HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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3.5.12

60. SCÈNE DE LA VIE CONJUGALE AVEC UNE FEMME DE 20 ANS. FIN

Henry Dickson

Le matin était arrivé. Et le soleil. Ou avant. Il allait faire beau. L'auto allait se réchauffer et, peut-être, accepterait-elle de partir?

L'invitée de monsieur Dickson s'était entretenue au téléphone mural avec le conseil étudiant, il fallait qu'elle revienne soutenir les troupes. Elle pesta contre cette zone morte d'où ne parviennent ni se sortent les ondes de son téléphone portable et celles des autres.

Il fallait réagir, on commençait à parler de syndicats communistes, d'émeutes provoquées par des voyous terroristes. Il fallait leur donner une leçon. On en appelait au IL ! Envoyez les S.A!

Comme tout ceci était loin dans le passé de monsieur Dickson, il n'avait aucun conseil à donner. Il aurait pu leur dire que ce sera une expérience profitable quoique ou puisqu'ils perdront inévitablement. Se mesurer aux plus forts dans la société finit toujour ainsi. Mais c'est aussi une expérience qui peut être oubliable ou non.

Et ils avaient la chance d'être des fils et filles de bourgeois, la police anti-émeute ne leur casserait pas la tête ou la gueule aussi rapidement que pour d'autres humanoïdes des classes inférieures.

Elle avait déjeuné même si on n'avait pas de Choco Pops, consenti à ingérer les succédanés de second choix que l'on trouvait gisant dans les armoires.

La troisième guerre mondiale n'était pas loin. On était passé tout proche. Un Choco Pops de moins et l'ordre du cosmos basculait. Elle avait connu la misère des miséreux de ce monde, partagé leurs détresses, ne plus avoir de Choco Pops. Et le dentifrice et la brosse à dents n'étaient pas appariés. Pas la même marque. Et pas la sienne.

Un peu plus, monsieur Dickson aurait pleuré des larmes de sang.

Elle avait remis sa petite robe avec un des imperméables de ses amies. Ce serait un sujet de discussion intéressant quand celle-ci découvrirait la chose. On pouvait esprérer que la chose soit alors démodée et ne l'intéresse plus. Mais il n'avait aucune idée sur ce que constitue pour une femme le concept de démodé. Le concept de mode était tout aussi nébuleux mais plus illustré dans son esprit par quelques monstruosités.

_ Vous avez été gentil.

Elle se leva sur ses petits souliers à talons bas et l'embrassa sur la joue.

_ Vous auriez pu vous raser, ça pique.

_ Qui stationne dans la salle de bain depuis 1 heure?

_ Vous en avez 2!

_ Mais c'est celle-là que je voulais. Na!

_ Vous vous moquez encore de moi...

_ J'oserais faire une telle chose, moi ?

_ Vous auriez pu aussi me violer.

_ J'aurais eu mal au dos.

Elle virevoltait dans la cuisine. Un verre de jus d'orange fait main, frais pressé au bout du bec. Comment pouvait-on avoir autant d'énergie le matin? Solution évidente: avoir 20 ans ce matin-là!

_ Vous pensez que l'auto va repartir?

_ Je n'en ai aucune idée. Ça dépendra d'elle. Si vous êtes chanceuse.

_ Je suis chanceuse. Elle démarrera.

_ Tant mieux. Je suis loin d'avoir fini votre livre mais c'est...

_ N'est-ce pas?

Elle resta sur la première marche du perron

_ J'attendais que vous me réinvitiez.

_ Je pensais que vous ne mettriez plus jamais les pieds dans un endroit où il n'y a pas de Choco Pops et où il n'y en aura pas plus la prochaine fois. Une épreuve de la vie. Pour durcir le caractère. Il faudra être courageuse, faire face à l'adversité.

_ Je ferai face.

_ À condition que ce ne soit pour rester. Et pas longtemps. Je crois vous avoir dit que j'aimais la solitude.

_ Et j'ai visité les tiroirs et les armoires, pour un homme qui aime la solitude, 4 femmes c'est un peu trop. Votre dos.

_ Vous savez la porte que je vous ai dit de ne pas ouvrir.

_ Je ne me souviens pas.

_ Je vous ai dit que vous pouviez aller où vous vouliez mais pas à cet endroit, de ne jamais ouvrir cette porte. C'est mon petit secret. Elles sont là. Dans le congélateur. Il y a encore de la place.

Elle lui sourit d'un air narquois.

_ Je vous l'ai dit, je vais être historienne et je fais mes gammes et me pratique sur vous et votre maison. Barbe Bleue. Conte de Charles Perrault. Gilles de Ray, son modèle. Maréchal de France, Gilles de Montmorency-Laval ou Gilles de Rais, baron de Retz, né 1404, mort 1440. Pas du roman, du vrai, du saignant et du respirant ou du soupirant et finalement expirant.

_ Belle érudition. Mais vous devriez plutôt vous intéresser à la fille blonde des Schtroumpfts.

_ J'ai collectionné les Schtroumpfts lorsque j'étais fillette et lu beaucoup d'albums de Peyo et de ses assistants mais pas tous. Et, comme la femme de Péyo,  j'aimais mieux la Schtroumfette avant qu'elle ne soit blonde, lorsque le méchant sorcier Gargamel l'avait inventée pour mettre le trouble dans le village. Ce qui n'a pas fonctionné puisque personne ne faisait attention à elle. Avec des cheveux noirs, elle était banale. Et se retrouvait tout le temps toute seule. Devenue Blonde grâce au Grand Schtroumpf à qui elle avait confié son chagrin, tout le monde ne s'intéressait plus qu'à elle. Comprenez, la seule femme du village. Ils n'avaient pas remarqué l'autre. Comprenez, ils vivent dans des champignons... Mais elle n'avait plus aucune envie de foutre le bordel ou de copier les secrets du Grand Schroumpft ou de prendre le pouvoir le pouvoir à sa place, seulement d'être aimée. Comme toutes les femmes...

