HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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31.10.13

417.113.21. MONSIEUR ADOLF HITLER FAIT PREUVE DE PERSPICACITÉ

_ On s'en va !

Dit la secrétaire qui était une femme pleine d'initiative,

Les 2 jeunes hommes la regardèrent. Sans émotion discernable. 

Jusqu'à présent, ils n'avaient jamais eu aucune idée où ils allaient. Ici, ailleurs, maintenant, avant. 

Ou du moins, où leur vie les mènerait. Ne sachant pas qu'il faut conduire cette chienne sinon le pire est toujours possible.

C'est en d'autres mots que leurs parents leur indiquait la marche à suivre dans ce jeu compliqué qu'était la vie. La méthode la plus sûre étant de suivre leurs traces. Comme eux-mêmes avaient fait, sur le chemin tracé par leurs pères. Tout ceci était fort émouvant.

Pourtant, ce n'est pas faute d'essayer. Mais sans succès. Mais leur constant échec ne les empêchait nullement de réessayer.

Ainsi leurs pères respectifs leur avaient donné les leçons adéquates. Mais les graines n'étaient pas tombées sur un sol fertile. Jésus a dit de belles choses sur les graines de moutarde. 

Leurs pères avait de grands et vastes gestes en leur montrant le chemin: Voilà ce qu'est une vie bien remplie de fonctionnaire. 

_ C'est en vendant des assurances que tu seras un homme, mon fils!

Le père de monsieur Hitler, homme de caractère accompagnait ses recommandations de quelques claques. Le père de monsieur Kafka, plus civilisé, montait ses mains vers le ciel en un geste de désespoir. Mais où ira ce fils sans volonté ni colonne vertébrale? 

Il ne peut que devenir un criminel.

Heureusement, sa nature lymphatique en fera un drogué suicidaire qui décédera prématurément. S'il fait tout ceci dans la plus grande discrétion, au moins le nom de la famille n'en sera pas entaché. Au pire de ses craintes, c'est le seul souhait désespéré qui lui restait.

Mais ce moment de faiblesse ne durait pas. Après une nouvelle nuit de sommeil réparateur, il redevenait le père énergique traçant le chemin. On aurait pu le sculpter dans cette pose. Malheureusement, aucun sculpteur n'était jamais passé lors de ces moments de gloire paternelle.

La vie a un sens. 

Il faut travailler pour réussir. 

Et les efforts et la volonté son récompensés. Car tout effort mérite récompense. 

On ne remet pas les choses au lendemain.

Si on fait tout ceci 50 ans, on devient alors un homme respecté de sa communauté. Car la logique qui guide la nature, conduit également celle des humains et des sociétés.

Toutes ces belles leçons laisseront son fils indifférent. Et ce n'est que, négligamment, faute de mieux, qu'il entreprendra une carrière d'assureur. Pourtant, il paraissait avec quelques aptitudes. Il lui aurait fallu s'appliquer, se concentrer davantage, espérer plus. 

Avec plus de motivation, il aurait pu diriger un bureau et commander à une équipe d'assureurs diligents. 

Si au moins, il avait eu la passion de l'assurance comme son père. 

Mais il préférait écrire. 

Mais même là - même si cette activité prétendument artistique irritait son père - il n'avait pas davantage de passion.

Il ne cherchait même pas à être publié. Un éditeur sévère aurait pu lui donner d'autres leçons. D'abord, en refusant ces pitoyables efforts. Le retournant à sa véritable vocation: vendre des polices d'assurance aux citoyens reconnaissants. Et si un des éditeurs sollicités l'avait reçu sans enthousiasme, tant il était habitué à supporter tous ces pitoyables poètes, il aurait passant son texte au peigne fin, il lui aurait dit que l'art est difficile. Biffant des lignes, surlignant des mots, jetant un regard sévère sur le sens biaisé et les fins insatisfaisantes et imparfaites. 

Toutes ces belles morales, comme les graines de sénevé qui sont les plus petites des graines - qui donnent pourtant de robustes plantes lorsqu'elles tombent sur un sol fertile - étaient emportées par le vent. 

Cette  vie l'étouffait. Il se sentait pressurer de toute part. Jusqu'à ce qu'il étouffe réellement, pouvant plus ni parler ni avaler quoique ce soit, ce qui mit un terme à sa vie provisoire. Au grand soulagement de son père: au moins, son fils n'était pas devenu un criminel et n'avait pas été pendu.

Mais il faut néanmoins mélancolique: toute cette vie gâchées, ces espoirs déçus, ces dépenses en éducation ayant été faites en pure perte. Et sa postérité s'en allait. Le dernier homme de la famille à porter son nom ayant refusé toute occasion de descendance. Quoique, pour la seule France, il y ait plus de 300 000 Kafka. On ne connaît pas le chiffre exact pour la Tchécoslovaquie. 

Et sa mère qui venait de perdre un fils, le seul qui avait survécu, se désolait de ne jamais voir un petit fils. Elle aussi, avait échouée. 

Ses parents, avec toutes leurs belles leçons de vie moururent avant de voir la réalité qui a, souvent, une façon, si amusante de diriger le spectacle des humains.

Ses 3 soeurs qui avaient reçu les mêmes leçons de morale et les avait appliqué avec la détermination des femmes, firent la fierté de leurs parents mais furent bien déçues d'être envoyées dans un camp de concentration. 

Ce qui était tout à fait absurde. Il était évident qu'elles ne méritaient pas une telle chose. 

Et pour parfaire la leçon réservée à ceux qui savent voir, elles y moururent. Traitées comme on ne traite pas son chien.


Il faut noter que les camps d’extermination nazis, étaient des merveilles d'inventivité humaine. Des centres de mise à mort à grande échelle d'une remarquable productivité dont les opérations s'apparentaient aux méthodes complexes d'une usine moderne. On avait ainsi industrialisé la mort. Qu'avant on appliquait bêtement et sans méthode sur des victimes qu'on abattait au petit bonheur la chance avec les moyens du bords. Il fallait dorénavant allier la science au meurtre. Mettant ensemble, la science, la technique, l’ergonomie, l’urbanisme, la production en chaîne des ateliers et des abattoirs. Si dans les abattoirs de Chicago, on utilisait tout de l'animal sauf le cri; là, diverses opérations permettaient de ne rien perdre du sujet au cours du processus industriel. Par exemple, ses dents en or. Montres. Souliers. Valises. Vêtements. Lunettes. Dentiers. Prothèses. Béquilles. Ou ses cheveux qui, une fois traités pour devenir des chaussons de feutre faisaient la joie des sous-mariniers qui se plaignaient de l'humidité néfaste à leur rendement, prisonniers de ces cylindre de fer se déplaçant sous l'eau. Qui est comme on sait fort humide. Et souvent mouillée. Et froide dès qu'on s'éloigne de la surface. Certains dirent que dans un effort intellectuel constant, allié à un désir tout aussi émouvant de ne rien gaspiller, on faisait du savon avec la graisse humaine et des abat-jours et des portefeuilles avec la peau. La peau avec des tatouages étaient particulièrement recherchée. Ils ont fait preuve d’une imagination débridée en ne se laissant pas freiner par des préjugés moraux ne suivant qu'une saine doctrine utilitariste.

