Henry Dickson
Voit le chien se redresser alors qu'il dormait bien au chaud devant la flamme du foyer. Toutes oreilles dressées, il a entendu. Un visiteur.
Entend sonner à la porte. Va voir et sur le perron une jeune femme lui dit bonjour.
_ Bonjour.
Dit la jeune femme qui est aussi jolie que bien élevé.
Monsieur Dickson lui dit que les derniers Témoins de Jéhovah qui prêchait l'Apocalypse sont parti la semaine dernière et qu'il est encore temps de les rattraper si elle les cherche.
Elle lui répond que si elle croit en quelque chose ce n'est pas en celle-ci. Elle est venue lui apporter quelque chose.
_ Un pot de confiture. Toutes les femmes me donnent des pots de confitures. C'est un complot pour me donner le diabète.
_ On veut que vous soyez bien gras pour vous manger. Nous les femmes sommes viciieuses comme ça. Il n'y a jamais rien de gratis.
Il lui demande si elle veut entrer dans la maison ou rester sur le perron à se faire geler. Ce n'est pas qu'il fait mais à cette heure du soir, il y a un vilain petit vent. Il va peut-être geler ou neiger cette nuit. Ou pleuvoir. Ou rien du tout.
_ J'ai vu tant de fois cette maison et je n'y suis venu qu'une fois. Quand j'étais toute petite avec mes tantes. Il y avait un autre propriétaire à la maison. Pas celui qui vous a vendu et que je n'ai jamais aimé. Je ne sais pas pourquoi, le feeling. Quelque chose de pas net.
_ Et vous croyez que je suis mieux. Je suis peut-être un maniaque. Une femme que vous serez entré ici, vous n'en sortirez plus. Et je vous ferai subir un sort pire que la mort.
Elle lui sourit, lui disant qu'elle ne croyait pas. Et entra.
_ Vous savez, je vous observe depuis que vous êtes arrivé ici. En fait, nous vous observons depuis que vous êtes arrivé ici. Mes soeurs, mes tantes, mes cousines.
_ Vous avez bien du temps de libre. Au fait, vous ne devriez pas être chez vous au dodo pour vos cours demain. Cégep. Uuniversté.
_ U. Littérature et histoire. 2 bacs combinés.
_ Vous savez que vous allez en bavez.
_ Je suis très intelligente, vous savez.
_ Je ne sais pas mais si vous me le dites. Vous n'avez pas répondu à ma question. Si vous travaillez au Dollorama, ce n'est pas plus mal. Il faut de tout pour faire un monde.
_ Et vous avez encore d'autres proverbes comme ça?
_ Je suis l'homme au proverbe, la sagessse incarnée, le Boubou noir au milieu des campagnes. Ce qui fait qu'on me fuit et me déteste.
_ Oh! Je ne crois pas. Oui, il y a des gens qui vous détestent.
_ Je vais faire une métaphore bientôt. Si vous n'avez pas peur que je vous arrache les vêtements sur le dos et que...
_ J'ai mis une petite robe au cas où vous m'arracheriez les vêtements sur le dos. Et je n'ai pas de soutien-gorge, je n'en ai pas besoin, malheureusement. Heu! J'ai des seins, je ne veux pas dire que je n'en ai pas mais pas autant que mes soeurs. Elles, elles en ont beaucoup.
_ Et vous êtes venu m'émouvoir? En passant, il fait froid et on voit vos mammelons pointer. Mignons. Entrez sinon vous allez passer en haute complètement. Ou restez dehors, si vous avez peur que je vous saute dessus. Mais décidez-vous sinon, c'est moi qui vai attraper une grippe et comme vous serez responsable, vous devrez me soigner. Et sans jamais me parler de grippe d'homme sinon vous ne sortirez pas vivante d'ici.
Si vous croyez que je suis macho de vous regarder comme ça, vous n'aviez qu'à ne pas porter une robe si courte et si décolletée. Et comme vous êtes chez-moi et que c'est le soir et que la lampe de sécurité de la cour vous éclaire de dos, votre robe est presque transparente. Le tissus est très fin. Bien choisi. Et ne dites pas que c'est parce que c'est joli et que vous n'avez jamais pensé qu'un homme vous regarerait. Quand on est aussi jolie que vous, les hommes vous regardent. Vous pouvez porter plainte, j'ai des dépliants.
