HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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1.5.12

54. UNE AUTO ROUGE ENTRE DANS LA VIE D'HENRY DICKSON OU LE CONTRAIRE

Henry Dickson

Marchande avec un garagiste pour se débarrasser de l'auto que lui ont laissé les anciens propriétaires de la maison. Quelque chose lui déplait dans cette auto et lui déplaît de plus en plus et il n'aime pas la savoir près de lui et il aime ça de moins en moins. Aussi, il n'a pas l'intention d'être difficile sur le prix d'autant plus qu'il l'a eu en prime, gratos. Faut pas jouer indéfiniment avec sa chance.

Le garagiste la regarde d'un air désintéressé. Comme lorsqu'on va faire une bonne action devant la tv. Comme il compte ses sous et compte bien il parlerait plutôt d'un échange. Quelle voiture de son parc lui ferait plaisir? Toutes usagées mais bien réparées.

Il a déjà une auto hybride qui le satisfait et n'a pas l'intention de s'embarrasser d'une autre auto.

Le garagiste insiste gentiment et lui conseille affectueusement de se laisser tenter. Aucune auto, vraiment aucune de ses autos ne lui donne ce petit oumpf!

Aucun oumpf! Puis oumpf! Comme lorsqu'on revoit une copine d'école 20 ans après et qui ne semble pas avoir vieilli d'un an. Précisément elle. Elle. Elle qui ne semble pas avoir gardé un mauvais souvenir de nous. Alors que nous avons gardé un très bon souvenir d'elle. Même si à l'époque, on n'avait aucune idée de la façon dont il fallait procéder pour que ce souvenir devienne inoubliable et qu'on en sait davantage depuis. Et qu'on regarde ses mains pour qu'elles se sortent jamais de son champs de vision et ne fassent à notre insu des choses que l'on ne regretterraient certainement pas. Poli. Civilisé.

Il y a avait à l'écart une auto rouge pute fascinante.

Le garagiste remarqua tout de suite qu'elle était tombée dans l'oeil de son client. Il entreprit donc de l'amadouer en lui racontant l'histoire fascinante de l'auto rouge et de son encore plus fascinant propriétaire. Dieu ou le Diable ait son âme.

Comme il n'y avait pas de client et qu'il ne fallait pas laisser partir le gros brochet qu'il avait ferré, il sortit son filet pour l'amener à son bateau-bureau. Il y avait un vieux frigo année 50 qui fonctionnait encore. Pourquoi en changer s'il n'est pas brisé. Et pourquoi le réparer puisqu'il n'avait jamais arrêter de faire son job simple de refroidir. Des bières, par exemple. Il lui en offrit une. S'en offrit l'autre. Des bouteilles. Il n'aimait pas les cannettes de métal.

Il lui désigna un des sièges sales et crevé où s'assoyait les habitués ou les employés lors de leur pause. Datant eux-aussi des années 50 et qui auraient eu bien besoin de réparation. Mais pourquoi réparer si personne ne se plaint. Les sièges assoyait les gens qui n'avaient pas envie d'autre chose. C'était suffisant.

Il raconte donc l'histoire du propriétaire de l'auto. Gardant le meilleur pour la fin. Il lui fallait parler longtemps pour que parvenu à ce moment le futur proprio/brochet soit suffisamment ferré pour qu'il ne puisse plus reculer. Dans le genre, je suis enceinte de toi depuis 6 mois, je n'ai pas osée te le dire pour ne pas te distraire de tes études de médecine mais puisque tu es à la veille d'avoir ton diplôme... qu'est-ce que NOUS allons faire! Le NOUS est particulièrement important. Et l'avortement à 6 mois est inenvisageable. De même que donner le bébé naissant à des parents adoptif de Tanzanie.

C'était un homme soigneux.

C'était l'auto de ses rêves et de ceux de bien d'autres. Mais lui avait les moyens de les réaliser.