Prodigieuse réalisation de l'esprit humain. Car il ne fallait pas être n'importe qui pour y penser. Et, en effet, de grands esprits décidèrent du futur et des milliers de cerveaux conçurent un tel mécanisme. 

Un incorrigible optimiste dira qu'à toutes choses malheur est bon et qu'on ouvrira un jour ces centres au public et que des millions de touristes viendront jouir des impressions suaves du passé s'imprégnant des terreurs des victimes avec un bon hotdog à la main. Et que la Pologne, pays éprouvé par le sort, en fera une attraction touristique rémunératrice. Ce qui en ces temps de cynisme sera bienvenue. Ce qui permettra aussi de lutter contre le chômage. 

Mais ceci, pour le moment, fait parti du futur. 

Et ce futur pourrait être autre. Rien n'est encore décidé. Il y a actuellement toutes sortes de futurs qui se mettent en branle simultanément.

Les dieux jouent toujours à la roulette et la petite bille qui est un oeil désorbité et excisé se promène et roule roule. 

Sans bruit.

Certains dirent que c'était absurde. D'autres que c'était monstrueux. D'autres, de diverses philosophies et religions, affirmèrent que si une telle chose était possible, que si on traitait ainsi des gens honnêtes et innocents, la vie n'avait aucun sens. Par contre, certains extrémistes positivistes, dirent que la souffrance en elle-même avait un sens. Qu'il fallait offrir sa douleur à Dieu. Qui pardonnerait ainsi les péchés des hommes. Les péchés des uns par la souffrance des autres soupesés sur une étrange balance à fléau. Mot d'ailleurs fort intéressant. Par contre, des contradicteurs se demanderaient quelle sorte de Dieu se repaît de la douleur de ses fragiles créatures. Ce qui annonçait un débat passionnant. 

Ou, pire, que le Diable y régnait. 

Que le Mal avait définitivement gagné, une fois pour toute, il y a fort longtemps. 

Et que l'on cachait ces choses à tous ceux qui n'étaient que des victimes et du gibier. Parce qu'ils étaient nés ainsi dans la ferme des animaux entourant l'abattoir. 

Mais il fallait qu'ils jouent jusqu'au bout. S'ils se laissaient aller au découragement et au désespoir, décidant de mettre un terme à leur vie, ce n'aurait pas été aussi intéressant pour les dieux. Le spectacle aurait été trop court. Insatisfaisant. 

Les premiers savourèrent l'anecdote des 3 soeurs, en disant qu'il y a quelque chose de si humain dans un tel dénouement des choses. Savoir les mettait en joie. Les rendait plus léger. 

Et ils se promenaient au milieu des dormeurs avec leur délicat secret. 

Oui. Messieurs, dames, une petite surprise vous attend.

Oui. La vie a, peut-être, un sens. Mais vous ne devinerez jamais lequel.

Il va de soi que ces questions pourtant si intéressante et leurs réponses qui auraient pu être fort instructives ne passaient pas une seconde dans l'esprit de nos acteurs. 

Il y avait un problème urgent à résoudre. 

Ils étaient déjà sorti du camion.

Rivés dans l'ombre d'un mur.

Au loin, il y avait une porte éclairée, d'apparence rassurante mais qui était un piège ne demandant qu'à se refermer sur eux. 

_ Il faut s'en aller

Dit encore une fois la secrétaire, aussi têtue que d'habitude.

Monsieur Hitler, avec l'art du commandement qu'il commençait à apprendre et à apprécier - art né tout à fait inopinément dans le fauteuil confortable de l'ex-patron de la secrétaire (parti en fumée). Comme quoi un fauteuil peut mener loin si on sait l'utiliser. Par contre, on pourrait dire aussi que certains dictons laissent à désirer. 

Donc, monsieur Hitler lui montra les ombres qui les entouraient.

_ Vous pouvez y aller. Où que vous voulez. Bonne chance.

La secrétaire se serra contre eux. Aller où ? 

Il y avait des murs qu'on ne voyait pas. Mais ils étaient là. Sans porte. Du moins, s'il y en avait, aucun d'entre eux n'était capable de les reconnaître. Il leur fallait une porte. Et il y en avait certainement une puisque le camion était entré. Quelque part. 

L'ampoule électrique au-dessus de la porte éclairée dessinait vaguement le camion car elle manquait d'intensité.

Les nerfs de la secrétaire diplômée étaient à vif et elle ne se possédait plus. Trop de tension survoltait ses nerfs fragiles et elle allait faire n'importe quoi pour calmer sa situation présente qui était insupportable. Sinon calmer, du moins la changer. En se mettant à pleurer, crier ou courir. Toutes actions également contre productives et stupides qui mettraient leur vie en danger. 

Monsieur Kafka qui vivait les mêmes troubles intérieurs - même s'il était un homme, il avait les nerfs fragiles d'une femme - devina les bouleversements de la pauvre femme et l'assomma. 

Comment le fit-il?

Il prit sa tête par l'arrière et l'envoya directement dans le mur. Ce qui fut suffisant.

Il n'avait jamais brutalisé une femme avant. Y compris ses soeurs. Même si comme tous les frères, il avait eu souvent l'envie de les torturer, ce qui ne se faisait pas dans une famille honnête. 

Bref, il l'assomma.

Bref, elle perdit conscience.

Ce qui la calma.

*

31 oct. 2013. État 1.

30.10.13

416.112.20. MONSIEUR ADOLF HITLER, LE HÉROS DE NOTRE HISTOIRE, DEVRA AFFRONTER DES ENNEMIS SANS SCRUPULE.

Monsieur Adolf Hitler, monsieur Franz Kafka et une femme générique dont la profession est le secrétariat les accompagne. Ils se cachent sournoisement dans l'ombre. Mais en réalité, même si on peut se méprendre sur leurs véritables intentions, ils se dissimulent parce qu'ils sont en danger. 

Ils voient les hommes transporter les caisses vers un triangle de lumière ouvert dans le mur sombre qui est aussi une porte.

Ils voient aussi 2 homme transporter la jeune femme inconsciente vers un sort peut-être funeste.

Que peuvent-ils faire?

S'ils bougent, ils seront immédiatement repérés et pourchassés. Traqués et fait prisonniers. Ils sont faits comme des rat. Ou des rates. Si on tient compte de la secrétaire. Qui regrette amèrement de les avoir suivi. Quoiqu'elle n'avait pas véritablement de choix. 

Nous les laisserons donc réfléchir à la manière de se déprendre de leur situation problématique. Et nous espérons de tout notre coeur que leur décision sera la bonne.

Dans le cas contraire, nous ne pouvons qu'imaginer le terrible destin qui les attend.

Entre temps, petit pause culturelle.

Nous rassurons nos lecteurs, nos héros survivront à cette pénible aventure. Mais on devine déjà que leur vie en sera définitivement bouleversée.