Elle était une des plus jolies femmes qu'il avait jamais vu. Plus que jolie mais les mots manquent. De cette espèce particulière de beauté indescriptible qui rend la peau presque transparente. Anciennement, un peintre en aurait fait un Ange. Lorsque ce genre de femme passe, tout le monde s'écarte pour lui laisser le passage. La preuve qu'il y a d'autres êtres que les banals humains qui rampent sur le sol. Fascinant.
Intelligente, à première vue, effrontée. Elle le regardait de ses grands yeux... de quelle couleur, impossible à dire, on avait l'impression qu'ils en changeaient sans cesse. Souriait. Comme s'il avait été un enfant. Et elle avait quoi... 16 ans. Non, elle parlait de l'Université.
_ J'ai 20 ans.
Et elle lit dans les pensées. Amusant!
_ Oui, je lis dans les pensées. Mais ce n'est pas si amusant que vous le croyez. Vous m'avez demandé tout à l'heure si je n'avais pas peur que vous me mettiez en morceaux... Je n'ai pas peur car vous ne le feriez pas.
_ Vous en êtes sûr?
_ Certaine. Sûre. Mais il y a des hommes.... et des femmes... Brrr!
_ Vous voyez, vous avez pris froid. Le feu du foyer brûle. Je viens de mettre des bûches. Et vous pourrez poser votre sac à dos sur la table. Vous avez amené votre lunch? Pas de pots de confiture, j'espère. C'est vrai, vous avez dit que non. Excusez-moi, je suis en train de perdre la mémoire, la vieillesse. Et je parle tout seul.
_ On ne s'est pas présenté.
Et elle se présente et lui tend la main.
_ Vous auriez pu serrer plus fort, je ne suis pas en sucre.
_ On recommnence. Je m'appelle Henry Dickson et je vous reserre la main.
_ Cette fois, c'est mieux. Je n'aime pas les hommes faibles ou ceux qui croient que nous, les femmes, sonmmes faibles. Je suis plus forte que vous pensez.
_ Et on vous laisse veiller si tard et vous promener dans le noir.
_ Je ne suis pas venu seule, j'ai mon auto. On ne la voit pas et je ne me souviens pas où je l'ai mis mais elle est quelque part dans le noir. Et demain, je vais me lever tard, vous ne regardez pas les nouvelles, nous sommes en grève depuis 76 jours.
_ Les nouvelles. J'ai la radio. Mais j'écoute la musique classique. Je me dis que s'il y a quelque chose de vraiment important qui arrive, on finira bien par l'apprendre. Genre fin du monde. Ou prophétie Aztèque, Inca ou Maya de 2012. J'ai vu le film, pas mal.
Comme elle avait l'air de geler un peu il lui fit signe de s'approcher du foyer. Et les flammes rendèrent sa robe encore plus transparente encore. Son visage lisse comme un roulement à bille luisait. Et se yeux, de quelle couleur? prenait toutes les teintes. Et ses cheveux... Comme pour les chatons, on a instantanémen envie de la flatter, de la peinger et de lui donner un bain.
_ Quand je regarde le feu, je suis toujours ambivalente, j'aime le feu et le feu m'aime mais je me souviens toujours qu'on avait l'habitude d'y jeter mes ancêtres.
Il fit semblant de n'avoir rien entendu. Et lui offrit du café.
Je vais aller avec vous dans la cuisine voir comment vous êtes équipé et comment vous vous y prenez. Je suis une femme et je ne peux pas m'en empêcher.
_ Si vous dites que c'est mal épousseté, je vous met dehors. Une amie vient de faire le ménage. Je vais vous donner son numéro, vous vous plaindrez à elle. Je prendrais des photos quand vous vous battrez dans le Jello.
_ Vous avez une belle machine?
