HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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23.5.12

97. ÉLÉVATION SPIRITUELLE ET MORT D'UN CON

Henry Dickson

Se demandait ce qui arrivait à la maison qu'il avait laissé sans surveillance. Ne l'ayant pas encore appelé SA maison, considérant qu'on n'est que provisoirement dépositaire d'une demeure et que celle-ci sera bientôt habité par un autre. Peut-être plus vite qu'on ne le pense.

Et notre corps et notre vie, tout autant, ne nous sont prêtés que provisoirement. Bientôt, il faudra les abandonner à la terre où ils se mélangeront avec tous les corps et toutes les vies de la centaine de milliards d'humains qui ont vécu tout aussi rapidement svec nous ou avant nous lors du bref surgissement de l'espèce à laquelle nous appartenons qui n'est qu'une modification génétique d'une variété de singes.

Et ce que nous appelons «civilisation» est tout à fait récent dans l'Histoire du barbare que nous étions il y a si peu. Il est donc tout à fait compréhensible qu'elle soit encore dans sa période de rodage.

Comme il n'avait aucun moyen de changer le cours des choses, il fit comme d'habitude, pensa à autre chose et laissa la vie s'occuper de la vie. Et la mort s'occuper des siens.

C'était tout aussi bien.

Car le fils du garagiste était furieux. Il avait voulu prendre la Ferrari de son père, croyant qu'il le méritait bien pour tous les travaux qu'il faisait pour lui. Son père avait un opinion différente et pensait qu'il ne sert à rien de travailler pour échouer. Et si son fils suivait ses ordres quand il en avait envie - ce qu'il n'aurait toléré de personne d'autre- il faisait ensuite n'importe comment et n'importe quoi. Et c'était à lui ensuite de réparer les dégâts et de calmer ceux qui croyaient sincèrement avoir à se plaindre.

À lui seul, il lui donnait plus de souçis que tous ses autres enfants réunis. Ce qui lui faisait parfois douter de la fidélité de son épouse. Brave femme dont il se repentait vite d'avoir douté. Elle était irremplacable et il ne songeait pas à la remplacer. Ensuite, il pensa à la génétique. Il avait du des documentaires à la tv. Non qu'il s'intéresse à la chose mais il était arrivé qu'on remplace son émission préférée par n'importe quoi et à un moment donné le n'importe quoi fut une émission de National Geographic sur ce sujet. Comme il espérait encore que son émission revienme, il assistat à un bout de documentaire avant qu'on répare quelque chose ou quelqu'un et que son émission revienne presque terminé. Malgré lui, il avait dû apprendre quelque chose et en retenir un peu moins.

Il arrive que dans une famille de noirot surgit un roux ou un blondinet. Ce qui avait valu à de nombreuses épouses de se faire égorger. Mais il était plus savant de penser que dans la liste interminable des ancêtres, il ait pu y avoir des unions de roux ou de blonds. Plus rares que les gauchers dans un monde droitier mais cette idée sauva le cou de bien d'honnêtes femmes.

Des indiens certainement. Des anglais assûrément. C'est comme une ancienne adresse où vous avez déjà vécu où on envoie encore une partie de votre courrier. Et d'où on vous  le retourne. Avec plus ou moins de retard.

Tout ce que vos ancêtres ont vécu est inscrit quelque part en vous. Tout? Presque tout? Un peu de tout? Les avis des spécialistes étaient partagés et il n'est pas surprenant que les opinions des non spécialistes soient aussi variées. S'ils avaient une opinion à ce sujet.

Comme s'ils revivaient grâce à vous. Quelque part dans les gênes de la famille, il y avait des indiens, des anglais, des irlandais, des allemands, des blonds et des roux attendant de surgir comme à la loterie ou au Bingo. Si vous n'en avez pas vu depuis longtemps et qu'il n'y eu qu'une longue succession de cheveux noirs, ce n'est pas parce qu'il n'y en a pas ou ou qu'il n'y en a plus et que la quantité de roux en réserve est épuisée; s'ils sont passés par là, ils sont là et seront toujours là et voilà qu'arrive le roux.

S'il n'y en a pas plus souvent - d'où la surprise et les questions sur l'honneur de l'épouse le couteau de boucherie à la main- c'est qu'il n'y en a pas eu beaucoup. La majorité des ancêtres ayant des cheveux noirs. D'où la succession ininterrompue de cheveux noirs. Presque ininterrompue. Jusqu'à ce que...

Qui décide que c'est le bon moment?

Comme les vielles machines à sous où on réglait le taux des prix, tel % de l'$ entré dans la machine qui tomberait au moment voulu. Et un autre réglage des rouages internes décidait du moment voulu et faisait qu'à toutes les, disons, 100 parties, la machine donnait. Et le joueur avait beau coller une Sainte Vierge à suce ou un Saint Christophe à aimant sur la machine, avoir sa patte de lapin, son bracelet avec des fers à chevaux miniature en or ou doré ou porter les bas qu'il avait lors de sa dernière partie gratuite, ce n'était que le propriétaire de la machine, comme Dieu, qui, lorsqu'il n'y avait personne, le soir, avant de se coucher, faisait les réglages.

