiamment. 

Mademoiselle la secrétaire, la première. Judicieusement poussée dans le dos par la pointe d'une lance bien aiguisée pour lui éviter tout regret et l'empêcher de rebrousser chemin. Les regrets et les repentirs étant parfaitement inutile en ce lieu et dans une telle situation.

Quelques coups bien ajustés - mais délicats - aidèrent sa résolution défaillante.

Le salut était par avant. Rien de bon ne pouvait plus leur arriver en restant davantage plus longtemps dans ce lieu. Il y avait, certes, de bons livres et, en homme de goût, monsieur Hitler et monsieur Kafka, avaient su apprécier tous ces trésors. Mais l'homme sévère qui avait réuni ces livres et cette collection, n'était probablement pas du genre à plaisanter lorsque des étrangers jouissaient de ses biens sans lui demander la permission. Peut-être les occasions où des hommes de talent et des esprits supérieurs comme monsieur Hitler et monsieur Kafka étaient capables de comprendre la valeur de ce qui se trouvait ici, étaient-elles rares. Tant l'espèce humaine commune est décevante. Ce qui aurait donné l'occasion - rare aussi - d'une conversation intéressante entre érudits. C'est ce qui fait la plaie des mariages car rares sont les hommes qui trouvent leurs égales dans leur pénibles épouses. Les couples homosexuels (mâles) offrent ces occasions mais les préjugés du temps les ostraticent, Ce qui fait qu'il ne reste que les femmes - bien peu satisfaisantes - et les rencontre de collègues dans les clubs privés. 

Mais, généralement, on n'y trouvait que des bourgeois, et on finissait rapidement par découvrir que, contrairement à ce qu'affirment les professeurs, l'intelligence sert peu dans la vie. C'est même plutôt une tare, son propre problème qui entraîne malgré lui dans toutes sortes d'impasses. Ce que ne comprennent pas les gens intelligents. Ce que ne comprennent pas non plus les moins doués. Mais la vérité est que comprendre ne sert à rien. Ces derniers savent qu'en étant polis, arrivant à l'heure, en respectant leurs aînés, ils peuvent aller loin. Ou plutôt, sans savoir ni comprendre, sans embarrasser leurs collègues par des remarques et des questions inopportunes, ils obéissent, font ce qu'on attend d'eux, suivent les coutumes et les règlements du bureau et sont bien notés par leurs supérieurs hierarchiques. À commencer par le sous-chef de bureau qui est leur dieu immédiat à qui ils doivent leur avenir.  

Pourtant, malgré le fait qu'il n'y aura à la fin de l'exercice que déception et amertume, les intelligents ne peuvent s'empêcher de poser sans cesse des questions. Pire, ils remettent en question les ordres et les consignes. 

Alors que l'effort, le sens du travail, le fait d'arriver à l'heure, la minutie dans les détails, une bonne mémoire  suffisent pour aller loin et assez haut. Et la politesse envers les supérieurs est indispensable si on veut être bien noté. 

Si on se questionne sans cesse sur le sens de la vie ou le but de tous ces efforts, on n'ira jamais aussi loin. Le sentier sera ardu, difficile, lent, douloureux. 

Et, comme il arrive souvent, des élèves bien moins doués montent en grade avec des augmentations de salaire et des primes pour leur travail bien plus rapidement que les enfants que l'on disait doués et qui n'auront jamais pu utiliser ce don que l'on disait si fameux et qui sont maintenant sous leurs ordres.

Bourgeois petits et grands et fils de famille, dont la fortune familiale a permis de vivre sans s'astreindre à l'effort. 

On en aura pour exemple, le père de monsieur Kafka, il était de ces hommes s'étant fait eux-mêmes à la force du poignet et, parti de rien, étaient arrivés plus ou moins difficilement à quelque chose. On disait généralement qu'ils était arrivés dans la vie. Ils le pensaient eux-mêmes. Et les meilleurs d'entre eux, voulant éviter à leurs fils de traverser les mêmes épreuves qui, certes durcissent le caractère et force la déterninnation - les incitaient à suivre leur exemple. Leur conseillant de choisir les professions libérales et des carrières sûres. Par exemple, le droit. Au lieu de se laisser aller à des plaisirs éphémêres et fugaces comme la littérature. Agent d'assurance était bien aussi. 

Le père de monsieur Hitler qui n'était jamais allé si loin dans la vie, était d'une famille de fonctionnaires. Il savait comme son père et son grand-père que l'administration était une carrière sûre où on a à sa disposition un fauteuil et un bureau chauffé. Un lavabo et des toilettes. Et on pouvait faire sa vie dans un bureau.

Monsieur Kafka, docilement, tant son caractère était aboulique avait suivi les consignes de son père sans les suivre. Il fallait être avocat, il le fut. Une opportunité d'emploi s'offrait dans une entreprise dont il avait acheté des actions. Et. sur les conseils de son père, monsieur Kafka vendit des assurances. Réfléchissait au sujet de la gestion des assurances, des malades et des maladies, des accidents et des accidentés. Notait ses observations dans des dossiers qui seraient ensuite notés par un autre service. Tout ceci était bien injuste comme on voit. Car combien de gens de l'entreprise auraient voulu être à sa place? Faisaient tous leurs efforts pour y parvenir sans que ce soit possible. Alors que lui, sans le vouloir, en faisant le minimum d'effort, en y pensant le moins possible, était arrivé là où il était. Tant son esprit était grand. Qui peut le plus, peut le moins, disait le proverbe. Il ne voulait rien, ne s'appliquait en rien et, malgré cela, avait pu assez. Presque beaucoup. Il en vint même à avoir un espace à bureau pour lui-seul et un assistant et une secrétaire pour noter ses pensées. À condition qu'elles concernent uniquement le domaine des assurances de dommages aux personnes. Même si, comme on vient de le démontrer, il faisait tout cela à contre-coeur. Il aurait gravi les échelons bien plus vite s'il s'était donné la peine de pousser des soupirs enthousiastes. Car pour lui, malheureusement, un domaine aussi nécessaire que la vente et la gestion des assurances était une perte de temps. Pourtant des milliers de gens pourraient aussi bien prétendre le contraire. Et le nombre n'a jamais tort. Rongé qu'il était par le démon littéraire qui est pour certains dévoyés ce qu'est l'onanisme pour certains pervers. 

Le père de monsieur Hitler, aussi ferme dans ses propos que dans ses menaces que l'était le père de monsieur Kafka ne vécu pas assez longtemps pour assister à la ruine de ses efforts. Non seulement, son seul fils (sa fille ne comptait pas) refusait de prendre sa succession - un oncle qui dirigeait le service de son père était pourtant prêt à lui mettre le pied dans l'échelon ou à l'étrier - selon le cas. Et, au départ de son père à la retraite - mot nouveau et invention inouïe inventée par le kaiser - pensez! Une retraite payée jusqu'à la fin de ses jours. Et, il arrivera même que la veuve, sans jamais avoir fait d'effort, pourra à son tour, bénéficier de cette même rente - son fils prendrait son fauteuil. La chance étant avec lui, il avait sans jamais avoir eu à le demander 2 chances de réussir dans la vie: par son oncle qui lui offrait un poste parce qu'il était de la famille. Ou reprendre le poste de son père. 

Il avait refusé cet héritage comme on a vu dans la Bible. On se souviendra des fils jumeaux d’Isaac : Ésaü et Jacob. Ésaü avait faim et se mit à table pour souper. Mais son frère Jacob ne voulut le nourrir que s’il lui cédait son droit d'aînesse, donc son héritage paternel futur. Pour un plat de lentilles, Ésaü fut d'accord. Et se jeta sur le plat de fèves comme la misère sur le pauvre monde. Mais on est ici chez des Juifs, dont on connaît la cupidité. L’un est incapable de ne pas trahir, même son propre frère, afin de le voler et l’autre est tout aussi incapable de retarder la satisfaction immédiate de ses sens et de ses désirs. Le regret de ses actes ne venant que trop tard. Car, ce n’est qu’une fois repu, après avoir mangé ses légumineuses, qu’Ésaü se remit à penser et se rendit compte de ce qu’il venait de faire. Et il résolut de tuer son frère pour se venger. Les lentilles étant assez lente à digérer.

Comme Don Quichotte partit en chasse contre les moulins à vent, monsieur Hitler partit en chasse de la renommée. Tout aussi volage que les ailes de toiles d'un moulin à vent. Car bien peu sont choisi par cette déesse difficile. 

