Henry Dickson revint chez lui, le 8 octobre 2012 en Jeep.
Il avait besoin d'un véhicule et il y avait un rabais chez Chrysler qui luttait comme un noyé pour sa survie. Ce qui motive toujours beaucoup. Le Jeep Wrangler Sport SPORT 4X4 2012 2 portes lui paraissait une bouée de sauvetage intéressante. Le concessionnaire avait reçu depuis 6 mois les modèles 2013 et tentait par tous les moyens de se débarrasser des derniers 2012 qui encombraient sa cour.
Quelle différence entre les 2013 et les 2012 ? Probablement, la même différence qu'entre des souliers 2012 et 2013.
Il fallait du nouveau à chaque année. Ou le prétendre. Et on n'était plus à l'époque où Ford disait qu'on pouvait choisir toutes les couleurs qu'on voulait pour sa Ford T pourvu que ce soit du noir. Et il disait aussi que ses clients n'aimaient pas le changement ce qui permit à monsieur Ford de garder ce modèle de 1908 à 1927.
Et le concessionnaire Chrysler/Jeep était le cousin du garagiste comme le concessionnaire Honda et celui de Toyota.
Chrysler depuis sa déconfiture avec Mercedes qui l'avait racheté et tenté d'en faire quelque chose puis sa revente à Fiat après ses sauvetages par l'État (le dernier en date suite au crash de 2008) (et on est contre l'interventionnisme étatique, le socialisme et le communisme, hiha!) (L'État Canadien sauva GM avec 10 milliards ou plus. 15 milliards si on ajoute Chrysler. Aux USA, 50 milliards et et et encore plus! Et des réductions d'impôt de 18 milliards. GM perte de 80 milliards depuis 2004. 2008. 8 milliards de pertes. 172 milliards de dettes et 82 milliards de biens. Mais si on tient compte du sauvetage des banque à coups de 100 milliards et celui du système économique à coups de 100 milliards et autres 100 milliards par an, prêts à zéro %. ) essayait de faire des profits en essayant de vendre des autos.
Monsieur Dickson y contribua. Sa motivation d'achat en tant que consommateur fut aidée par le prix et les roues d'aluminium poli de 17 pouces à 5 branches données en prime.
Lorsqu'il s'en retournait, il regarda le long de la route si la Mini Cooper était encore là. Elle avait été enlevée de même que la camionnette brûlée et son cadeau surprise, la moitié de cadavre.
Lorsqu'il arriva chez lui, il y avait déjà pas mal de monde qui faisait le ménage de la cour. On avait débarqué de 2 camions 2 grandes bennes/conteneur de 30 pieds pour trier les déchets. Les non recyclables: débris de bois, de béton de l'explosion destinés au site d'enfouissement. Tant le voyage ou la tonne.
Et les recyclables. Les tôles du toit et les carcasses des autos. Un technicien du garage était en train de les découper au chalumeau oxygène/acétylène afin d'arracher les portes et les toits pour les nettoyer des cadavres tordus ou compressés.
Le garagiste était là qui supervisait. Il le salua quand il le vit arriver dans la Jeep et le félicita de son choix. Lui apprit que la Mini Cooper était dans la cour de son garage avec les autres épaves de la route en attendant la visite de l'assureur. Surprenant comme il y avait d'accidents de la route ici. Sans compter les collisions avec les chevreuils et orignaux qui pouvaient vous envoyer ad patres en bonne compagnie - couple orignal et humain assis sur le même siège après que l'orignal eut traversé le pare-brise. Et il y avait les courses d'autos que se faisaient entre eux les jeunes apprentis conducteurs dans les chemins de rang. On les entendait la nuit avec leurs moteurs boostés. Et parfois le boom bien sonore dans la nuit quand ils avaient raté une courbe.
Trop jeunes, ils n'avaient pas appris qu'on n'accélère pas dans une courbe surtout si on n'a aucune idée de ce qui s'en vient ou qui est déjà là de l'autre côté, encore moins quand la courbe est en haut d'une côté et qu'on voit encore moins. Ou que l'asphalte est mouillée par la pluie. Mais il faut vivre encore assez longtemps pour apprendre. Avoir appris et compris ces petits détails aide sûrement. Et, certainement, à vivre encore un petit peu plus.
