Henry Dickson se trouve face à 4 hommes armés et de mauvaise humeur. Sa dernière heure est venu. Et il s'en fout! Comme il se foutait de vivre.
_ Quecé?
Arrivait le garagiste venu voir si on prenait toujours le plus grand soin de l'auto de son cousin.
Donc cousin de la Mafia lui-même. Même s'il aurait été inapproprié de s'en informer. La plupart des gens n'appréciant pas que l'on s'occupe à ce point de leur intimité. Meme si beaucoup sont content qu'on s'informe de leur santé et de la bonne santé de leur famille. Chacun a ses susceptibilités.
Suivi des trafiquants de pot/mari/hash locaux. Et autres produits naturels. Rien que du bon et de l'écologique. Quoi de mieux que la Nature? En même temps ses voisins. Et fournisseurs officiels de marchandise de qualité.
Le garagiste muni de son fils. Le cultivateur avec ses frères.
En venant, ils avaient chassé tout à fait illégalement dans le bois jouxtant leur propriété, donc le bois appartenant en partie à monsieur Dickson et ses voisins, lapins ou perdrix.
Ce qui fait qu'ils avaient des fusils de calibre .12. Double canons. À pompe. Lupara. En bon état de marche. Et chargé.
On ne sait jamais, un autre lapin. Miam! Une marmotte pour la pratique afin de ne pas perdre la main. Et les marmottes massacrent les champs en faisant des trous partout. Et sont la terreur des jardins car elles ne sont malheureusement pas herbivores.
lls évaluèrent la situation et sentant le flic dans les environs, leurs nez picotant à cause de leur allergie, herbes à poux et autre pollution, ils pointèrent leurs armes dans le dos de ceux qui visaient monsieur Dickson. Aucune chance dans un combat face à face. Mais dans cette position, avec du gros plomb.
_ Hé! Les caves, jetez vos armes!
Un agent essaya de se retourner...
_ Tu tournes la tête de bord, on tire.
Il obtempéra à la force classique et éloquente du calibre 12. Informa les autres de sa découverte. Tout à son émoi.
_ Faites pas les caves! On a l'équilent en arme d'une petite armée. Vous ne faites pas les poids. C'est à vous de jeter vos armes. Des ridicules tuyaux de fer.
Ce qui était exact, de face, en combat classique, ils auraient été réduit en viande hachée par les fusils mitrailleurs.
_ Mais on est dans votre dos. Et si on était pédé, on serait tout excité de voir votre trou de cul dans vos pentalons. Et on peut en ajouter un autre dans le dos. On le ferait si on était pédé. Mais comme on l'est pas...
Il se tourna vers son collègue, criminel d'habitude mais hétéro
_ T'es tante, toi?
_ Déconne pas avec ça, si ma mère t'entendait? Par contre ton fiston...
Ils rirent de la rage qui prenait au fiston particulièrement inflammable.
_ Je vais te...
_ On se concentre. On voit ce qu'on voit. Mais on nous explique pas. Monsieur Dickson pouvez-vous nous expliquer ce qu'on est supposé comprendre pour qu'on se fasse une idée?
Monsieur Dickson expliqua.
Le garagiste fit ensuite remarquer que monsieur Dickson n'avait pas d'arme. Ce qui était visible pour ceux qui voulaient voir. Et comme Jésus, il montra ses mains aux sceptiques.
Et qu'on l'avait emmerdé chez lui.
Ils venaient d'arriver, n'avait rien vu mais comme il était un parjure notoire, dit qu'il avait tout vu et serait prêt à témoigner. Entre un bon client et des étrangers... Il demanda qui était ces étrangers. Les 2 agents à genoux lui dirent de se taire, c'était aussi confidentiel. Mais comme ils n'avaient pas été gentils, il le dit.
_ Des agents du quoi? Du service secret Canadien. Des Ontariens. Ici. On aura tout vu.
Ils continuèrent à expliquer à tout le monde Irépétant la version originale de monsieur Dickson) que les 2 hommes avaient voulu le frapper d'abord alors qu'il ne se défendait même pas. Ni n'avait fait le moindre geste pour les attaquer. Ni ne les avait menacé. Il était donc en état de légitime défense. Classique. Et de bon goût. Malchance peur eux s'ils avaient trouvé leur homme.