Il ne dit jamais son nom. Hocha la tête comme pour essayer de sous-entendre que ce n'était pas n'importe qui.

Monsieur Dickson comprit donc clairement que la personne dont on parlait n'était pas n'importe qui. Ou un petit détail dans le hochement... n'avait pas été n'importe qui.

Le fabricant n'a produit que 300 modèles de cette décapotable. Hum!

_ 300

La Roadmaster Tempest Barracuda.

Il la désignait comme si on pouvait la voir à travers les murs sales. Saleté année 50. Ou qu'elle pouvait vous voir. Donc désignement respectueux.

Il n'en restait que 50 en circulation. Il la lui fallait. C'était comme une femme que l'on désire à en avoir mal au ventre. En homme des années 50 qui en a vu pas mal, il comprenait que son interlocuteur, le brochet, savait ce dont il parlait et ce que ça signifiait.

Il l'eut donc de gré ou de force. Comme il avait toujours ce qu'il voulait.

On imagine les émotions qu'il a ressenti lorsqu'il a pris possession de son auto et de sa femme.

Monsieur Dickson imaginait très bien.

Souvenir d'enfance. On lui avait raconté les souvenirs d'enfance de cet homme et il les racontait à son tour. Comme une expérience partagée et partageable. Comme une bonne bière entre adulte consentant.

Dans les routes étroites, les ailes de l'auto débordait de chaque côté des lignes. Les enfants étaient fascinés par cette auto qui semblait trop grosse pour la route et effrayait tous ceux qui s'en venaient et devaient se tasser au risque de plonger dans le ruisseau.

L'impression d'être protégé et tout puissant.

La voiture de son père. Il la lui fallait. Flambant neuve.

Évidamment, la véritable auto de son père était depuis longtemps parti au paradis des autos, vendue en pièces détachées ou refondue. Car son père ne gardait jamais longtemps ce qu'il avait lorsque c'était devenu moins amusant, moins neuf. Ainsi pour ses femmes. Il aimait le nouveau et avait les moyens de se le procurer. Il était drogué à la nouveauté. Comme tout le monde de cette époque. Et c'est encore pire de nos jours.

Ses autos comme ses femmes étaient capables de satisfaires les propriétaires les plus exigeants. Et dès qu'il était satisfait, ce qu'il avait possédé lui semblait avoir perdu toute saveur. Il fallait changer. Changer encore. Avoir du neuf. Posséder du neuf.

Pas son fils qui n'aimait que ses souvenirs. Les enfants par simple plaisir de contrariétét étant souvent tout à l'opposé de leurs parents.

Et cette auto comme toutes les autos de son père et toutes ses mères étaient partis avec tous les souvenirs.

Mais il la lui fallait. La même si possible ou si ce n'étais pas possible, l'identique. Une parfaite imitation.

L'auto qu'il s'appropria finalement était la plus proche de ses rêves qui lui seraient accessibles pour le moment. Ou jamais.

Pour une machine conçue essentiellement pour voyager, celle-ci avait fait du millage et des kilomètres. Construites aux USA, son code d'origine indiquait que son destin était d'être exportée en Europe par bateau. Ce qu'on lui fit faire. Un chanteurs français qui aimait les belles choses (objets et personnes) l'acheta et eut à peine le temps de l'essayer qu'il mourut dans sa baignoire d'une crise cardiaque provoquée par les informations radiophoniques. Et par l'appareil lui-même tombé dans la baignoire ou jetée par une de ses protégées qui venait de le mordre en le suçant et qu'il chassait de sa vie (et de son job) en la traitant de salope de négresse.

L'auto, redevenue disponible, fut revendue à un collectionneur canadien qui la réexpédia dans son pays par le prochain bateau. Suite à un divorce qui lui coûta la moitié de sa fortune et toute sa collection d'autos qui devaient être retransformée en $ pour la distribution matrimoniale, elle reprit la route.

