HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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22.5.12

94. SE PROMENER EST BON POUR LA SANTÉ. SE PROMENER BEAUCOUP EST MEILLEUR. ET QUE DIRE DE LA NATATION.

Henry Dickson

Se promenait en ville pour voir ce qui manquait et ce qu'on avait ajouté. Ce n'est que lorsqu'on s'absente et revient après un certain temps qu'on remarque les changements qui nous apparaissent brutalement pour ainsi dire en plein nez ou nous saute au visage. Si on demeure continuellement au même endroit, tout change tout le temps, tout continue à changer tout le temps mais graduellement. Et on ne verra qu'un changement brusque et important qui nous brutalisera. Partir, voyager permet de nettoyer l'esprit des habitudes ou de ce qu'on tient pour acquis ou normal et on est alors plus disposé à accueillir le futur. Qui est toujours le présent des sédentaires. On fait à chaque fois un saut dans le temps. Et il remarqua qu'on avait été féroce dans certains quartiers. Ce qui avait été des immeubles de pauvres ou quasi pauvres, des rues pour ces immeubles, rues les encerclant les délimitant et faisant un quartier avait été rasées, arasées. Et comme si ce n'était pas suffisant d'en faire disparaître toute trace (les habitants ayant déjà été dispersées puisque locataires même s'ils vivaient là depuis des générations - leur propriétaire avait vendu leur logis à eux d'aller en quémander un autre) on avait creusé profondément comme si on faisait des recherches archéologiques d'une civilisation ancienne profondément enfouies lors de la dernière glaciation. En réalité, pour créer un contre-poids à l'immeuble qui s'érigerait précisément aux frontières de ce quartier, s'arrêtant net aux carrelages des rues prenant à lui seul la place d'une dizaine de petits immeubles de briques. Si les iceberg ont 1/10 de leur surface à l'air libre, les 9/10 restant étant invisible sous l'eau leur permettant de flotter et de maintenir leur sommet émergé, les immeubles sont moins exigeants quoique. Pour cet immeuble, il fallait creuser un sous-sol de 100 pieds qui contiendrait sa salle des machines, les cuisines, les réserves et les parkings souterrains étagées. Bien encré sous le sol, avec des tonnes et des tonnes de béton et de ferrage, il pourrait élever son tronc et résister aux vents des grandes altitudes et aux oscillations d'un futur tremblement de terre. Pour des raisons budgétaires, on avait limité les prévisions à un tremblement de terre de force moyenne. Il aurait été trop coûteux de laisser les ingénieurs s'ingénier à calculer les mesures préventives pour le plus grave cas possible. On prévoyait aussi depuis le 11 septembre 2001, des contre-mesures au cas où un avion de ligne serait détourné pour on ne sait quelle raison politique ou poétique et frapperait de plein fouet l'édifice ou même entrerait à l'intérieur afin qu'il ne s'effondre pas. Quoique les esprits méfiants ou perspicaces pensent qu'il était absolument impossible qu'un tel résultat se produise à moins qu'on n'ait judicieusement fait imploser l'immeuble par des charges encastrées dans le béton au moment de sa construction. Et pour les sceptiques de moindre envergure, on fera remarquer qu'il est difficile de croire que des fanatiques même aussi fanatiques qu'ils puissent être puisse piloter des avions sans savoir comment. On se trouve devant 2 possibilités inenvisageables diplomatiquement ou politiquement. Les pilotes de ligne étant souvent d'anciens pilotes militaires, on pourrait imaginer que les pilotes suicidaires qui ont remplacés les pilotes commerciaux avaient suivi leur entraînement dans de grands pays alliés des USA. Ou ennemis des USA comme la Russie ou la Chine. On se trouve alors devant une cause de guerre. Ou bien ou bien, les pilotes des appareils sont restés aux commandes jusqu'au bout, les kamikazes étant trop ignorants pour les remplacer. Et c'est le couteau ou l'X-Acto sur la gorge qu'ils ont accepté volontairement pour sauver leur vie ou gagner du temps de se détourner pour foncer sur les immeubles. Puisque de toute façon, eux, leur équipage, les personnel naviguant et les passagers étaient condamnés. Ils ont donc trahi leur pays pour quelques minutes de vies supplémentaires. On pourrait aussi imaginer, puisque eux-aussi étaient souvent d'anciens pilotes militaires que s'ils étaient aux commandes, connaissant leur avenir et obligé pour survivre quelques minutes de démolir des immeubles et de tuer encore auraient pu choisir, mourir pour mourir, de plonger dans le fleuve avec leur avion et les terroristes. Puisqu'on l'a dit, ils étaient de toute façon condamné à mort. Mais on évite de penser à ce genre de détail déplaisants: comment des fanatiques incapables ont-ils été capables de conduire ces monstres technologiques, de les faire tenir en l'air, bifurquer, viser une cible même imobile? Et s'ils étaient capables de faire aussi bien, on se demandera où ils ont reçu leur entraînement. Puisqu'on dit connaître leur identité et donc leur passé, ont-ils reçu ou non cet entraînement, où ? L'autre solution serait qu'on a modifié les commandes de ces appareils et qu'ils étaient téléguidés comme on fait aujourd'hui pour les drones, avion sans pilote. Comme cette technologique n'est disponible que dans un certain nombre de pays occidentaux pour la plupart, dont le nombre se compte sur les doigts d'une seule main (et il en reste encore) on se trouve devant la possibilité d'une autre guerre. Ou le fait qu'un gouvernement parallèle ou une organisation parallèle US aient pour des motifs connus de lui seul organisés un tel massacre. En fait, les motifs sont devenus évidents peu de temps après, car si les délibérations et les plans et les acteurs qui ont agis dans l'ombre demeuront sans doute éternellement secrets, leur vision était accessible à tout observateur dans un état autre que le coma profond. Il fallait créer un prétexte de guerre donnant l'occasion de recoloniser le Moyen-Orient. Ce qui était tout naturel pour les colonisateurs passés qui ne s'encombraient pas de telles nuances. En bon nazis, ils concluaient qu'ils étaient les plus forts et que les autres étaient les plus faibles et qu'étant les plus forts ils avaient donc le droit puisque la possibilité s'offrait de faire ce qui leur plaisait avec le plus faible. Cette philosophie simple est celle du violeur ou du pédophile de base. Qui est l'âme de toute nation puissante. Mais notre époque est trop désincarnée pour se contenter de préceptes aussi brutaux, il faut donc un prétexte suffisant qui nous fera paraître en victime nous donnant l'occasion de nous venger sur nos agresseurs. Ce qu'on aura fait. Contre des coupables désignés. Et même contre des gens que même leurs propres services n'ont pu relier à l'opération - comme l'Irak- mais l'occasion était trop belle. Il suffira de dire et répéter que monsieur Hussein était méchant pour qu'on massacre son peuple et finisse par le pendre.