Mais comme il arrive à tout un chacun, ils finiront par mourir. Plus tard. 

Monsieur Franz Kafka est devenu sans le vouloir un personnage historique comme son ami, monsieur Adolf Hitler. 

Les 2 illustres personnages ont chacun leur musée. 

Monsieur Kafka a son musée qui s’appelle judicieusement, le Musée Franz Kafka. Situé à Prague. À l’adresse du Cihelná 2b 118 00 Praha 1, Malá Strana. En Tchécoslovaquie. 

Dans la cour du musée, la fontaine ne manquera pas d’attirer le regard. 2 hommes en bronze se font face au-dessus d’un petit étang en forme de République tchèque, dans lequel ils urinent. 

Un mécanisme électronique anime leurs hanches et leur pénis de telle sorte  que le filet d’eau trace à la surface de l’eau plusieurs citations de Kafka.


La fontaine soulève des réactions variées. 

Ce qui est tout à fait fascinant. 

Ce qui donne vraiment le goût d'entreprendre une oeuvre littéraire.

*

30 oct. 2013. État 1

415.111.19. MONSIEUR ADOLF HITLER, MONSIEUR FRANZ KAFKA ÉPUISÉ PAR LE CONTACT RÉPÉTÉ D'UNE FEMME INDOLENTE SONT PLACÉS DEVANT UN DILEMME: DOIVENT- ILS S'ENFUIR DANS LA PLAINE ?

Monsieur Adolf Hitler, monsieur Franz Kafka et la secrétaire anonyme - son nom n'ayant aucune importance pour cette histoire, se réveillèrent en sursaut. Habitué tout ce temps aux ébranlements du camion et le bruits  rustique du moteur, le changement subi de ces paramètres les fit sortir de leur torpeur. 

Soudainement, le camion s'était arrêté. Le moteur aussi. 

Il faisait noir ou sombre. 

Le camion était maintenant dans une sorte d'entrepôt ou de vaste salle. Péniblement éclairé. Ce qui était une bonne chose. Mais pas suffisamment pour qu'on puisse distinguer une porte d'un mur. Ce qui était une mauvaise chose.

Pourtant, ils étaient bien entré quelque part. Par un endroit précis, généralement appelé une porte. 

Les portières métalliques du camion s'ouvrirent. 

Le chauffeur et ses 2 adjoints - ou le titre le plus adéquat qui pourrait leur convenir - allaient sortir. Ou l'avaient déjà fait.

En un instant, ils serait ici. Là. 

Et les verraient, eux.

Alors les ennuis commenceraient.

Ils se tassèrent les uns sur les autres comme une famille de souris en attendant de pire.

Comment est-ce mourir ? Aucun d'entre eux n'étaient jamais mort jusqu'à présent. Et n'avaient vu mourir auprès de lui. Le seul mort qu'ils avaient vu étaient l'ex-patron de la secrétaire.

Mais lui avait eu une mort particulièrement pénible. Quoiqu'on puisse dire, si on est encore optimiste, que ça aurait peut-être pu être pire.

Mais on évitera de penser à ce genre de chose.

Les 3 passagers clandestins du camion attendirent donc.

Ils attendirent. Attendirent.

Personne ne venait.

Personne ne soulevait la bâche, ne les regardait hébétés puis se mettait à crier. Ou, pire, à les frapper.

Monsieur Adolf Hitler, plus courageux que les 2 autres, passa la tête hors de la bâche pour voir quelque chose. Il faisait sombre, on voyait peu de chose. On n'entendait rien. Ils étaient seuls.

Il était temps de sortir au plus vite. 

Pour aller où?

Question stupide.

Loin. Le plus loin possible. 

Au moment de sortir du camion, la secrétaire s'accrocha les pieds et faillit tomber. Monsieur Kafka du la  toucher encore. Et la retenir avant qu'elle ne tombe durement sur le sol de dalles de pierre. Et les 2 hommes l'escortèrent pendant qu'elle boitait.

Ce faisant, ils oublièrent l'otage. 

Et, au moment, où ils allaient revenir, ils entendirent des voix. De plus en plus proche. Qui se rapprochaient encore. On venait vers eux.

ils n'eurent que le temps de se cacher dans l'ombre d'un coin sombre.

Ce qui faut une bonne chose. Car maintenant, il y avait au moins 10 hommes. Certains déchargèrent les caisses. Qu'on installait sur un chariot ou un diable de métal pour les emporter plus facilement.

2 hommes prirent la jeune femme toujours endormie. L'un par les pieds, l'autres par les bras. On la déposa sur une civière de toile. Et, cette fois, on empoigna les manches de bois à chaque extrémité de la civière. Et on parti avec le précieux colis pour on ne sait où.

La secrétaire leur reprocha de l'avoir laissé là. 

Monsieur Hitler lui fit remarquer que si elle ne s'était pas encore une fois accroché dans sa jupe et ses souliers, elle ne se serait pas fait mal et ils n'auraient pas été obligé de lui accorder une aide miséricordieuse. 

Ce qui les avait obligé à délaisser l'autre femme. 

Et comme à toute chose malheur est bon. S'ils avaient fait cette bonne action, on viendrait tout juste de découvrir que la prisonnière s'était enfuie ou avait été aidée. Et il y aurait eu des gardes dans toutes les directions que seraient en train de les chercher. Il y en avait actuellement 10. Au moins. À l'arrivée, ils étaient 3. À leur départ de l'immeuble en flamme, ils étaient déjà un certain nombre. Plus que 3 mais moins que 10. Mais c'était juste une impression. Combien étaient-ils dans cette bande?

Comme ils n'avaient aucune idée de l'endroit où ils étaient et où il fallait aller pour se cacher, ils auraient été facilement capturé. Comme les renards dans une chasse à courre de ces aristocrates décadents d'anglais.

_ Nous sommes vivants. C'est ce qui compte.

Dit monsieur Hitler. Homme volontaire et positif.

_ Et il ne nous reste plus qu'à penser.

Dit monsieur Kafka, intellectuel Juif. 

_ Alors nous sommes fichus.

Dit la secrétaire qui n'avait décidément aucune confiance en leur jugement. 

Les femmes étant de nature méfiante et soupçonneuse. Mais manquant en plus de jugement. Ce qui les amène souvent dans les plus grands malheurs. 

Il n'y a qu'à penser à la femme de Loth changée en statue de sel.

*

État 1. 30 oct. 2013

414.110.18. MONSIEUR ADOLF HITLER EN PLUS DE DÉCOUVRIR LA BEAUTÉ DE L'ACTIVITÉ ÉMINAMMENT UTILE DE DE DÉTECTIVE PRIVÉ PENSE À L'ART MODERNE

Monsieur Adolf Hitler était inspiré. Aussi bien pour sa crème anti rides que pour sa future carrière. Il exposerait au Salon des Indépendants à Paris. Il découvrirait le cubisme de Braque et de Picasso. Il avait vu des photos qui ne lui avaient pas paru convaincantes mais il est difficile de juger de la qualité d'une oeuvre en couleurs lorsqu'elle est réduite à un petit carré d'encre noires et grise sur du blanc tirant sur le gris dans un journal. 