S'il avait besoin d'$, si son bar avait été moins fréquenté, il modifiait les rouages et il compensait le déficit du  bar. Mais si la machine avait la réputation de donner peu souvent, les clients devenaient alors plus rares et il ne restait que les accrocs et les malades. Mais pas assez pour remplacer tous les honnêtes bien portants.

Si on voulait des clients réguliers qui pensent avoir la chance de gagner, qui, pour la plupart, ne sont pas exigeants, voient cette activité ludique comme un sport, jouent un peu pour gagner un peu, parce que c'est un jeu amusant qui donne des émotions comme le sport et des prix d'$ en plus, il fallait que la machine soit généreuse.

Peut-être pas avec eux mais qu'elle l'ait été avec quelqu'un. Ou qu'elle ait la réputation de l'avoir déjà été. La réputation des machines à sous comme celle de gens dépend d'une première impression. Et, contrairement aux gens, on peut supporter une longue série de mauvaises impressions pourvu qu'on ait l'espoir. Si c'est un autre qui gagne, on est jaloux et content pour lui. C'aurait pu être nous. Et la prochaine fois ce sera pour nous. Parce que c'est un bonne machine, qu'elle nous a fait bonne impression lorsqu'on l'a vu pour la premièr fois, car cette machine nous aime.

Et il y avait aussi les gros joueurs, moins nombreux que ceux qui pensaient que ce n'était qu'un jeu et donc, logiquement, n'attendait pas beaucoup de la machine. Pour ceux-là, ce n'était pas un jeu. Ils en attendaient donc beaucoup. Eux misaient gros, parfois l'$ qu'ils n'avaient pas, la maison faisant crédit, ils devaient donc espérer beaucoup pour gagner gros. Puisque, en quelque sorte, leur vie en dépendait. Ou, si ce n'était leur vie, une longue succession de douleurs diffuses et insistantes. Car l'$ prêté comme tout objet prêté s'appele revient. Et devait revenir mais pas tout seul, avec les intérêts. Et on avait intérêt à comprendre que l'$ n'est jamais un sujet de plaisanterie.

Dans la logique commerciale du propriétaire de la machine, dans son plan d'affaires si on utilisait les termes des grands de ce monde, on perdait un peu d'$ pour en gagner plus. Si la machine ne donnait jamais de prix et qu'on pensait par ça faire le plus d'$ possible, on pensait mal. La réputation de la machine comme porteuse de malchance se transmettait vite et plus personne ne venait. Et elle se couvrait de poussière et de toiles d'araignées.

Il avait beau expliquer cette règle simple à son fils mais il ne comprenait rien. C'est comme les agriculteurs qui sème pour récolter. Si on ne plante pas, on n'a rien. Et il ne sert à rien d'engranger les graines par mesure d'économie. Il faut risquer pour gagner, perdre un peu pour récolter plus. Blabla.

Le mur. Il avait parfois envie de frapper sur ce crâne épais jusqu'à ce que quelque chose rentre en dedans. Mais il pensait ensuite que la seule chose qui risquait de rentrer et d'atteindre son cerveau serait le fer numéro 5 de son sac de club de golf.

Son fils était fait pour obéir. Et les ordres devaient être précis et dit simplement avec des mots courts sinon il comprenait de travers et faisait n'importe quoi.

Les machines les plus récentes ont un système électronique qui donne aléatoirement les prix. Les amateurs ne sachant pas qu'on est passé d'un système à un autre, s'entêtent à penser qu'en se rivant à une machine, celle-ci va inévitablement cracher. Ils se doutent que toute les X mises, il y a un mécanisme qui s'actionnera et les fera gagner s'ils sont là. Comme le boulier du Bingo. Comme ce système fonctionne depuis des générations, les générations de joueurs qui se sont succédés ont fini par supposer qu'il y avait quelque chose de ce genre. C'est pour ça qu'une fois installés, ils ne bougeront plus. Même pour aller manger. Précisément parce qu'après avoir nourri la machine aussi longtemps et perdu autant de fois, quelqu'un pourrait arriver, juste au moment où la machine cracher et donne et ils ne seraient pas là. Et si, malgré tout, ça arrive, qu'ils aient dû partir pour aller boire de l'eau ou commander un sandwick parce qu'ils enrageaient de la soif et ne tenaient plus debout, ils considéreront qu'on a volé leur tour, qu'on a volé ce qui leur appartenait. D'où des bagarres. La vie est injuste, c'est ça. Qui va à la chasse perd sa place. Et autres proverbes, sans doute conçus expressément pour des joueurs pathologiques. Ou par eux.

Et ce n'est pas parce que vous avez mérité de gagner en donnant 100$ à votre idole mécanique que vous serez récompensé. Comme dans la vie. Comme l'église. Qui ne rend pas tout ce que vous avez donné en temps et $ aux quêtes et en lampion. Et certainement pas au centuple. La machine est injuste, autant que Dieu et ses saints.

