HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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9.10.13

371.67

Pourquoi?

Tant de question.

Pourquoi?

C'est ce que ne cessait de répéter sa mère.

Tous les jours où il y avait un matin lourd de son poids de béton gris et mouillé. Lorsqu'elle se réveillait à peu près. Abrutie par les comprimés que lui avait prescrit son médecin de famille (abonnement à un cabinet privé) et que lui avait fourni son pharmacien en lui faisant les recommandations d'usage. Pas d'alcool avec. Non. Car à la voir, à la sentir, il se demandait si elle.

Les flacons et les pilues.

Les seules choses qui la faisait dormir - en fait, ce n'était pas dormir dont il s'agissait - mais de couper chimiquement le tronc cérébral, déconnecter brutalement le cerveau, pour enfin, enfin, ne plus rien sentir, ne plus rien penser, ne plus se souvenir, ne plus pourquoi. Comme jamais.

Ces merveilleux comprimés l'empêchaient de penser, regretter, imaginer ce qu'elle aurait pu faire, pu dire, éviter de faire, de dire.

Ne pas imaginer.

Ne pas essayer de devenir ce que sa petite fille vivait à ce moment.

Si elle était vivante.

Et comment elle était morte.

Si elle était morte.

Ne pas.

Ne pas.

Jamais.

Tous les soirs, lorsqu'elle se couchait après avoir essayé toute la journée de rejoindre le poste de police, le bureau de détective privé engagé par son mari, son mari, monsieur Dickson qui boudait, elle se demandait.

Pourquoi?

Et toutes les heures de la journée.

C'était au tour de l'officier de police près du médecin spécialiste des cadavres près du la table d'acier inoxidable sur laquelle était allongée le petit corps.

D'autres pourquoi.

Les yeux étaient secs et il était difficile - mais probablement possible - d'enlever lse verres de contacts collés. Avec la technologie actuelle, on pouvait photographier ces emepreientes.

Mais la technologie moderne ne permettait pas de répondre aux questions. À un certain nombre auxquelles on répondait une à une. Mais pas à toutes.

Pour la faire souffrir?

L’aveugler ?

Lui crever les yeux.

On n’avait pas réussi.

Pas suffisamemnt essyé.

L’empêcher de voir.

On apprendra plus tard par son agresseur qu’après avoir pleuré, supplié, lui avoir tant de fois demandé pourquoi? Elle avait regardé celui qui s’acharnait sur elle comme si elle le jugeait.

Silencieuse.

Comme une mère observe et juge un vilain garnement en train de faire de vilaines et terribles choses.

Et il ne supportait plus ce regard et il avait pesé sur ces yeux. Sans penser qu’elle portait des lentilles. Et qu’il y laissait malgré lui ses empreintes.

On avait donc aussi des empreintes.

L’ordinateur les compara aux registres de toutes les empreintes des personnes étant passé dans le système judiciaire. Et on trouva.

L’homme était déjà dans le registres des criminels dangereux à surveiller et contrôler jusqu’à la fin de ses jours.

Un possible et probable récidiviste.

Et l'imprimante sortit de son organisme, feuille à feuille, sa vie.

Il avait été arrêté pour pédophilie, agression sexuelle dont le viol.

La dernière fois, c'était un viol.

Plus le temps passait, plus la gravité de ses crimes augmentait.

On avait à ce moment pris un échantillon de son sang et de son sperme. Échantillon biologique incriminant qu’on avait aussi trouvé chez quelques unes de ses précédentes victimes. Et la dernière.

Ce qui l'avait fait condamner.

Une autre fois.

Mais on venait de le libérer pour bonne conduite. Une autre fois.

La psychologue - la psychologie étant encore une science en devenir - avait rempli un rapport favorable.

Le comité d'évaluation avait annoté ce rapport avec une relative satisfaction.

Il avait en prison complété une démarche qui démontrait sa volonté de guérir.

Et

Comme on disait : il avait payé sa dette à la société.

Ou

Comme les prisons étaient surpeuplées et que chaque pensionnaire coûtait plus de 100 000 $ par an, on n'avait pas envie de le voir s'incruster définitivement. D'en prendre une sorte d'habitude malsaine.

Sa sentence avait été réduite au 2/3.

Et comme il démontrait une volonté ardente de mieux faire et un repentir sincère et collaborait avec le comité thérapeutique, il fut libéré au 1/6 de sa peine.

Comme les autres fois.

Il était redevenu un homme libre.