Il avait eu au moins le courage d'affronter ses démons. Pour tout perdre comme tant d'autres étourdis avant lui. 

Tandis que monsieur Kafka, son aîné, composait des poèmes tristes hors des longues heures de bureau à Allgemeinen Unfallversicherungsanstalt für das Königreich Böhmen, compagnie d'assurance pour les accidents des travailleurs du royaume de Bohême. Parfois même, dans les rares périodes creuses de son travail. Entre 2 piles de dossiers. Négligeant les clients qui attendaient leurs primes. Nuisant ainsi à leur santé. Par vanité littéraire. Ce qui était, on le comprendra, illégal, Il utilisait alors la machine à écrire mise à sa disposition contrairement aux directives de cette sévère institution. Quelques-uns de ses écrits parurent dans la revue Hyperion de Munich ou le journal Bohemia, le quotidien allemand de Prague. 

Mais comme monsieur Hitler, ses périodes de léthargie et de désespoir l'empêchait de réaliser ses rêves. Ils auraient dû alors reconnaître le bien fondé des admonestions de leurs pères et devenir des fonctionnaires consciencieux ce qui était plus à leur portée.

À un certain moment, la réalité devrait nous faire prendre conscience de la vanité des rêves de l'adolescence pour enfin entrer de plein pied dans l'âge adulte.

La société a besoin de vous.

Il faudra lui rendre ce qu'elle vous aura donnée. Et y ajouter. 

On se choisit, même si ce n'est pas de gaieté de coeur, une future épouse, une de ces femmes lourdes, épaisses et grasses mais sérieuses et sans imagination qui saura vous aiguiller et vous asticoter sans cesse afin que vous réussissiez votre carrière. Après votre mariage, plus aucune de vos minutes ne sera à vous désormais. Vous ne connaîtrez plus jamais le repos. Sitôt que vous serez revenu au foyer, elle vous attendra avec sa liste de choses à faire ou qui auraient dû être faites. Elle s'inquiétera et insistera pour demander si vous avez  bien travaillé, si votre chef est content de vous .Car son confort et celui des enfants que vous lui aurez donné, dépendra uniquement des revenus que vous amènerez de votre travail de bureau. Et votre indolence la rempliera de terreur. Comme l'ancêtre préhistorique apportant les dépouilles du gibier qu'il avait chassé dans la grotte familiale. Sans une épouse furieuse, obsessive, insatisfaite et ambitieuse combien d'hommes se seraient laissé aller à la paresse. Préférant le confort des spectacles de la ville, des dîners entre ami, au lieu de faire des heures supplémentaires. Se contentant de ce que la vie leur amène. Dans la vie, il n'y a pas que le bonheur.

Mais une sorte de démon les rongeait et les précipiterait bientôt dans l'abîme du désespoir.

Monsieur Kafka ne s'était pas perpétué comme il est recommandé dans la secte Juive. Ce qui était un autre motif d'humeur de son père. Auquel se joignait sa mère qui pleurait doucement en joignant les mains. On la privait de ses petits enfants.

Mais monsieur Kafka ayant trop d'imagination et des sens malades, hyperactifs et surdéveloppés supportait difficilement la présence obsédante des jeunes femmes en âge de se marier. Elle lui donnait mal à la tête. 

Il avait le goût trop délicat.

Il avait bien essayé quelques fois de se fiancer avec les jeunes filles que l'on avait mise à sa disposition depuis son enfance. Car dès ce moment, on avait prévu son avenir. Il fallait absolument qu'il y ait des Juifs, partout, toujours. Ce qui n'est nullement une obligation. Des parents prévenants prévoyaient longtemps d'avance les unions futures et n'allaient pas laisser les caprices enfantins et modernes au sujet de l'amour et toutes ces rêveries nuire à la famille. 

Le mariage est une chose trop sérieuse pour le laisser dépendre de l'amour. Et aux caprices des enfants.

Bref, dès sa naissance - en fait, bien avant sa naissance - on avait prévu son avenir jusqu'à son décès. Sans lui demander son avis. Et, depuis ce temps, depuis son arrivée sur Terre - qu'il trouva fort déplaisante -il avait tout fait pour contrarier les désirs, espoirs, projets, de ses parents. 

Il y eut un temps, où une main vengeresse serait sortie du Ciel nuageux pour le frapper d'un éclair et le réduire en cendre. Comme on en trouve d'innombrables exemples dans la Bible. Ces enfants rétifs, désobéissants, égoïstes et insupportables qui font sans cesse le désespoir de leurs parents sans jamais se repentir malgré toutes les occasions favorables (à chaque fois que leur funeste disposition les a plongé dans le péril - salutaires leçons qui leur est destinée afin de leur donner une nouvelle occasion de se repentir - mais qu'ils ne comprendront jamais) avant de finir en Enfer. 

Tandis que monsieur Hitler, si les femmes ne lui donnaient pas envie de vomir comme monsieur Kafka (son odorat était surdéveloppé), tout à son idée de Destin qui, selon lui, lui réservait de grandes choses et une place unique dans l'Histoire des hommes; il présumait avec raison que son parcours ne serait pas facile et, probablement parsemé d'épreuves destinées à le former - car tel est le destin des grands - et il n'allait certainement pas s'encombrer d'une femme qui tomberait inévitablement enceinte des qu'il la toucherait. Ou peu s'en faut. Et dont il faudrait subvenir à ses besoins quasi illimité. Pour aller loin, il faut marcher léger et seul. 

Et la solitude n'est-elle pas la marque des grands hommes.

Un manuel qu'il avait lu avidement lorsqu'il était enfant expliquait ce genre de choses en donnant des exemples. Et des photos de statues.

Comme pour la plupart des artistes, ses fils étaient ou seraient ses oeuvres. Qu'il n'arrivait même pas à finir. Ou à commencer. Ce qui compliquait encore les choses. Alors, devant ce nouvel échec, sa perpétuelle irrésolution, il se laissait aller à désespérer. Il désespérait un temps pour recommencer à espérer et à entreprendre de nouveau. On comprendra facilement qu'avec des véritables enfants, hurlant et courant partout, salissant tout, qu'il aurait fallu nourrir avec son foie comme le héron ou le pélican de la fable tel des Prométhée ailés. Il aurait été définitivement dans l'incapacité de produire quoique ce soit. (autre que d'autres monstrueux enfants et rejetons divers.) Et il y a la vie conjugale avec ses innombrables périls. Les artistes s'étant mariés ont découvert quel terrible démon était devenue la frêle jeune femme timide. Une épouse munie d'une balayeuse qui tient absolument à faire le ménage quand vous écrivez. Précisément là où vous écrivez. Le Destin, avec l'image d'un essaim de sauterelles bourdonnant ravageant les champs vous vient immédiatement à l'esprit. 

Ce n'est que plus tard, si on consulte les documents historiques, qu'il choisira publiquement une compagne, ayant préféré longtemps avoir pour seule épouse sa nation adorée l'Allemagne (on rappellera qu'il est Autrichien). Et n'ayant donc pas le temps pour une de ces innombrables Allemandes de sexe féminin qui le contemplaient d'un air affamé, sombre, douloureux et adorateur. Comme si elles manquaient subitement d'air. 

Ce n'est que lorsque des rumeurs malveillantes commenceront à courir au sujet de sa vie privée, des perversions secrètes auxquels ils se livreraient et de sa prétendue homosexualité, qu'il se résignera à passer à un autre stade de la vie sociale: la vie de couple. Il refusa ensuite et toujours d'avoir des enfants. Considérant la femme comme une enfant. Un ou une était déjà bien suffisant. En plus, une femme étant déjà bien assez encombrante. 

Mais il ne concédera à se marier que quelques heures avant sa mort. Par suicide. Ce qui rempliera sa femme de joie et de bonheur. Mais comme on dit: ce n'est pas pour le moment. Actuellement, il est autre. Et deviendra encore un autre pour cette autre carrière définitive. Et quelquefois avant aussi. Tant il était grand et varié. Tout ceci étant compliqué, on fera donc semblant de se concentrer sur sa vie actuelle - ignorée de la plupart - en évitant de penser à sa vie future que tous connaissent. 