Ce n'est que lorsque leur bol de pîèces est vide qu'ils se décident à partir la mort dans l'âme. Quant aux nouvelles machines électroniques des casinos, ce n'est que dans quelques générations que les joueurs comprendront enfin que c'est l'électronique qui mène et qu'il ne sert plus à rien de squatter une machine avec une couche au cul pour éviter d'avoir à partir pisser au petit coin. Vous pissez sur vous et votre couche absorbe tout. C'est bien fait et fait pour ça.

Mais il n'en avait pas de ces nouvelles machines contrôlés par le gouvernement avec téléphone intégré qui informe et bavasse à la Régie des Courses de tout ce qui se passe: l'$ englouti et les gains faits. Le nombre de joueurs. Combien de temps et combien de partie par joueur. À quel rythme ils se succèdent. Les meilleures heures pour les poissons. Il ne manque qu'une caméra.

Sans cesse des statistiques. Et, pire que tout, elles ne donnent plus de vraies pièces mais impriment des coupons. On voudrait déprimer les gens et tuer les rêveurs et dissoudre dans l'ennuie les meilleures motivations qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Si vous n'entendez pas les pièces tomber, de loin, avec l'échos du métal sur métal, le métal des pièces dans la chute de métal et le bol de métal dans lequels elles tombent comme une pluie de métal apportant la joie et le bonheur, quand vous êtes au bar ce qui vous indique qu'un chanceux vient de gagner et que ça pourrait être votre tour. Si vous ne voyez pas les pièces tomber devant vous en faisant du bruit, parce que c'est vous qui gagnez, enfin, ça a quelque chose de mesquin. Comme si les concepteurs de la machine avaient honte de ce qu'ils faisaient. Qu'ils ne voulaient pas que ça se sache. Et que les joueurs devaient se repentir de leurs mauvais penchants qui en font des ennemis de la société. Comme les fumeurs.

Pourquoi pas remplacer les cerises par des têtes de morts ou des mourants comme sur les paquets de cigarettes?

Et il faut un permis en prime pour s'ennuyer autant. Et, avant de vous donner la permisson d'acheter ou louer ces machines, des inspecteurs viennent vous inspecter pour savoir si vous le méritez. Et ils reviennent. Et, avant, ils vérifient votre dossier criminel. Et s'il vous est arrivé d'avoir fait des erreurs dans votre passé qui vous ont fait attrapper comme un enfant, parce que vous étiez un enfant, erreur que vous ne ferez plus, parce que vous êtes un adulte et que vous ne ferez certainement pas 2 fois la même erreur, vous êtes barré. Définitivement.

Vous vendez de l'alcool et encouragez l'alcoolisme, le tabagisme et le cancer du poumon et le jeu compulsif et il faudrait que vous soyez une petite soeur des pauvres. Et on calcule les permis comme des prescriptions de médicaments.

Combien de tables et de chaises dans votre établissement. Combien de toilettes. Il y a un ratio chaise/tables/toilettes. Où se trouvent vos compétiteurs? Car il ne faut pas trop de machines dans un même rayon pour ne pas encourager le jeu ou ne pas donner cette impression. Alors qu'on sait que des milliards reviennent à l'État. Qui, autrement, irait à la Mafia ou aux tribus indiennes.

Bingo.

Le blond. Le chauve.

Ou le con.

Il soupira en pensa que parmi ses ancêtres, il y avait un certain nombre de crétins agressifs. Et que s'il avait une nombreuse famille, pas aussi grande que celle de sa mère, dont tous ses enfants le remplissaient de fierté, il était normal, il cherchait un autre mot, qu'il y en ait un de défectueux ou, pire, que le Ciel lui ait fait payer ses erreurs passées.

Lui disant: voilà comment tu étais à cet âge! Tu es fier de toi?

Voilà, tu te retrouve dans la situation de ton pauvre père qui en est mort de chagrin et de désespoir.

Certes, il était fier de lui. Et avec raison. De ce qu'il avait accompli à partir de si peu. Sa famille était pauvre et n'avait pu lui donner que son cerveau dont il s'était servi comme il pouvait avant d'apprendre à le dominer et à le perfectionner à l'aide de bons conseillers. Et encore aujourd'hui, il apprenait encore et pensait tout le temps.

Et elle ne lui avait donné en plus que ce corps. Qui n'était pas le plus beau - ce qui est désavantageux du point de vue des filles - mais il fonctionnait bien et des tas de filles avaient pu le vérifier, était en santé et il était grand et costaud. Un bon corps. Un bon outil. Utile et serviable. Toutes qualités fort utiles et quasiment indispensable dans son métier.

Et il était devenu ce qu'il devait probablement devenir.

Son fils était un avorton comparé à lui. Comme si tous ses talents et ses capacités physiques et son intelligence et sa force avaient été distribués à ses filles et ses autres fils et qu'il n'avait eu que le fond du chaudron, ce qui restait.

Était-il vraiment comme son fils à son âge?

Le Ciel avait été avec lui car il aurait dû mourir depuis longtemps. Il avait des complices très haut placé. Et il priait le plus souvent à l'église pour remercier le saint qui lui paraissait le plus aimable de ne pas avoir eu le sort qu'il méritait. Mais le ciel si bon et si utile pour lui semblait se désintéresser de son fils. Il avait sans doute épuisé lui-même toute patience disponible de ses saints protecteurs et il n'en restait plus de disponible pour sa descendance dans le besoin. Et sans sa protection rapprochée vigilante (des amis veillaient constamment sur lui) serait disparu depuis longtemps.