N'avaient qu'à pas commencer!
Monsieur Dickson dit que ses invités allaient repartir. Qu'ils n'étaient pas des policiers mais de simples recherchistes et documentalistes bien habillés, ce qui fit presque vomir un des agents qui l'avaient questionné.
_ Tout le monde va remettre son arme au repos. Nous sommes tous ici de bons citoyens même si les circonstances sont délicates. Et peuvent être mal interprétées. Il est encore possible de s'en sortir sans bobo. Mais plus le temps passe, plus la nervosité s'installe. Et un petit coup de doigts et... Personne ne veut ça. J'imagine que tout le monde veut revenir chez lui, ce soir, intact, pour revoir sa femme et ses enfants. Et il finit par un couplet patriotique inspiré: Nous avons tous dans notre coeur l'intérêt de notre pays et nous vous dirons si nous apprenons quelque chose. Ça va! Ces messieurs vont immédiatement entrer dans leur auto et s'en aller. Vroum!
Il les regarda et leur demanda s'ils voulaient qu'il répète. Il leur dit de partir sans jamais se retourner. Ils pouvaient conserver leurs armes. Le premier qui se tournait, perdrait la tête d'un coup de 12 et tous les autres y passaient. Ils remontèrent sur leurs banquettes et leurs grosses Suburban noir s'en allèrent en sautillant mollement.
Le groupe en arme regarda la poussière s'élever puis descendre.
_ Qui c'était? Sans blague. Pourquoi? Vous l'avez dit mais c'était pas clair et j'ai fait semblant de piger. Dans certaines situations, il faut montrer qu'on comprend tout sinon on ne vous prend pas au sérieux.
_ Attendez! Ils m'ont dit que je risquais d'être accusé de trahison si je répondais à une question de ce genre. À moins que ce soit à la question suivante.
_ Dans ce cas, répondez à la première.
_ Des gens des services secrets canadiens.
_ Vraiment. Sérieux. Je croyais à une... Je sais pas. Ou des concurrents mais je les reconnaissais pas. Et ils ont un budget d'accessoires qu'on n'a pas. Et ils sont là pour...?
_ Devinez!
_ Pour faire du vol plané sans aile. J'ai apprécié
_ Ils venaient enquêter sur le squelette.
_ Encore. Combien de gens sont venus à mon garage pour ça. Ils font le tour des maisons. Le journaliste du journal du village. Même les étudiants du collège privé qui ont un journal photocopiés sont venus poser des questions.
_ Si ça continue, on va avoir des ennuis. La publicité est bonne pour les affaires. Mais pas les cancans.
Le fils du garagiste se mit à s'agiter ce qui était sa principale forme d'expression.
_ Je te l'avais dit, encore des ennuis. Je te l'avais dit: faut brûler cette maison
Les 2 hommes, le père et le cousin blanchirent instantanément. Regardèrent une fenêtre de la maison.
_ Il n'a pas voulu dire ça. Il ne pensait pas.
Cette fois, la seconde, il s'adressait à monsieur Dickson mais trop fort.
Puis, suffisamment fort en tout cas pour être entendu de la maison, dans la maison: Ce n'est pas ce qu'il voulait. Ce n'est pas ce qu'il avait voulu dire. Si quelqu'un avait dit ou pensé quelque chose, c'était stupide. Et il ne savait pas ce qu'il disait.
Mais il n'y avait personne dans la maison. Non!?
N'ayant rien compris à ce qui venait de se passer, le fils s'agitait encore. Cette fois, il visait (négligemment) monsieur Dickson avec son arme, comme si c'était une baguette de pain et qu'il pointait un paysage.
Son père le regardait en soupirant de découragement. Et le fils menaçait carrément monsieur Dickson en le visant de son 12.
_ Et lui. Toujours du trouble depuis qu'il est là. Je ne sais pas ce qui me retient de...
Son père, avec la prudence que le fils n'avait pas, pesa de sa main sur la canon de l'arme pour la diriger lentement vers le sol. Afin d'éviter qu'un coup parte et ne fasse des victimes.