Pour le moment, leur fuite étant accomplie, au-delà du terrible obstacle qui avait menacé leur vie et leur santé, ils regrettaient déjà cet oasis de culture, cet Éden de la civilisation où ils étaient reclus et où ils s'étaient exclus eux-mêmes par peur des remontrances du propriétaire de ces lieux.

Peut-être n'était-il pas trop tard?

On aurait pu attendre pour lui demander. 

Il n'y aura pas de femme autopsiée à ce moment.

Mais on ne veut pas trop en dire en ce qui concerne le futur.

*

État 1.2 27 nov. 28 déc. 2013

23.11.13

445.142.49. MONSIEUR ADOLF HITLER ENSEIGNE LE SENS DU SACRIFICE À MADEMOISELLE LA SECRÉTAIRE.

Comme si un insecte moralisateur avait soudain piqué monsieur Kafka celui-ci faisait un obstacle de son corps à monsieur Hitler. Ayant deviné sa cruelle intention. 

Il fallait maintenant que monsieur Hitler perfore son nouvel ami et fasse ensuite basculer mademoiselle la secrétaire. 

Si des femmes on en trouve partout, les amis son rares et monsieur Hitler n'en avait jamais eu beaucoup. Quelque chose dans son caractères les intimidait ou les repoussait. Mais les grands hommes sont seuls disent les manuels anciens. 

Il donna sa lance à monsieur Kafka qui ne savait quoi en faire. Ayant une aversion totale contre ces merveilleux outils que sont les armes. Une faiblesse incompréhensible de son caractère Tchécoslovaque. Ou était-ce Prague?

Ou la Russie ?

Monsieur Adolf Hitler revint plus tard avec une lance, la plus longue de toute et un peu trop lourde. Faites pour les charges des cavaliers à chevaux contre des ennemis qu'on embrocherait pour leur insolence. En ce temps-là, les hommes étaient forts. Au temps des héros. De nos jours, les hommes de notre temps, sont si faibles et efféminés. S'ils ne sont pas invertis, le contact constant, la proximité avec les femmes, l'encombrement de leur espèce, dans les rues, les commerces, les bureaux, alors qu'on leur permet de quitter leur maison, par une faiblesse coupable qui ne peut que se retourner contre ces inconscients, tout ceci ne peut qu'avoir nui aux hommes. 

Les pupilles des yeux de monsieur Kafka s'agrandirent. Comme une question. 

Qu'allait donc faire monsieur Hitler avec cette seconde lance. Comme si une n'était pas déjà assez ou de trop.

Monsieur Hitler s'adressa à la secrétaire comme si c'était un homme ou un être humain, c capable de comprendre. 

_ Je vous tend une longue lance. Ne la touchez pas tout de suite. Je vais essayer de la piquer sur le bord du mur de l'autre côté. Vous n'aurez ensuite qu'à la toucher et vous en servir comme une rampe d'escalier ou de galerie. Une main courante. Je tiens l'autre extrémité. Vous n'aurez ensuite qu'à avancer. Vous vous sentirez davantage en sécurité. Ce sera une nouvelle illusion, bien sûr, mais je n'ai rien de mieux.

Ensuite, il s'adresse en chuchotant à monsieur Kafka.

_ Vous vous servez de la seconde lance, plus courte, pour la piquer dans le dos. Ceci l'encouragera et la motivera. Comme on pique les ânes et les chameaux. 

Monsieur Kafka trouva l'idée farfelue mais comme il n'en avait aucune autre à proposer, il accepta de jour au picador d'une corrida.

Donc, poussée par la pointe de la lance qui s'enfonçait dans sa graisse molle et tout en tenant la hampe de la lance tendue par monsieur Hitler, encouragée par leurs messages d'espoir, eux qui s'adressaient à elle comme on raconte des histoires à un enfant, elle fit un premier pas. Puis un second.

Et même si elle se trouvait directement au-dessus des pointes de fer, elle avançait. Bientôt, elle serait passée de l'autre côté. Ou serait tombée.

Si Dieu le veut.

*

État 1. 23 nov. 2013


444.141.48. MADEMOISELLE LA SECRÉTAIRE DEVIENT UN OBSTACLE SUR LA VOIE DU PROGRÈS.

Quand monsieur Hitler revint avec la lance - il y en avait tant sur les murs qu'il lui avait fallu du temps pour choisir - la situation s'était encore empiré comme si c'était possible.

On a dit que la planche - en fait 2 planches superposées (provenant d'anciennes tablettes d'étagères de bibliothèques) faisait la largeur d'une chaussure, ce qui permettait amplement à 2 pieds d'avancer presque confortablement dans le long sens de la planche. 

Mais

Mais à force d'hésiter, de remuer, de faire mouvoir la planche sous ses pieds, elle avait, sans le vouloir, actionné le mécanisme et le plancher s'était ouvert tout grand. Sous ses pieds.

Mademoiselle la secrétaire se trouvait donc au-dessus des pieux de fer. Qui n'avaient jamais été si proche d'elle. 

Heureusement la planche qui lui serait d'assise tenait bon.

Mais rien ne disait que si cette situation se prolongeait indûment que la planche ne casserait ni ne basculerait.

Les hurlements de mademoiselle la secrétaire risqueraient d'attirer du monde. Car au fond de ce trou de pierre, on devait avoir comme une chambre d'échos renvoyant et augmentant tous les sons.

Monsieur Hitler, tout à son Destin contrarié n'avait pas pensé à ce détail. Monsieur Kafka lui fit une image de la situation. Il avait le don cruel de deviner, de percevoir et d'imaginer le futur ou les mots lu dans un journal ou un roman comme des situations réelles. Comme s'il aurait pu leur toucher. Ou être touché par eux. 

Mademoiselle la secrétaire pleurait sur sa planche au milieu du (petit) ravin. Petit. Certes. Mais éminemment menaçant.

Elle n'irait pas plus loin.

Comme l'âne proverbial sur un pont branlant, elle était figée sur place. Il aurait fallu qu'un père, un mari ou un frère la batte pour qu'elle se décide enfin d'avancer. La peur du coup prochain devenant pire que celle du danger un peu plus lointain. Il est bon que l'homme soit sévère avec la femme et l'éduque sans cesse afin que comme l'âne, elle soit soumise et obéissante. C'est la mollesse des hommes qui fait les femmes indisciplinée et rebelle. 

La situation ne pouvait durer indéfiniment. 

Bientôt, elle tomberait. Ses jambes fatiguées de trembler se déroberait sous son poids. Non qu'elle soit lourde mais tout son corps tenait sur ses 2 petits pieds posées sur ces faibles planches.

Monsieur Kafka toujours tenté par le démon de l'irrésolution et de l'indécision était devenu muet. 

Il fallait faire quelque chose. 

*

État 1. 23 nov. 2013

443.140.47. MADEMOISELLE LA SECRÉTAIRE EST EN CE MOMENT DANS UNE SITUATION PÉRILLEUSE ET RIEN NE DIT QUE LES CHOSES S'ARRANGERONT POUR LE MIEUX DANS UN FUTUR PRÉVISIBLE

La situation était la suivante.

Le mur ouvert grâce à un mécanisme providentiel et mystérieux. 

Une sorte d'antichambre menant à 2 tunnels qu'on devinait sans pouvoir savoir leur destination. À moins de s'y trouver. 

Il fallait choisir car si on prenait l'un, on ne prenait pas l'autre. Ce qui est d'une admirable logique.

Car l'espace qui les reliait l'un à l'autre et aux salles du musée de la sorcellerie qui était une sorte de centrale d'énergie mystique destinée à un usage mystérieux - comme la courte barre verticale d'un T était non seulement le lieu de passage vers la liberté mais aussi vers la mort. Une mort atroce.

Sous le plancher de cette petite salle, il y avait des instruments de mort destiné à rendre celle-ci lente et pénible. 

