12 septembre 2012. Midi et 8 minute et 31 secondes
Le temps se remit à circuler normalement.
Henry Dickson regardait les hommes à terre, vivants et morts. Les vivants que lamentaient. Et le mort qui.
2 se relevèrent et se sauvèrent en boitant.
Les autres vivants restaient à terre. Membres cassés, luxés, déboité, désarticulé, foulés. Commotions cérébrales. Le corps humain est fragile.
La question se posait maintenant: qui lui avait envoyé le comité de bienvenue. Il pensa au comité original des 2 petits copains dont un était mort. Il pensa aussi au garagiste. Il pouvait faire ce genre de chose mais pourquoi le ferait-il?
On ne peut vraiment se fier à personne.
Monsieur Dickson appela donc le garagiste. Il serait toujours temps de lui rendre une petite visite pour parler de ses émotions. Cette fois avec un Sig Sauer.
Il pensa aller chercher son téléphone portable ou le cellulaire mais il serait bien plus simple de se servir des radio-téléphone ou le CB d'une des remorqueuses. Poste relié directement au garage. La fille du garagiste est au poste pour les appels urgents et non, le paiement de l'essence et des factures.
_ Allo! Je peux parler à ton père
_ Oui. Il s'est passé quelque chose parce que je sais pas si vous le savez vous nous appelez avec le CB de la remorqueuse 5. Monsieur qui déjà?
_ HD. Il connaît
_ Bon. Je vais lui dire que monsieur HD qu'il connaît l'appelle d'une de nos remorqueuses. Je ne sais pas s'il va être content. Je ne sais pas monsieur HD si vous avez déjà vu mon père pas content mais ça vaut la peine d'être vu.
_ On sera 2. Dites-lui aussi que je ne suis pas content et que je suis sur le point de lui faire une visite.
_ Et ce genre de propos est supposé lui faire quoi: lui faire peur?
_ Il est là ou pas.
_ Vous avez de la chance ou pas, c'est selon. Je le vois arriver au garage. Je lui fais signe et il arrive. En attendant priez.
Monsieur Dickson entend les voix de la fille et du père. La fille l'informe en mélangeant un peu les choses. Le père semble perplexe. Elle lui reprécise pour l'aider à se faire une idée que monsieur HD appelle d'une des remorqueuses du garage.
_ Bonjour monsieur Dickson, on peut faire quelque chose pour vous?
_ Je pense que c'est déjà fait.
Perplexité.
_ Il doit y avoir du brouillage sur la ligne parce que mes neurones ne fonctionnent pas. Précisez davantage.
_ Vous n'avez pas perdu des outils?
_ Des outils? Mes outils?
_ Cherchez pour voir.
_ Je vais allez voir.
Bruit de pas.
_ Non. Je suis passé à l'atelier. Il ne me manque aucun Snap On. Clefs à douilles. Il ne manque pas une douille. Rien que le tournevis Phillips numéro 2. Je sais où est chaque chose et où chaque chose doit se trouver. On n'a pas encore mis la main sur celui qui a pris le tournevis et l'a oublié ou mal rangé. Je lui parlerai en stéréo quand je le verrais.
_ Je parlais plutôt d'outils plus grands avec 2 pattes.
_ Grand comment?
_ Assez grand pour conduire une auto.
_ Oh! En passant. Je n'appelle pas mes employés comme ça.
_ Il ne vous en manquerait pas une dizaine
_ Je n'ai jamais eu 10 hommes. Vous ne savez pas ce que ça coûte que d'avoir du personnel permanent.
_ Je pensais. Il y en a un dizaine, chez moi, qui traînent à terre actuellement. Je les ai un peu amoché. Et je pensais avant qu'on en vienne aux gros mots, vous en informer. Peut-être y a-t-il un malentendu?
_ Il y a certainement un malentendu. Je n'ai jamais envoyé quelqu'un chez-vous. Quand je le fais et c'est généralement pour l'auto, ma fille téléphone avant. Parce que la ligne rentre mal chez-vous, elle s'arrange même pour vous prendre sur votre galerie. On est poli chez nous. Et ma fille m'a parler d'une remorqueuse. Une remorqueuse du garage. Pouvez-vous m'en parlez aussi. Est-ce qu'elle se porte bien?
_ C'est probablement un autre de vos outils qui manque et aura été mal rangé
_ Vous dites qu'une de mes remorqueuses est chez-vous?
_ Je suis dedans.
_ Ma fille me dit que vous n'avez pas fait d'appel de service
_ C'est probablement un miracle. Elle est venu ici sans que je le demande. Et, encore mieux, sans que j'en ai besoin. Au cas où, sans doute.
_ C'est ça aussi votre question au sujet de mes outils qui manqueraient. Va falloir redresser la colonne vertébrale de certain. À coups de pieds au cul si besoin pour actionner toutes les neurons. Le cul se rend directement au cerveau, vous saviez pas?
_ Heureux de l'apprendre. Allez donc voir dans votre cour s'il vous manquerait une remorqueuse. Probablement qu'il vous en manque plus qu'une. À mon idée, elles sont toutes ici.