Il allait exposer à la galerie Der Sturm à Berlin. C'était décidé. Il irait voir ce qu'on y aimait. Et ferait ce genre de chose. Il publierait ses dessins dans le magazine de la galerie d’art. Peut-être serait-il tenté par l'expressionnisme? L'académisme commençait à lui peser. Il y avait tant de nouveautés possibles une fois que l'on commençait à penser différamment. 

Il avait entendu parler par ses amis artistes des multiples activités de ce groupe. La Sturmgalerie, autre nom de la galerie de l'orage. On y montrait les Fauves, les Futuristes Italiens, les Cubistes et les Orphistes. L’Orphisme ou le Cubisme Orphique avait été conçu par le poète français Guillaume Apollinaire. D'où son côté vague et poétique allant vers l'antique. Alors qu'il désignait des oeuvres tout à fait nouvelles et jamais vues. Variations musicales ou plutôt visuelles sur le Cubisme qui était encore relativement réaliste et pourrait devenir académique si trop d’artistes influençables le revendiquaient. Le nouveau terme qui serait remplacé par un meilleur dès qu'on le trouverait, essayait de donner une impression d’œuvres encore plus nouvelles allant vers la non figuration, l’abstration pure, l'abstraction lyrique et l’art abstrait. Toutes présentant des formes non reconnaissables et des jeux de couleurs brillantes ou pures, influencées par le Fauvisme et les écrits théoriques de Paul Signac et du chimiste des teintures Eugène Chevreul.

On organisait des expositions itinérantes en Allemagne et dans toutes les grandes villes européennes, les Wanderausstellungen.

La galerie d'art était aussi une maison d'édition qui avait déjà publié les Sturmbücher, les livres de l'orage. Et des portfolios d'artistes. On imprimait même des cartes postales pour rentabiliser toutes ces expérimentations. Il publierait dans le magazine de la galerie d’art.


Peut-être serait-il tenté par l'expressionnisme? On ne cessait de parler de l'art nouveau. Ce qui donnait un coup de vieux à l'art ancien et ses adeptes figés et poussiéreux. Il était jeune. Pourquoi vouloir faire comme ceux d'il y a 500 ans? Qui avait décidé une fois pour toutes qu'il n'y avait qu'une voie et un sens à l'art. 

Il serait du groupe des artistes expressionniste Der Blaue Reiter, le Cavalier Bleue, regroupant des immigrés russes, avec messieurs Paul Klee et Valery Kandinsky. Ou s'il ne pouvait pas, de la NKVM. Neue Künstlervereinigung München. La nouvelle association des artistes munichois dirigées encore par monsieur Kandinsky

Ou il rejoindrait le Bauhaus avec monsieur Walter Gropius. Il enseignera la gravure sur bois.

Oui, il aurait un avenir. Ce qui était nouveau pour lui.

Pendant ce temps, monsieur Franz Kafka s'endormait. Il n'avait jamais eu une très grande résistance physique. Le sang Juif d'innombrables générations se diluant et s'épuisant. Il en était le dernier résultat décadent. 

Et il luttait contre le sommeil. Parce que la secrétaire s'était déjà endormie. Parce qu'elle s'appuyait sur lui. Sinon, elle serait tombée entre 2 rangées de caisses. Son inconscient - notion que découvrirait bientôt messieurs Freud et Jung - lui avait fait découvrir la position la plus confortable. L'épaule de monsieur Kafka. Qui, quoique maigre et osseuse, sous les tissus épais de son costume, demeurait ferme et stable.

Sans son inconscient, qui existait avant même qu'on l'étudie, elle serait tombée de l'autre côté. Sur les caisses de bois. Aux côtés abrupts et durs.

Monsieur Kafka était un poète amical et confortable. Et elle abusait de lui.

Il était mal à l'aise de la sentir si près. Trop près. Pire, elle le touchait. Il n'avait jamais été, avant, aussi proche d'une femme. Et, sans le vouloir, il la touchait. Ce qui était impoli. Ou l'aurait été en une autre circonstance. Car, on vient de l'expliquer, elle ne savait pas ce qu'elle faisait. 

Et tout à fait inconvenant. 

Un homme ne devant pas toucher une femme. Et, le contraire aussi. 

Mais il ne pouvait faire autrement. En choisissant cette position, pour elle, confortable, elle le mettait dans le plus grand embarras. Si sa mère le voyait ! 

Elle s'était endormie. Comme si elle était tout à fait ignorante des circonstances tragiques qui les avaient amenés ici. Et qui n'avaient nullement changées, étant tout aussi tragiques, dramatiques, inextricables et, peut-être, mortelles.

Savait-elle qu'elle le mettait dans tous ses états en s'étant abandonnée aussi négligamment contre lui ou son corps?

Il souffrait le martyr.

Ayant l'impression de commettre quelque chose d'immoral. Le sens du péché ayant été implanté chez lui en un très jeunes âge. 


Ses grands parents venaient de Podiěbrady. Podebrad. Poděbrady. Podiebrad. Atation thermale du canton de Nymburk en Bohême dans la plaine de l'Elbe à l'est de Prague. Tchécoslovaquie. Ville provinciale de 14 000 habitants auxquels il faut ajouter 14 000 malades et patients qui viennent prendre les eaux. Ce qui explique peut-être la complexité de son esprit. Quoique la transmission des caractères acquis ne soient pas approuvés par la médecine.

Mais pouvait-il faire autrement ? Quoiqu'il fasse, il serait dans son tort.

Car, comme on vient de le dire, s'il lui retirait son appuis, elle s'effondrerait. Se ferait peut-être mal. Malgré qu'elle soit particulièrement moelleuse et dodue. Non qu'elle soit grosse. Ou grasse. Au contraire. Mais, cette proximité inattendue lui avait fait découvrir l'étrange conformation physique des femmes. Bien sûr, il la connaissait visuellement. Il lui était arrivé de voir des femmes. D'avoir une idée de leur apparence. Il avait 3 soeurs. Mais des soeurs sont-elles des femmes ? Il avait eu des frères, 2, il ne s'en souvenait pas mais on lui en avait parlé. Morts très jeunes. D'où l'idée que les femmes et les filles portaient malheur. 

Chez les peuples où les femmes ne son pas relégués dans le gynécée, une salle obscure, sous une table, sur un journal, par terre, près de leur écuelle, dans le recoin d'une pièce. Lorsqu'elles sont atteintes de ce mal si particulier de leur espèce qui les fait souiller tout ce qu'elles touchent. Ou sur le toit des maison. Ou, chez les peuples, plus ouvert d'esprit, qui leur permettent de sortir en public mais camouflées sous des tissus épais, on ne découvre la véritable apparence des femmes que le jour de son mariage. Il est alors trop tard. Car il peut arriver que l'on n'aime pas du tout. 