Pas tout à fait. Car on voulait le suivre à la trace. L'aider dans le difficile chemin de la réhabilitation et du pardon.

Et il leur avait filé entre les doigts.

On regretta de ne pas lui avoir posé un détecteur à la cheville qui aurait permi de le repérer où qu'il se trouve. Problème budgétaire. Le nombre de ces détecteurs étant limité, coûteux, fragiles, on les avait réservé pour des cas plus graves. Ou qu'on avait pensé plus graves.

Mauvaise pensée.

Série de mauvaises évalutions.

On se rassurait comme on pouvait.

Jusqu’à présent, il n’avait pas tué. Ouf!

Mais il y avait un commencement à tout.

Mais on s'inquiétait tout de même.

On avait beau essayer sans cesse de se rassurer et si on y parvenait souvent, il y avait parfois, quelquefois, ce doute

Car si le pire arrivait

Les spécialistes qui l'auraient (mal) évalués auraient des comptes à rendre. Se ramasseraient avec de mauvaises notes à leur dossier.

Mais ils pourraient expliquer que compte tenu des éléments à leur disposition à ce moment et la psychologique étant encore une sience en devenir se perfectionnant sans cesse

Heureusement, ceci n'arrivait pas tout le temps

Ceux qui pratiquet la physique, la chimie, la géométrie, la théologie avait la chance d'utiliser des connaissances fermes presque définitives

L'esprit humain était mouvant, instable, fuyant. Même celui qui le possédait ne ferait jamais le tour de son propre labyrinthe, s'ignorant lui-même. Et ceux qui devaietn essayer de le comprendre était obligé de naviguer à vue, de sonder sans cesse le fond marécageux et rocheux, de se faufiler dans les courants traîtres. Tout ceci dans le brouillard fiévreux et malsain. La situation des marins antiques dans les paysages. Et, eux, savaient que ce paysage mentait. Non seulement aux autres mais à eux-mêsmes. Illusion dans une illusion.

Quand monsieur Dickson et la petite blonde avait démonté et déconstruit le labyrinthe infernal construit par le fou et sa folle qui possédait la maison ou que la maison possédait

Quand ils avaient traversé ce couloir noir des murs au plancher et au plafond où on avait incrusté dans les murs des clous, pointes en avant. Et des vis. Et des couteaux. Et des fourchettes. Accumulant des pointes pour écorcher ou aveugler ou crucifier toutes personnes qu'on y amènerait. L'idée d'un possible sacrifice humain venait ensuite.

Combien d'heures, de générations avaient-ils pris à clouer, visser, coller, insérer toutes ces petites horreurs de métal ?

Dans ces boyaux sans fenêtre ni lumière.

C'était peut-être la représentation théâtrale d'un esprit ?

Ailleurs, avant, dans une bureau, un homme assis maladroitement sur un fauteuil administratif inconfortable avait répondu avec aussi peu de sincérité que possible à la personne qui pouvait prolonger son incercaréation ou la diminuer. Il essayait de lui présenter une image de son esprit agréable autant que faire se pouvait. Un paysage poétique avec de jolies couleurs.

Oui.

Oui, il avait fait des erreurs.

Oui. Il n'avait pas été parfait.

Il avait compris, après essais et erreurs, de nombreux essais et un grand nombre d'erreurs, qu'il ne fallait surtout pas mettre la responsabilité sur les autres. Sa mère. Les psychologues, le plus souvent des femmes, détestaient qu'on accuse facilement des mère. Pourtant, pendant longtemps, leurs aînés, les psychanalistes, ne s'en était pas privés. Il y avait aussi la bande dessinée. Et les jeux vidéos. Mais il fallait être prudent. Certains attendaient et admettaient de telles causes mais pas touts. La société. C'était la faute de la société. Il était une victime de la société. La société matriarcale. Non. Très imprudent. Les pyschologues sont des femmes.

Il ne fallait surtout pas, surtout pas, surtout pas, accuser les fillettes. Dire que celles-ci l'avait tentée, incité, collaboré, participé. Qu'il était une victime de ces terribles fillettes. Qu'elles avaient abusé de sa naïveté.

Ou qu'il leur avait donné du plaisir. Qu'elles aimaient ce qu'il leur avait fait. Qu'elles réclamaient qu'il revienne près d'elle. Qu'elles venaient à sa maison lorsqu'elles se sentaient seuls pour qu'ils jouent avec elles.

Lorsqu'il abordait ce sujet, il voyait l'esprit de sa conseillère se fermer comme si on claquait les sabords ou les persiennes. Un mur d'incompréhension.