Les amateurs d'antique se souviendront du supplice de la légion romaine convertie au christianisme et que l'on a mis en demeure de renoncer à la vraie foi pour retourner au culte de l'empereur divin. Pire, ils s'étaient fait baptiser. D'ordinaire, lorsque le crime était grave, on procédait à la décimation du régiment. Mot qui a pris depuis un sens plus grave qu'à l'origine alors  qu'il consistait à crucifier un soldat sur 10 pour donner une leçon aux autres. On espérait ainsi que les 9 autres comprendraient la leçon. Ce qui aurait été plus difficile si on les avait tous tué. Donc, le régiment (on ne sait pas le nombre exact) refusa l'offre miséricordieuse qu'on lui faisait et préféra périr. Ce qui fut fait. On les amena tout en haut d'une montagne, près du bord d'un précipice où on leur ordonna de se jeter dans le vide. Tout en bas, on avait installé une forêt de pieux pointus en bois, des lances pointés vers le ciel et des chevaux de frise. Ils s'y jetèrent tous en priant. Le supplice dura tout le reste de la nuit pour les moins chanceux. Car les corps s'embrochèrent les uns après les autres et, parfois, les uns sur les autres. Les pointes traversant les ventres, les têtes, les cages thoraciques. Certains furent empalés comme on le fait chez les asiatiques. D'autres, arrivant têtes premières, furent pénétrés par les tête comme des vers de terre sur un hameçon. Les uns moururent sur le coup. Les autres au bout de leur sang. Tous prièrent le Ciel de les recevoir. Et quelques-uns chantèrent des hymnes. L'Église depuis ce temps les considère comme des martyrs et des saints. 

Sous le plancher de l'antichambre des  tunnels, il y avait tout un réseau de longues pointse de fer bien planté à la verticale. Et sur les 4 murs des lames horizontales destinées à la boucherie des corps plongeant vers l'abîme. Avant qu'ils ne s'empalent inexorablement. 

Mais ce qui était presque plus cruel que cette vision de cauchemar était le fait qu'on ne voyait rien. 

Au moment où se passent cet incident, le plancher qu'un mécanisme ingénieux et savant fait basculer - ce qui avait permis de connaître les secrets de ses entrailles - était revenu à sa position factice initiale. C'aurait pu être un de ces sol en apparence inerte mais qui cache en réalité un sable mouvant mortel. Si on ne voyait plus à ce moment les pieux de fer et les lames - cachés par le plancher - on les avait pourtant gardé en mémoire - et c'est comme si on les voyait - comme si on ne voyait qu'eux. 

Donc, en apparence, la scène aurait pu être risible. Une paire de planches vernies posées sur un plancher de bois et sur ces planches posées de travers, passait péniblement une femme visiblement inquiète et qui ne cessait de regarder ses pas. Ses mains et ses bras étaient à l'horizontale comme elle avait vu faire dans les cirques itinérants des Romanichels qui enlèvent les enfants innocents pour en faire des esclaves et les dresser pour leur cirque monstrueux. Elle marchait donc en équilibre instable sur les planches posées sur un plancher en apparence tout à fait inoffensif d'où l'humour de la situation destiné aux ignorants. Car ceux qui savaient - et elle en particulier - connaissant les périls qui l'environnaient. 

Elle hésitait donc.

Mais son hésitation ralentissait sa marche alors qu'il aurait fallu aller gaillardement et en quelques pas, on était passé de l'autre côté. Mais à ce rythme, on n'y arrivait pas. Elle paraissait même ralentir. Ne cessant de regarder ses chaussures, les planches, le plancher muet et secret et comme si elle voyait au travers des surface, le piège monstrueux qui lui était destiné.

Finalement, elle s'arrêta net au milieu du trajet incapable d'avancer davantage.

Il est connu que les femmes sont faibles, peu fiables. Et on voit bien à raison. Et tragique est le sort de l'homme qui se sera étourdiment fié à une de ces créatures.

Cette situation de fait était fort embarrassante pour nos 2 héros. Ils étaient réticents à passer au dessus de l'obstacle invisible mais la marche de mademoiselle la secrétaire leur avait montré que ce n'était pas impossible - que si une faible femme réussissait comme cette aventure serait presque facile pour des hommes. 

Les pieds leur frétillaient. 

Ils avaient envie d'avancer à leur tour.

Mais avec mademoiselle la secrétaire au milieu du sentier suspendu de planches, cela leur était désormais impossible. 

À quelque chose, malheur est bon, comme dit le proverbe. 

Mademoiselle la secrétaire avait rempli son rôle historique. On avait pensé la sacrifier à la science. Mais elle avait tenu bon. Maintenant, elle s'entêtait et constituait un obstacle. 

Car les planches étaient sûres. Le plan était bon. Il fallait passer, il suffirait de passer. Et on laisserait le pire derrière soi. 

Malheureusement, elle ne bougeait plus. Ne pouvait plus avancer ni reculer. 

Elle pouvait tomber de côté, d'un bord ou de l'autre des planches. Le plancher s'ouvrirait et son corps serait atrocement déchiqueté.

Ceci elle le savait.

Elle le voyait.

Plus elle restait immobile et comme immobilisée sur les planches, plus ce sort futur devenait une certitude. Elle ne pourrait rester longtemps là.

Une idée atroce vint à l'esprit de monsieur Hitler. 

Son Destin futur - qu'il avait toujours vu héroïque et grandiose - se voyait bloqué par un obstacle nouveau, c'était arrivé tant de fois, et, cette fois, c'était une femme. Il s'était toujours méfié de cette engeance et de leur obsession reproductive. 

Il ne restait qu'à la faire basculer. C'était ce qu'elle craignait. Son inconscient jouait avec elle. Que de choses pourraient penser monsieur Sigismund Schlomo Freud, le célèbre Sigmund Freud , médecin aliéniste, neurologue autrichien, fondateur de la psychanalyse s'il pouvait observer cette scène en ce moment.

Monsieur Hitler alla donc chercher une lance qui lui permettrait de pousser mademoiselle la secrétaire hors de la planche, dans le vide.

Son destin serait cruel.

Mais tel est le sort des grands hommes. Il leur est nécessaire de se servir des petites gens qui sont comme des marche-pieds nécessaires à leur succès.

Ce ne serait pas fait de gaieté de coeur, car monsieur Adolf Hitler n'était pas cruel de nature. 

Mais c'était nécessaire.

Cette pauvre femme terrifiée leur faisait obstacle. 

Monsieur Hitler alla donc chercher la lance. 

Pendant ce temps, monsieur Kafka essayait de l'encourager par des mots aimables, des douceurs et des promesses. Comme on fait d'habitude pour les femmes.

*

État 1. 23 nov. 2013

442.139.46. MADEMOISELLE LA SECRÉTAIRE S'ÉLANCE EN HÉSITANT VERS UNE MORT CERTAINE

Monsieur Adolf Hitler et monsieur Franz Kafka, toujours respectueux de l'ordre et de la tradition voulant que les femmes passent en premier ont finalement convaincu mademoiselle la secrétaire d'aller de l'avant.

Mademoiselle la secrétaire est donc sur la planche, large d'un livre, menant du musée de la civilisation chrétienne à un avenir inconnu.

Il n'a pas été simple de la convaincre.

Mais elle est la plus petite. La plus légère. 2 arguments de poids, dira-t-on. Il y a moins de chance, mathématiquement, physiquement, scientifiquement - qu'il lui arrive quelque chose. 

Monsieur Franz Kafka est plus lourd, 

Et monsieur Adolf Hitler, le plus costaud des 3. Ce qui n'est pas difficile. Puisqu'il est assez feluette dans l'ordre national des costaud. Tout simplement dans la moyenne. 

Tandis que monsieur Kafka est long et mince comme une lame de couteau émoussée.

Les 2 planches superposées peuvent - théoriquement- supporter leurs poids. Il y avait un certain nombre de livres pesants sur elle. Mais elle n'est certainement pas suffisamment solide pour les porter tous les 3 ensemble. Il est donc probable qu'ils puissent passer à tour de rôle. C'est maintenant le temps d'essayer.

Qui passerait en premier ?

Si tout se passe mal, les cris de douleur du corps déchirés et en train de se vider comme un sac de viande, de tripes, d'organes et de sang dont s'échappe lentement une âme terrifiée. Ce corps inexorablement décousu, éviscéré par les lames verticales et les pieux horizontaux, aurait probablement eu un effet néfaste sur le moral des 2 survivants. 

Il valait donc mieux que les planches ne cassent pas. 

On les avait vérifiées. 

Pas de noeuds, ni de fentes ni de veines traîtresses. Une bonne planche de bon bois de chêne. Une autre planche de bon bois pour la renforcer. Il était donc sinon impossible, du moins improbable que les planches cassent.

Mais les pieds pouvaient vaciller.

Le passant pourrait être pris de vertige.

Et basculer de lui-même dans le vide.

Et mademoiselle la secrétaire était si naïve.