Ainsi va la vie.

À chacune de ses visites, il put observer l'avancement des travaux. L'éviction des locataires ennemis du progrès, nostalgiques réactionnaires attachés à leur bout de briques. Une autre fois, l'abattage des murailles fragiles. On vous l'avait dit que c'étaient de vieux immeubles et qu'ils étaient devenus dangereux. Comme on tue un vieux chien ou un vieil oncle qui penche un peu. Ensuite, une fois que tout fut jeté à terre, il fallut remplir les bennes de nombreux camions jusqu'à ce que la surface soit aplanie. Une autre fois, commença le creusage. Une autre fois, le creusage dans la terre et le roc fut terminée 100 pieds plus bas. Les parois vertigineuses du gros cube creux étaient vraiment impressionnantes. Une grue faisait descendre les camions en bas et un ascenceur les ouvriers. On en était rendu là. L'étape suivante sera le montage des coffrages. Étage par étage. Le bétonnage.  Une double barrière de grillage permettait de voir sans risquer de se jeter dans le vide.

Le progrès était en route: bruyant, insistant et encombrant

Il y avait dans les anciens immeubles une petite boutique de tatouage où il avait amené une de ses amies qui n'osaient y aller seule. Où était-elle passée? Il suffirait de la chercher sur internet si son nom commercial existait encore.

Son amie s'était fait tatouer un petit papillon sur l'épaule la premiere fois. Et, la fois suivante, rassurée, une sorte de mandala très compliqué qui prit des heures, au bas du dos, juste au-dessus des fesses, les 2 faces parallèlles étant délimités et séparées par le coccyx et le vallon si féminin de la colonne vertébrale avec aux limites, les pointes de fourche du diable au-dessus des fesses. Le chef-d'oeuvre invisibles pour elle mais offert en cadeaux pour les yeux seuls de son amant. Le tout donnait de la lecture à son amant lorsqu'il la prenait en levrette ou la sodomiserait. Une sorte d'offrande malicieues tout à fait dans l'esprit coquin et féminin à la culture et à la poésie.

