HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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7.10.12

259. MONSIEUR DICKSON REÇOIT DE LA VISITE

12 septembre 2012. Midi

Henry Dickson, il y a un mois

Souvenir.

Il était sur la galerie en train d'écouter la radio lorsqu'il vit de la poussière dans l'allée qui menait à la maison. De la poussière, loin. De la poussière plus proche. De la poussière qui s'approchait.

On est poussière et on retournera en poussière comme disait quelqu'un mais, là, ça, faisait beaucoup de poussière.

Le chemin était long pour venir ici. Il n'avait pas ses jumelles. Mais pouvait maintenant distiquer le treuil d'une remorqueuse.

Et la couleur.

Bleue.

Le garagiste venait lui rendre visite.

Ça lui arrivait souvent. Il avait une fixation sur son auto. Auto qui avait été la sienne. Et, avant, celle d'un homme, comme on dit, décédé dans des circonstances mystérieuses. Et enfermé dans le coffre de l'auto. Ce qui enlevait au véhicule toute valeur ou lui en donnait beaucoup selon les goûts des amateurs.

Une auto neuve à l'époque. Et qui était devenue une auto de collection. Puisqu'elle n'avait pas rouillé et été compressée pour en faire des boites de conserves comme toutes ses copines de l'époque. On l'avait entouré d'amour et d'affection et d'huile et elle avait traversée le temps. Encore plus belle que lorsqu'elle était dans la salle de montre du concessionnaire du temps. Qui ne lui avait probablement pas survécu.

Des gens s'en était occupée. Avec plus ou moins de succès. Certains avaient fini dans son coffre. Au moins un. Ce qui est déjà plus que beaucoup d'autos. Quoique les crétins locaux du type ado ou grand ado pensent avoir un record à battre. Hier, la police a arrêté leur voiture dont le pare-choc traînait à terre tant les ressorts étaient compressés. Une vieille auto à 2 banquettes comme il ne s'en fait plus. 8 personnes à bord. Et 4 ados rangés, tassés dans le coffre. Couvercle fermé. L'auto était d'une époque où les familles étaient nombreuses avec beaucoup de bagages. On en aurait bien mis un sur le toit, ce qui s'était déjà vu, mais on avait sans doute pensé que l'on exagérerait un peu. Parce qu'on avait 12 ado à apporter à une fête et une seule auto.

Il arrive qu'on apporte un chevreuil et un orignal attaché sur le toit. Trophée de chasse qu'on trimballe en ville pour que tous le voient. Et il arrive aussi qu'on attache un futur mari en X sur le compartiment moteur. Trophée de chasse de la mariée. Et les chums du futurs comme s'ils étaient jaloux contribuent à l'humiliation de l'un et au triomphe de l'autre. 

Quant au cadavre dans le coffre. Étant donné les informations qu'il en avait, ce n'était arrivé qu'une fois. Pour cette auto. Car ce n'était pas la première auto qui s'était retrouvé avec au moins un mort dans son coffre. Mais étant donné que les formats rapetissent de plus en plus, cette possibilité semblera tout à fait abstraite et absurde pour les amateurs nouveaux.

Et le collectionneur ne s'en était pas remis. Ce qui, comme on vient de le dire, donne une grande valeur à l'auto. Elle a un passé. Du vécu. Une histoire. Mais ce genre de chose enlève toute motivation à l'acheteur courant. Pourquoi irait-il s'encombrer d'une auto de 50 ans alors qu'il y en a des modernes, toutes neuves et améliorées - on ne cesse de les améliorer depuis la Ford T ou la De Dion-Bouton. Il y en a même des hybrides comme la Prius de Toyota et des quasi électriques comme la Volt de Chevrolet Gm ou à batterie comme la Leaf de Nissan. Le progrès. Et la SLS AMG Electric Drive, la voiture électrique la plus rapide au monde. 250 km/h. 550 000 $. Mais pas d'auto nucléraire comme on le prévoyait dans les années 50. Ou d'autos avec des ailes comme on le pensait au même moment.

Le garagiste aimait son auto mais ne voulait pas la voir chez lui. Il avait été bien content de s'en départir mais elle lui avait manqué bien vite. Il aimait compétitionner dans les expo d'autos anciennes. Comme il y a des expo pour les chiens ou les chats Persan. Et en était venu à un accord avec monsieur Dickson. Il lui empruntait son auto - il reconnaissait que c'était son auto puisqu'il le lui avait vendu - il y a parfois de ces incompréhensions de petits détails qui peuvent mener à de grandes chicanes- mais on le lui prêtait généreusement. S'il gagnait il partageait la bourse. Mais il gardait le trophée dans le bureau de son garage. Monsieur Dickson n'avait pas vraiment l'impression d'être privé s'il lui manquait le trophée de l'auto la plus élégante et la mieux cirée. Et le garagiste se chargeait de laver, cirer, polir, chromer si besoin.