Quoiqu'il ait pu voir sa mère ou ses soeurs, ses grands mères, des tantes et des cousines. Mais ce n'est pas tout à fait la même chose. Il n'avait jamais eu l'occasion d'examiner une femme. Et, il se trouvait actuellement, immobilisée par une femme qui était presque étendue sur lui. 

Donc, il lui était arrivé d'apercevoir des femmes. Mais à distance. Élégamment vêtue. Il lui était même arrivé de saisir délicatement le bout des doigts d'une femme qui lui tendait la main en signe de bienvenue. Et leurs doigts avaient du tissus et du cuir fin montant jusqu'à un gant délicat. Tout de la femme était donc délicat. Mais si étrange. Et si mou.

Quoi faire?

Se réveillerait-elle inopinément? Aurait peut-être une réaction inappropriée, par exemple la colère. Qui sait comment réagissent les femmes ? 

Réveil brusque qui se manifesterait par des sons agressifs, ce qui attirerait l'attention des autres passagers du camion, qui, jusqu'à présent ne s'était douté de rien.

Elle ne lui avait jamais été présentée. 

Et il la trouvait si proche, trop physique, trop matérielle, pas assez spirituelle. 

Il sentait son corps. Sa chaleur. 

Elle était trop chaude. Il n'avait jamais pensé avant que les femmes puissent être aussi chaude. 

Sans l'aide d'instrument de chauffage. 

Chaleur produite par leur seul organisme. 

Et cette chaleur se transmettait à lui. À travers ses vêtements. 

Phénomène qui lui apparaissait mystérieux et qui demanderait à être étudié.

Était-elle contagieuse?

Serait-il malade ?

*

30 oct. 2013. État 1

413.109.17. MONSIEUR ADOLF HITLER DE L'AGENCE DE DÉTECTIVE PRIVÉ HITLER- KAKFA N'EST PAS INQUIÈT ALORS QU'IL AURAIT TOUTES LES RAISONS DE L'ÊTRE, CE QUI EST FORT INQUIÉTANT.

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Monsieur Hitler qui voulait s'avancer dans son travail - ce genre d'ambition ne l'ayant pas touché depuis fort longtemps - lisait ses notes en faisant quelques croquis.

_ Tu crois que c'est vraiment le moment ?

Bonne question. Monsieur Kafka avait bien des raisons et tout à fait valables de s'inquiéter. Et il trouvait encore plus inquiétant - ce qui était un autre sujet tout à fait légitime de s'inquiéter- l'espèce de nonchalante insouciante avec laquelle son associé prenait les choses.

La secrétaire partageait son avis. Mais étant une femme, le fait d'être perpétuellement inquiète n'avait rien de nouveau. 

Car tout allait mal.

On se rappellera qu'ils étaient monté dans la boite du camion pour se cacher, n'ayant aucun autre endroit où aller. Là, ils avaient découvert une jeune prisonnière ficelée et baillonnée qu'on amenait on ne sait où. Avec eux.

Ils avaient pensé sauter du camion à la première occasion. Mais comment sauter avec la prisonnière sans tous se tuer ? Ils ne pouvaient pas décemment l'abandonner. Même si cette idée passa dans la tête de l'un d'entre eux qui osa même l'exprimer à voix haute, le cri strident de protestation de la secrétaire l'en dissuada aussitôt. Elle aurait pu attirer l'attention de l'un des passagers du camion. Heureusement, le moteur du camion était bruyant. Les pneus sur la route faisaient du bruit. Tout grondait dans leur grosse machine roulante. 

Au lieu de s'améliorer leur situation se complexifiait. Tout n'était pas désespéré, certes, pas encore, mais qui sait de quoi sera fait l'avenir. Si le pire n'est pas toujours sûr, il lui arrive d'arriver. 

Parfois.

Et le camion allait vite. Ils attendraient la prochaine courbe qui le forcerait à ralentir. L'un des homme porterait la prisonnière dans ses bras au moment du saut. Il se jetterait dans le vide et s'il y a un Dieu dans le ciel. Un Dieu compatissant, Bon et Généreux.

Mais l'asphalte ou la terre battue des routes non asphaltée avait l'air fort dure. 

Ils décidèrent de faire de la théologie plus tard.

Il y avait de l'herbe dans les bas côtés de la route. 

C'était tentant.

Petit paysage routier qui avait l'air plus confortable. Mais peu rassurant. Si on l'observait mieux. À cette vitesse, ils pouvaient se casser quelque chose. 


Monsieur Kafka se souvenait avoir vu au cinéma des films de Mack Sennett où on se poursuivait et tombait beaucoup. C'était très drôle. Il y avait tant de façon de tomber. Peut-être était-il possible de tomber sans mourir ou finir handicapé ?

Mais, ici, du haut de la boite du camion, ce n'était pas aussi amusant que dans la salle de spectacle. 

L'autre idée qui leur vint à l'esprit était d'attendre que le camion s'arrête pour faire le plein. Ils en profiteraient pour s'enfuir. Il y avait toujours le risque d'être repéré par un des 3 passagers de l'avant du camion. 

Mais ils devraient expliquer aux témoins éventuels la présence de leur prisonnière. Ce qui ne sera pas facile.

Malheureusement, la camion continuait à aller lentement mais bien trop vite et bien trop longtemps. On avait probablement rempli le réservoir d'essence avant de partir. On essaya de calculer combien de temps et de kilomètres, il faudrait pour vider le réservoir. Mais aucun d'entre eux ne s'y connaissait assez en matière de mécanique pour avoir une réponse sûre qui leur permettrait de mettre leur vie en jeu.

Toujours le camion avançait.

Ils étaient encore là. 

Le réservoir d'essence ne donnait aucune impression de se vider. Et le moteur fonctionnait tout à fait normalement. 

Après mûres réflexions, on abandonna l'idée stupide de sauter. La secrétaire ne sauterait pas. Elle refusait même d'avancer vers le rideau fermé du camion de peur qu'on ne la pousse. Ce qu'aucun des 2 autres n'auraient fait. Mais cette idée s'était mise dans son cerveau et ne voulait plus en sortir. Et il y avait l'otage. Au début, elle avait l'air petite et légère mais plus le temps passait plus elle avait l'air de s'alourdir. 

Où que le camion aille, ils iraient. 

Ils n'avaient aucunement l'intention d'accompagner les 3 bandits jusqu'au bout mais par peur de se faire mal, ils risquaient de plus grands maux encore. Que leur ferait ces 3 crapules lorsqu'ils découvriraient leur présence. Et comment ne les trouveraient-ils pas lorsqu'ils se donnerait seulement la peine d'ouvrir la toile du camion pour en sortir les caisses et leur malheureuse prisonnière. 

Le paysage changeait au fur et à mesure de leur longue route.

Ils traversèrent un grand bois de chênes. De grands arbres aux troncs larges et hauts comme les plus grands mats de voiliers. Quel âge avaient-ils ? Ils étaient déjà immenses bien avant leur naissance. Et seraient encore là à leur mort pour des générations d'humains encore. 