L'histoire de cette auto comme celle de la compagnie qui la fabrica est étonnante. Son inventeur qui ne l'avait jamais imaginé et ne la vit jamais même dans ses rêves voulait seulement fabriquer un meilleur traîneau pour les déplacements en hiver. Et ses clients et leurs chevaux l'ont remercié ou auraient pu le faire s'ils y avaient pensé.

Ensuite, il copia dans le but de les améliorer toutes les marchandises qui lui passaient sous la main: des armes à feu. Un célèbre fusil de calibre 10 dont on a parlé régulièrement. Des machines à coudre. Des bicyclettes, des motos qui ne lui paraissaient avoir aucun avenir comparé au vélo puis, ayant entendu parler des premières charrettes sans chevaux, il se dit pourquoi pas moi?

Il prit pour modèle les trains et conçu un véhicule à vapeur qui accéléra en douceur sans exploser ni déchiqueter ses passagers comme les modèles précédents. Il ne pensa pas à inventer le volant ce que d'autres pensèrent plus tard. Des leviers et des pédales, comme sur les chars d'assaut, assuraient la direction approximative. Il franchit 4 milles en 1 heure avant de devoir s'arrêter pour qu'on puisse remplir sa petite chaudière de charbon afin qu'il accumule suffisamment de vapeur pour repartir.

Il n'avait pas encore inventé le frein, heureusement, les fabricants de calèche, oui. Et il les recycla sur son bolide.

Le charbon était dans une charrette tirée par des chevaux qui suivaient presque aussi lentement derrière. À part l'explosion, toujours possible, car pour des raisons de poids, on ne pouvait utiliser de métal aussi épais que pour un train. Pas plus qu'on ne pouvait y emmagasiner assez de charbon pour permettre un long parcours, ce qui était possible pour son son modèle, le train. Et le propriétaire rechignerait à pelleter lui-même, seul un chauffeur de maître pourrait y être obligé. Inventer, construire n'étaient qu'une partie due problème, il fallait vendre ensuite. Et que votre acheteur vous paie et survive.
Il appela le moteur de sa machines «moteur à eau» ce qui fit encore croire qu'un miracle venait de se produire. Et que les compagnies de pétrole avaient réussi à tuer dès sa naissance une merveilleuse invention non polluante qui ne nécessitait pas d'énergie. Mais il s'agissait de vapeur d'eau qui devait être produite par du charbon. Et une astuce de vocabulaire.

Du fait du petit format de l'habitacle et de celui du moteur, comparé à un train ou un navire; les automobilistes, le conducteur et ses passagers se trouvaient entourés de canalisations d'eau et de vapeur sous pression ce qui provoqua quelques ébouillantements mortels et particulièrement cruels lors des premières collisions. D'autres martyres du progrès.

Peu importe ses inventions, il était toujours en butte aux religieux et aux conservateurs qui tentaient par tous les moyens d'empêcher ses véhicules de circuler sur les voies publiques parce que ces machines bruyantes effrayaient les chevaux et faisaient peur aux femmes pratiquantes et aux enfants.

Et même celles qui ne l'étaient pas, come le vélo, parce qu'elles pouvaient apporter des tentations diaboliques chez les femmes (non pratiquantes). Car si Dieu avait voulu que les hommes roulent (et pas les femmes), il leur aurait donné des roues. Discussion encore actuelle de nos jours en Arabie Saoudite où un savant religieux affirma que conduire une auto pouvait priver de sa virginité une femme.

Les roues étaient pour les chevaux (ou les calèches) et c'était bien comme ça!
L'enventeur retourna à ses bicyclettes.

Mais il vendit le nom de sa compagnie d'automobile qu'un acheteur trouva particulièrement réussi et bien pensé.

Et 50 ans plus tard, la compagnie construisit et vendit avec succès un de ses chefs-d'oeuvre. Que son père avait acheté et qu'il avait racheté. Ou si pas la même, un modèle presque identique.