Et un certain nombre ne vivra pas assez vieux pour percevoir ces subtilités. Manque de neurones. Panne de neurotransmetteurs.
Quoique leur exemple puisse être salutaire pour leurs amis. Qu'un idiot meure victime de sa propre stupidité ne fera pleurer personne mais il arrive qu'ils meurent en compagnie d'amies et de petites copines qui n'avaient pas demandé à mourir ou rester infirme. Et eux ont toujours des amis.
Ainsi, ils entraient dans un arbre, un camion, une maison. Ainsi va la vie et la mort. Cette fois à toute vitesse. Au lieu d'attendre qu'elle vienne vous chercher, vous vous précipiter vers elle.
Un certain nombre de véhicules avait été décapsulé, y compris la camionnette brûlée qui, la veille, se trouvait stationnée sur le bord de la route avec son cadavre à proximité de la Mini Cooper.
Les TC, les voyous des travaux communautaires avec des gants de caoutchouc raclait les morts des parois ou arrachaient les morceaux quand ils s'incrustaient trop. Une splatule aide toujours.
Le garagiste n'avait pas besoin d'être là, ses employés ou ses cousins savaient ce qu'ils avaient à faire mais il attendait monsieur Dickson pour discuter.
Au sujet des autos et camionnettes utilisées par les visiteurs nocturnes et qui, dorénavant, resteraient sans maître, bateaux échoués dans l'herbe attendant leur découvreur. Mais un conflit territorial pouvait se produire si on n'y prenait garde. On s'est déjà entretué pour moins que ça, ailleurs. Comme ils étaient sur les terres de monsieur Dickson, il était un peu gêné de s'en emparer. Mais qu'en ferait-il ? Une bonne action était déjà toute prête à utiliser. Lui, rendrait service, en faisant le ménage. Comme il le faisait dans la cour. Une si attachante bonne volonté ne pouvait qu'être encouragée.
Il proposait une sorte d'association où on partagerait les profits après soustractions des dépenses telles que le remorquage et le remarquage des véhicules avec une nouvelle immatriculation. Il fallait repérer dans une cour de triage de cadavres automobiles un véhicule semblable, perte totale, qu'on achèterait pour en prélever les étiquettes de codes du pare-brise et du moteur. Ainsi, la camionnette serait baptisée de nouveau et à peu près légalement commencerait une nouvelle vie. On pourrait enfin la revendre. En attendant, il les rangerait dans une des granges louées qu'il utilisait pour ses commerces variés. Le garagiste était un homme d'entreprise tout à fait entreprenant.
Il n'y aurait qu'une camionnette qu'il remettrait à la veuve d'un idiot. Il plaignait cette pauvre femme de faire d'aussi mauvais choix. D'autant plus qu'elle était maintenant munie d'enfants dont on avait tout à craindre compte tenu de l'hérédité.
Si les autres étaient incapables d'élever leurs enfants, tant pis pour eux. Il allait en dire davantage sur ce sujet mais le souvenir de son fils passa à ce moment dans son esprit et il y avait un moment qu'il n'avait pas pensé à lui. Il préféra donc changer de sujet.
L'entente étant conclue, le garagiste et monsieur Dickson surveillèrent les travaux qui se poursuivaient rondement.
Ceci fait, on passait des crochets d'acier ou des chaînes autour des épaves et un treuil les soulevait (quelques tonnes de métal croche et coupant, mieux valait éviter les mains et les doigts) on les mettait dans les bennes.
Un tracteur attendait, pelle en avant pour recueillir les dépouilles funèbres. Et quand la pelle était pleine, il allait les domper dans le bois où les petites bêtes et les grosses en feraient leur festin.
On parle toujours d'enterrement et d'incinération mais il y a tant d'autres manières de disposer d'un corps mort. L'estomac des animaux par exemple. Forme de recyclage peu envisagée sauf lors des guerres. Poissons, ours, loups, chiens errants, renards, mouffettes, rats.
Et tout le monde finit en merde de rat.
Et on ne se vantera pas que l'estomac d'un rat soit devenu - provisoirement- votre cercueil.
Et il y aussi le cannibalisme. Où on finit en merde humaine. Très fréquent en cas de guerre et de famine.
On cassa le béton abîmé au marteau hydraulique monté sur bras articulé d'une excavatrice/pépine CAT. Et on le jeta dans le bac à déchets.