Un des nombreux petits commerce victime du progrès et du gros commerce. Les autres locataires et victimes de la guerre financière finissant de panser leurs plaies dans les Ténèbres Extérieures ou les Limbes de la ville. Région déshérités construite ou érigée sur une ancienne carrière transformée ne dépotoir et, depuis que le dépotoir avait débordé en campagne, recouvert de végétation et d'un nouveau nom permettant d'y construire des HLM. Les pauvres sont pauvres, il ne faut pas qu'ils s'attendent à plus d'attention et il est déjà beau qu'on ne les abatte pas sur place.

Et lorsqu'on aurait oublié que le lieu avait été un dépotoir et qu'on commencera à s'y habituer et à l'envisager comme zone possible de développement nouveau, on y chassera encore les pauvres pour les remplacer par des moins pauvres. On appellera alors les HLM, des condos. La même chose, le même objet, des mêmes investisseurs, entrepreneurs, architectes et constructeurs mais vendus plus cher. Masi moins cher que des immeubles plus prestigieux érigés ailleurs. Et qu'il était encore trop tôt, politiquement, pour voir pousser ici. Il fallait que quelques générations de locataires et proprétaires défrichent financièrement et psychologiquement ces zones arides et incultes. Il est normal qu'il faille un certain temps pour s'habituer à l'idée d'habiter sur un ancien dépotoir. Ou pour oublier commodément (on évitera de vous en parler) toute référence à ce passé antique et vénérable.

Comme il n'y avait rien à penser de plus, il décida d'aller méditer plus loin. Aucune des pensées qu'il pourrait faire ici ne pourrait changer quoique ce soit à ce qui se déroulait inlassablement devant ses yeux.

C'est alors qu'il rencontra un petit garçon triste. Qui attendait quelque chose. Ou réfléchissait tout seul. Il sentait le malheur et essaya de l'éviter.

C'est le petit garçon qui l'aborda le premier. 11 ans peut-être. Difficile à dire, comme monsieur Dickson n'aimait pas les enfants, il ne s'attardait pas trop à leur calendrier.

_ Bonjour

Il s'assura que c'était bien à lui qu'on parlait. Évidence confirmée par le fait qu'il était seul, il y a un instant. Et maintenant 2, avec lui.

Les enfants lui donnaient vraiment de l'allergie. Il se souvenait vaguement de cette période et n'en avait pas gardé un souvenir valant la peine d'être conservé. Et celui-là était poli. Il décida de faire une bonne action et de s'arrêter quelques instants.

_ Bonjour

L'enfant avait l'air grave et soucieux. Il s'ennuyait sans doute.

_ Tu attends quelqu'un ?

Qui pouvait-il attendre dans cet endroit?

_ Non.

Que peut-on dire à un enfant? Les chiens c'est plus facile.

_ J'ai un devoìr à faire.

Il avait hérité d'une corvée de devoir. Raison pour laquelle il empêchait ses femelles de procréer même si certaines ne demandaient que ça et le suppliait langoureusement. C'est lorsqu'il voyait ces yeux mouillés qu'il les sodomisait. Ce que certaines appréciaient mais qui décevait pour des raisons intellectuelles évidentes d'autres. Le désir d'enfant étant impossible à réfréner et réguler chez la femme, il avait bien fallu que quelques-uns pondent chez des particuliers. Il n'avait rien contre le fait qu'elles veuillent des enfants ou en fassent autant qu'elles veulent pour se satisfaire mais ailleurs, loin et avec un autre que lui et un autee pénis que le sien.

_ Le sujet de mon cours est...

_ Je n'ai aucune documentation sur les pinguoins. Il y en a tant qu'on veut sur Internet.

De même que des sites pornos Russes où des femmes se font baiser par de gros verrats. Pas de gros colons cochons mais les véritables porcs qui ont vraiment la queue en tire-bouchons étrangement minces et longs qui les baisent comme des truies. Parfois, c'étaient des chiens, Bergers Allemands ou Doberman. Puisque c'est physiquement possible, il est donc tout à fait normal que ce genre de choses existent. Et il n'avait aucune opinion à ce sujet. Sauf que l'instruction n'est jamais tout à fait inutile.