On aurait dit qu'il provoquait sans cesse le destin. Et les gens. Comme si tout le monde devait avoir peur de lui ou plutôt de son père.

Et, le pire, est qu'il ne se rendait compte de rien. Se conduisant comme un réprouvé, un condamné incompris. Pourquoi disait-on tant de mal de lui? Pourquoi lui voulait-on tant de mal? Même son père ne le comprenait pas.

Et au moment où il s'interrogeait sur l'avenir de son fils, celui-ci était en train de faire une connerie. La plus grosse de toutes celles qu'il avait accumulée jusqu'à présent. Pendant que se protecteurs le croyant endormi était en train de boire un dernier verre au bar du village avant de retourner à leur maison et de dormir.

Le lendemain, une autre dure journée commencerait afin de protéger encore une fois le fils chéri du patron contre le monde entier qui voulait sa peau.

Et ils comprenaient très bien le monde.

Et sans les menaces subtiles de leur patron et le bon salaire (très bon) qu'il touchait pour être méprisé sans cesse; le fiston aurait eu depuis longtemps un accident.  Ou la volée de sa vie. Et chanceux s'il n'en sortait qu'handicapés moteur. Chacun, dans leur longue vie, ayant accidenté ici et là quelques énergumènes prétentieux.

Ou des gens qui ne leur avait rien fait et dont ils n'avaient rien à redire mais parce qu'ils avaient reçu des ordres. Ils se faisaient alors une raison en cognant, en se disant que valait mieux que ce soit lui qu'eux et que le pauvre type avait dû écraser les pieds de bien des gens puissants et qu'il n'aurait pas dû. Pour finir par dire que c'est la vie!

Comme tous les employés de patrons capricieux et autoritaires, ils supportaient leur sort en pensant à la maison à payer et les études de leurs enfants pour qui ils risquaient journellement leur foi et leur estomac.

Après tout, le crime est un métier comme un autre, il exige constance, courage, détermination, dévouement. Aussi bien dans la petite pègre que dans la grosse des tours à bureaux ou dans l'énorme émanant des gouvernements.

Tout travail mérite d'être bien fait dit-on. Ce qui ne les empêchaient pas de grimacer en retrouvant chaque matin la face de fouine et d'avorton du fiston. Foetus d'avorté sorti de son aspirateur et de sa poubelle pour venir survivre jusqu'ici. Qui, comme tous les fils de famille sans cervelle les prenait de haut et les méprisait. Tout juste s'il ne les appalait pas ses serviteurs. Et ils le regardaient les regarder en serrant les poings. Combien de gueules leurs gros poings avaient-ils saignées?

En quittant le bar, ils se saluèrent une dernière fois avant de rentrer en pensant qu'ils formaient vraiment une bonne équipe et étaient fier de pouvoir compter sur la protection rapprochée de l'autre sans laquelle ce métier ne vous fait vivre longtemps ou peut carrément vous tuer. Une autre journée de travail les attendait le lendemain. Et chacun espéra sans le dire à voix haute qu'il arrive un malheur à la vermine de leur patron.

Et cette vermine ne dormait pas. L'esprit toujours fiévreux, constamment persécuté par tous ces gens trop insignifiants pour le comprendre, il n'avait pu dormir. Il ne pourrait pas dormir, comme les autres fois, sans qu'il se venge. Ensuite, il pourrait dormir comme un enfant réconcilié avec le monde.

Afin de retrouver la paix de l'âme et de l'esprit, il avait passé autour de son épaule la courroie du fusil calibre 12 à 2 canons juxtaposés. Et emporté 2 bidons d'essence de 5 gallons chacun. Remplis d'essence à la station service de son père. Il pouvait se servir là comme il voulait pour ses autos et aucune des jeunse filles pompistes ne diraient rien. Il avait bien eu envie parfois de leur mettre la main au cul tant elles avaient le cul rebondi et attirant, irrésistible comme s'il avait été conçu pour sa main ou ses mains mais une paire de claques de son père qui avait deviné ses intentions le ramena à la réalité. Derrière la tête, devant tout le monde, comme s'il était encore un enfant. S'il voulait baiser, qu'il se fasse une blonde par ses propres moyens ou qu'il aille au bordel du village voisin.

Encore une autre chose qu'il détestait de son père - et un jour il se vengerait de ça comme de toutes les autres choses- c'était que non seulement son père le traitait comme un enfant ou un débile mais qu'il semblait deviner tout ce qu'il pensait.

Ce qui était facile du point de vue paternel, car à sa plus grande horreur, il avait fini par reconnaître ce gibier de potence infirme: c'était lui-même à son âge. Et il lui donnait toutes les claques qu'auraient dû lui donner son père qui était vraiment trop doux pour exercer ce métier. À la maison, c'était sa mère qui menait, l'épouse de son père. Mais elle préférait la prière aux châtiments.