Et on balaya les petits débrits de verre et de métal dont certains étaient pointus, tranchants et coupants ce qui aurait été dommage pour les pneus neufs de la Jeep.
À midi, il ne restait plus rien et c'aurait pu rester ainsi et servir de bac à fleurs pour la petite blonde qui sentait bon (sa peau avait une odeur de cassonade) ou comme monsieur Dickson l'avait décidé. On refaisait tout à neuf, pareil, mais en plus grand.
On vint donc mettre les formes pour le coffrage du béton à 1 heure de l'après midi. Pour couler la semelle et la dalle des fondations le lendemain. Le 21 octobre tout était terminé. L'étable/grange/hangar/cabane à sucre était debout. Un étage avec toit de tôle émaillée Rouge Patriote T 23 peinture cuite au four.
Ce n'était pas une vraie cabane à sucre mais aurait pu en être s'il y avait eu la bouilloire centrale.
C'était un local d'une seule pièce avec toilette au compost - comme la fosse à purin domestique/fosse septique n'était plus conforme, il fallait la déterrer et en mettre une autre ($10 000) ou laisser tout ça sous terre et ajouter 3 toilettes à compost à la maison, une par étage + 1 pour la cabane à sucre. Tant qu'à.
Tout devient merde (les salauds explosés allaient le devenir bientôt) et la merde est 95% d'eau. Il suffit de la faire sécher et on a de la terre noire/humus (débris végétaux mangés et chiés par les vers de terre) et du compost gratis pour les plantes.
De toute façon, il y a des fermes partout ici et on fertilise les terres et les futures plantes avec de la merde de vaches ou de cochons et personne ne s'en plaint.
Ce qui permet de résoudre un problème nouveau. Depuis l'explosion, la source de la maison est moins frétillante qu'avant. La pression du puit à baissé à 30. Ça a dû créer une faille dans roche qui a dévié ou bloqué en partie la nappe phréatique ou quelque chose du genre.
Sans eau, il resterait à acheter des bouteilles de 10 gallons au village. On ne faisait plus faire le voyage à pieds par ses épouses comme en Afrique mais ces déplacements constants compliqueraient la vie.
Même chose s'il y a de l'eau mais qu'elle devient polluée. Ce qui est arrivé au village voisin après que les cinglés du gaz de roches aient envoyés leurs déchets liquides dans le sol.
Mais, comme on dit, il faut bien créer de la richesse (pour les riches). Et, tant pis, pour ceux qui vivent dans le coin. Et qui avaient la désagréable habitude de boire au point de croire tout ceci naturel. Ils n'avaient qu'une source qui devint imbuvable ou, mieux, inflammable parce que le gaz avait migré dans l'eau ou le contraire.
C'était fascinant à voir mais, comme on dit, on ne voudrait pas être à leur place.
Les riches n'y habitent pas. Les actionnaires non plus.
Comme au village voisin, ils sont à peu près tous tarés, on s'en fout mais les explorateurs peuvent venir tarauder et explorer ici. Car la loi provinciale fait que le propriétaire d'un terrain ne possède que la surface de son sol. Tout ce qui est dessous, sous ses pieds, appartient à l'État qui peut le vendre ou le louer en concession comme claim minier. Quelques sous le mille carré. Ce qu'on voit est très rentable pour l'État.
Et le concessionnaire du claim ou la compagnie minière qui la lui a rachetée peut faire exproprier le propriétaire et démolir sa maison s'ils ne s'entendent pas sur le prix. C.À.D. S'il ne veut pas accepter la poignée de moulée pour chien qu'on veut lui donner.
Et un géologue ou un prospecteur ou un avocat ou toute personne s'intéressant aux roches peut acheter votre sous sol, planter ses piquets et revendre sa possession à une mine, un pétrolier ou un gazier.
Et comme c'est arrivé au village voisin, vous vous retrouvez avec un derrick dans la cour arrière qui creuse 24 heures par jour puis qui pompe et injecte dans le sol des produits chimiques pour faire éclater le schiste 24 heures par jour et des pompes qui sucent le mélange liquide/gaz 24 heures par jour. D'autres pompes séparent le gaz qui a de la valeur de la boue pollulée qui n'en a pas. Des camions citernes qui viennent chercher le gaz avant qu'on installe des pipelines à partir de la tête de pompage qu'on installera sur votre puit après qu'on ait démonté le derrick. Votre étant une figure de style. On remontera le derrick 100 pieds plus loin car la méthode n'est valable qu'à courte distance. Et vous voila avec une piscine à liquide noir et puant dans votre ex jardin. Vomi chimique qu'on attend d'envoyer à une usine d'épuration qui en voudra. Ou qu'on jettera dans le fleuve dès que personne ne regardera. Qui observe et suit à la trace tous ces camions qui vont et viennent?