Ainsi, sans le vouloir et le faire exprès, en allant faire une tour à La Maison de la Presse, il avait appris que la vedette inconnue (il y a le Soldat Inconnu, pourquoi pas?) avalait des éponges pour ne pas engraisser. Son manager lui ayant donné  l'ordre de maigrir de 2o livres - et à la voir en photo sur la revue- on se demandait où elle les cachait ces 20 livres de trop. Mais les éponges et les boules de ouate imbibées d'huile font engraisser. D'où son désespoir. Le genre de femmes qui mangent ses émotions comme elles disent avec le litre de crème glacée au caramel sur les genoux. Baiser leur ferait le plus grand bien mais elles ont des principes. Et préfèrent s'emplir elles-mêmes.

Qu'il est difficile d'être célèbre. Sans doute qu'un jour, il y aura le mémorial de la vedette inconnue en hommage à toutes les vedettes potentielles sacrifées au champs d'honneur. Avec flamme perpétuelle grâce à un abonnement subventionné par Gaz Métro. Oh! La jolie flamme bleue. Et un petit ruban rose en caoutchouc pour le cancer du sein.

_ Non, c'est sur le sens de la vie.

_ Tu n'es pas trop jeune pour te poser ces questions? La plupart des adultes ne se les posent même pas. Et ton prof pense vraiment que tu vas y répondre. Tu feras comme d'habitude, tu découperas des images et tu les colleras.

_ Non. Il dit que la vie a un sens et c'est à nous de le prouver.

_ Quelle image vas-tu coller?

_ C'est le cours des religions...

_ Voilà. Il y a Dieu là-dedans. Tu lui diras que Dieu y a pensé. Tu colleras une image de Dieu (tu choisis celui que tu préfères) et il sera content.

_  Je me demandais...

_ Quand je pense au sens de la vie, je vais au cinéma voir un film comique. C'est le meilleur remède.

Il pensa que l'opium ou l'héroïne était mieux mais ce genre de subtilité était hors de la portée des enfants.

Il mordait ses lèvres, se retenant de poser une question, la question qui le taraudait.

_ Si je vous pose une question, vous serez franc?

_ Pourquoi devrais-je l'être. Je ne te connais pas. Tu en connais beaucoup d'adultes francs?

_ Non. Ce sont tous des menteurs.

Il regarda sa montre, le temps passait et il n'avait pas envie de jouer à Socrate et son disciple Platon très longtemps

_ Pose ta question, je ne te garantis rien.

Il le regardait comme un mandiant attendant une aumône

_ La vie a t-elle un sens?

_ Pourquoi cette question?

_ Vous ne répondez pas.

_ Tu y tiens vraiment?

_ Oui.

_ Reposes-là ta question!

_ La vie a t-elle un sens?

_ Non.

_ Je m'en doutais.

_ Est-tu plus heureux maintenant? C'est pour ça que les gens ne posent jamais cette question. Et je te conseille de faire l'hypocrite et de ne jamais en parler à ton prof. Ce sera notre secret. Les profs détestent les enfants intelligents.

_ Je m'en suis aperçu.

Monsieur Dickson regarda encore sa montre. La vie continuait et elle continuerait sans lui. Il avait moins d'énergie que par le passé et il décida de retourner à l'hôtel passer la dernière nuit avant son départ. Pour le retour, il prendrait le train. Il avait son quota d'autobus pour le moment.

_ Tu lui diras que la vie a un sens. Que c'est Dieu ou notre premier ministre qui le veut. Parce que le soleil brille.

_ C'est stupide.

_ Tu crois qu'il s'en apercevra. Apprend à être hypocrite si tu veux survivre. Tu ne mentiras jamais assez. On te dit d'être franc, que la franchise c'est bien, que s'exprimer c'est houpla! c'est juste pour lire dans tes pensées, ce qui est facile puisque tu leurs diras. Ensuite, ils te punieront pour ça. Tu écoute ce qu'il dit et tu lui dit ce qu'il veut entendre. Autrement, tu seras punie encore. Personne ne veut savoir ce que tu penses. Tu dois être le seul dans ta classe qui pense. Les autres font du bruit avec leurs bouches. Lui et les siens, sont là pour t'inoculer ce qu'ils veulent que tu penses. Et si c'est assez jeune, tu seras marqué à vie. Et, plus tard, tu trouveras tout naturel de penser ce qu'on t'a dit de penser. J'imagine que tu n'as pas compris un mot de ce que je t'ai dit?