_ Un cadeau d'une amie qui n'aimait pas le café que je faisais. Et elle m'a donné des cours privé sur la manière de m'en servir sans tout faire exploser. Alors quand elle arrive, je lui en fait pour lui faire plaisir. Elle aime l'Italie où on fait, selon elle, le meilleur café et où est sait vraiment le servir. Vous verrez si vous êtes patiente. Le café ne me fait pas d'effet mais j'aime le goût. Les 2 ensembles font que je n'en prend jamais seul. Pourquoi se donner tout ce mal pour soi-seul? Pour moi, c'est une boisson de compagnie. Qu'on n'offre pas à n'importe qui. Il y en a qui ont travaillé comme des esclaves pour que vous puissiez en profiter. On ne se lamente donc pas sur le prix. La machine chauffe. Dans un moment, il y aura la pression suffisante.
_ Merci. Il y a même les jolis dessins dessus.
_ Disons que les femmes m'auront tout appris. Et que sans elles, je ne serais qu'un horrible rustre.
_ Nous somme là pour ça, pour civiliser les hommes qui, sinon, seraient... rustre est trop gentil...
_ Vous ne m'avez pas encore expliqué le but de votre visite. Vous avez tout votre temps, je ne reçois pas beaucoup de visite et je dors peu.
Depuis un moment, le chien la surveillait du coin de l'oeil. Attendant mon opinion sur le sujet. Il sait instantanément qui j'aime ou non. Et il sait encore plus vite qui ne m'aime pas. Dans ces cas-là, il trouve toujours le moyen de s'installer entre le déplaisant et moi ce qui lui bloquerait le passage si jamais il faisait un mouvement brusque vers moi. Brave chien.
_ Beau chien, il s'appelle comment?
_ Adolf!
_ Adolf comme.
_ Pourquoi pas?
_ Et il répond si je l'appelle?
_ Il répond si JE l'appelle!
_ On peut discuter dans la cuisine ou aller devant le foyer, j'aime le feu et comme toutes les femmes j'ai toujours froid.
_ Problème hormonaux ou de circulation. Vous allez mourir d'une crise cardiaque.
_ Merci du conseil médical gratuit. On y va.
Ils y vont en amenant leurs tasses. Les déposent. Elle ouvre son sac et en sort un gros paquet de papier qu'elle lui tend.
_ Une recueil de poésie.
_ Je fais de la poésie mais c'est personnel. J'en publie sur internet et en fait imprimer dans le journal universitaire La Guillotine.
_ Charmant!
_ Ce n'est pas moi qui l'ait choisi. Ça a été fait bien avant moi par d'autres étudiants qui sont probablement morts. Et, comme d'autres j'écris. Et je suis dans le comité de rédaction et dans le conseil étudiant.
_ Vous ne devriez pas être en train de grèver?
_ Ils sont bien assez nombreux. Et je ne grève que lorsqu'il fait jour et chaud. Eux aiment se promener la nuit et agacer la police. Je me dis que c'est imprudent.
_ Et vous avez raison. Si vous n'étiez pas tous des fistons de petits bourgeois, il y a longtemps qu'on vous aurait fendu le crâne pour rétablir l'ordre et le commerce.
Il regarde la masse de papier rénuie par de grosses vis de métal.
_ Si c'est de la poésie... j'espère que vous ne vous attendez pas à ce que je lise tout de suite.
_ Non. Je vous l'ai dit, la poésie, c'est personnel, intime.
_ Et pour Internet et des millions de lecteurs dans le monde.
_ Pour le moment, j'en ai 3.
_ C'est le début de la gloire.
_ J'espère que ça ne me montera pas à la tête!
_ Et vous me disiez que les papiers étaient ou n'étaient pas...
_ C'est l'histoire de la maison. Que j'écris depuis que j'ai 10 ans. J'ai écrit des tas de chose, dont des pièces de théâtre sur ma parenté. Sans le leur dire. Je n'ai qu'à copier les dialoques et c'est aussi bien que du Michel Tremblay mélangé à du Inesco. Je ne leur ai jamais dit et vous ne leur direz pas, ça leur ferait de la peine. Mes tantes sont, un peu, disons, parfois, disons, ridicules. Et j'ai fait des tas de pièces de théatre sur elle. Que je n'ai pas finies parce que je me tannais. Mais je me dis que si je veux écrire une pièce entière un jour, j'aurais le matériel. Et pour ce qui est des actrices, je prendrais celles qui ressemblent le plus à mes tantes.
Il n'écoutait pas tellement sauf...
_ L'histoire de la maison.