Et, regarder, c'est tout ce qu'il vous restera à faire puisque votre ancienne terre, votre terrain, sera clôturée et privatisée et pas pour vous. Pour quelques cennes de la tonne cube de terre ou du kilomètre carré donnant droit à l'usage du sous-sol, on obtient en échange, la jouissance du sol. Car il faut bien installer son équipement quelque part. Et sur la barrière grillagée, il y aura écrit: défense d'entrer.
Déprimant.
Et un garde de sécurité viendra vous engueuler si vous approchez trop de la clôture de grosses mailles. Le seul emploi local - un des mirages que fait miroiter en jouant avec ses miroirs les propagandistes et qui fait saliver tous les maires ce qui les fait baver excessivement, ce qui est toujours inesthétique de la part d'un politicien. Des jobs, il y en aura, provisoirement, mais pas pour les gens du coin. Les autres travailleurs étant des spécialistes venus d'ailleurs.
Kafka aurait écrit des choses de ce genre s'il avait vécu assez longtemps.
Et, conteur Juif, il aurait apprécié en esthète le traitement des Juifs futurs tout à fait conforme avec ses concepts de la Colonie Pénitentiaire. Mais comme on dit: c'est une autre histoire. Il est mort avant et cette histoire est terminée. Et, le pire, n'est pas qu'elle ait été inventée et racontée mais qu'elle a été vécue réellement. Mais les humains ont toujours eu le don de recréer l'Enfer sur Terre pour leurs semblables. Ou si les humains n'ont été que les stupides complices de quelques grands desseins, on peut au moins affirmer que Satan est un merveilleux conteur.
L'Histoire est un grand livre pour lui.
Et les ingénieurs du gaz sont ses amis.
Et comme si ce n'était pas assez, vous pouvez vous retrouvez avec la complicité du maire - car le pire est toujours possible - avec une mine d'or à ciel ouvert.
De cet or, bien sûr, vous ne profiterez jamais. Le maire, un peu, si. Tant d'enveloppes vont et viennent. Et le reste de la ville qui espère les emplois mettra le feu à votre maison parce que vous empêchez le progrès. Et, encore une fois, ces emplois seront pour d'autres.
Aujourd'hui, vu qu'on a la technologie, on préfère creuser des carrières plutôt que des tunnels sous terre. Le Grand Canyon à vous tout seul.
Et vous aurez droit aux camions, aux énormes camions miniers, ce qui n'est pas rien, aux broyeuses à roches et minéraux. Toutes ces choses à moteurs font du bruit. Et aux explosions de dynamites régulières qui feront tout trembler à des milles à la ronde. Parce qu'on voudra aussi économiser sur les explosions, on ne vous fatiguera plus avec des bombardements réguliers, on préférera un énorme qui enverra au ciel des tonnes de roches. Et, tant mieux, si vous n'en recevez pas sur le toit.
Et l'or, bien sûr, partira à l'étranger. Eux savent comment le faire fondre. Ici, les gens sont trop idiots pour ça.
Si ce n'est de l'or, ce sera de l'uranium.
Le plus sûr était d'acheter le claim minier de son propre terrain donc s'abonner à 1000 $ par an, ce que fit monsieur Dickson.
La terre était assez grande mais les parasites pouvaient s'installer sur les terres voisines. Tant pis.
Et comme les 9/10 de la consommation d'eau d'une maison va à l'évacuation des déchets humains, aussi bien pisser et chier moins - ce qui est difficile à moins d'être constamment au régime ou d'utiliser moins d'eau. Sans eau noire (terme PC pour le mélange de 90% d'eau/pisse/merde et 5 gallons d'eau pour l'évacuer à chaque chasse) à conserver sous terre (pour éviter la pollution de votre eau potable), il ne reste que l'eau grise des bains/douches/laveuses à linge/vaisselles/lavabo/évier qu'on envoie dans la terre.