_ La plupart des vieux disent qu'ils voudraient être à ma place. Que c'est le plus beau temps de ma vie. Qu'être jeune est ce qu'il y a de mieux.

_ C'est ce qu'ils pensent. Peut-être.

_ Et vous, qu'est-ce que vous en pensez?

_ Être jeune est une calamité. Je ne voudrais revivre ma jeunesse pour rien au monde.

Sur ces paroles d'espoir, monsieur Dickson s'en alla. Il s'endormait et n'avait aucune envie de savoir ce que le monde deviendrait pendant les 10 heures qui allaient suivre. Le petit restait là à penser encore.

L'enfant regarda monsieur Dickson s'en aller. Il aimait apprendre des choses. Et il avait appris quelque chose d'intéressant et peut-être d'utile.

Il sortait souvent le soir seul pour aller se balader en se demandant ce qu'il allait faire. Lorsque la journée avait été difficile, il se promenait plus longtemps, parfois beaucoup. Ce qui n'inquiétait nullement ses parents qui faisaient comme s'il n'était pas là. Eux-aussi regrettaient d'avoir eu cet enfant malade. Ils avaient espéré autre chose. Peut-être qu'il guérirait et deviendrait comme les autres. En attendant, il valait mieux faire comme si on ne s'en apercevait pas.

Parfois, il leur prenait l'envie de le perfectionner. Lorsqu'il arrivait avec son bulletin de 90, il lui disait qu'il aurait pu faire plus. Et que s'il veut devenir médecin - toute famille veut posséder son propre médecin comme leurs pères voulaient un curé dans la maison - il lui faudra se forcer davantage.

Et puis ces efforts éducatifs les fatiguaient et ils reprenaient leur attitude passée, celle de toujours, faire comme s'il n'était pas là. Et finirait par s'en aller. Peut-être qu'on leur rendrait leur vrai fils. Et qu'on reprendrait cet anormal. Qui inquiétait tout le monde en écoutant tout ce qu'on disait, épiant, pour vous ramener au moment où vous vous en attendiez le moins une contradiction bien juteuse que vous auriez échappée sans y penser. Les contradictions, entre les paroles et les actes ou plusieurs paroles s'échelonnant à des moments différents, étaient leur étang aux grenouilles personnels où ils pataugeaient avec délectation.

Il découvrait tant de choses. Qu'il ne savait pas se défendre et que sans cette connaissance instinctive, on est la proie de toutes les petites brutes de l'école. Qui s'ennuient sans cesse, la plupart des choses qu'on leur dit en classe étant bien au-dessus de leur possibilité intellectuelle limitée. Et comme des ogives programmées, ils tournent et tournent sans but précis jusqu'à ce qu'ils rencontrent leur ennemi héréditaire personnel: le petit garçon intelligent. Mieux, le petit garçon intelligent qui ne sait pas se défendre. Qui n'a aucune idée de ce qu'est la violence. Et quoi faire avec cet objet mystérieux.

Il n'avait rien de mieux à attendre des autres. Pour tous les autres, il était un rejet. Cette belle expression englobant tous ce qui était bizarre et inassimilable, bref DIFFÉRENT.

Comprenant les solitaire, trop laid, trop beau, trop efféminé, trop intelligent, trop gras, trop gros, trop grand (ce qui serait un avantage si on savait quoi faire de ces appendices tentaculaires que d'autres appellent bras), trop maladroit en société, ceux qui n'avaient pas d'amis et étaient incapables de s'en faire.

Les autres l'évitaient comme on fait pour un lépreux. Ou le chassait quand il voulait (ce qui lui arrivait rarement) parler ou jouer avec eux. À la façon du proverbial petit canard chez les oies. Ou les moins connues oies grises chez les blanches. Qu'elles tuent avec plaisir.