Et il la fit transporter dans un des hangars qu'il possédait en ville au nom des multiples compagnies à numéro qu'il collectionnait par amour de l'arithmétique, de l'art et de la culture.

Il la regarde, la sens, s'en imprègne. Elle est tout ce qu'il avait pu imaginer ou rêver.
Dans sa maison, celle de son père, il y avait la photo de mariage de son père avec sa première épouse. Sa mère.

Disparue mystérieusement un jour.

Sur la photo, on voyait la même maison en arrière plan et son père tout fier avec sa magnifique auto et sa magnifique femme en robe blanche.

Son fils fit refaire la photo. Même maison, une auto magnifique et identique mais pas la même.

Et il évita toujours de se marier pour des raisons légales. Même s'il ne pouvait pas se passer de la présence d'une femme. Au moins quelque part.

Un monstre, une fusée, une bombe, une torpille.

Disait son père lorsqu'il la cirait avec admiration. Il aimait avoir une fusée entre les mains. Et aimait peser sur l'accélérateur et faire vrombir tout le voisinage. Et en route, dès qu'il appuyait davantage, le chauffeur et les passagers s'enfoncaient dans les dossiers et les sièges. Sensation inoubliable.

Ils avaient l'impression que l'auto avançait même lorsqu'elle était arrêtée. La puissance et l'agressivité à l'état brut. Pas surprenant que ce modèle l'ait fasciné.

ll aurait tué pour elle. Et probablement il l'a fait.

Comme pour une femme. Même si elle appartient à d'autre. S'il ne peut la protéger ou la garder, tant pis pour lui.

Mais ce genre de question ne se pose pas.

Avant de faire la restauration, il acheta ou fit voler 2 autres modèles pour les pièces difficiles à trouver ou impossibles à refaire. Il démonta tout du premier modèle et emplit sa maisons et son hangar de pièces. Il y en avait partout. Le moteur trôna des mois sur la table de la cuisine. La femme qui partageait son lit pour le moment, aurait eu bien des choses à dire mais les garda pour elle.

S'il était soigneux pour les objets, il l'était moins en ce qui concerne les humains. Rangés en 2 modèles de base: utile ou non. Et une femme vieillissante se trouvait dès lors en balance entre ces 2 parties du monde connu.

Il passa 2000 heures à tout nettoyer. Huiler, graisser, polir, ajuster et tout remonter à partir de zéro.

Il enleva la carrosserie du chassis.

Le moteur démonté, il changea les pistons et les soupapes. Il refit la transmission. Inspecta le différentiel.

Remplaca tout le filage électrique.

Fatigué de devoir travailler sous l'auto et d'avoir de la difficulté à voir, il inventa un appareil inspiré de l'entraînement des astronautes, on y fait pénétrer l'auto en entier et on peut virer l'auto à l'envers ou de côté ou dans le sens que l'on veut pour travailler à son aise le moindre petit détail, toujours debout ou assis si l'on veut ou si on a mal au dos. L'appareil et la voiture qu'il contient se manipule d'une main.

Le moteur, un V 16 (16 cylindres) Super Turbo-Fire à injection est un monstre de 9000 cc. d'une puissance de 500 chevaux à 5000 tours.

2 carburateurs Dual Fury à  4 chambres de chaque côté du bloc.

8 pintes d'huile.

Transmission automatique Hydra Matic.

La boite de vitesse est une PowerGlide Flightomatic automatique, vacuum gearshit.

On pouvait à l'époque acheter un Power Pack qui modifiait l'alimentation et la compression. Pour plus de sensations encore.

Oui, la liberté en auto. L'impression que tout est possible.

Le même moteur que l'on retrouvait dans des chars d'assaut.

Malgré tout, incroyablement doux et discret.

Presque poétique. Sauf lorsqu'on pèse sur la pédale à fond ce qui fait trembler les maisons environnantes, sur la route de bonne asphalte neuve, il faut tendre l'oreille pour s'assurer qu'il tourne.