C'est au centre de ces forêts anciennes que l'on installait les dalles de pierres qui faisaient autel afin qu'on sacrifie de jeunes victimes aux dieux anciens. Toujours assoiffés de sang et de combat. 

Le temps était passé. Il n'en restait aucune trace. Mais un historien qui serait passé là aurait pu remarquer des détails discrets rappelant certains secrets.

Ils regardaient leurs montres.

Trop de temps s'était passé. Ils étaient en campagne après avoir traversé la forêt. La ville était loin, trop loin. La route de terre coupait une sorte de désert d'herbes rares et sèches. Il était trop tard pour sauter, car ils n'avaient plus d'endroit où se cacher. On les verrait peut-être et on se mettrait à leur poursuite.

Il fallait attendre. 

Monsieur Kafka qui était le plus pessimiste des 3, recommença à penser à la mort comme à son habitude. Ce qui était déprimant pour tous ceux qui l'écoutaient. 

Monsieur Hitler qui commençait maintenant à croire qu'un grand destin lui était destiné - et que, logiquement, il n'allait pas mourir ni finir handicapé - continuait à essayer d'illustrer sa crème de beauté. 

Il aurait bien aimé continuer les aventures périlleuses d'Henry Dickson, il avait tout le temps pour ça - à partir du moment où on cesse de penser à la mort ou qu'on vous conduit comme des brebies innocentes vers l'abattoir, il y avait bien du temps du penser. Mais Henry Dickson, le gentleman détective attendrait son tour car son scénariste, monsieur Kafka était plongé dans de sombres pensées et bien incapable de lui fournir la suite de ces aventures. 

La jeune femme ligotée restait là dans une sorte de coma. Respirant encore mais peu.

Tandis que la secrétaire avait redécouvert les vertus de la prière.

Ce qui était bien le moment.

*

État 1. 30 oct. 2013


29.10.13

412.108.16. MONSIEUR ADOLF HITLER DÉTECTIVE PRIVÉ

Il ne leur restait plus qu'à rester tapi dans l'ombre à attendre l'occasion favorable quelle qu'elle soit. 

Il y avait une porte entrouverte près de la porte d'entrée. Une pièce vide - on l'espère pour eux - qui les attendait.

Le moment était particulièrement propice car, soudainement, il n'y avait plus de bruit. Ni de voix. 

En bas.

Est-ce que, quelqu'un, en bas, les avait entendu ? Se doutait de leur présence. Pourtant, ils avaient été prudent. Monsieur Kafka avançait en se mettant les 2 mains sur la bouche pour respirer moins fort.

Ils refluèrent vers la pièce vide, se cachant de chaque côté de la porte, lorsqu'ils entendirent de pas lourds monter les marches. On venait vers eux.

La secrétaire qui était une femme craintive se retenait tout juste de crier. Ce qui aurait évidamment attiré l'attention des intrus, qui se seraient immédiatement rué sur eux pour les mettre à mal. Tout ceci à cause de la présence d'une femme. Dont les marins disaient qu'elle porte malheur sur un bateau. Ce qui faisait que lorsqu'on en découvrait une, on la jetait par dessus bord. 

Ce qui semblait-il leur portait chance.

Ainsi, les pirates, individus cruels et sans scrupule, lorsqu'ils arraisonnaient un navire, tuaient tous les hommes ordinaires dont ils n'avaient nul besoin. Gardaient les passagers riches pour une future rançon. Violaient toutes les femmes en âge d'être violée. Puis les jetaient à la mer. Car la présence d'une femme à bord, pire, de plusieurs, portait malheur. Tout le monde, à l'époque, savait cela. Voilà.

Ils virent passer les bandits - ils avaient cet air - devant eux. 

Non. Aucun d'entre eux ne se doutait de leur présence. Leur prudence avait été profitable. Et, lentement, épuisé par l'effort qu'ils avaient fourni dans la cave, ils montaient péniblement les marches de l'escalier vers les étages. 

Celui qui avait perdu son arme - donc un de ceux qui avait tué le détective - était-il parmi eux. Ou était-ce d'autres voyous. Les quartiers pauvres des environs en regorgeant. Car les femmes de ces endroits ne mettaient au monde que du gibier de potence.

_ C'est le dernier endroit où on est allé ou le premier. Et le dernier où je cherche. Mon pistolet est peut-être ici ?

Voilà la réponse à cette question.

Un des meurtriers était sur place. Et, comme aucun ne semblait lui reprocher d'être entré subrepticement dans une demeure sans y être invité ou sans en être locataire ou propriétaire, et de s'y promener incognito comme s'il était chez lui, on pouvait conclure que tous ceux qui l'accompagnaient ne valaient guère mieux.

Voilà ou la mollesse de la Justice envers le crime et ses adeptes nous mène. Vers plus de crimes encore. Et la prolifération de criminels.

Les étrangers habillés de façon outrancière passèrent devant eux. Devant leurs portes. En faisant des ombres. Le verre de la porte d'entrée laissant passer de la lumière qui faisait un contre jour et des ombres lorsqu'on surgissait à proximité.

Ils écoutèrent comme de prudents indiens d'Amérique du Nord, les pas dans le bois des marches, des corridors et des pièces.

Puis l'émotion joyeuse, née de la surprise d'un des criminels lorsqu'il découvrait l'objet adoré.

_ Enfin. Je savais bien que je le retrouverais.

_ Tu fais bien. Tu sais ce que le chef dit d'un de ses hommes trop crétin pour garder son arme sur lui?

Un homme se fâcha. Sans doute celui dont on parlait. Même si on ne pouvait voir ni les uns ni les autres.

_ Qui est crétin ?

Un autre homme, sans doute le chef du groupe, intervint.

_ Toi ! Et prends-toi à moi, si tu penses le contraire. On n'a pas idée, échapper une arme. Ça peut arriver. Ne pas s'en apercevoir ? C'est pire que tout.

_ Ben, c'est les émotions. Le gros criait comme une bête. 

_ Voilà t'y pas qu'on a une chochotte parmi nous. 

Les autres rirent.

_ Fini la récréation, il faut partir. La journée n'est pas finie.

Les 3 visiteurs camouflés entendirent les pas qui redescendaient. Ils n'avaient qu'à rester là et attendre encore que tous les autres soient partis.

_ On ne reviendra pas ici. L'endroit est brûlé. Prenez tout ce que vous pouvez prendre.

_ Le gros avait des longue vues, en haut, je les ai oublié. Ça aura un bon prix lorsque je les vendrai. 

_ Il a peut-être laissé d'autres trucs, faites le tour. On met le feu en partant. 

Maintenant, il était hors de question d'attendre. Ils pouvaient se ruer sur la porte d'entrée une dernière fois et espérer déboucher au grand air. Mais il y aurait ensuite, la course, la poursuite, et, à la fin, il valait mieux ne pas trop y penser.

La seule chose à faire, aussi absurde que ça semble, était de descendre encore. Cette fois au sous-sol. Par où était entré tous ces hommes. 

Mais combien étaient-ils ?