Il entendit sacrer. Il entendit la porte à clochette du bureau du garage sonner l'angelus. Le temps passa. La porte resonne et claqua. Il sacra. Les blasphèmes usuels plus quelques-uns de son invention.
_ Il n'y en a plus une. Elles sont toutes parties. Et personne ne les a vu partir.
_ Problème de rangement que vous règlerez sans doute bientôt. Mais rassurez-vous elles sont probalement toutes ici. J'en compte... 1, 2, 3, 4, 5. Des moyennes. Plus 2 énormes pour les camions remorques.
_ Elles sont là aussi. On a manqué 2 appels d'urgence. Des vans à déplacer à la suite d'un accident. Gros contrat de la police. Qui est allé à un concurrent. Vous savez ce que ça coûte et ce que ça vas soustraire de notre bilan. Ma fille vient de me dire que toutes les clés accrochées sur le mur ont disparus. Seul un homme de mon équipe a pu faire ça.
_ Je n'en ai aucune idée mais vous allez me le dire. Pourquoi ne venez-vous pas me le dire ici. Je vous attend. On résoudra nos autres petits problèmes, par exemple, tous ces gens qui sont sur mon terrain à attendre l'ambulance.
_ Je ne sais pas qui c'est, je vous assure encore, ce ne peut pas être mes employés. Ou ils font du travail supplémentaire sans me le dire et pour un autre patron. Pour le moment donc je ne sais pas qui c'est. Ce sont donc des étrangers. Mais si ce sont eux qui ont pris mes remorqueuses vous pouvez les cogner autant que vous voulez. Gardez m'en 1 ou 2, pour que je les cogne à mon tour. Mais je ne veux pas vous priver. Si vous pensez qu'ils vous ont offensé de quelque façon que ce soit, vous pouvez...
_ C'est déjà fait.
_ Bien. J'arrive. Et, en attendant, vous ne touchez pas à mes remorqueuses. Ce n'est pas leur faute si on s'est servi d'elles pour mal faire. Elles sont innocentes.
_ Je n'ai fait que vous appeler dans l'une d'elle. Je dépose le micro, je le nettoye avec ma manche pour enlever la sueur et je vous attend sur les marches de mon escalier.
_ J'arrive.
Oh oui! Il arrivait. Il avait dû booster sa camionnette Ford 250 au protoxyde d'azote ou du nitrométhane pour les dragsters. De la poussière il y en avait. Il avait dû dépasser toutes les limites de vitesse permise mais la police du coin est son ami. Il fit encore plus de poussière en freinant. Comme s'il avait eu des Brambo ou des freins en céramique.
Il sortit de sa camionette en laissant la portière ouverte et courut les bras en l'air comme un père dont on avait enlevé ses enfants (une épouse divorcée agressive) et qui venaient des les récupérer.
_ Papa est là!
Il flattait ses camions et leur parlait pour les rassurer. C'est vrai qu'ils avaient eu bien des émotions. Puis, il alla d'un bon pas de sergent vers monsieur Dickson pour régler cette situation d'une façon ou d'une autre.
Monsieur Dickson lui présenta la série d'éclopés qui gémissaient au sol.
_ Ce sont eux. Ils sont venus dans vos camions. J'ai d'abord pensé...
_ Vous en faites pas n'importe qui aurait pensé comme vous. L'important est qu'on mette nos pensées sur la même longeur d'onde.
_ Et vous ne les reconnaissez toujours pas.
_ Si je les connais. Vous voyez là un ramassis de trainards et de tarés. Probablement une grande partie des minables du village est rendu ici.
_ Si vous le dites.
_ Et ils sont venus pour?
_ Me tuer, je pense.
_ C'est une accusation grave...
_ Avec ça.
Du bout du pied, monsieur Dickson fit rouler un des bâtons de baseball vers les autre bâtons de baseball. Les bois secs qui se rencontrèrent firent un son de xylophone
_ Mes bâtons
_ Ils vous ont pris ça aussi?
_ Mes beaux bâtons. J'en avais une caisse.
_ La caisse est encore là, près du treuil. Il en reste encore. Ils en ont amené beaucoup trop.
_ C'était pour l'équipe de baseball de l'école. Pour mon petits fils qui joue. Pour ses amis. Ils sont cassé. Poqués. Rayés. Tachés de sang. Cassés.
Il en pris un qui traînait par terre. Serra le bon bout et tapa doucement du gros bout dans le creu de sa main libre.
_ On va ouvrir une enquête.
_ Il y en a qui manque. Ceux qui pouvaient encore marcher se sont sauvés. Je les ai laissé partir.
_ Dommage. Vous ne savez pas qui c'est?
_ Pas plus que ceux-là.
Il passa en revue les invalides comme Napoléon a dû le faire dans le passé. Mais au lieu de les féliciter d'avoir risqué leur vie pour la patrie, d'avoir laissé un pied, une main, une jambe, un oeil en Russie ce qui méritait une médaille, il avait d'autres intentions.
Monsieur Dickson désigna celui qu'il pensait être le chef
_ Je pense que celui-là est mort.