_ Toujours à dire n'importe quoi. À parler quand il faut pas. Dire tout ce qui te passe par la tête sans penser. Je te l'ai dit: pense! Pense avant de parler. Pense avant d'agir.
_ Mais je suis armé et lui pas.
_ Et je te laisserais tirer sur un client.
Son parent, herboriste intervint:
_ Et sur le mien aussi.
Le garagiste fumait, sa pression augmentait
_ Mais de qui tu tiens? Pas de moi, certain! Ni de ma femme. J'ai beau chercher un parent cinglé, je n'en vois pas. J'imagine que tu as la maturation lente comme certaines plantes ou certains vins. Il ne sert à rien de tirer les tiges. Tu vas au garage, il y a des pneus à changer. Vidange d'huile. Et tu nettoie le plancher de béton. Et ne salope pas le boulot. On a une réputation ici.
_ Mais on se fout de la réputation des paysans, on est riche on pourrait acheter tout le village.
_ Correction. Je suis riche. Pas toi. Toi, tu gagnes le salaire que je te paie. Minimum légal. Car tu ne vaux pas plus. Apprend, prend de l'expérience et ton salaire augmentera avec tes responsabilités.
_ Nianiania! Encore la morale. Un jour...
_ Quoi un jour! Je t'ai botté le cul, giflé, donné des coups derrière la tête. Et ça ne rentre pas. Il faut bien aider les mots et les idées à rentrer puisqu'elles ne rentrent pas d'elles-mêmes. Les oreilles ne suffisent pas alors il reste la botte au cul.
Il s'en alla enfin. Son père le regarda partir avec un des fils de son parent maraîcher, découragé:
_ Un jour il va lui arriver malheur.
Ils avaient rejoint monsieur Dickson qui confirma ses pires pronostics: un jour il lui arriverait malheur.
_ Je sais. Ça a beau être mon fils, celui de ma femme. J'ai un autre fils bien meilleur en tout que lui. Et si ce n'était qu'un employé, il y a longtemps que je l'aurais mis à la porte. Il ne parle que de justice mais s'il n'était pas mon fils...
_ Il veut commander. Tout de suite. Pas de patience. Il pense que donner des ordres suffit, qu'on n'a qu'à rester assis et que parce qu'on la ordonné, les choses se passent comme on veut et les gens font ce qu'on veut. Il ne comprend pas. Il faut que celui qui commande soit capable de faire ce qu'il a demandé pour qu'on le respecte. Et si on ne te respecte pas...
_ Tu finis comme ton cousin dans le coffre d'une auto.
Tous deux baissèrent la tête en signe de condoléance.
_ Je l'ai entendu parler de mettre le feu à la maison...
Monsieur Dickson ne parlait jamais de SA maison. Il disait LA maison. Sans doute lui-seul comprenait la nuance.
_ Il ne le pensait pas. Il est comme ça. Tout ce qu'il a dans la tête doit sortir. Comme lorsque je vérifie si un pneu est percé, déchiré, crevé en le mettant dans l'eau savonneuse. Si c'est le cas, il fait des bulles. Lui, fait tout le temps des bulles.
Monsieur Dickson fit semblant de ne pas avoir vu les regards terrorisés à la maison quand leur crétin de fils et de neveu...
_ Mais s'il est vraiment décidé
_ Alors, il n'y a rien qui pourra sortir ça de sa tête de cabochon. Même à l'arrache-clou.
Le garagiste avait pris une grave décision. Puisque les questions se posent en bas et qu'il faut que quelqu'un en haut décide parce que la question est remonté de plus en plus haut et s'est arrêté là:
_ Si vous le voyez rôder autour de chez-vous... vous êtes chez-vous. Quand je surprends un voyou chez moi, je tire et lui demande ce qu'il avait l'intention de faire après.
_ C'est votre fils !
_ Je ne peux pas éternellement le protéger contre lui-même. Je sais comment ça va se finir. Il va se mettre dans un truc louche stupide parce qu'il est comme ça et je serai impliqué malgré moi. Ou il s'en prendra à un client, un associé, un membre de la famille, un parent, un fournisseur. Parce qu'il est comme ça. Tout ça finira mal.
_ Et si ça finit mal?
_ Je vous l'ai dit, j'ai un autre fils et 3 filles.
*
5.6 mai 2012. État 3
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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