Ils descendirent les marches menant au sous-sol. Et à ce qui leur avait servi d'entrepôt. À juger par les traces sur le sol poussiéreux. Des rectangles étroits, comme s'il y avait eu des caisses. Le sol de la cave était en dalle de pierre recouverte par tant de couches de poussières déposée au cours des années qu'on aurait dit du sable. 

La secrétaire faillit s'exprimer à voix haute pour se plaindre que personne ne faisait le ménage ici.

Monsieur Hitler qui commençait à comprendre les femmes et à se désespérer, n'ayant jusqu'à présent que la terreur naturelle du fils cadet devant sa grande soeur.

_ Comme si c'était le temps de faire du ménage. Vous voulez vraiment qu'on nous enterre ici sous les dalles.

_ On ne prendra pas le temps. Vous avez entendu, dans un instant, cette bâtisse sera la proie des flammes. Et nous aussi. Dedans. Si on ne nous a pas tué avant.

En haut, toujours les pas qui descendaient les marches. On venait vers eux. Il n'y avait aucun endroit où se cacher. Il y avait eu des caisses. Plein de caisses. Beaucoup d'endroits où se dissimuler. Mais, actuellement, c'était aussi vide qu'un abattoir. Et eux étaient au milieu.

La seule voie de secours. La sortie de la cave. 

Dehors, il y avait le camion. 

On n'avait laissé personne pour le surveiller. Bonne chose. Mais dans la ruelle, qui n'avait que 2 sens, à droite et à gauche. Le camion étant dirigé vers la droit. Des voies trop droites, trop étroites. Juste assez pour permettre le passage du camion. Mais s'ils couraient - encore une fois, le cas de l'un d'entre eux rendait cette option si tentante impossible - ils seraient immédiatement aperçu aussitôt que les malandrins sortiraient de leur taupinière. Que ce soit à droite comme à gauche, la rue était comme un tube ou un crevasse dans les édifices, impossible de s'y dissimuler.

Seule solution absurde mais seule solution plausible, étant donné les circonstances. Le camion.

Ils montèrent dans le camion bâché. Aidèrent la secrétaire à en faire autant. Ses petits bras rendant l'escalade personnelle au delà de ses faibles forces. Tirèrent à 2 sur ses bras pendant qu'elle escaladait le bastingage ou tout autre nom que l'on voudra donner à l'arrière du camion.

À l'intérieur de la boite du camion, il y avait des caisses, les fameuses caisses mystérieuses qui se trouvaient précédammet dans la cave de l'immeuble. 

Il fallait se dissimuler malgré le peu de place disponible.

Évidamment, si l'un d'entre eux s'était avisé de faire une dernière inspection avant de reprendre la route, on les aurait découvert immédiatement. Mais comme tous les criminels, c'étaient des gens paresseux - sinon, ils travailleraient honorablement pour gagner leur vie. Et des esprits insouciants. Il ne leur serait jamais venu à l'esprit que des gens auraient profité de leur inconscience pour se dissimuler dans leur camion.

Jésus a déjà dit quelque chose sur les oiseaux des cieux qui ne sèment ni ne moissonnent. Et sur les innocents à qui les portes du Paradis sont ouvertes. Ce qu'aucun honnête homme souhaite. Mais Jésus était comme ça. Il faut lui pardonner. 

Le moteur fit du bruit. 

La camion rua ou quelque chose du genre. La charge était lourde. Les lames et les ressorts de la suspension s'affaissèrent encore lorsque les gens prirent place à l'avant. Il y avait au moins 3 hommes. La banquette d'un camion ne pouvant en contenir d'avantage. La suspension plongea 3 fois, ce qui sembla prouver la chose. 

Mais il y avait plus d'hommes encore qui étaient restés au côté du camion. Il n'y avait pas assez de place pour eux. Et ils avaient autre chose à faire quelque part. 

Ce qui prouvait aussi la véracité de la solution apportée par monsieur Hitler. Ils n'auraient eu aucune chance de rester dans la ruelle. En un rien de temps, ces hommes, dont le métier - si on peut l'appeler ainsi - exige qu'ils soient en excellente forme - les auraient rejoints.

Et ils virent une lueur dans les coutures et les fentes de la toile recouvrant l'arrière du camion. Et ressentirent une chaleur. 

L'immeuble où ils étaient il y a un moment était en feu.

S'ils y étaient resté pour se cacher, supposons dans les étages supérieurs, comme c'était leur intention première, ils ne leur serait plus resté qu'à griller ou sauter par les fenêtre du dernier étage et s'écraser dans la rue, au bas, pour éviter de brûler vif. Ce qui est un choix discutable.

Généralement, dans un cas de ce genre, les victimes meurent étouffées par la fumée avant de brûler vive. Si elles brûlent, ce sera ensuite, alors qu'elles sont déjà mortes. Ce qui est mieux que rien.

Mais dans leur situation présente étaient-ils vraiment au bout de leur peine ?

En se faisant une petite place entre des piles de caisses, ils trouvèrent un corps. Ils pensèrent tous au même moment à un autre cadavre. Que pouvait-il penser d'autre, vu leur expérience récente ?

Mais ce corps respirait. 

C'était celui d'une jeune femme.

Elle était attachée, ligotée, baillonnée.

Mais elle respirait encore.

Sinon, on ne se serait pas donné autant de mal.

Elle dormait. Ou à peu près. Elle dormait mal. Son sommeil semblait pénible. De mauvais rêves. 

Ou elle ne dormait pas vraiment mais était plutôt inconsciente.

Comme si on l'avait assommée.

Son corps était chaud au toucher. Du moins, sa joue. Et son bras. Un homme respectueux m'aurait pas osé toucher autre chose même dans les meilleures intentions. 

Ce qui voulait dire qu'elle provenait d'une autre cachette ou prison que la cave de la maison non chauffée. Là où elle était on chauffait. Mais elle y était prisonnière et ne pouvait probablement pas jouir autant qu'elle l'aurait voulu du confort moderne et des instruments améliorés utilisés pour le chauffage central des immeubles et celui de toutes les pièces de cet immeuble. 

Être une prisonnière ou une otage a bien des désagréments.

Et il y avait une forte odeur d'éther ou de chloroforme qui émanait d'elle.

*

29 oct. 2013. État 1

411.107.15

Où aller ?

Ils étaient piégés. 

Faits comme des rats.

Il y avait encore 1 étage au-dessus de leur tête. Mais ils ne pourraient aller plus loin. Si ces gens venaient pour l'arme oubliée, ils ne monteraient jamais jusqu'ici. Mais sait-on jamais ? Ici, là où il y avait l'ancien poste d'observatoire du détective. 

Aller encore plus haut? Là, où il ne leur resterait plus qu'à se battre jusqu'au sang. 

C'est ce qu'aurait fait leur héros.