*

État 1. 23 nov. 2013

19.11.13

441.138.45. MONSIEUR FRANZ KAFKA EST ÉMU PAR MADEMOISELLE LA SECRÉTAIRE ET SA MORT PROCHAINE LE PRÉOCCUPE

Monsieur Adolf Hitler et monsieur Franz Kafka devant le mur vide qui les amènerait à la liberté (probablement) si jamais ils osaient en franchir le seuil.

Ayant débattu du pour et du contre, ils avaient décidé d'utiliser mademoiselle la secrétaire comme cobaye parce qu'elle était la plus légère des 3. 

Ce qui est parfaitement logique. 

Car leur installation avait été vérifiée (prudamment) de quelques coups de pieds. Tout tenait en place. 

Pour le moment.

Mais 

Car on pouvait quand même se poser des questions sur la précarité des planches déposées sur le sol. 

Il suffirait d'une fissure pour les précipiter vers une mort qui pourrait être décrite de bien des manières pour finir à chaque fois par espérer qu'elle soit rapide.

Il valait donc mieux éviter de décrire. 

Ou d'y penser.

Dégoûtante mais rapide.

Ils ont fait des signes à mademoiselle la secrétaire qui ne vient pas. Elle semble avoir trouvé sa rédemption quelque part.

En attendant, chacun discute de sa carrière future. Ou du lendemain. 

Malheureusement, le mot futur pour tous les 2 avait toujours été un terme vague. 

Monsieur Hitler, dans ses moments délirants d'enthousiasme s'était toujours vu un grand destin. Quoiqu'il ne pouvait pas en préciser la variété. Il avait pensé à la peinture. Puis à l'architecture. Et monsieur Kafka lui avait fait récemment penser à la bande dessinée.

Dans ses moments d'abattements qui succédaient ou précédaient ce qu'on pouvait appeler joie ou bonheur ou contentement, tout redevenait flou et sombre. 

En ce qui concernait le flou et le sombre, l'esprit de monsieur Kafka valait bien le sien.

Donc chacun des 2 échangeaient des propos déprimants.

Monsieur Adolf Hitler

Monsieur Franz Kafka

Monsieur Adolf Hitler

Chacun élabore sur ce lieu étrange. Sur ce qu'ils ont pu en voir jusqu'à présent. Ce qu'ils en ont pensé. Et ce qui peut se trouver encore de l'autre côté de ce mur. Et de sa mécanique. Et au-delà de ce sinistre plancher. 

Selon la logique la plus simple, monsieur Hitler conclut qu'il est tout à fait possible et probablement certain qu'ils vont mourir bientôt. 

Monsieur Kafka lui propose une idée inspirante au sujet des mystérieux propriétaire de ces lieux. 

La réponse de monsieur Kafka lui montre que son scepticisme prudent ne l'avait pas ébranlé. Monsieur Hitler, toujours le meilleur homme du monde, lui propose ensuite ce qu'il pense être une preuve de son erreur de raisonnement. 

Le temps passe et on en est encore là une heure plus tard.

Le professeur de monsieur Kafka s'inquiétait pour sa fibre morale. 

Et un prédicateur lui demandait: mais que feras-tu plus ? 

Ou 

Que comptes-tu faire de ta vie?

_ Mourir !

Le vertueux pasteur fut choqué. 

*

État 2. 20 nov. 2013

18.11.13

440.137.44. MADEMOISELLE LA SECRÉTAIRE EST HEUREUSE. ELLE N'EST PAS AU COURANT DU DESTIN TRAGIQUE QUI L'ATTEND.

Pendant ce temps, mademoiselle la secrétaire était à épousseter un autre monument antique.


La châsse en or et argent contenant le corps de Charlemagne.

Karolus Magnus, Karl 1, Charles Ier, Kaiser Karl der Große.

Roi des Francs. Couronné empereur de l’empire universel d’Europe. À Rome, par le pape Léon III, le 25 décembre 800.

Empereur de la Grande Europe. Englobant l’Espagne, l’Italie, la Pologne, l’Ukraine et qui pourrait aussi s'agrandir en Russie, comme l'avait voulu Napoléon, lui-même, empereur. Et l'Angleterre, puisque la petite île moisie appartenait à la France. Qui, on l'a vu, est Allemande. 

Le tombeau et ses restes sacrés, provenait de la chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle, chapelle privée de Charlemagne dorénavant incluse dans la cathédrale d'Aix-la-Chapelle qui, elle-même, faisait partie du palais d'Aix-la-Chapelle. Chaque morceau étant englouti par un autre et un autre qui les engloberait tous. Dans la ville d’Aix-la-Chapelle. Ce qui a le mérite d’être clair. Lieu de sa mort. En Allemagne. Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie.  

Comme si par cet acte, il avait voulu faciliter la vie des élèves moyens d'un cours d'Histoire.

Et de tous ces coquillages de pierres entralacés, on avait extrait le meilleur qui se trouvait ici. 

Long. Large. Lumineux. Dorés. Avec de jolies bas-reliefs. 

On l'avait d'abord enterré dans un sarcophage romain, en marbre, sculpté lui-aussi. Sépulture d'un autre personnage historique dont on ne savait plus rien - pour disposer d'une telle dernière demeure, ce Romain ne devait pas être n'importe qui. Mais le temps passant, tous ceux qui le connaissaient étaient morts eux-aussi, même Rome était disparu, ce qui n'était vraiment pas de chance. Ce qui fait qu'on avait jeté son corps dans un ruisseau - c'était un païen - et on avait gardé son beau tombeau blanc. 

Qui n'était pas ici. 

Car un des fils de Charlemagne avait fait préparé un tombeau plus beau encore. Tout doré. Le marbre est bien. Le marbre sculpté aussi. Mais c'étaient des déesse païennes. Et c'était mauvais. 

Mais rien de comparable à des bijoutiers et des orfèvres pour concevoir votre tombe. Vous êtes mort, bien sûr, cela ne change rien à votre situation, vous êtes toujours mort, mais vos héritiers sont contents. 

La légende disait qu'on avait déposé son corps assis sur un trône d'or mais d'autres disaient que la crypte était trop basse. C'aurait été trop compliqué.

Une autre légende disait que son épée qui s'appelait Joyeuse avait un fragment de la Vraie Croix dans son pommeau. Mais c'était probablement comme on vient de le dire une légende. 

Son épée n'était pas ici. 

Mais on l'avait sans doute cherchée.

Pourquoi tenait-on à réunir en de tels lieux, de tels trésors?  

Non qu'ils vaillent des fortunes selon nos normes actuelles, on était loin des temps passés où une aiguille de la couronne d'épines de Jésus valait presque un royaume et où des milliers d'hommes acceptaient de se faire tuer et d'en tuer d'autres milliers pour elle. 

Quoique ce soit loin d'être sans valeur. Il était impossible de revendre le tombeau doré puisqu'il était connu de tous les musées. Un collectionneur privé, un collectionneur privé fabuleusement riche, aurait pu l'acheter pour son cabinet de curiosité et son admiration personnelle - ce qui était probablement le cas ici. 

On aurait pu fondre l'or et l'argent et dessertir les pierres précieuses et en tirer une fortune - encore une fois auprès de collectionneurs peu scrupuleux amateurs de bijoux anciens - mais moins riches que le précédent. 

Et celui-là ?

Tous ces trésors étaient aussi des symboles, des reliques miraculeuses ou dont on attendait impatiamment des miracles ?

Il y avait aussi l'aigle de bronze qui ornait le toit de son palais, jadis, tourné à l'ouest pour narguer les français.

Il y avait une copie du texte d’Éginhard, intendant de l’empereur: 

«Sous cette sépulture est déposé le corps de Charles, grand et religieux empereur, qui glorieusement agrandit le royaume de Francs et le gouverna heureusement pendant 47 ans.»

Au-dessus du tombeau doré, il y avait le portrait de 1513 de Charlemagne d’Albrecht Dürer . Fait 700 ans plus tard. Sans doute amélioré. On y voyait les blasons de l'aigle allemand et du lys français. Démontrant clairement la suprématie de l’Allemagne sur la France.

À côté, le suaire mortuaire de Charlemagne, fait en soie à Constantinople. Qu'on avait extrait du tombeau pour être exposé dans un musée de Paris. Et qui n'y était visiblement plus. 

Le collectionneur maniaque résident en ces lieux cherchait à réunir en un seul lieu les reliques des grands hommes, catégorie conquérant. 