Ainsi, on pourra faire durer ce qui reste du puit.
La cabane à sucre servirait de chalet pour les invités ou de bunker de survie en cas de panne d'électricité.
Donc poêle à bois. Bûches et branches de la forêt qu'il fallait émonder régulièrement - et qui avait failli tuer monsieur Dickson récemment - laissées à sécher après les avoir cordées. Dehors 1 an. Trop encombreux et trop peu coûteux pour entrer au garage ou dans la cave comme on faisait anciennement. Trop d'humidité, mauvais pour la maison de bois. Trop de fourmis. Mauvais.
S'il n'y a pas de termite ici, les foumis gâte bois peuvent vous faire des tunnels dans vos poutres plus patiemment mais avec presque autant de résultat.
Puisque la fourniture des bûches est aléatoire, dépendant des caprices de la nature: arbre mort, fendu ou trop vieux, cassé par la foudre. Ou le poids d'une de ses branches la précipite à terre. Il fallu être moderne. Et, dans le garage, des palettes de bûches compressées pouvant brûler 8 heures. Écologie, faites avec des déchets de bois. Bran de scie, sciure et poussière de bois. Séchées. Moulés. Pas d'insecte ni champignons ni pourriture. Aussi durable que la pierre. Trop dures pour les insectes. Donc la garder au sec. Son seul ennemi l'eau. Comme la pierre, le froid ou la chaleur ou la sécheresse ne les dérange pas. Ce qui adonne bien puisque le garage n'était pas chauffé.
L'eau dorénavant poserait problème.
On n'allait pas creuser un puits de 500 pieds pour le plaisir. On avait déjà réglé une partie du problème avec les toilettes écologiques. On détournerait donc l'eau de la maison avec une seconde pompe reliée au réservoir sous pression de la cave vers un second réservoir dans la cabane à sucre. Quitte, en cas de panne prolongée, à recourir à la pompe à bras du puits de la cave pour emplir de gros bidons. Mais plus petits. Avec des poignées.
Encore une fois le problème des épouses se posait. Peu de volontaires du genre femelle pour porter des cruches de 100 livres sur un petit coussin posé sur la tête. Même si leur époux et maître leur fournit à fois cruche et coussin et puit où puiser l'eau.
On voit donc ce que les ravages de la lecture peuvent faire dans l'esprit de la femme. Et l'époque où l'ignorance, l'innocence et la pauvreté de l'esprit (défense contre l'orgueil intellectuel) est révolue. Sauf à Québec à la radio. Et chez le parti Conservateur Fédéral et chez les Républicains US.
Et, en cas de panne parfaite.
Des caisses de conserves pour un an dans la cave de la maison. Et des caisses de céréales séchées.
Et une petite dynamo à essence dans la grange pour le frigo et une ampoule 40 watts dans la cabane à sucre.
Des chandelles sur les murs. Et une lampe à huile sur la table.
Mais lire à la lampe à l'huile ou, pire, à la chandelle est désagréable. Tous ceux qui le pouvaient sont morts.
Par contre, ça diminuait l'obligation de se servir de la dynamo et permettait de faire durer le réservoir d'essence plus longtemps. Et de vivre un peu plus. Car il fallait la laisser refroidir entre 2 remplissages de son réservoir si on ne voulait pas passer au feu la chaleur enflammant le jet d'essence et remontant dans le réservoir que vous tenez à la main. Plaisir assuré. Bref mais intense.
Tout ceci parce que vous auriez froit et serez trop impatient pour attendre.
Et des caisses de chandelles - les ordinaires de paraffine et plusieurs en cire d'abeille pour l'odeur. Et les bidons d'1 gallon de kérosène pour les lampes.
Et la radio/TV/cable/5oo stations/dont 50 pornos/internet/ordinateur/disque dur de sécurité externe/imprimante/lecteur CD/poste CB.
Car, enfin, hors de la maison, on pouvait se connecter au monde. Si jamais il vous en prenait envie.
La maison vivant en autarcie comme un grand animal en hibernation - valait mieux ne pas trop la déranger- n'avait pas besoin de ces tracasseries modernes. Et ne voyait vraiment pas pourquoi ses passagers s'encombreraient l'esprit de tous ces tracas.
On avait même le téléphone.
Plus besoin de téléphoner sur la galerie.