1/4 de mille en 15 secondes avec l'odeur de caoutchouc brûlé.

Une bière entre les jambes. Cigarettes au bec. Une main sur l volant, l'autre sur la cuisse d'une jolie femme blonde.

Le moteur original ayant sauté, il lui en fallait un autre, authentique, il en trouva un autre identique sur une auto abandonnée sur un tas de pierre dans une forêt. De l'herbe et des buissons poussaient à l'intérieur et il n'y avait plus de plancher ni de roues. Il fit remorquer l'auto et enleva le moteur. Le fermier qui traitait si mal son auto fut retrouvé pendu.

Il manquait de pièces.

Les banquettes en cuir devant remplacer les autres qui avaient trop vécues furent achetés aux USA. L'antenne du Texas. Un feu arrière du Montana. L'échappement double de l'Arizona. Le pare-brise courbé tout d'une pièce au Nouveau-Mexique.

Le climat sec protège plus facilement les éléments mécanique et métallique que les endroits humides, pluvieux ou froid.

Les enjoliveurs de roues d'époque. Et le cercle hyperchromé mobile au centre ajouté en option.

Les seuls qu'il put retracer étaient mis en  vente par quelqu'un qui les avait depuis 20 ans. Pourquoi garder des enjoliveurs 20 ans? Aucune importance, c'est cette attention maniaque qui lui permit de ses les procurer.

Le rétroviseur mobile (et son détecteur) qui tourne automatiquement lorsqu'une autre voiture tout phares allumés peut vous éblouir.

Les signaux de direction étaient optionnels et on les achetait si on voulait.

Il y avait encore le tourne-disque 45 tours qui fonctionnait. Et le Wonder Bar de la radio qui cherche automatiquement les postes. Nouveauté pour l'époque. AM bien sûr.

Mais il ne l'utilisait jamais car il voulait jouir au maximum de la mélodie du moteur. Et du vent dans ses cheveux. Et de la vision parfaitement idéal du vent dans les longs cheveux blonds de la blonde qui l'accompagnait. Pour lui, une auto n'est pas un instrument de plaisir qui se manipule seul, il faut être accompagné et par une femme de préférence.

Parfois, il disait qu'il conduisait un instrument de musique sur roue. Un instrument de musique de 3000 livres. Plus lourd, il y aurait eu un orgue mais il est impossible de rouler avec ou dedans. Rien n'est parfait.

Le constructeur pour montrer la fiabilité de sa fusée sur route la fit rouler sur une piste de course pendant 24 heures sans arrêter à 120 milles à l'heure. 2880 milles.

La peinture originale étaient ternie et brûlée par le soleil.

Il la fit repeindre en plusieurs couches de rouge de peinture d'avion plus résistante pour lui redonner son lustre. Et il fit tout refaire les chromes. Le collectionneur précédent en avait été si épris qu'il avait usés tous les chromes des pare-chocs aux torpilles à force de les frotter. Plotter serait plus exact. Il la gardait entreposée depuis 20 ans sans jamais la faire rouler pour pouvoir la regarder et la frotter tout à son aise. Probable qu'il se masturbait aussi en la matant.

Elle mesure 20 pieds de long, pèse 3000 livres.

Oui, c'est pesant et ça porte bien. Comme une limousine. On ne sent rien sur la route. Ça a été inveenté comme ça, pour ça. Aller vite en ne sentant rien.

On a l'impression d'être dans son salon et dans son fauteuil. Un fauteuil dans un salon qui se déplace 100 milles à l'heure.

Le pare-brise est sa tv panoramique grand écran haute définition 3 D comme on n'en faisait pas alors.

Et il n'y a pas de coffre de voiture actuel qui peut contenir autant de valises.

Elle pouvait accueillir 6 hommes adultes de bonne taille en tout confort.

5000 livres à vide.