Mais monsieur Adolf Hitler ne s'était jamais battu. Il était un homme pacifique. Et son ami, monsieur Franz Kafka, malgré qui'il fusse Juif, race particulièrement agressive, connue pour sa pugnacité, était aussi inoffensif que son ami. Quand à la secrétaire qui l'accompagnait, incapable de se défendre elle-même, à cause des faiblesses de son sexe, elle regardait les 2 hommes qui l'accompagnaient, qui seuls auraient pu la défendre et qui n'en avait aucune envie, et soupira de découragement.

Il fallait penser vite.

Monsieur Hitler prit sur lui de décider la suite des chose. Dans le genre: qui m'aime me suive! Ralliez-vous à mon panache blanc! Et toutes ces sortes de choses.

_ Mais on n'aura jamais le temps d'atteindre la porte d'entrée ?

_ Ils ne savent pas qu'on est ici. 

_ Pour le moment.

_ Ce sont des animaux, ils sentiront notre odeur.

_ Vous croyez vraiment?

_ Ce qui les intéresse est en haut. Il faut descendre plus bas. Peut-être pas jusqu'à l'entrée. Du moins, pour une première étage. On se cache dans une pièce et on les laisse passer. Quoiqu'on ait pu faire, on a du laisser des traces de notre passage. Une fois sur place, ils les verront. Et se mettront à notre recherche. Vers le haut. Ils ne penseront pas qu'on est descendu. 

- Du moins, pour un moment.

La chance étant avec eux. Ce qui arrive parfois. Mais pas pour ce malheureux détective qui avait peut-être mérité son sort. Mais ceci, on ne le saura jamais. Puisque désormais, il ne fait plus parti de notre histoire. Il a été une étape qui nous a permis d'aller en avant. Il fait parti du passé. Il ne nous servira plus aussi on l'oublie dès ce moment.

Ils entendaient toujours du bruit. Et des voix. Se croyant seuls dans une maison vide, les étrangers indésirables ne se gênaient pas pour parler sans nécessité. Et les bruits et les voix venaient toujours d'en bas, de très bas. Ils avaient beau descendre avec toutes les précautions possibles (mais sans traîner) dans l'escalier branlant; la position des bruits et des voix ne changeaient pas. 

C'était probablement au sous-sol comme on l'avait déduit dès le début. Ils faisaient quelque chose. Ils étaient venus pour faire quelque chose. Et ceci se passait au sous-sol. 

Impossible de savoir quoi. 

Ce qui était, pour le moment, tout à fait secondaire. Sauf pour la secrétaire qui, comme toutes les femmes, étaient démangées par le démon inférieur de la curiosité maladive qui a tant perdu des créatures de leur sexe. Il n'y a qu'à penser aux femmes de Barbe Bleue, quelle idée d'aller fouiner dans le seul recoin où il est interdit d'aller. En toute confiance, le maître de la maison vous a remis les clés. Il s'agit d'une preuve de confiance. Mais aussi d'une épreuve. Comme, jadis, Dieu, lui-même, a fait usage envers leur mère à toutes. Et qui a échouée. Comme toutes les autres. Et la femme de Barbe Bleue ouvre la chambre secrète, fait une terrible découverte. À son retour, son époux voit à son air qu'elle est bien allé dans la chambre interdite. Même si les femmes sont profondément hypocrite et indigne de confiance, elle n'a pu parvenir à se composer un air innocent qui aurait convenu dans la situation. Et la voilà prise à son jeu. Pauvre, pauvre femme. Quand enfin comprendrez-vous?

Mais l'important était qu'ils continuent à faire ce quelque chose, peu importe quoi. Tant qu'ils n'en auraient pas fini, ils ne penseraient pas à aller plus haut. Si aucun n'en profitait pour désobéir - qui l'aurait dénoncé ? - c'est qu'ils avaient un maître sévère qui les avait bien dressé. Et aucun, même en son absence, même s'il ne l'aurait jamais su, ne pensait désobéir. Quel terrible maître peut inspirer autant de crainte à des hommes que, d'habitude, rien n'effraient?

Plus ils descendaient et se rapprochaient du sous-sol, plus les bruits devenaient plus clairs. Ces hommes faisaient des efforts. Déplaçaient ou soulevaient des choses. Des objets lourds, pesants, encombrants. Ils allaient lentement. Comme les marins et les manoeuvres des ports, ils se donnaient un élan en faisant un son qui ressemblait à un long cri. 

Nos 2 amis (la femme ne compte pas) avaient atteint le rez-de-chaussée où se trouvait la porte d'entrée par où ils étaient entré dans la demeure et par où ils allaient sortir. En toute logique. 

Malheureusement, la porte, même crochetée refusait de s'ouvrir. Peut-être l'homme qui les avait amené ici et avait ouvert illégalement la serrure avait brisé quelque chose à l'intérieur? 

Peut-être qu'ils auraient pu sortir quand même en faisant plus d'effort? En tirant violamment. En poussant énergiquement. 

Mais ils auraient fait du bruit.

Et les gens qui étaient entré étaient en ce moment en bas. Sous leurs pieds. En un instant, ils seraient ici. 

Quelques marches à monter. 

Et même s'ils ouvraient enfin la porte, ils se seraient trouvés dans la rue. À devoir courir. Et se mettre à l'abris. 

Où ?

En face, était l'immeuble remplie d'individus louches et hors-la-loi.

Il imaginait déjà tous ces gens les poursuivant où qu'ils aillent. 

Courir ?

Monsieur Kafka faisait de l'asthme. 

Courir ?


L'asthme est une maladie des poumons et du système respiratoire touchant les voies aériennes inférieures et les bronchioles. 

La définition la plus simple serait une gêne respiratoire à l'expiration. 

Ou une difficulté à respirer qui empêche le sujet atteint de respirer normalement et facilement comme on a coutume généralement de le faire. 

Et qui rend de ce fait, par conséquence, tout effort difficile.

La maladie aurait 3 mécanismes caractéristiques : Une inflammation avec œdème de l'épithélium bronchique. Une bronchoconstriction par bronchospasmes. Une hyperactivité bronchique se manifestant par une sécrétion accrue de mucus.

Une des variantes est l’asthme d'effort qui se manifeste par crise survenant pendant un effort physique. Comme courir dans un escalier et une rue, poursuivi par des étrangers menaçants.

Homère, dans L’Illiade, au chant XV, «Réveil et colère de Zeus» employa pour la première fois le mot pour désigner la suffocation atroce dont souffrit Hector étendu dans la plaine.

« Dans la plaine, il voit Hector étendu dans la plaine. Il est la proie d'une suffocation atroce, il crache du sang »

«Tes forces semblent épuisées ; tu as peine à respirer: quelle douleur a abattu ton intrépide courage ?»


Dans Wikipedia et le Traité de l’Asthme de Sir John Floyer, publié en 1698, on en dit des choses intéressantes. 

Ce qui fait qu'à l'idée de courir aussi longtemps, monsieur Kafka eut un mouvement de recul. Et ces promenades dans les escaliers l'avaient déjà mis à mal.

Quant à la secrétaire qui portait des petites chaussures à talons, il était hors de question qu'elle coure où que ce soit.

*

29 oct. 2013. État 1