Un vieux téléphone mural noir rural à roulette 1960 trouvé dans un marché aux puces.
Décoration.
Spartiate style scandinave/japonais.
Poutres, solives et colonnes apparentes. Planches de bois à gros noeuds (qualité commune) vernis (vernis à bateau) aux murs et plafond et plancher de madriers nus. À quoi servait de le peindre ou de le vernir puisque les pieds nus, les bas de laine, les pantoufles et mocassins de cuir et les souliers feraient partir la peinture et qu'il faudrait la refaire parce que tous ces endroits peints à côté de ceux usé, ça ferait pas beau. Aucun homme ne le remarquerait mais il n'y a pas que des hommes terre. Il y a des petits être à la voix aigüe qui observent les petits détails. Vous aurez beau lui expliquer qu'à force de marcher, le bois se poncerait doucement. Et prendrait un air vieux tout ce qu'il y a de naturel.
Parce qu'il serait simplement vieux.
Pas de fenêtre au nord et à l'est.
Petites fenêtres avec sabords extérieurs sur poulie qu'on pouvait abaisser en cas de tempête. Et des persiennes parce que c'est joli avait dit la petite blonde. Et ça bloque les rayons du soleil l'été lors des fortes cuissons.
Les pannes de courant étaient toujours ce qu'il y avait de plus dangereux. Les ancêtres vivaient sans électricité depuis des millions d'années mais depuis que tous étaient branchés au secteur, ils ressentaient une vive douleur lorsqu'on les débranchait subitement.
Et les incendies. Si les moyens de résoudre ce problème lancinant n'étaient pas adéquat.
Le filage électrique neuf. Boite centrale 400 ampères. Au cas où on voudrait avoir un atelier dans la grange.
Ce qui permit à l'électricien de s'intéresser aux fils de la maison. Datant de l'électrification rurale du premier ministre Duplessis d'après guerre. Fil de fort calibre en cuivre ce qui éviterait les désastres des mélanges cuivre/alu de la décennie passée. Mais recouvrement en caoutchouc séché habillé d'un revêtement de tissus tissé momifié. Tout était à changer.
À l'époque, comme les murs étaient pleins, de vrais bois et non des cloisons de plâtre sous ou dans un sandwich de carton, les fils étaient cloués sur les murs avec les prises de courant vissées. Il y en avait bien qui avait été ajoutés derrière certaines cloisons on ne sait comment mais dont on se doutait de l'état une fois qu'on avait vérifié leurs fils visibles qui dépassaient.
On enleva les fils sur les murs, laissant les invisibles en place. Comme on avait fait pour les tuyaux d'acier et de cuivre une fois qu'on avait déplacé la tuyauterie.
Reposant d'autres fils sur les murs, encore. Dans des tubes de métal protecteur. Les vieux interrupteurs de cuivre furent laissés en place pour la décoration, ainsi que les tubes à voix et les clochettes, cordelettes et poulies communiquant avec les chambres de bonnes. Une sorte d'archéologie sociale de la maison.
Dont il ne restait pas le mondre souvenir. Et on avait démoli les petits escaliers et les petites portes menant aux petits corridors bas de plafond et aux petites chambres de bonnes sous les combles. Où certaines avaient passé toute leur vie à servir d'honorables gens. Comme des chiennes de Pavlov vivant minusculement et silencieusement entre 2 clochettes. Tandis que leurs bons maîtres et maîtresses vivaient plus largement sous leurs pieds.
On ajouta de nouveaux interrupteurs.
Et le compteur électrique intelligent d'Hydro Québec qui avait fait tant jaser. 1 milliard. Bien ou mal dépensé. Relié par GPS à la centrale qui permettrait à celle-ci de calculer la consommation réelle de chaque compteur de la province. Et de celui de la maison à la seconde afin de proposer des tarifs réduits (comme disait leur pub) si vous vivez à contre sens de tout le monde. Moins cher l'hiver si on se sert de la sécheuse la nuit alors que tout le monde dort. Et, l'été, alors que New York a besoin de votre électricité pour sa climatisation, il vaudra mieux profiter d'une bonne brise naturelle. Et de couper le courant (et de VOUS couper le courant) en cas de surchauffe du réseau. Coupure de secteur ou de région pour soulager un circuit abîmé ou défaillant ou trop sollicité. Le progrès à votre porte.