Il avait donc choisi d'être malade.

Un malade peut guérir.

Un malade peut être guéri.

Un malade souffre et l'instinct maternel de la gentille mais sévère personne à qui il se confiait était sollicité.

Ensemble, il guérirait.

Tous les 2 pourraient avec confiance regarde l'horizon et le futur, l'aurore boréale, l'arc-en-ciel.

Oui, l'espoir était possible.

C'est ce que pensait aussi la psychologue devant ses collègue dans le comité thérapeutique.

Oui. Tous gardaient espoir.

En effet.

Tous ne devenaient pas récidivistes.

Beaucoup répondaient favorablement au traitement. Chez certains, le processus de guérison prenait plus de temps que chez d'autres. Mais le progrès n'en serait que plus affirmé. Comme certaines plantes sont plus timides et lentes à croitre malgré le soleil. Il fallait les aider davantage.

Il était disparu depuis un certain temps.

Et ne reapparaissait pas.

On avait donc mal compris la gravité de son cas.

Un autre incompris.

On commença alors à penser qu'on avait mal évalué la complexité de son cas, de son problème ou du problème social qu'il représentait.

On ne savait pas encore à quel point.

Il pouvait actualiser la violence intérieure qui l'habitait.

Tout ce qu'on pouvait faire en attendant de le revoir était d'espérer.

On avait peut-être affaire avec un criminel sans crime.

Il pouvait être quelque part en train de rêvasser aux petites filles ou rôder autour des cours de récréation des écoles primaires ou des maternelles. Activités répréhensibles et socialement contestable et mal vues, mais c'était tout de même mieux que. Que.

Pendant ce temps, les autres équipes avaient un crime sans criminel sous la loupe ou le microscope.

Un crime possible.

Puisqu'à ce moment, il s'agissait d'une disparition.

Et, finalement, le crime s'était produit. Sa preuve était minuscule et nue allongée sur la grande table de dissection.

L'indice qui manquait.

Son agent de probation à qui il devait se présenter tous les mois ne l’avait pas revu depuis un mois. Ce qui était suffisent pour le renvoyer en tôle. Afin de finir sa sentence au complet. Et de poursuive avec plus de sérérité et d'attention son processus de guérison.

Le mois précédent, il était en maison de transition après sa sortie de prison. Tout ceci étant dans les nouvelles feuilles de l'imprimante. On voyait le passé, devinait l'avenir.

Au début, le processus de réhabilitation se poursuivait favorablement, étape par étape graduée, dans la prison, les ateliers de réflexion; hors des murs de la prison, dans d'autres ateliers. De façon à en faire un citoyen honorable qui n’agressait plus les petites filles. Un grand méchant loup amendé. Édenté. Dégriffé.

Et il avait été, il y a pas si longtemps, un citoyen honorable.

Il ne demandait qu'à le redevenir.

Il fallait simplement l'aider.

Mieux que la première fois, lors de la première plainte qui avait actionné le processus judiciaire.

Certainement mieux que la seconde fois.

Toute la première partie de sa vie s'était déroulé sans que rien n'attire l'attention. Ni en bien ni en mal.

Jusqu'à ce qu'une première fillette.

Jusqu'à ce qu'on découvre la sorte de films qu'il avait à la maison. Sa collection de photos repéchées sur Internet.

Ceci après que sa victime suivante ait porté plainte contre lui.

Ce qui avait amené les victimes précédentes à en faire autant.

Ce qui avait entraîné l'intervention de la police à son domicile. Son arrestation. La confiscation de sa collection. Ces preuves matérielles n'avaient pas accordé de circonstances atténuantes lors du procès.

Il s'était mal conduit. Il n'y avait qu'avec sa dernière (ou avant dernière) victime qu'il avait été violent.

Toutes ou presque toutes ses victimes témoignèrent contre lui à son procès.

Et aux autres procès.

Heureusement, il n'était pas seul contre tous. À jamais incompris.

Le psychiâtre qui témoignait en sa faveur - le procureur de la Couronne avait un psychiâtre qui témoignait contre lui (l'accusé) et contredisait contre son confrère - affirmait que les agressions sexuelles, statistiquement, n'entraînaient pas nécessairement les résultats catastrophique qu'une presse sensationnaliste, populiste sans cesse à la recherche de scandales proclamait. Sans compter les féministes qui politisaient le débat pour gagner leur cause contre ce qu'elles appelaient le patriarcat.