Elle clignota des yeux. En penchant la tête. Cling! Cling!

_ Puis, j'ai vieilli.

Et j'ai découvert que le monde réél lui ressemblait mais en pire. On n'avait fait comme dans tout conte de fée qu'en donner une image mieux colorée et filtrée pour que ce soit supportable pour la fillette que j'étais.

Maintenant, je suis une femme et j'ai un estomac plus solide.

Alors votre porte imaginaire....

_ Savez-vous qu'à une certaine époque, il était d'usage pour le père, le frère et l'époux d'une jeune femme de ne lui donner accès qu'à certains rayons de sa bibliothèque. Avec sa clé. Mais pas celle de la bibliothèque de son mari. Dans celle de son épouse, on rangeait des livre ne risquant pas de la troubler. Et au besoin, on coupait les pages présentant des risques de...
_ ... troubles.
_ Oui. Mais le plus souvent, on lui interdisait le genre roman en entier qui pouvait échauffer son esprit influençable et fragile. Et elle pouvait contaminer ses enfants.
_ Quoi de mieux que la lecture de la Bible.
_ Quoi de mieux que de ne pas lui apprendre à lire...

_ Gilles de Retz. Condamné à être pendu puis brûlé pour sorcellerie.
_ Mais lui c'était les petits garçons ..
_ Qu'il faissait recruter dans  tout le pays pour sa chorale et ses messes. Les faisait torturer à mort. Les immolait dans des séances de magie noire servant à demander de l'$ à Satan. Puis une fois décapités. Se masturbait avec leurs petites têtes sur ses genoux, caressant leurs cheveux. Comme c'était une des plus grande personnalité de France, le général de Jeanne d'Arc, l'Église attendit qu'il fut ruiné pour le piéger. Le juger pour hérésie et invocation du Diable. Et le brûler. Ironie, lui et Jeanne eurent la même condamnation et la même mort.

_ Et, minute culturelle:  c’est l’ami ou le Jules 2, de Jhen, architecte et enlumineur. Une bd de Jean Pleyers et de Jacques Martin. Admirable. De même que tous les Alix et les vieux Lefranc de Martin. Admirable aussi.
_ En passant, puisqu'on parle de littérature, mon sujet actuel c'est Shakespeare a t-il fait ses pièces ou ce n'était qu'un prête nom pour un type plus connu?

_ Depuis la mort de Shakespeare, on se pose ces questions, vous pensez trouver la réponse sur ce perron?

_ Au lieu de ce qui se pratique actuellement: quelqu'un de connu fait faire sa bio ou son roman ou son livre de recette ou de conseil de bonheur par un auteur à gage. Bien sûr, inconnu. Seule la vedette connue aura son nom sur la couverture et, partout, dans toutes les tv, elle fera comme si c'était elle qui l'avait écrite. Bien contente d'elle. Et tout le monde fera semblant de la croire. C'est comme demander à un politicien si c'est lui qui fait ses discours. Les journalistes sont bien trop polis pour ça. C'est leur principale qualité. Être neutre et polis. Puisque leur job est de lécher les pieds. Ce qu'ils font en toute neutralité et objectivité.

_ Il y a même des entreprises spécialisées.

_ Dans ce cas, c'était quelqu'un de connu, haut placé, mais ne voulant pas être connu qui écrivait des pièces dans ses loisirs et les a donné à un inconnu, un comédien, pour les faire jouer en son nom.
_ Et vous croyez que ça a du sens?
_ Dit comme ça, pas vraiment?
_ On peut faire dire ce qu'on veut aux mots. Pendre quelqu'un avec ses propres mots si on veut. Et l'esprit se laisse griser par cette sorte de puissance qui tourne à vide. C'est comme l'idée qui a fait du millage selon laquelle le sourire de la Joconde serait un dos de femme nue. Le creux de sa colonne vertébrale. Au lieu d'un sourire horizontal, on l'a viré de bord et on a montré en grand format un sourire vertical. Comme un sexe de femme. Mais on n'y a pas pas pensé.
_ Pourquoi Vinci aurait-il?
_ Comme tantôt. Bonne question. Ce sont les bonnes réponses qui manquent.

_ Je vois, ce n'est pas aujourd'hui que j'airais une réponse. Alors je change de question, je repasse à la première, même si ça a l'air effronté. Vous me réinvitez! J'aimerais étudier votre maison. Je vous promets que je ne vais pas rester et que je vais repartir dès que vous regarderez votre montre et parlerez de John Ford.
_ Si vous venez, vous ne ferez pas de truc féminin?
_ Comme de saigner partout. Non. À moins qu'on m'égorge ici. Vous n'allez pas m'égorger?
_ Non. Ce que je veux dire, c'est que vous n'allez pas vous mettre à avoir du goût et des pulsions décoratives. Pas de rideaux.
_ Je me retiendrais.
_ Mais si vos hormones vous le demandent, vous pouvez faire le ménage tant que vous voulez. Mais pas de rangement sur ma table de travail. Er vous ne jetez rien. Sauf si c'est dans la cuisine ou la salle de bain et que ça pue.
_ Si je comprends bien, je viens d'hériter du titre d'épouse.
_ Ne parlez pas de malheur!

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3 mai 2012. État 1