Le mot AMI était un mot mystérieux. Un trésor inatteignable. La seule chose qui pouvait en donner un aperçu ou une pâle imitation misérable était de rencontrer un autre REJET. Qui se jetait sur vous comme la misère sur le pauvre monde incapable de supporter sa solitude. Et le fait d'être 2, pire, plus nombreux, ne faisait qu'attirer davantage l'attention des enfants normaux.

On se moquait des ses maladresses car pour lui, un ballon comme son corps était un objet étrange et étranger et ses bras ou ses jambes avaient les plus grandes difficultés à se coordonner pour ne pas tomber ou faire tomber les autres ou pousser le ballon dans les jambes de l'équipe ardverse. Il pouvait même si on le laissait faire marquer dans son propre but.

Jouer au baseball était un Calvaire dangereux car les rares fois où il frappait la balle, il oublait tout le temps la consigne de ne pas lancer son bâton derrière lui avant de se mettrer à courir et frappait le gardien de but ce qui déclenchait une autre chicane dont il ne comprenait rien.

On l'insultait donc, se moquait de lui, l'évitait comme la peste et le choléras ou l'herpes, sidatique avec un sydrôme de Kaposi bien visible.

Mais comme on dit, il peut toujours vous arriver pire quand vous pensez que votre situation est désespée. Il y avait ces petites terreurs, invisibles à tout adulte, qui auraient bien surpris de la révélation de leur existence, qui régnaient dans l'école, les vestiaires et la cour de récréation, comme les prisonniers les plus sadiques commandent dans les prisons, Goulag et les camps des concentration.

Et, eux, ne se contentait pas de le faire pleurer, ils le battaient. Et, comme si ce n'était pas suffisant, ils le volaient. Et comme si ce n'était pas assez, avaient inventé quelque chose de plus sadiques encore, le rançonnaient, le taxaient et le rackettaient. Ils l'obligeaient à voler ses parents qui n'étaient pas riches et étant passé à une étape plus raffinée, l'obligeaient à voler dans les dépanneurs différents produits qu'ils revendaient. Après les dépanneurs, ce furent les commerces de gadgets électroniques faciles à dissimuler et de grande valeur et si rentables s'ils ne vous ont rien coûté.

Lui, ne réagissait pas. Ne se défendait pas. Il ne comprenait tout simplement pas ce qui lui arrivait. Comme lorsqu'on a soudainement mal au dos. Ou une gripple inattendue. Une attaque interne de son organisme contre son propre corps. On attend que ça se termine. Il n'y a pas autre chose à faire. Même s'il y a des sirops, des onguents, des pilules à la pharmacie pour diminuer la douleur.

Ce à quoi il assistait, était une attaque tout aussi inattendu et inexplicable de la société, d'une partie de la société sous la formes de petits corps stupides et furieux et ricanants contre son corps.

Et il assistait à ça comme on assiste au spectacle de sa propre grippe ou d'un mal de tête imprévisible. Éberlué.

Il ne comprenait pas la violence.

C'était pour lui un mystère. Et devant un mystère qui était aussi un problème, il essayait de l'analyser, de le synthétiser, de le réduire en éléments simples avec lesquels on peut jouer, sur lequel on peut se concentrer, déduire, trouver une solution. Que l'on peut transcrire dans un cahier. Au-delà, au stade physique de l'action, de la réaction, aller dans cet univers où tous les autres semblaient se déplacer avec tant d'aise était difficile.

Pourquoi vouloir volontairement faire du mal à quelqu'un?

Visiblement avec plaisir.

Et recommencer quand on a vu les résultats catastrophiques pour cette personne.

À quelqu'un qui n'avait jamais fait de mal à personne.

Encore moins à eux qu'il ne connaissait pas.

S'il cherchait, peut-être pouvait-il arriver à trouver un moment ou une action passée où il avait peut-être mais certainement pas intentionnellement, sans le vouloir, sans s'en apercevoir dit quelque chose. Fait quelque chose. Qui avait mal été interprétée. Dont il voulait se venger.

Il avait envie de s'excuser.

Tout était peut-être de sa faute. Mais il n'arrivait pas à trouver le moment où sa vie avait basculé.

Et ce qu'il avait fait ou dit ou pensé devait être terrible pour qu'on lui en veuille autant.

À mois, ceci était tout aussi envisageable comme problème que cette violence soit tout à fait gratuite, sans aucun sens, seulement pour leur plaisir à eux.