Lui ne ferait pas cette erreur. Il priait autant que sa mère, au cas où ce serait efficace. Après tout, la preuve, encore, était qu'il était encore vivant. Sa mère avait prié pour lui 20 ans de temps, presque à plein temps. Et son bon Ange l'avait sauvé et resauvé.

Et, en plus de prier, il cognerait. Comme on tape sur du bois en espérant qu'un jour, une idée traverserait son crâne épais et court.

Il leur montrerait.

Avec son fusil chargé sur le dos, sa ceinture remplie de cartouches de 12 à gros plombs pour gros gibier (à courte distance) et un bidon de plastique à poignée remplie d'essence à chaque main, il allait leur montrer.

Il avait pris les cartouches dans la boite sous le comptoir du bar. Son père même s'il avait professionnellement des activités louches n'aimait pas plus que n'importe qui les voleurs. Et son barman avait à sa disposition, sous le bar, un Lupara à 2 canons et plusieurs boites de cartouches de 12. Assez pour tenir un siège. Il laissa là le fusils à double canon scié. Scié comme le manche du fusil pour le transformer en poignée de pistolet de façon à pouvoir le tenir et s'en servir d'une seule main. Il ne voulait pas qu'on s'inquiète. Il avait son propre fusil à double canons. Mais il s'était servi à pleines mains dans les grosses boites de cartouches et en avait empli sa cartouchière qu'il avait vidé lors de leur dernière chassse aux lièvres et aux perdrix en compagnie de son père. Beaucoup tiré mais rien attrapé. Lorsqu'il avait rencontré monsieur Dickson pour la première fois. Et qu'ils lui avait tous ensemble sauvé la vie. Sans leur intervention à lui et ses cousins, il n'aurait rien pu faire contre les agents armés. Et quelles armes! Mais pourquoi se mêler des affaires des autres lui disait tout le temps son père. Et il avait tenu à se mêler de ces affaires là. Ce qui lui avait valu toutes sortes de problèmes du gouvernement. Pour une fois, il aurait dû écouter ses propres dictons.

Des cartouches gratis.

Il allait vers la maison.

Il n'aimait pas l'impression que lui avait laissé monsieur Dickson. Ni le regard que celui-ci lui avait lancé quand il avait parlé de mettre le feu à la maison. Normal, c'était sa maison. Mais les autres, son père, son frère et ses cousins, ils avaient vraiment la chienne. Il y avait assez longtemps que cette situation durait. Depuis son enfance, on ne faisait que parler de la maison. On ne parlait pas tout le temps de ça, on parlait aussi d'autres choses mais, tôt ou tard, inévitablement, quelqu'un parlerait de la maison.

Il leur montrerait.

Lui seul aura eu le courage de mettre le feu à la maison. Et si on essayait de l'en empêcher, il avait son fusil.

Et même si on ne l'empêchait pas, il avait encore son fusil. Il avait vu comment monsieur Dickson avait fait voler les 2 agents du gouvernement. Dans une affaire dont il ne comprenait rien. Mais il avait assez d'intelligence, il était fier de son intelligence, il était le plus intelligent de la famille même si tout le monde le prenait pour un idiot. Par jalousie. Parce qu'il les dominait de tellement de haut qu'ils en étaient comme écrasés.

Il espérait voir monsieur Dickson et ne ferait pas l'erreur de se laisser approcher par lui. Un coup ou deux de 12 et c'en était fini F.I.N.I.F.F.F.I.f.I.N.I.N.I.

Et qui le douterait?

Ses 2 gardiens jureraient qu'ils avaient joué aux cartes toute la nuit.

Qui mettrait sa parole en doute?

Son père les forcerait. Si jamais lui n'y parvenait pas. Il savait que ses gardes ne l'aimaient pas. Mais il ne comprenait pas leurs raisons. Et ils n'avaient pas peur de lui. Par contre, ils avaient très peur de son père. Oh! comme il aurait aimé faire peur aux gens comme le faisait si bien son père quand il le voulait. Mais la plupart du temps, il ne le voulait pas même quand il en aurait eu l'occasion.

Lui aussi faisait peur. Mais pas aussi bien. Pas aussi intensément. Et pas aussi sincèrement. Son père en colère était vu comme la fureur de la nature ou de Dieu en action. Lui, était supporté, enduré comme une calamité, une plaie, un coup de soleil, une mouffette qu'on espère voir écrasé sous peu sous une auto.

Et monsieur Dickson depuis qu'il était là, un étranger, s'était fait bien des ennemis.

Ou c'était un simple voleur. Il l'aurait supris.

Il serait donc tout à fait normal qu'un jour...

Il avançait dans le noir vers la maison. Avait laissé son auto sur le bord de la route pour ne pas laisser d'empreinte de pneus. Et il évitait de suivre le chemin de terre pour ne pas laisser d'empreintes de bottes. Ce qui l'obligeait à marcher dans l'herbe et à éviter la lune qui était pleine et impressionnante cette nuit.

Comme si elle le regardait.

Comme si c'était un regard de reproche: Que vas-tu faire? En as-tu parlé à ton père? As-tu demandé sa permission avant de prendre une telle décision?