_ N'ayez pas peur, il y a eu bien des version depuis que mes 10 ans. J'observe, je viens souvent ici et je suis souvent venu. Mais ne suis entré qu'une fois, comme je vous l'ai dit. On me l'a raconté mais je ne m'en souviens pas, j'étais trop jeune. Si vous ne m'avez pas vu c'est parce que je suis petite et discrète. Une vraie souris.
_ L'histoire depuis quand?
_ J'ai des copies de tous les documents notariés. La liste de tous les propriétaires. Jusqu'en 1759. Tout le reste à brûlé lors du grand incendie de Québec. Il ne reste donc rien de ce qui existait avant. Pendant le siège de la ville, les anglais ont bombardé la ville de Lévis, en face, et des bateaux dans le fleuve. La cathédrale a brûlé. Tout à brûlé. Boulet explosif, boulet à feu. On ne s'est pas privé.
J'ai les plans du lot seigneurial. Des cartes. Ça a pas mal rapetissé depuis puisque ça se rendait jusqu'au fleuve. Le propriétaire d'alors a donné une partie du terrain pour construire l'église et le cimetière et la route. Tout était à vous. Heu! À lui!
_ Et pourquoi me le dire à moi? Il y a eu bien des gens ici avant moi.
_ Je les ai observé eux-aussi. Il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas. L'intuition féminine, disons. Je suis une femme et je me fie à mon intuition. Et la maison ne les aimait pas non plus. Il est donc logique qu'il soit arrivé toute sorte d'affaires. J'ai noté tout. Du moins, tout ce que je sais. Pour être franche, je n'ai pas tout vu mais ce qu'on m'a dit et ce que j'ai entendu, je l'ai noté. Et vous verrez que j'ai précisé. Ce que j'ai vu. Ce qui m'a été dit. Mais il n'y a pas les noms. Elles ne le savent pas. Ce que j'ai entendu. Et il n'y a pas les noms non plus.
_ Et tout ça a donné.
_ 1000 pages 81/2 X 11. Il faudrait que vous m'achetiez un autre rouleau de poudre pour mon imprimante Laser. Vous avez de la chance, si ç'avait été ma vieille imprimante à jet d'encre, ça vous aurait coûté une fortune.
_ Et vous avez fait ça tout en suivant vos études?
_ Je vous l'ai dit: depuis que j'ai 10 ans. Avec de poésie, du théâtre. Je suis assez occupée.
_ Vous n'avez pas aimé la gueule des précédents proprio...
_ Pas tous, celui qui était là quand on m'a amené ici était paraît-il bien mais je vous l'ai dit, je ne me souviens pas. Ça s'est gâté par la suite.
- Qu'est-ce qui vous a fait vous décider de venir ici, me voir? Vous auriez pu continuer à m'observer et à noter mes faits et gestes comme pour les oiseaux. En attendant que je parte. Comme tous les autres.
_ En attendant que vous mouriez, comme certains autres. Ici, c'est un endroit un peu particulier. J'avais un peu de crainte en venant ici, d'abord que vous ne soyez pas là, mais il y avait de la lumière. Ensuite que vous vous moquiez de moi, j'oubliais, que vous vous empariez de moi et abusiez de mon corps, vous êtes content?
_ Oui, c'aurait été incomplet sans ça et j'auais été un peu déçu. Nous les hommes avant notre réputation à tenir.
_ Et j'avais aussi peur que vous vous moquiez de moi. J'ai une apparence assez jeune, je sais. Je ne fais pas sérieux. On me dit que j'ai l'air d'un bébé. J'aimerais être plus vieille, avoir l'air plus vieille, plus sérieuses. Et avoir de véritables seins... je vous l'ai dit.
_ Je ne vous ai pas demandé votre âge parce que je suis poli et que ce gerne de chose ne se demande pas à une femme.
_ J'aime que vous parliez de moi comme une femme et non une fillette ou une ado. J'ai 20 ans. Et toutes mes dents.
Qu'elles avaient blanches et magnifiques.
_ Tout la vie devant vous, comme on dit.
_ Encore un de vos proverbes.
_ Je ne peux pas m'en empêcher. Et, tantôt, je vous raconterai pour la vingtième fois mon dernier voyage de pêche. C'est comme ça les vieux et c'est pour ça qu'il existe des centres spécialisés où on les range quand ils devienent trop ennuyants.