Au contraire, aussi surprenant et contreintuitif que ça paraisse, les conséquences sur la victime pouvait être variées: dramatiques, sans effet mesurable ou, même, bénéfiques.

Certaines des prétendues victimes, que ce soit des enfants ou des femmes lors d'un viol, se voyaient révélées à elles-même des aspects inattendus de leur personnalité et de leur sexualité, de nouvelles dimensions à leur être, avec des effets surprenants. Ces sortes de miracles, il en voyait régulièrement. Il ne fallait donc pas condamner trop facilement ce qu'on ne pouvait comprendre.

Des femmes trouvaient enfin l'orgasme, découvrait leur féminité et s'en trouvait épanouie.

Et une fillette qui découvrait pour la première fois ce qu'était l'orgasme, phénomène exaltant dont ne lui avait jamais parlé ses parents, par une sorte de pudeur presque malsane, se révélait à elle-même.

Au contraire d'être un monstre, un prédateur, elles avaient à faire avec un initiateur, un éducateur, un formateur qui leur avait fait se découvrir elle-même.

Un peu comme dans la Grèce ancienne où le sage initiait l'enfant dont il avait la garde comme tuteur, aussi bien intellectuellement, philosophiquement que physiquement. C'est la censure judéo-chrétienne qui a coupé les rqcines vivifiantes et vitales de la Grèce et de la Rome ancienne, mères de notre civilisation. Frappée de décadence depuis que des fanatiques des tribus primitives Juives du désert avaient détruit les anciens cultes.

Il parla longtemps et avec exaltation et la sténographe judiciaire tapaient avec une attention studieuse sur le clavier gris de son petit sténotype noir assisté par ordinateur réglant son rythme au sien. À la vitesse de sa parole.

Avec impartialité, neutralité et de fiabilité.

QUELQUES NOTES SUR LA STÉNOTYPIE JUDICIAIRE, UN MÉTIER D'AVENIR.

Malgré le progrès, cette ancienne méthode d'écriture basée sur la phonétique inventée pour retranscrire des discours n'a pu être remplacée. La prise de note se faisant en direct, il n'y a aucun son inaudible, aucun flou vague ni imprécision source de confusion.

On avait calculé que dans une conversation ou un interrogatoire ordinaire, il y avait 54 impondérables qui pouvaient parasiter la transmission et la compréhension du discours dans une salle d'audience: d'une chaise qu'on déplace à un éternuement. Et au cours du procès de l'homme, on en compta 12: de la ventilation bruyante, au papier déplacé et quelques cris dans l'auditoire. Le juge devant interrompre l'interrogatoire pour manacer de faire évacuer la salle. Certaines personnes se prétendant scandalisée. On entendit aussi des menaces.

C'est pourquoi l'enregistrement sonore retranscrit au clavier n'était plus la méthode la plus sûre. Quoique plus économique. Un pool de dactylo payée à la feuille ou au mot pouvait faire le travail avec une qualité moyenne et acceptable.

Mais il produisait toujours de blancs sur les feuilles de notes parce que personne ne se rappelait tel passage et n'était capable de le restituer. Alors que ceci n'arrive jamais avec une sténotypiste. Sur place, la spécialiste transcrivait ce qu'elle entendait et avait le pouvoir d'interrompre le témoin et de le faire répéter ou lui demander de ralentir son débit. Comme elle utise des codes simples sur un clavier minimaliste et que chaque signe représente un mot ou un élément de phrase, elle peut taper des mots et transcrire une conversation plus rapidement que sur un clavier d'ordinateur qui n'est que le vieux clavier des machines à écrire qui n'écrit toujours qu'une seule lettre à la fois, lettre après lettre.

Il est possible d'atteindre une vitesse de 220 mots par minute, c'est-à-dire aller aussi vite que la parole et donc de pouvoir faire une prise intégrale du discours. D'autant plus vite, que tout se fait en une seule séance. Sans qu'il soit besoin de recopier des notes ou décoder une piste sonore.

Profession méconnue mais essentielle, un rouage essentiel de la bonne administration de la justice.

Il y a 153 sténographes au Québec ce qui n'est pas assez pour répondre au besoin. C'est un métier d'avenir.

Tout ceci est fascinant.

Mais il n'avait pas tué.

Jusqu’à ce qu’il tue sa dernière victime pour on ne sait quelle raison. Et on lui demanderait lorsqu’on le verrait.

Car on lui demanderait lorsqu’on le verrait.

La fillette était morte. C’était peut-être inévitable.

Ce sont des choses qui arrivent.