Mademoiselle la secrétaire continuait à épousseter tout à son bonheur.

Il y a des gens qui paient des maison, des gens qui en font les plans, des gens qui les construisent, des gens qui y habitent. 

Et des femmes qui en font le ménage.

La vie est ainsi bien faite.

*

État 3. 18.19.20 nov. 2013


16.11.13

439.136.43. MONSIEUR ADOLF HITLER EST UN HOMME D'ESPÉRANCE

Nos 3 héros se laisseraient facilement aller au désespoir avec toutes les raisons possibles tant cette situation semble tragique. 

Qui oserait les contredire? 

Monsieur Kafka qui est un homme logique - son métier d'assureur qui jongle avec les possibilités de décès, de maladies, d'accidents ou d'infirmités, l'obligeant à des calculs rigoureux et soigneux, car une compagnie d'assurance qui assure n'importe qui sous prétexte d'humanité va droit à la ruine. Une compagnie d'assurance ne peut assurer que des gens en bonne santé et mourant subitement à un grand âge ce qui aura permis à leur prime de fructifier pendant quelques décennies à intérêts composés. La vision d'un malade infirme ou handicapé ou même d'un grippé ne pouvant que faire fuir tout assureur. Le malheur s'acharne sur ce possible client. Il vaut donc mieux le laisser à un concurrent. 

Donc, convenant que monsieur Kafka est souvent logique et doué pour le calcul et doté d'une esprit sain et rigoureux - ah! Si ceci pouvait durer, chuchotait son pauvre père. Mais, malheureusement, cela ne durait pas. - il commença à calculer.

Non leurs possibilités de sortir vivants d'une telle aventure. Possibilités proches du néant, compte tenu des circonstances présentes.

Mais le calcul de la surface du plancher. De son périmètre. Du meilleur angle. 

Monsieur Hitler n'ayant jamais été bon en chiffre - il était arrivé en retard à son examen aux Beaux-Arts ce qui avait été en sa défaveur. Les premiers arrivés étant les premiers servis comme on dit toujours et avec raison. Les professeurs devant juger à cet examen appréciant les jeunes visages propres et bien lavés et enthousiastes et non les airs sombres et maigres de ceux qui dorment mal on ne sait où. L'habit fait le moine, dit-on. Avec raison. On aime les gens bien habillés démontrant une aisance naturelle et une confortable richesse et non les êtres maigres, décharnés et efflanqués qui ne mangent probablement pas à leur faim tous les jours. La vie est injuste et cruelle et elle prend grand plaisir à son injustice et à sa cruauté comme tous les pervers déments. Mais c'est la vie !

Donc monsieur Hitler pas très doué pour le calcul le laissa faire.

Monsieur Kafka qui avait besoin de son aide pour les suites de l'opération lui expliqua son projet désespéré. Avec un air d'affliction qui était devenu commun lorsqu'il engageait la moindre conversation.

Il fallait prendre les planches de la bibliothèque. Heureusement, un certain nombre n'étaient pas cloués parce qu'on avait prévu les déplacer un jour si jamais les livres qu'on y poseraient ce jour-là serait d'un format différent. Ces planches étaient donc posées à chaque extrémité sur de petits pivots de cuivre ou de laiton ou de bronze, enfoncés eux-mêmes dans des cylindres de cuivre, de laiton ou de bronze, creusés dans les parois de bois des montants des bibliothèques. Une série de ces tubes, vides ceux-là, étaient enfouis à intervalles réguliers, permettraient de modifier l'espacement des étagères en y insérant les petits tubes de métal porteurs. Ce qui est fascinant. 

On enleva des livres.

Mademoiselle la secrétaire fut encore une fois prise d'une pulsion irrésistible pour épousseter. Se mit donc à dépoussiérer les livres qui n'avaient probablement pas été déplacés depuis des années. Puis ce fut au tour des planches. Et du mur. 

Monsieur Hitler et monsieur Kafka soupirèrent comme un seul homme devant cette calamité armée d'un chiffon. Cette fois, celui sur lequel était dessiné le visage de Jésus.

Monsieur Hitler aida monsieur Kafka à porter les planches jusqu'au mur découvert.

C'est là que monsieur Kafka expliqua le plan désespéré - il en aurait voulu un plus propice à un message d'espérance mais il n'en avait pas trouvé ce qui était désolant - 

L'espace du petit hall menant aux 2 tunnels souterrains faisait 2 mètres de côtés. Sur 4 côtés. Un rectangle parfait. 

Ceci était facilement compréhensible.

Si on mettait une planche en angle comme on ferait pour un triangle rectangle on obtiendrait une hypoténuse satisfaisante. 

On jeta donc une planche et celle-ci se trouva être précisément de la bonne longueur entre le bord du précipice et le bord du corridor. 

Elle était même suffisamment longue pour dépasser de chaque côté afin d'offrir une assise stable. Sinon, elle n'aurait reposé que sur le plancher traître et dissimulateur, les précipitant vers le vide infernal dès qu'ils oseraient y poser les pieds.

On ne choisit pas vraiment quel corridor aller. Les 2 se valant probablement. La seule certitude étant qu'on n'en savait rien. L'un allant à gauche et l'autre à droite.

Monsieur Hitler donna quelques coups de talons à la planche et celle-ci, en bon chêne, tint bon. 

Il ajouta une autre planche pour faire bonne mesure. 2 épaisseur de planches de chêne étant certainement mieux qu'une seule.

Ceci faisait maintenant un passage stable et sur comme un pont.

Ensuite, on appela mademoiselle la secrétaire pour tester le dispositif.

*

État 2. 16.17 nov. 2013

438.135.42. NUIT FUNESTE DANS UN SOUTERRAIN

Monsieur Franz Kafka qui est assureur de son métier. 

Sa véritable vocation étant la poésie mais comme on dit: il faut bien vivre ! Ce à quoi répondent certains  cyniques: Pourquoi ? On n'en voit pas la raison ! 

Et ses timides essais de publier dans des revues confidentielles destinées à des intellectuels marginaux, au lieu d'attirer la fierté paternelle sur lui, entraînent plutôt des malédictions ou, au mieux, des commentaires éloquents de son père et de ses 3 soeurs et de sa mère. Le père levant le bras au Ciel pour invoquer le dieu des Juifs qui enverra un éclair pour électrocuter son fils malveillants. Les femmes (même celles qui ne sont pas Juives) se contentent de lever les yeux vers le Ciel en soupirant, attitudes typiquement féminines et si vexantes quand elles s'adressent à un homme. Sa mère se contentant de pleurer devant le funeste avenir qui attend inévitablement son fils avant son décès cruel.

Et son acharnement ou sa détermination à poursuivre son funeste dessein - publier des poèmes - ne fait qu'entrer une flèche cruelle de plus dans son coeur de mère. Coeur fragile et sanglant. 

Et ses yeux de mère pleurent des larmes de désespoir. 

Qu'il est triste de voir sans cesse la douleur d'une mère.

Qu'a-t-elle pu faire pour mériter un tel fils ingrant ?

Et ses soeurs, médisantes et calomnieuses comme toutes les femmes, se donnent un air entendu, un de ces airs supérieurs, soupçonnant une infirmité quelconque, comme le fait qu'il soit probablement inverti, pédéraste ou homosexuel. Comme tous les artistes dégénérés. 

Donc, monsieur Kafka qui s'y connaît en assurance fait une analyse de la situation. 

Selon lui, la notion de risque réfère à une situation de moindre danger que celle à laquelle réfère la notion de danger. La jurisprudence a défini la notion de danger selon qu'il représente une certaine probabilité de lésion. La notion de risque suppose une situation de moindre gravité et se définit comme une simple possibilité de lésion. La notion de risque vise plus de situations que la notion de danger. Situations où il est non seulement possible mais probable qu'un accident ou une chute survienne. Donc des situations non spécifiques où il y a simple simple possibilité statistique de blessures, infirmités. 

Monsieur Hitler et mademoiselle la secrétaire regardent monsieur Kafka analyser l'entrée de l'issue secrète. 

Pour toutes autres personnes qu'eux, tout semblerait normal. Une ouverture dans le mur qu'il vaudrait mieux ne pas expliquer - des journalistes y verraient tout de suite la notion de secret et de complot et se mettraient à se lamenter les bras en l'air en invoquant le Ciel pour qu'un éclair frappe le mécréant. Car dans un monde normal, il ne saurait y avoir de complots, de manoeuvres secrètes et confidentielles. Tout est clair sous un ciel bleu sans nuage. Les journalistes souffrants (mais dignes) étant connu pour avoir les chants les plus beaux. 