Il en avait assez. Monsieur Dickson paierait pour tous les autres. Ses décisions, il les prenait lui-même comme un grand parce qu'il était un homme.

Et il aurait comme trophée la peau de monsieur Dickson et les ruines de la maison. Il avait eu envie d'apporter l'appareil photo de son frère pour conserver une preuve mais il ne savait pas comment il marchait. Son frère avait essayé de lui expliquer mais c'était comme â l'école, bien vite, il décrochait et entendait des bourdonnements dans sa tête.

Il la voyait maintenant la maison sous la lune qui la dominait. Énorme. Comme si elle gravitait autour. Comme s'il devait à la fois affronter la lune et la maison réunie contre lui.

Monsieur Dickson dormait. Tant mieux. Il ne se rendrait même pas compte qu'il grillerait jusqu'en enfer.

Et la maison... Que pouvait une vieille maison contre lui?

Il avait son fusil. Des cartouches. 2 bidons d'essence.

Il fit le tour de la maison, un grand tour, de loin, ce qui lui prit du temps pour choisir un coin à l'ombre. Le coin le plus noir de tous les coins noirs. L'endroit idéal. L'endroit le plus tentant. Il salivait et bandait en pensant.

Si la lune gigantesque éclairait la facade, elle laissait l'arrière dans le noir. Sans protection. En plus de faire une grande ombre architecturale comme une seconde maison.

Il fallait s'approcher et choisir l'endroit le plus combustible. Il avait le temps.

Il se glissait lentement dans la nuit douce et tranquille. Comme une infection silencieuse allant contaminer un grand corps inoffensif.

Est-ce que la maison brûlerait entièrement?

Les pompiers volontaires ne viendraient pas puisque personne ne les préviendrait. La maison était en pierre et en bois. La pierre ne brûlerait évidamment pas mais tout ce bois sec ancestral. Aussi bien que de la paille.

Devait-il entrer et trouver le propriétaire pour s'expliquer avec lui à coups de fusil?

Mais il n'était jamais entré quand il avait voulu entrer comme tous les autres à la kermesse, la petite  salope de blondasse lui avait dit de sacrer le camps que personne ne voulait le voir ici. Comme si la maison lui appartenait. Maintenant, il comprenait, c'était la chienne du propriétaire de la maison. Elle considérait donc que la maison de son enculeur était à elle.

_ Décrisse!

Quand il s'était plaint à son père au sujet du fait qu'on ne lui permettait pas d'entrer, celui-ci lui avait dit que c'était son problème et qu'il n'avait pas à s'en mêler.

Quand il lui avait rapporté que la petite blonde l'avait insulté, comme un enfant à qui un autre élève de la garderie vient de lui voler son seau de sable et sa petite pelle vient pleurnicher à sa mère, son père avait soupiré longuement. Lui avait dit encore une fois que c'était son problème et qu'il n'avait pas à s'en mêler et que s'il continuait à insulter toutes les filles des environs comment comptait-ils se marier? Il n'aimait pas les femmes? Était-il tapette? L'insulte.

Il lui prouverait qu'il était un vrai homme et un jour quand il aurait la fille pour lui seul, il la fourrerait comme une dinde de Noël. Son père finit son sermon en lui disant que s'il était lui, il éviterait de s'en prendre à la petite blonde, elle mordait quand elle était fâchée.

Ce qui le fit rire. Il lui apprendrait à mordre. Et il la vit à 4 pattes devant lui lorsqu'il tordrait ses cheveux et l'obligerait à prendre sa queue dans sa bouche.

Comme si son père, encore une fois, devinait ses pensées, il lui avait donné une de ses claques derrière la tête qui la fit résonner toute la journée.

Tout le monde lui en voulait et personne ne le comprenait. Le monde entier était contre lui.

Tout ce que le monde avait besoin était un grand feu, un incendie avec lui au milieu.

On se souviendrait alors de lui à jamais.

Il n'avait jamais pensé que ce serait si long. Si c'était à refaire, il serait venu en auto sur le chemin de gravier. Doucement pour que personne ne l'entende. C'était la nuit et tout le monde dormait et il imaginait la petite blonde qui l'avait rejeté et humilié publiquement en train d'être enculée à la chienne par son maître. Puis les 2 salauds dormant leur dernière nuit sur terre. Il les vit en flamme et implorer sa clémence. Aussi bien le demander au feu. Il riait. Il était spirituel et aimait son esprit.

Il était trop tard pour aller chercher l'auto puisqu'il était déjà à mi-chemin et s'il rebroussait chemin pour aller prendre l'auto, il serait trop fatigué pour ce qu'il avait en tête. Et il n'en aurait plus envie. Il avait toujours eu de la difficulté à se concentrer sur un problème. Ou une bonne action ou une mauvaise. Sinon, il aurait été encore plus méchant qu'il ne l'était déjà.

Il faudrait qu'il revienne un autre jour mais quand? Il devait s'en tenir à son plan. C'était difficile mais après il serait content et fier de lui. Il était têtu.

La stupidité est exigeante.

Il avait vraiment choisi le mauvais chemin. C'était la nuit et il ne voyait rien. Il voyait ce que la lune montrait mais pas ses pieds. Et sans le savoir, il était entré doucement dans une sorte de champs de ronces, de racines de je ne sais quoi qui le retardait.