D'où l'intérêt de la cabane à sucre.
Au village, il y avait différents circuits datant d'âge géologique ou politique différent. Ceux du couvent (devenu école laïque privée mixte), du CHSLD mouroir pour vieux, de l'usine et de l'église et le reste du village. Circuit de 600 ampères. Les gros bidons des transformateurs au haut des poteaux de bois. Plusieurs.
Ailleurs, moins. Le reste datait des années 60. Et aucun électeur valable n'y résidait. Ils votaient tous contre tous les maires qui s'étaient succédés à la mairie. Et on chuchotait que certains avaient pu contribuer à leur décès.
La petite blonde faisait parti du reste du village. Et avait eu le plaisir l'année dernière de geler 24 heures dans sa maison tout en voyant les maisons du fond du bout de sa rue et celles de la moitié du reste du village éclairés toute la nuit comme pour la narguer. Elle en avait gardé une dent contre l'ancien maire.
Et il y avait des pannes de ce genre tous les 2 ans. Et, tous les ans, des pannes de quelques heures. 3 minis pannes et clignotements des ampoules lorsque les systèmes de sécurité du réseau (sorte de gros fusibles) se déclenchent et, ensuite, la panne de 3 heures minimum.
Le temps d'envoyer les équipes la trouver, scier les arbres, les branches ou les poteaux. Ouvrir les chemins. Verglas, tempête de neige.
Toujours la nuit. Toujours la fin de semaine. La plupart du temps, un jour férié.
Et il y avait les pannes historiques.
14 août 2003. 4 h. 13. Jour. Panne de courant US. Causée par la négligence d'une compagnie de broche à foin FirstÉnergy. Avant que Enron, plus tard - comme si on ne comprenait pas qu'il ne faut pas jour aux apprentis sorciers avec l'énergie - ne provoque une catastrophe financière en suivant les captivantes lois (?) du Marché. On se fout de tout ça si on n'a pas encore d'actions Enron dans un tiroir comme d'autres ont encore des Emprunts Russes ou des obligations du Canal de Suez ou de Panama. Ou de Nortel. Ou de messire du Norbourg Vincent Lacroix.
Mais comme le Canada est obligé par traité à fournir du jus à l'Empire, même à ses dépens, il faudra déshabiller Pierre pour habiller John.
13 mars 1989. 2 h. 46. Nuit. Coupure d'électricité. Orage magnétique. Explosion solaire. Déformation du champ magnétique terrestre.
Québec paralysé. Deuxième fois dans l'année. Plusieurs lignes électriques situées entre Montréal et Baie-James décrochent. Effondrement du système. Les lignes de transport de la baie James enregistrent des variations de 700 000 à 800 000 volts.
4 janvier 1998. Tempête de verglas du siècle. Est du Canada. Québec.
Les pylônes aux fils surchargés de glace s'effondrent et les poteaux de bois et les grands pylônes en métal rivés tombent les uns après les autres en ligne comme des dominos. On a réglé provisoirement l'affaire, en installant à intervalle régulier des pylones-tour en cylindre qui sont moins délicats que ceux construits en barres de fer et qui résisteront à une chute en cascade des autres empêchant que l'épidémie de catastrophes devienne une pandémie. Et la glace les renforce au lieu de les faire plier.
4 millions de frileux sans courant.
On est obligé de déplacer des locomotives pour servir de dynamo à certaines parties des villes. On achète tous les poêles à bois et les génératrices du commerce. Et le bois, l'essence, le gaz. On commence à voler le bois, les bonbonnes de propane et les génératrices des maisons habitées par des gens prudents. On loge dans les autos tant qu'on a de l'essence pour faire marcher les moteurs et la chaufferette.
Les lignes et les centrales de transmissions sont toutes tombées sauf celle de Lévis sinon toute la province replongeait dans la grande noirceur - cette fois technique et historique au lieu d'être politique/religieuse.
C'aurait été 7 millions de sans abris.
Coût 3 milliards $.
Des millions d'arbres fauchés. 130 tours de transmission. 120 000 km de lignes d'électricité et de téléphone. La panne a duré plusieurs heures et jusqu'à 4 semaines selon qu'on était chanceux ou non.