Le plancher paraîtrait à une personne ignorante tout à fait normal.

Il serait impossible pour cette personne normale de concevoir que le sol puisse s'entrouvrir et révéler une forêt de pointes d'acier fichées dans le sol.

Il y a des gens qui vivent dans un monde où les planchers sont stables, prévisibles, adéquats. 

Dans le monde qu'ils habitent qui n'est pas l'univers paisible des gens ordinaires, les planchers peuvent s'ouvrir à tout moment. Et on ne sait rien des murs et des plafonds.

Mademoiselle la secrétaire qui, comme toutes les femmes, étant obligées un jour d'enfanter et doivent obligatoirement disposer d'un cerveau limité et crédule qui leur fera croire naïvement que le bonheur et l'amour existe - si elles ne sont pas dans cette situation idyllique ce n'est pas parce que le bonheur et l'amour n'existe pas mais parce que c'est leur faute, elles ont un défaut quelconque, une fatale infirmité et, heureusement, il y a l'espoir - et que leur bébé futur vivra dans un monde pacifique dans la joie et le ravissement au lieu d'une vallée jonchées de ronces et de récifs blessants et de soupirs et de larmes comme dit l'Église Catholique sinon, pourquoi faire des enfants ? 

Il leur faut donc un certain cerveau qui se ment sans cesse à lui-même afin de fuir la réalité - qui, de toute façon, à cause de ce même cerveau, leur est tout à fait incompréhensible - et celle qu'elle offre à son pauvre enfant. 

Désespéré devant ce monde dont personne ne lui avait jamais parlé avant, il peut arriver que le bébé devenu homme, prenne une carabine et tue sa mère qui, sans lui demander son avis, l'a fait existé ce qui a eu pour conséquence qu'il se voit ainsi piégé dans ce monde. Ou qu'il aille faire un carnage dans une école. 

Heureusement, cela n'arrive pas souvent. Ce qui arrive plus souvent, statistiquement, est le suicide par pendaison. Ou si le suicidaire a à sa disposition une arme à feu, il la retournera contre lui. Mais, généralement, encore une fois, selon les statistique, le désespéré moyen se droguera. Mais la situation la plus fréquente sera qu'il se saoulera. La société bienveillante ayant prévu une série d'alternative à la réalité. Au moyen de diverses substances vendues dans les établissements prévus à cet effet. On ne peut sans cesse se frapper à un mur pendant 90 ans sans qu'il soit nécessaire d'oublier, parfois, ou régulièrement, sa présence. OU celle du mur. Ou les chocs répétés entre le mur et soi. 

Ce qui montre que ce monde est bien fait. 

Donc, mademoiselle la secrétaire, dans un délire optimiste - nous avons décrit la nécessité du délire dans l'esprit féminin du fait de l'enfantement ou de ses possibilités et de ses conséquences - observa judicieusement, que si on parlait il y a un instant ou tout à l'heure de la possibilité ou certitude de pannes dans l'organisation interne des pièges mécaniques, pourquoi l'entrée du passage souterrain ne serait-il pas, lui-aussi, non, hein!

_ C'est vrai qu'on a déclenché le mécanisme 3 fois.

_ On va bientôt être à cours de Néron.

_ Le monde n'a jamais manqué de tyrans, on va faire un tour dans la collection.

L'espérance féminine comme on vient de le voir est contagieuse. Ainsi, il arrive souvent que le plus désespéré des hommes se laisse aller à l'attirance d'un joli sourire, des yeux pleins d'espoir (encore) et d'un front charmant. Et une seule nuit suffira pour que la machine de la vie enfouie dans les organes féminins se mette en branle. Une femmes désespérée peut aussi arriver au même résultat par le même moyen. La Nature et la lune ayant ses méthodes et es procédés qui n'ont nullement besoin d'un esprit fonctionnel.

Ainsi depuis des millénaires des millions et des millions d'esclaves naissent d'autres esclaves désabusés. Sans que jamais personne ne songe une fois à arrêter la chaîne infinie de l'esclavage. Disant: ça suffit comme ça!

Il y aura toujours une femme possédée implorant les bras ouverts. 

On ramena donc quelques nouveaux criminels historiques, rois, présidents, papes. Assez pour recouvrir les coussins d'un autre fauteuil. 

Et on fit glisser le tout dans la sinistre ouverture. 

Et le sol se déroba sous les roulettes du fauteuil. 

Encore une fois.

Et tout le charment de fous et d'hallucinés - qu'on appelle Grands Hommes - culbuta dans le vide, s'embrocha tout au fond sur les pics d'acier.

Et

Le plancher une fois sa sinistre besogne faite, se referma doucement et sans bruit.

*

État 1. 16 nov. 2013

15.11.13

437.134.41. LA SITUATION SEMBLE DÉSESPÉRÉE. COMME LES SAGES ANCIENS DEVANT UNE TELLE SITUATION TRAGIQUE, ON PENSA SACRIFIER UNE FEMME

Mademoiselle la secrétaire avait parfois le cerveau obtus - qui connaît les femmes comprendra à demi mot - ne l'entendait pas de cette oreille.

Elle avait entendu ce qu'ils allaient faire. Et ce qu'on allait lui faire pour le bien de tous. À commencer par le leur.

Elle avait donc de multiples objections à porter à leur attention.

Et, afin d'attirer celle-ci - elle s'était terrée derrière le grand bureau de lecture de monsieur Hitler (provisoirement - en réalité, il appartenait à son légitime propriétaire car nous croyons à la propriété privée, la qualité nécessaire à toute civilisation )

Et, là, elle avait une longue épée, longue et légère à la fois, comme faites pour ses mains. Elle avait eu tout le temps de faire sournoisement le tour du musée des armes afin de choisir ce qui lui conviendrait.

Monsieur Hitler qui était convainquant quand il faisait des efforts avait beau lui inculquer la beauté du sacrifice, sa nécessité, il ne parvenait à à trouver les mots qu'il fallait. Découragé, il abandonna trop vite.

_ Je ne suis pas Socrate. Lui au moins parvenaient à persuader n'importe qui.

Profitant de ce moment de découragement - on remarquera la facilité avec laquelle monsieur Hitler abandonnait devant le moindre obstacle - ce qui avait fait dire à son père qu'il n'arriverait à rien dans la vie - ajoutant en joignant le geste à la parole, les bras en l'air comme un rabbin: mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un tel enfant ? 

Donc.

Profitant d'un instant de répit. Tout en gardant sa lame pointe en avant, elle dit:

_ Qui vous dit que le mécanisme va s'arrêter lorsque quelqu'un aura la jambe prise. Vous présumez que la machine a été défectueuse un moment et qu'elle le sera encore une fois. Comme vous l'espérez. Elle s'est déjà mise en route trop tard. Ce qui nous a permis de passer sans embûche. Depuis ce temps, elle fonctionne sans arrêt et impossible de passer de nouveau.

_ Nous avons compris tout cela.

En effet, monsieur Hitler et monsieur Kafka étant des hommes, et des hommes supérieurement intelligents, ils avaient très vite compris ce qu'il y avait à comprendre.

_ Et si la machine n'arrête pas?

Cet argument ne les troublait nullement.

_ Jamais. 

Pour que leur plan fonctionne, il fallait que la machine s'arrête. Sinon, tout était raté. Il leur faudrait trouver autre chose, concevoir un autre plan. Ce qui ne serait pas facile pour ainsi dire, difficile, au fond du trou en train de sautiller sur les gros cylindres.

_ Supposons que la machine fonctionne parfaitement bien. En un instant, elle a agrippé la première personne qui tombe. Son soulier y passe, son pantalon, sa jambe. 1 minute après, tout le corps y est passé. Et la deuxième personne qui glisse pour grimper sur la première est entraîné à son tour. 

_ Mais si la première personne est absorbé, l'expérience sera un échec, personne d'autre ne se jettera dans le trou. 

_ Mais supposons qu'il y a une panne, comme vous espériez. Mais pas tout à fait comme vous l'espériez. La première personne tombe. Sa jambe est déchiquetée. La machine se bloque. La deuxième personne glisse pour entreprendre la suite des opérations. La machine se débloque. 