Et qui le faisait marcher de plus en plus longtemps. Et lentement.

Et qui s'agrippaient à lui.

Il en voulait à monsieur Dickson qui ne passait pas aussi souvent sa tondeuse qu'il le devait. Comment pouvait-on laisser un champs dans cet état? Quelqu'un pouvait se blesser, s'enfarger.

Et ses bidons commençaient à lui peser. Il était jeune et fort et au début c'était léger mais depuis le temps qu'il les trimbalait, il commençait à avoir des crampes dans les poignets, les épaules, le dos.

Il dut les déposer.

Il prit un bon respir et les enserra de nouveau et se remit en marche.

Si seulement ces tiges folles qui s'emberlificotaient autour des ses chevilles n'étaient pas là. Avec tout le temps qu'il prenait à s'en déprendre et à donner de coups de pieds à droite et à gauche comme une faux, il n'avançait pas beaucoup, avait même l'impression de ralentir sans cesse. Sinon il serait déjà rendu là où il devait aller. 

Encore une raison de plus pour se venger. Bientôt, les bidons seraient vide et il assisterait au plus beau feu de joie de sa vie et il serait au milieu.

Dans le noir, juste là où il le fallait, il les viderait sur les murs de la maison. Les ferait gicler. Sentirait la bonne odeur d'essence. Sortirait sa pochette d'allumettes et...

Il sacra.

Avait-il pensé à emporté ses allumettes? Il se tâta. Ouf! Elles était dans son paquet de cigarettes (gratis) (il n'avait qu'à se servir dans la bar de son père et le petit personnel ne disait rien, après tout, il était le fils du patron, avait tous les droits et tout ce qui était dans le bar était à lui puisque ce bar aussi était à lui. Ou le serait.) et son paquet de cigarettes était dans sa manche de gilet coincé sur son épaule.

Il regrettait encore de ne pas avoir emporté l'appereil photo de son frère mais il se rappelait ensuite qu'il ne savait pas comment il fonctionnait. Et il trimballait suffisamment de trucs pesants.

Il avait le souffle court. Ne prenait pas suffisamment d'exercice. Était tout le temps en auto. Pourquoi marcher? Si les gens devaient marcher, on n'aurait pas inventé l'auto. Est-ce qu'il n'y avait que lui qui pensait à ce genre de chose?

Les ronces s'infiltrait sous ses jambes de pantalon et lui griffaient la peau. Qu'est-ce qui pouvait lui arriver de pire?

Il marcha dans un trou et tomba.

Pourquoi n'avait-il pas emporté de lampe de poche? Il se rappelait en avoir apporté une - il pensait à tout- mais il l'avait laissé dans son auto car il n'avait pas de place pour l'amener avec lui et ses 2 mains étaient déjà prises par les anses de bidons. Et elle était trop longue pour tenir dans ses poches.

Il se releva. Il ne s'était pas fait mal. Heureusement. Et personne n'était là pour le voir et se moquer encore de lui. Heureusement. Il avait de la chance.

Il n'en parlerait à personne.

Il faisait si noir dans le tas de broussaille sur lequel il marchait que tout ce qui était en bas de sa ceinture disparaissait. Il sentit que des ronces agrippaient une jambe de pantalon. Peut-être des framboisiers sauvages. 

Maintenant c'était l'autre jambe. Il avait fait un pas pour se dégager et s'était pris une fois de plus. 

Il fallait couper ces charognes. Heureusement, il avait un couteau de chasse à sa ceinture. Il le trainait partout, pour sa protection puisque son père refusait qu'il emporte un pistolet ou un révolver. Il déposa ses bidons et commença à couper et scier (avec le dos du couteau qui avait des dents) mais son fusil se balançait dans son dos et la sangle de cuir l'étranglait.

On ne peut vraiment pas travailler en paix.

Il coupait et sciait les tiges qui avaient la consistance de cables de métal. Et son fusil suivait les mouvements de ses bras quittait et revenait dans son dos, le frappant durement à chaque fois. Ou c'était le métal des canons ou la crosse. Dans son dos, ses reins, sa colonne vertébrale, sa nuque.

_ Maudit fusil! Maudite nuit! Nuit maudite!

Comme il ne voyait plus rien sauf ses mains quand il les montait à la hauteur de son visage, la lune éclairait vraiment bizarrement cette nuit-là, et qu'il avait peur de perdre son couteau et ne pensa pas à le remettre dans son étui de ceinture, il tenta de passer la sangle de son fusil au-dessus de sa tête avec une main et le couteau dans l'autre main, ce qui était tout à fait stupide.

Il se creva un oeil avec son propre couteau.

Hurla de douleur, échappa la sangle qu'il avait au dessus de la tête et le fusil retomba sur ses jambes. Lui cognant douloureusement les genou. Il essaya de l'attraper encore au moment où les canons tombaient lourdement sur son pied droit. Le coup partit et lui arracha la botte et le pied. Une cartouche de calibre 12 à gros plomb ne pardonne pas. Même une cartouche de 12 à petits plomb.