Tout ceci était des problèmes complexes qu'un adulte aurait pu peut-être aligner paisiblement, les analysant comme des objets mais dans son jeune esprit tout s'embrouillait. La douleur, la peur n'aidant pas à la sérénité de l'esprit. Il commençait à penser et lorsqu'il croyait arriver quelque part, le labyrinthe des idées informes, des émotions se prenaient à lui.

Et lorsqu'on est mort de peur, il est difficile de penser serainement et de s'élever au-dessus des basses réalités terrestres.

Une seule fois, il s'était plaint quand un professeur nouveau l'avait vu se faire battre. D'abord, il le réprimanda pour ne pas s'être défendu. Le regardant avec mépris de ses 6 pieds de haut lui qui faisait un peu plus que la moité de sa taille. Il détestait les lâches, les moumounes, les petits fils à sa maman. Ensuite, une professeure qu'il avait appelé pour profiter du spectacle pris le relais pour le mépriser à son tour. Pour ne pas prendre soin de ses vêtements qu'il serait compliqué de nettoyer et coûteux à remplacer. Et les 2 rirent del i comme il le méritait. Puis retrouvant quelque part leur éthique professionnelle, lui firent d'autres reproches. Parce que, inexplicablement ses notes baissaient et qu'ils devenaient inattentifs en classe. Ensuite, pour ne pas avoir dénoncé ses agresseurs. Le directeur quand on lui rapporta l'affaire fut bien embarrassé car il était inconcevable qu'une telle chose existe et depuis si longtemps (selon ce qu'on lui rapportait) dans une école si bien tenue et avec de si belles notes et de si belles statistiques au Ministère. S'il était impossible qu'une telle chose existait, il était évident qu'elle n'existait pas donc l'enfant affabulait comme le font les enfants. Il fut envoyé à l'infirmière pour être désinfecter et éviter la contagion. Et à la psychologque. Le comité d'établissement composé de professeurs et de représentants des parents étudia le problème et fit des notes au dossier.

On le confronta avec ses ennemis. On réunit ceux qu'on avait pu apercevoir (il était arrivé que quelques professeurs de la salle des profs aient été témoins de quelque chose) dans le bureau du directeur. Ses assaillants d'un côté, lui de l'autre. Le directeur et son bureau ministre entre les deux. Et comme on ne savait qui avait commencé et pourquoi cette chicane d'enfants perdurait, qu'on avait des problèmes bien plus graves qui exigeaient toute notre attention, on exigea donc une trève et une paix. On leur demanda de se serrer les mains en adulte. Et ceci fit on chassa tout le monde du bureau, le dossier étant clos.

La psychologue et l'aumônier se mirent de la partie exigeant de lui le pardon et la réconciation de tous. Il ne pouvait sans cesse ruminer une vengeance. On ne pouvait lui en vouloir sans raison parce que c'était illogique. Le pédopsychiâtre qui fut mis au courant de l'affaire découvrit chez lui des tendances autistes, asociales et un sydrôme d'Asperger.

On avait déjà son nom dans les dossiers, car son nom avait émergé lors des tests de quotient intellectuel. Au plus grand désespoir du corps professoral et de la psychologue, il avait la plus haute note de l'école. Comme ce résultat risquait de lui monter à la tête, on préféra le lui cacher et, au contraire, faire comme si les résultats avaient été décevants et en dessous de tout. La honte de l'établissement.

Et les professeurs qui avaient déjà tendance à se moquer de lui, se donnèrent le mot pour le dénigrer devant toute la classe. Afin d'éviter que l'orgueil ou la vanité ne déforme son caractère. Et les autres élèves qui avaient déjà tendance à le mépriser et se moquer de lui, comprirent immédiatement qu'ils avaient enfin le droit de le traiter comme un chien publiquement.

Tandis que les spécimens des minuscules terreurs furent forcés de supporter la terrible punition de quelques jours d'expulsion de l'école qu'ils détestaient déjà. Ce qu'ils prirent comme un congé leur permettant de rôder dans les centre commerciaux et de chaparder dès qu'ils en avaient l'occasion.

Leurs parents appelé par l'établissement ne vinrent pas, ayant assez de problèmes comme ça. Comme ils avaient déjà raté l'éducation de leurs enfants, ils n'avaient aucune envie qu'on leur mette leur merde en plein visage. Après tout, c'était à l'école de faire ce qu'ils avaient été incapable de faire les 6 premières années de leur vie. N'ayant pas plus envie d'en faire plus les 12 années suivantes.