Système hydraulique pour régler la banquette avant. Même chose pour l'ouverture et la fermeture des vitres et du toit.

Une fois terminée, elle a gagné des concours et des trophées: la plus élégante, la plus belle peinture, le plus bel intérieur.

L'odomètre achève son deuxième tour, 200 000 milles avec le moteur d'origine.

Le volant, la direction et les freins ne sont pas assistés ce que préfèrent ceux qui veulent éprouver de véritables sensations de conduite ou qui sont suicidaires.

Et les ailerons de fusées ou de requins à l'arrière sont particulièrement impressionnants.

Et à l'avant les torpilles chromés du pare-choc. Dire que c'est agressif est une manière prudente de parler.

Et la longueur du capot que l'on perd presque de vue qui doit contenir le monstrueux moteur.

Lorsqu'on est au volant, on a presque envie d'écraser quelqu'un. De la testostérone concentrée, industrialisée.

La calendre est équipée de 6 phares sans compter les feux de positions. Et de chaque côté du pare-brise, des projecteurs orientables de l'intérieur. Tout ce qui brille n'est pas or dit-on mais on se trompe. Il engloutit l'hypothèque d'une maison. Il en avait les moyens. Et elle le valait.

Consommation qui vous rend ami pour la vie de tout propriétaire de station-service. Alors que le prix du litre est à 1.50$. Mais est-ce qu'on compte quand il s'agit de ceux qu'on aime?

