HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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3.5.12

61. AYANT ENTERRÉ SA DERNIÈRE ÉPOUSE AVEC LES AUTRES DANS LE JARDIN, HENRY DICKSON PUT ENFIN ÉCOUTER SON COCERTO DE BACH PRÉFÉRÉ EN PAIX.

Henry Dickson

Regarda la petite auto démarrer et faire plus de bruit que normal mais probablement autant que d'habitude puis s'en aller. Il allait avoir le temps de lire.

Alla voir la chambre et la salle de bain. Lui avait demandé de faire comme si elle avait été invisible. Ce qu'elle avait fait. Elle avait même changé les draps et refait le lit.

Il s'installa dans son fauteuil, ajusta la lampe de lecture à sa gauche et continua sa plongée dans le livre. Il n'avait pas idée des coutumes universitaires mais le document qu'il parcourait surligneur à la main aurait pu servir de travail de maîtrise ou de doctorat. S'il avait été prof, elle aurait eu 10 ou A. Selon le pointage utilisé. Et rien que pour sa beauté, 10. La beauté des femmes enchantent le monde.

Mais il est plus facile d'imaginer l'idée qu'on allait la forcer à faire une thèse sur un sujet stupide comme qui a vraiment écrit les pièces de Shakespeare. Comme si ça intéressait quelqu'un.

Comme si un grand de ce monde, surtout à cette époque, où les délassements populaires étaient méprisés se serait commis, abaissé à. Et les arts, l'écriture, l'artisanat étaient aussi vus comme des travaux manuels dignes des serviteurs et des esclaves. Un Grand ne s'abaissait pas à faire quelque chose de ses mains. Il y avait le petit personnel pour ça.

Et encore moins donner ces textes à un homme du pleuple qui pouvait le dénoncer. S'il lui arriverait de critiquer le clergé ou la noblesse et que le comédien ou sa troupe ou le théâtre soit condamné, on pendait vite ou décapitait tout aussi rapidement. Et chanceux étaient ceux à qui ça arrivait. Si on  torturait (pratique courante) tous ces gens pour leur faire avouer leurs complices, commenditaires, inspirateurs; aucune personne le moindrement en possession de neurones en état de marche ne se serait attendu à ce qu'ils se taisent et se sacrifient pour lui.

Et dans quel but?

S'exprimer!

Comme s'il avait le temps. Gravir l'échelle sociale, s'y maintenir, y naître et protéger le patrimoine familial, exige une vigilence de tous les instants. Il y a tant de pieds à lécher, toute la journée n'y suffirait pas. On n'a pas une minute de libre.

Et les minutes de libres ont importantes pour un auteur. Elle-même a mis 10 ans à écrire.

Et quand on est un noble ou un courtisan, il faut toujours être dans la lumière des grands, toujours visible et utile afin qu'on ne vous oublie pas. Tout ceci prend encore du temps. À passer en public et non sur son écritoire. Les rois sont si distraient. Quand ils n'ont plus besoin de vous, leurs promesses...

Il n'y a que les gens de vieilles noblesses déçues et ruinées comme le comte de Saint Simon pour passer sa vie à écrire et se ruiner en chandelles.

Il avait d'ailleurs l'édition en 8 tômes de La Pléyade de ses mémoires. Qu'il finirait bien un jour. Mais il fallait qu'il termine ceux de la jeune femme. Comme si sa vie en dépendait. Et c'était peut-être le cas.

Il ajusta encore la lampe. Mis ses pieds en bas de laine sur le du chien et poursuivit sa lecture:

Dans le puit était tombée la troisième soeur. Plus loin, dans une cage, était gardé menottée l'orpheline infirme...

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3 mai 2012. État 1