Et ceux qui vinrent firent une crise terrible se disant incapable de croire que leur petit chéri d'amour pouvait être le monstre qu'on leur décrivait. Accusant l'école et son directeur ensemble de nuire à l'épanouissement de leur futur comptable. Et ils avaient déjà des avocats dans leur famille et on allait entendre parler d'eux.

À leur retour dans l'établissent comme leur victime avait manqué à la loi du silence primordiale dans les corps policiers et criminels, on le martyrisa encore davantage. Et c'est tout juste si on ne le tua pas ce jour-là. Et c'est couverts de taches de sangs et de bleus ou violets qu'il retourna chez lui les vêtements déchirés ce qui déçu sa mère qui en avait assez de repriser ses costumes dont il prenait si mal soin.

En punition, ses complices, exigèrent qu'ils volent la tv couleurs de ses parents. Ils l'attendraient avec 2 skatebords devan sa maison. On attacherait la té sur les planches à roulettes et on l'amènerait à leur cachette.

Ce qu'il fit.

La police appelé par la mère conclut à une introduction par effraction de la part des petits voyous qui pullulaient dans le quartier.

Le cours de pastorale et de morale lui avait donné par la suite un devoir à faire sur le sens de la vie. Et des exercices de créativités exigeant de coller des images découpées optimistes.

Ce qu'il n'avait plus aucune envie de faire.

Pour la première fois de sa vie, ses idées étaient claire. Il avait enfin les mots et les idées à coller (comme un montage d'images découpées) sur des sentiments et des émotions troubles et obscures.

Il n'arrivait pas jusqu'à présent à nommer les choses n'imaginant pas qu'elles soient nommables.

Était-il heureux?

Intellectuellement, il avait toujours aimé que les choses soient claires, expliquées, si elles étaient explicables.

Que la vie n'ait aucun sens aurait été une idée désespérante pour la plupart des esprits mais le sien, plus grand, envisageait cette idée comme une réponse à un problème.

Même s'il était jeune, il était capable de logique. Et tira la condition logique à ce problème.

Il alla faire un tour vers les quais. Personne n'entendit rien. Personne ne le revit. Et il ne manqua pas à personne. C'est tout juste si à l'école, on remarqua sa disparition.

Ses parents firent du bruit à la tv quand une émission agressive les soupçonna d'être complice de cette disparition comme il arrive souvent. Statistiquement. Les plus grands ennemis des enfants étant leurs propres parents. Et ce sont toujours les proches que la police soupçonne en premier. Parce que, statistiquement, encore, les proches, parents, frères, voisins sont ceux qui violent, torturent, tuent le plus régulièrement leurs frères, soeurs, cousins, voisins.

Mais ils étaient aussi stupides et innocents que l'enfant qui vient de naître.

Question délicate qui fit l'objet des discussions matinales des émissions tv destinées aux femmes à la maison. Les avis des animatrices furent partagées, le petit chien costumé et à bottines de l'une d'elle fit une crise. Que doivent faire les parents qui font face à un enfant différent, difficile, ingrat, décevant. Bref, qui leur gâche l'existence. Et question piège à 10 points: Est-on obligé d'aimer ceux à qui on a donné la vie?

Cette affaire restait inexplicable et fut rangé dans le tiroir du classeur contentant des centaines de dossiers similaires. Des tas d'enfants disparaissaient tous les jours. Les adultes aussi. Mais si on ne trouvait pas ça anormal chez une adulte sans aller jusqu'à utiliser le mot «normal», c'était en quelque sorte légèrement plus anormal de la part d'un enfant.

Tout le monde l'oublia. Parce qu'il n'avait jamais donné de grandes raisons d'être inoubliable. N'avait jamais rien inventé ni tué quelqu'un.

C'était comme s'il n'avait jamais existé.

Ses parents qui ne pouvaient plus avoir d'enfants en eurent peu après. Des jumeaux tout à fait normaux qui firent leur bonheur. Et qui couchèrent dans des lits jumeaux dans sa chambre.

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MORT: 1

Cause de la mort: Noyade

Âge du mort: 11 ans

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22. 23 mai 2012. État 2