On devait, à l'époque, prévoir une nouvelle catastrophe et écrire un plan d'urgence pour la province, les villes et municipalités et villages. Ce qu'on a fait. On l'a écrit. Et rangé soigneusement sur une tablette à l'abri de la poussière. Le moindre village devait avoir une salle permettant de recueillir les naufragés de l'électricité. Salle éclairée et chauffée par dynamo. On n'a rien fait.
Et comme les malheurs de la petite blonde émeuvent monsieur Dickson et qu'il préfère la savoir au chaud pour lui, il prévoit le pire.
Et il ne faut pas oublier les tempêtes historiques. Tous les 10 ans. Des jours et des nuits de poudreries. Et les rues couvertes de 10 pieds de neige.
Mais comme le climat se réchauffe, ce sera sans doute de moins en moins courant. Sauf qu'on aura des épidémies tropicales, des ouragans, des cyclones, le virus de Nil, pourquoi pas? Et la maladie de Lyme et les tiques et moustiques suceurs de sang qui se jette sur l'innocent passant dans un sentier forestier pour sucer son sang et lui injecter la maladie du sommeil ou autres joyeusetés.
On regrettera la neige.
Et comme disait quelqu'un: s'il n'y avait pas d'hiver 6 mois par année (et 1 mois de chaleur pour le reste de froid et de pluie), il y aurait 100 millions de gens ici.
Les immigrants c'est une bonne chose si on les consomme avec modération et comme toute bonne chose, trop, donne des lourdeurs puis des aigreurs.
Ce qui est un point de vue qui en vaut un autre.
Et l'Islam serait notre religion officielle.
Déjà qu'on a eu assez de misère à se débarrasser de l'autre.
Il n'y a pas si longtemps, on pendait des gens ici et on les enterrait un peu n'importe où. Si on creuse dans le village ou dans les terres où on vous dit de ne pas aller - il y a toujours une raison dans les légendes populaires- on en trouve. Et des restes de bûchers. Et des restes de gens enchaînés au bûcher et qu'on a enseveli ensemble, squelette calciné et bûcher, dans un grand trou ou une petite fosse.
Suffisait de donner des coups de pieds et le tout basculait dans la fosse. Ensuite, suffisait de tout oublier et de faire comme s'il ne s'était rien passé. Des tas de gens, ici, sont particulièrement habiles à ce jeu.
Et des têtes décapitées.
Parce que ces têtes avaient des opinions personnelles au sujet de Satan.
Les ouvriers étaient enfin partis. Il fallait travailler vite pour en finir avant la première neige. Et même s'il y avait une tempête le premier novembre tout serait prêt pour y faire face.
La cabane à sucre sentait bon le bois, les chandelles de cire d'abeilles dans les bougeoirs aux murs - la petite blonde apprécirait.
Il referma la porte. Le chien semblait aussi apprécier. Il aimait la chaleur et le poêle à bois et lui seraient de bons amis dans l'hiver qui vient. Comme tous les poêles à bois et les âtres et les foyers et les cheminées du monde.
Le chat avait définitivement adopté la maison et n'en voulait plus sortir.
La cour était pleine de feuilles d'érables colorées tombées des arbres encore remplis de la plupart de leurs feuilles. Un bonheur de jaunes, d'orangés et de rouges. À différents stades de coloriage.
Il ne faisait pas encore assez froid pour que les arbres aient l'air de cadavres séchés.
L'hiver serait peut-être tardif. Autre indice: sur les berges du fleuve, il y avait des milliers d'oies blanches qui attendaient un mystérieux signal leur disant d'émigrer plus au nord. Chacun ses manies.
Les papillons Monarques plus intelligents malgré leurs petites têtes et leur nombre limité de neurones (qui leur ouvriraient pourtant les portes de l'animation de postes de radio à Québec) étaient depuis longtemps partis par millions au Mexique. 3000 milles aller. Et ils retournent.
Les oies préféraient se faire geler les pattes et la bedaine dans l'eau en se parlant étrangement sans s'arrêter nuit et jour. Et un matin, elles ne seraient plus là.
Elles auraient senti la neige. Et dans la semaine, la neige serait là.
Parfois, certains jours, on voyait dans les cieux des vols de milliers de canards en formation en V.
L'hiver arriverait.
Monsieur Dickson sur son perron regarda son oeuvre (et celle des gens qu'il avait payé) et se dit que c'était bon.
*
21. 24 octobre 2012. État 2
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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