_ Pour quelle raison?

_ Pour on ne sait quelle raison.

_ Elle a raison. 

Dit monsieur Kafka.

_ Tout ça est bien théorique et très aléatoire. La machine est bloquée. Elle se débloque. Nous sommes ici, ses prisonniers. Elle se bloque encore. Parce que nous avons besoin, comme elle vient de dire, qu'elle se bloque encore pour réussir. Mais elle se débloque encore. Parce que dans la vie, rien ne se passe comme prévu.

_ Vous n'allez pas dire que ce n'est pas logique, vous qui aimez tellement la logique.

Dit mademoiselle la secrétaire en faisant quelques moulinets avec son épée afin de bien se faire comprendre.

Monsieur Hitler soupira.

Monsieur Kafka soupira.

Abattu par ce coup du sort, ils allèrent, main jointe derrière le dos, vers la second piège. Celui qui menait vers le corridor.

Celui-ci était encore plus effrayant s'il y avait un système de notation pour les pièges dans les châteaux hantés.

La fosse était cubique. De bon métal. Les parois parfaitement lisses et aussi lisses que droites. Rien pour s'accrocher. Et tout en bas, 2 gros rouleaux de fer munis de longues et larges pointes. Qui roulaient. On trouve de semblable dispositif dans les manufactures de bois lorsqu'il est besoin de réduire en copeaux des troncs entiers.

Et les rouleaux roulaient sans arrêter de rouler. 

Jamais.

Monsieur Hitler soupira.

Monsieur Kafka soupira.

Abattu par ce nouveau coup du sort, ils allèrent, main jointe derrière le dos, vers le troisième piège. Celui qui menait vers les corridors ou tunnels secrets.

Aucun des 2 n'ayant eu une nouvelle idée depuis la première qu'ils avaient eu et les avait tant enthousiasmée.

Le mur était resté ouvert. Il semblait y avoir une petite salle. Avec une lumière - la lampe à l'huile qu'ils avaient décroché du mur, là, où il y avait une collection de toutes sortes de luminaires - le collectionneur de ces lieux étant fort éclectique - on devinait  assez bien le tunnel de gauche et de droite. L'un allant à l'est, l'autre à l'ouest.

Comme pour faire exprès, le plancher qui était le couvercle ou la trappe de ce piège trompeur et monstrueux, s'était refermé. Tout avait l'air encore une fois complice, amical, inoffensif. Mais tous 3 savaient maintenant qu'il s'agissait d'un piège monstrueux, ignoble, installé par un esprit démoniaque et cruel. 

Et ce n'est pas les 2 autres pièges qui pourraient contredire une aussi mauvaise impression.

_ On ne peut pas rester ici.

_ Cesser de le répéter, nous avons compris.

_ Vous n'essayez pas de passer?

Mademoiselle la secrétaire le regardait narquoise comme il arrive que les femmes narquoises vous regardent.

_ Il se peut que, comme vous l'espériez ou le prévoyez pour le piège de la porte d'entrée, qu'il cesse subitement de fonctionner. Puisque vous l'espérez, il est évident qu'une telles chose va se produire.

_ C'est évident

Dit-il avec un air de profonde tristesse.

Monsieur Hitler pensa à son échec cruel à l'Académie des Arts. Il n'avait pas pratiqué. Il n'avait rien préparé parce qu'il était sûr qu'il serait admis. Il ferait l'admiration de tous. Il serait le meilleur. Parce que c'était son destin. Il était un artiste. 

On examina les projets préparé par les autres concurrents. Il y en avait plusieurs médiocres, quelques uns fort bon et si peu d'excellent. 

Mais il n'avait rien fait.

On les fit copier des bustes antiques.

Dessiner des fleurs dans un pot.

Se prendre les uns les autres comme modèles afin de voir leur facilité à reproduire la réalité, telle était pour les sévères professeurs de ces lieux, la fonction première d'un artiste.

Il y avait différents pointage. On faisait la moyenne des différents concours.

Il fut jugé trop léger.

Il recommença une autre fois, un an plus tard.

Sans avoir rien fiat. 

Il serait admis. Il était impossible qu'il ne soit pas admis. Parce qu'il était un artiste. Il avait entendu l'appel. L'avait fortement ressenti. Au plus profond de son être. Il allait bouleverser le monde. Il le savait.

Il faut encore une fois pesé et jugé trop léger.

Ce coup du sort le bouleversa, le retourna comme on ferait avec la peau d'un écorché vif. Tout ce qu'il avait imaginé n'était donc que mensonge, illusion, comme ne cessait de dire son père. Pire. Il se croyait. Il n'était qu'un raté. Comme il ne avait tant vu. L'Autriche et l'Allemagne ne cessait d'en produire. Tous les vivants étaient admis au grand banquet de la réussite, il fallait courir, jouer du coude, s'escalader les uns les autres, monter sans cesse. 

Ou tomber.

Tomber toujours plus bas.

Et, dans les quartiers d'où il venait, il y avait tant de ces échecs vivants ou à peine.

On pouvait échouer à tout âge. Il y en avait des encore jeunes tout comme lui. Des enfants, nés de parents échoués mais tenant pour on ne sait quelle raison à procréer un nouvel échec, quelqu'un qui n'aurait aucune chance, qui n'aurait aucune illusion, puisqu'il serait né tout en bas. Lui, au moins, né en haut, pas si haut, mais un peu plus haut qu'eux, avait cru.

Le Destin se jouait de lui.

Le Destin, ce qu'il appelait son Destin, n'était pas pour lui, n'avait jamais été à lui. Il était à d'autres, peut-être, mais pas à.

Illusion.

Farce. Comédie.

Il avait pensé mourir. 

Il avait pensé se tuer.

Il s'était toujours demandé comment il se faisait que tous ces ratés si nombreux ne se tuaient jamais. Ou si peu. Ils se laissaient vivre. Attendant la fin. Qui arriverait bien vite car, dans ces lieux infernaux, on mourait bien vite et certainement plus vite que les bourgeois. Toutes les maladies et les accidents vous étaient réservés. Ils attendaient probablement que l'État, un jour, les sorte par la force de leur antre de malheur. Comme un bébé difforme que l'on extrait du ventre puant avec des machines et des pinces. Entre temps, ils s'accrochaient comme des huîtres à leurs rochers de malheurs. Récifs des enfers et du purgatoires et des limbes. Damnées des villes et des champs. Car les malheureux venaient de toutes les régions pour être malheureux ici. Et ceci durerait tant que l'État dans sa prévoyance, ferme et secourable, ne mettrait pas fin à ces vies déjà détruite. Comme on abat des chiens. Des vieillards. Des infirmes. Des inaptes. Des malades. Des contagieux. Des orphelins. 

Sans compter les féroces parmi les perdants qui refusaient de perdre pieds et qui se serviraient de n'importe qui comme escalier comme il avait essayé de faire il y a un instant avec mademoiselle la secrétaire.

Monsieur Hitler était abattu.

Il lui arrivait de s'abattre ainsi des heures, des jours, des mois, des années.

Il lui avait fallu quelques années d'abattement avant de se remettre du désespoir de l'examen raté par sa faute. 

Il n'aurait pas du boire pour se donner du moral.

Le contact des étrangers l'intimidaient. 

Ce n'était plus le cas pour lui. 

Mais c'était encore le cas de monsieur Kafka. 

Il le regardait avec désespoir. Il avait l'impression de se revoir. Plus jeune. Stupidement jeune. 

Mais contrairement à lui, monsieur Kafka avait toujours l'air de ne pas vraiment savoir où il était.

Lui, le savait fort bien. Fortement.

Il était mort.

Les scientifiques disent que la pression de l'air sur les épaules d'un homme équivaut à 100 kilomètres d'air. Qui va du sol jusqu'aux espaces où d'autres scientifiques affirment que l'air se raréfie ou qu'il n'y en a même plus. Et cette gigantesque colonne d'air pèse sur le plus petit centimètre de votre peau.

Épuisé, écrasé par l'air et le vide, monsieur Hitler s'asseoit.

Le désespoir s'abattait encore sur lui.

100 kilomètres de désespoir et de chagrin.

Mademoiselle la secrétaire restait derrière son bureau avec son épée. Surveillant tout le monde.

Pendant ce temps, monsieur Kafka pensait.

*

État 1. 15 nov. 2013