_ Quel dommage. Je l'aurais tué moi-même. Je le connais en plus. C'est un des rats qui étaient toujours avec mon fils. Son meilleur ami en plus.
_ Mes condoléance encore.
_ Merci. Merci. Mais il l'avait bien mérité. Regardez le genre de trou de cul avec qui il se tenait. Pas surprenant que ça finisse aussi mal. Je l'avais averti, il m'écoutait pas. Il n'écoutait personne. Pas même sa mère. Je ne sais pas qui a entraîné qui dans cette vie de merde, c'est peut-être mon fils ou c'est peut-être lui. Mais une fois le mouvement pris, ils étaient en orbite. Plus moyen de les arrêter. Sauf la police, la prison, la mort.
Il prit un grand respir et donna de toutes ses forces un grand coup de bâton sur la tête de face de rat. Si face de rat n'était pas déjà mort, il le serait à ce moment. Le garagiste étant particulièrement costaud. Comme face de rat ne réagissait pas - il était probablement mort- il se mit à cogner sur son voisin qui lui était bien vivant ou à peu près et qui faisait des bruits variés à chaque coup. Il ne cessa de cogner que lorsqu'il fut en nage et le souffle court. Il était costaud mais vieillissait et cognait peut-être moins fort qu'avant et certainement moins longtemps. Il avait eu beau cogner, le bâton n'était toujours pas cassé. Un bon bâton comme le disait la publicité.
_ Bon. Bon. Le temps passe. Les camions sont à vous, vous les reprenez bien sûr.
_ Je suis désolé qu'on se soit servi des mes outils pour vous faire du tort.
Il allait se retourner pour aller battre un autre handicapé qui n'avait pas encore été assez battu mais il manquait de souffle et en se retourant violamment, il eut un vertige. Il dut se rassoir sur le marche pieds d'une de ses remorqueuses.
_ Je vais appeler mon équipe, ils vont venir prendre tout ça. L'un d'eux est pompier volontaire, il se servir du mini-autobus scolaire dont on se sert pour emporter les gens. Un seul véhicule suffira. Il y en a bien assez ici. Il faut un permis spécial pour conduire tout ça.
_ Et eux?
Il désigna du doigt le champ de bataille
_ Si j'étais plus jeune, je passerais le reste de l'après-midi à les aplatir à coups de bâtons. Mais vous l'avez vu, j'aplatis moins bien que je ne le faisais.
Bien assis, il réfléchit à ce qu'il allait faire de tous ces gens.
_ Pour le moment, je suis trop énervé pour penser. Je veux éviter de prendre des décisions que je regretterais. Mais si j'avais un .12, je. Vous voyez, je ne suis pas état de décider. Mais si j'avais un .12.
Avant qu'il pense à nouveau à faire un carnage, l'autobus scolaire des secouristes arrivait. Ses employés à uniforme descendirent. Chacun se dirigea vers sa remorqueuse. Vérifia si tout semblait ok. Pneus. Moteur. Comme ces véhicules avaient été conduit par des incompétents, on pouvait s'attendre à des dégâts. Les pires étant ceux qu'on ne verrait pas. Transmission. ect.
Il y avait aussi l'affaire de l'employé qui avait chipé les clés dans le dos de tout le monde. Il n'était pas ici, dans le lot, selon lui, seuls des étrangers. Mais c'était son problème.
Comme on ne pouvait pas laisser les malades et les mourants (pas tant que ça!) ici, par terre, ce qui faisait désordre, surtout si ça s'éternisait, il fallait bien les emmener. On les rangea à l'arrière des remorqueuses, entre le treuil et les boites à outils. Au point où ils étaient ça ne pouvait pas leur faire plus mal. Et si ça leur faisait plus mal, on s'en foutait.
Le garagiste, regarda le paysage. Il avait fait balayer le terrain devant la maison par le plus jeune de ses employés. Celui qui fait toutes les corvées. Le même qui balaie la vitre sur la route après un accident. Pour éviter qu'un autre pneu ne se crève. Il ramassa aussi ce qui restait des bâtons de baseball. Ensuite, c'était comme s'il ne s'était rien passé ici. Nickel. Ou Spin and Span.
Le garagiste serra la main de monsieur Dickson
_ Désolé pour le dérangement.
_ Ce sont des choses qui arrivent.
_ Je n'aime pas que les choses arrivent sans que je l'ai décidé. Croyez-moi, je vais mettre cette affaire au clair. Il y en a bien un qui pourra parler et me dire comment cette affaire stupide a pu cesser d'être le délire d'un ivrogne pour tenter de devenir réel. Comme un monstre qui sort de sa boite de monstres. Dès que j'ai du nouveau, je vous rappelle. Et ne vous en faites pas pour eux
Il désigna les blessés de guerre assis ou couché sur les chaînes et les cables d'acier
_ ... ils ne reviendront pas.
Le garagiste avait souvent raison. C'était un homme qu'on écoutait quand il parlait. Mais cette fois, il avait tort. On les reverrait.
*
8 oct. 2012. État 1
Mort. 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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