Et, comble de ravissement, l'auto gagnait des prix. Les concours de caniches deviennent vite une drogue pour les amateurs. Il avait fallu modifier l'arrangement de départ. À la hausse. En échange, sinon il y aurait eu insatisfaction mutuelle, puisque monsieur Dickson aurait probablement refusé de lui prêter son - c'était maintenant son auto- on le précise - il pouvait faire le plein gratis à son garage. Nature. Super. Diésel. Selon le modèle. Pas seulement de cette auto dont il ne se servait à peu près jamais. Mais de sa camionnette Toyoto Tundra et de ces autres bestioles assoifféées gisant dans sa grange.

Et il en profitait puisqu'il aimait conduire et que ça ne lui coûtait rien pour partir quand ça lui chantait en allant droit devant lui. Du lever du soleil au coucher. Et, parfois, de nuit. Les routes, la nuit, sont toujours plus tranquilles. Moins de monde. Ils dorment. Beaucoup de poids lourds, eux, ne dorment jamais. En auto. En camionnette. Ou en moto. Dépendant du temps et de la saison.

Au sud, jusqu'aux lignes des douanes US. Qu'il traversait ou non, selon l'humeur du moment. Il avait déjà traversé les USA jusqu'au Mexique. Puis le Mexique jusqu'au Costa Rica et, une fois, en Argentine. Jusqu'à la pointe, où passait jadis les cap-horniers. Qui passaient ou ne passaient pas car, pour certains, ce seraient leur dernier voyage ou leur seul.

Ou à l'est, jusqu'en Gaspésie. Ou à l'ouest, jusqu'en Ontario. Ou au nord, jusqu'aux barrages de Manic. Des heures et des heures de plaisir. Des centaines de kilomètres par jour.

Il reconnut la dépanneuse du garage. Mais il n'y avait pas le camion à plate-forme qui servait à emporter l'auto. Il n'aurait pas risqué de l'abîmer juste avant une expo.

Il y avait même une autre dépanneuse. Bleue. Encore.

Et, en plus des dépanneuses pour autos, une énorme dépanneuse pour van. Le garage, en plus de l'essence, il y avait même une borne électrique pour les autos du futur de maintenant, et du diésel, de la mécanique de base, des remorquages et démarrage de batterie gelée pour la CAA, faisait aussi les poids lourds. Service 24 sur 24. Et il fallait être équipé.

Mais que faisait cette monstruosité ici? Il n'avait aucun véhicule qui aurait eu besoin de cette chose. Tous étaient en parfait ordre. Le garagiste était bon mécanicien et ses employés aussi. Et il ne les avait pas appelé.

Il compta les dépanneuses. Beaucoup trop. S'il y avait eu exposition de dépanneuses, c'aurait été une bonne idée. C'était probablement une idée de ce genre qui avait amené tous ces véhicules ici. Mais parmi toutes les idées possible laquelle choisir? Mais était-ce une si bonne idée? Et qui l'avait eu?

Il commença à penser que cette idée n'était pas venu de l'esprit consciencieux du garagiste. Cette idée, l'idée qu'il voyait ou commençait à entrevoir ne lui ressemblait pas. C'était l'idée d'un autre. Une idée compliquée et confuse qui ne pouvait mener à rien. Ou à bien des emmerdements.

Toutes ces remorqueuses arrivèrent dans sa cour, se rangèrent devant sa maison. Comme un mur de treuils et de métal. Quelle idée étrange!

Mais c'était tout de même une idée fascinante à regarder.

Les portes des camions-remorque s'ouvrirent des 2 côtés comme des ailes de papillons bleus cirés. Le garagiste tenait ses camions en ordre parfait. Métal. Peinture. Sigle. Numéros. Cire. Tout brillait et reluisait. C'était sa réputation sur roue.

Il y avait des tas de gens. Tous jeunes. Un peu trop en désordre pour bien s'apparier avec les camions. Et aucun ne portait l'uniforme du garage. Et il ne connaissait personne.

Sauf.

La tête qui était actuellement dans le lavabo. Tête qui avait à ce moment encore un corps.

Et, à côté de la tête (et de son corps), il y avait son ami.

Le charmants petit couple qui avait essayé 1 mois plus tôt de faire de sa vie un enfer. Ce n'avaient pas été les intentions ou la sincérité qui avaient manqué mais les moyens.

Et ces 2 vermines étaient là.

Il regrettait sincèrement de ne pas les avoir tué.

Et, tout autour d'eux, puisque maintenant tout le monde était sorti des camions, tout un lot de vermines.

Il ne les connaissait pas, ne les avait jamais vu mais il y a quelque chose dans la vermine qui a un air de déjà vu. Une fois qu'on en a vu une on est ensuite capable de les reconnaître où qu'elle soit.

Et des vermines, il y en avait beacoup ce jour lui. Une soudaine mutation. Une migration pressante qui les amenait jusqu'à son perron.

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7 oct. 2012. État 2