Il hurla encore plus, essayant de se dépêtrer de sa sangle, de son fusil brûlant, de son couteau tout en ne voyant plus absolument rien. La nuit. L'oeil en moins. La douleur. Le sang. Mais ses nerfs et ses réflexes faisaient qu'il agrippait encore plus fermement le manche du couteau au lieu de le jeter. Ou comme si le sang et la gelée coulés de son oeuil lui avait englué et collé la main.

Comme il avait un pieds en moins pour tenir et retenir et supporter cette masse agitée et suffoquante, il trébucha.

Il est difficile de savoir ce qui est arrivé ensuite, peut-être la pointe de la lame de son coteau s'est-elle prise dans la seconde gachette de son fusil et le deuxième coup partit directement vers un des bidons d'essence en plastique qui l'éclaboussa de la tête aux pieds.

Heureusement, l'essence ne s'enflamma pas.

Comme il hurlait et maudissait le Ciel à ce moment, il but une bonne gorgée d'essence.

Et peut-être qu'une étincelle provenant des restes de la poudre dans les deux canons de l'arme ou que les deux cartouches brûlantes encore à l'intérieur des canons chauds ou le contact du fer et du bois du manche mouillé d'essence ou que les canons doubles touchant le bidon percé ou autre chose de tout à fait explicable scientifiqueemnt a t-il mis le feu à l'essence.

Le bidon entier pris en feu, le jet de flamme fut projeté sur lui et s'attacha à l'essence de ses vêtements et il se mit à danser. Avec la flamme qui provenait de lui, on voyait très bien ce qui se passait. Ses 2 pieds étaient immobilisés par des tas de ronce et ses jambes même celle dont il manquait tous les orteils et le bout et le reste du pied comme si elles étaient rivées au sol. Et il était impossible de comprendre comment il avait pu s'y prendre pour se mettre dans une telle situation.

Il dansait toujours sur place en hurlant et le feu alluma les étuis de carton de ses cartouches qui explosèrent une à une lui arrachant le dos et le ventre. Chaque cartouche de sa ceinture explosant lui arrachant et lui découpant des livre de chair et d'os et d'entrailles. Les billes d'acier qui les remplissaient volaient dans les airs et perforaient tout ce qui était à proximité. À commencer par lui.

Le feu avait commencé à partir du bidon percé pour enflammer l'herbe entourant la base du bidon faisant fondre son plastique. Un instant avant, il avait aussi rejaillit sur lui et, maintenant, il descendait de ses jambes pour prendre à l'herbe à ses pieds en feu. Le pied en sang ne brûlait pas, le sang paraissant mouiller suffisamment.

Il se trouvait donc immobilisé comme un ancien hérétique sur son bûcher entouré d'un cercle de flamme.

Il appelait à l'aide mais ne sortait de sa gorge brûlée par le jet de flamme que des sons inarticulés comme en avaient fait tous ces condamnés portant le masque d'infamie. Masque de fer aux horribles traits dessinés par le forgeron cachant l'identité du coupable et révélant son âme perfide. Le fer devenant brûlant se collait à la peau de son visage. Le masque contenant une languette de métal destinée à immobiliser la langue et empêchant tout son de prendre les formes des mots. Ne sortait plus que cette forme horrible que des hurlements interminables.

Le deuxième bidon d'essence posé sur l'herbe enflammée et encore intact, soumis à cette forte chaleur se mit à bouillir puisque son couvercle était fermé. L'essence commenca à se transformer en vapeur puis explosa. Une boule de flamme et d'oxigène enflammé l'environna.

Il resta ses pieds jusqu'à ses genoux, à peu près intacts ou reconnaisables. Et tout le reste de son corps déformé par la poudre et les plombs. Consumé par l'essence.

Mais toujours debout au milieu du cercle d'herbes noircies. L'herbe était sèche et aurait pu propager les flammes de l'incendie dans tous les environs. Heureusement, il s'était mis à pleuvoir. Et la pluie dura plusieurs jours.

Il émergeait de ses bottes intactes une sorte de squelette noirci et humide comme des vieilles branches pourries et malades de vieux pruniers.

Et sur ses dents blanches qui avaient coûté une fortune à son père une sorte de grimace de désolation et d'incompréhension semblant dire:

_ Pourquoi moi? Qu'est-ce que j'ai fait au ciel pour mériter ça?

Mais il se peut que les témoins qui vinrent quelques jours plus tard - personne n'ayant rien entendu cette nuit-là- laissèrent trop aller leur imagination.

D'autres braconniers attendant que la pluie se termine enfin pour aller chasser des petites bêtes qui ne leur avait rien fait (la loi de la vie) le découvrirent les premiers. Dirent simplement:

_ C'est la vie!

Le père garagiste fut appelé dès qu'on reconnut l'auto du fils que tout le monde reconnaissait dans le village puisqu'il avait essayé de multiples fois d'écraser des piétons.

Le père regarda son fils ou ce qui en restait et dit:

_ Espèce de crétin!

*

MORT: 1

Cause de la mort: Multiple blessures par balles. Combustion spontanée. Incendie de carburant probablement de l'essence.

*

23.24 mai 2012. État 2