C'était une merveilleuse histoire qui se termina au moment où ils arrivèrent à la fin de leur bière.
Monsieur Dickson lui demanda ce que cette auto faisait là, dans son garage, s'il y tenait tant. Et si elle était aussi imressionnante qu'il le disait pourquoi y était-elle encore? Les collectionneurs devaient baver d'envie en rôdant autour de son commerce. Et depuis qu'il était là, il n'avait vu personne baver. Il était passé faire le plein la semaine dernière et elle y était encore.
Comme toute belle histoire, il arrive que la grenouille ne se transforme pas nécessairement en prince. Ou que si elle l'a fait, il se peut qu'elle ne reste pas longtemps dans cet état ce qui désespère les princesses.
Alors qu'il bichonnait sa voiture. Il enlevait ses vêtements pour ne pas l'égratigner et en retirer le maximum de sensation. Son associé vint le trouver. Il trouvait aussi qu'on le traitait mal depuis un moment. Depuis que son patron était devenu siamois avec cette satanée voiture, il ne faisait plus rien. C'est lui qui devait tout assurer et au lieu de le remercier on l'engueulait.
Il montra son déplaisir en envoyant une rafale de mitraillette tout le long de l'auto. Il y eut une série de jolis trous sauf à l'endroit où se trouvait le dos dont les bras tenait le chamois.
Son patron tombé sur l'asphalte et respirant encore et voulait continuer ce que son associé refusa. Une autre rafale et il partit au paradis des collectionneurs d'auto.
Comme personne ne connaissait cet endroit, il eut tout le temps de mettre le cadavre encore chaud et humide de sang et d'urine dans le coffre. Il aurait pu le laisser par terre mais il pensa que c'était plus discret ainsi. Quelle importance puisque personne ne venait ici. Et que seul son patron avait les clés.
Il avait fait sauter la serrure d'une balle et son patron ne l'avait même pas entendu tant il était intoxiqué par les vapeurs de cire et d'essence.
L'associé s'en alla. Il avait le choix de fuir très loin et très vite ce qui aurait attiré les soupçons lorsqu'on ne reverrait plus jamais le patron. Il ne venait pas souvent travailler mais il lui arrivait de se pointer. Il n'était jamais arrivé qu'il ne se présente plus jamais.
Ou il pouvait essayer de prendre sa place. Quitte à éliminer ceux qui n'étaient pas d'accord ou qui se croiraient mieux à même de prendre la succession.
Il avait mal mesuré la difficulté de la tâche. Son patron, l'homme qu'il avait tué avait hérité ce commerce profitable de son père. En éliminant lui-aussi quelques associés qui n'étaient pas d'accord avec cette façon de partager l'héritage ou se croyait mieux à même de le gérer, bien entendu, dans les meilleurs intérêts de la famille. Et de ce fils, bien jeune, pour prendre en charge une telle responsabilité. Bref, tous le connaissaient depuis longtemps, presque de leur naissance. Ou ils l'avaient vu eux-même naître. Ou presque. On n'accepta pas facilement cette succession si rapide sans les explications nécessaires qui auraient convaincus de la nécessité de la disparition du patron.
Il y eut donc une guerre de succession dès qu'on compris que le patron ne reviendrait plus. Il perdit le combat. Et la vie.
Le commerce reprit, toujours aussi profitable, avec d'autres patrons.
Ce n'est qu'un an plus tard qu'on retrouva l'auto dans le garage abandonné lorsqu'on commença à démolir les hangars environnants pour en faire un parc ou quelque chose.
C'est là que se posait le problème qu'il avait pris tant de temps et de précaution à poser.
Le cadavre était resté dans l'auto pendant un an.
On laisse les détails dans un flou artistique.
Même si l'auto avait une grande valeur, ce n'est pas la malédiction possible qui décourageait les collectionneurs que ce genre de détail ne fait pas reculer d'habitude.
Mais l'odeur.
Il avait fait tout ce qu'il pouvait pour l'enlever, la cacher, mais rien ne fonctionnait.
Pourquoi ne pas s'en assurer par lui-même?
Pourquoi pas?
En approchant de l'auto rouge prudamment stationné à l'écart mais tout de même visible pour appâter les brochets, on ne sait jamais, on ne sentait rien. Même à côté, on ne sentait rien. Mais lorsque le garagiste ouvrit le coffre, on sentait.
Lorsqu'il ouvrit l'habitacle, même si c'était une décapotable, on sentait.
Et on sentait très bien.
Le garagiste le regardait maintenant avec des yeux implorants. Il n'avait tout de même pas partagé une bière, ses fauteuils et ses histoires pour rien. En bon commerçant, il n'arrivait pas à se résoudre de mettre cette auto qui avait coûté si cher (et qui ne lui avait rien coûté puisqu'on lui avait donné) (pour les mêmes raisons) à la casse. Il en obtiendrait pas mal juste pour les pièces. Il ne manquait pas de collectionneurs aux abois prêts à vendre leur fillette de 6 ans pour un enjoliveur d'époque état neuf.
Mais il voulait garder l'auto entière, en mémoire de son cousin. Et s'assurer que celui à qui il remettrait son enfant malade serait un bon père.
Monsieur Dickson réfléchit.
Il suffisait d'enlever le capitonnage et les tapis du couffre et de l'habitacle et les fauteuils. De tout refaire à partir des ressorts. Il suffisait de contacter le rembourreur qui les avait travaillé. Par chance, il le connaissait. Il faisait parti de la famille.
Et, miraculeusement, l'odeur s'en alla.
Il donna son auto en échange que quelqu'un sans aucun goût acheta immédiatement.
Tout le monde était content. Le garagiste est devenu son ami. Car ce genre de bagnole a tout de même 60 ans d'âges et, aussi bien dodichée qu'elle soit, elle manifeste quelques petits bobos. Régulièrement. Et quand monsieur Dickson ne vient pas faire un tour (si l'hybride ne consomme rien ou à peu près et qu'on peut la brancher à la maison, la décapotable compense largement pour le plus grand bien des Émirats Arabes et de l'industrie pétrolière), c'est lui qui vient prendre une bière à la maison afin de s'assurer que l'auto va bien, qu'on en prend grand soin et qu'elle ne manque de rien.
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MORTS: 2

Cause de la mort: Balles
                            Inconnue (le corps n'a jamais été retrouvé)

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1 mai 2012. État 1