_ Pas la vie. On meurt très jeune dans la famille. Il nous arrive toujours quelque chose. Mais je suis prudente. Oh! Ce qui m'a décidé à changer d'avis et à cesser de vous oberver - je ne dis pas que je cesserai définitivement de vous observer- c'est votre réaction lorsque le maire à parlé de vous.
_ Quand?
_ Lors de l'inauguration de la .... heu! chose.
_ Je ne pense pas que j'ai eu une réaction particulière...
_ Il voulait cette maison mais était trop pissou pour oser l'acheter même si était en vente depuis des années. Depuis le lendemain de l'arrivée des précedents proprio. Alors, il était vert de rage qu'une aussi bonne affaire lui soit passé sur le nez. Par sa faute. Et il s'est mis à vous engueuler. Avec les juifs. Tout y a passé. Vous aviez un pot de confiture à la main, un don d'une de mes tantes, et vous avez pensé le lui envoyer mais vous vous êtes retenu parce que vous êtes civilisé.
Elle lisait encore dans ses pensées. Quoique le passage sur les civilisés et la civilisation était un peu imprécis. Elle avait encor du temps à apprendre.
_ Vous savez donc qu'il est arrivé quelque chose au maire. Ce qui est triste.
_ Ce que j'aime chez vous, c'est que vous me dites ce que vous pensez. Vous n'essayez pas de me mentir comme tout le monde. Vous n'allez pas commencer. Sinon, je repars avec mon manuscrit.
_ Bon débarras.
_ Voilà. Vous êtes sincère. Il n'y a que ses chiens qui le regrettent. Et tous ceux qui lui mangeaient dans la main et qui devront se trouver une nouvelle mangeoire.
_ Paraît qu'il s'est... heu! suicidé?
_ Vous savez bien que non. Un homme comme ça ne se suicide pas. C'est un animal à sang froid. On l'écrase, le tue ou c'est le cancer.
_ Vous avez bien mauvais caractère pour une si petite femme.
_ Je ne suis pas petite. Je fais la moyenne des femmes. Hauteur. Grosseur. Quant aux seins...
_ Vous avez de jolis seins. Pas gros gros. Mais comme toutes les femmes vous en avez. Sinon, vous ne seriez pas une femme. Et ils s'accordent avec votre personnalité ou quelque chose du genre.
_ C'est gentil. Et je vous dit un secret qui n'est pas dans le livre: je sais qui l'a tué.
_ Vous allez le dire à la police.
_ Vous n'avez pas remarqué que les choses d'ici se règlent ici. On n'aime pas que les étrangers se mêlent de nos histoires.
_ Puisque vous savez tout, vous savez aussi pour le squelette dans la cheminée.
_ J'étais là quand vous et le briqueteur l'avez découvert. Et quand la police est intervenu. C'était comique. Mieux qu'à la tv.
_ Moi, je n'ai pas trouvé le SWAT très comique.
_ Normal, vous n'étiez pas dans ma position. Assise dans le buisson, mangeant des chips. Vous étiez par terre sa botte sur la tête. La perpective change.
Il la regarde un long moment, risqua une autre question au sujet du squelette.
_ Si, je sais qui c'est. Ce sont mes tantes qui me l'on dit.
_ Et c'est probablement écrit dans votre livre?
_ Non. Il y a des choses que je n'écris pas quand il y a des risques pour certaines personnes qui me sont proches. Quand on écrit, c'est public, et il faut être capable de défendre ce qu'on a dit ou écrit. Mais comme les choses se sont remises en mouvement, j'imagine que vous le saurez bientôt. Si vous lisez mon livre, vous verrez que j'utilise certains mots et que j'évite d'autres qui pourraient tout aussi bien avoir été à leur place. Encore une fois, si ce livre est lu par des étrangers - je ne voudrais pas que ça arrive, on se comprend...
Elle le regarde dans ses immenses yeux blancs
_ Je comprend et j'avais compris.
_ Mais si, supposons que ça arrive, en restant neutre et détaché, comme indifférent, on ne peut pas vous accuser de...
_ Il y a eu des tas de gens tués pour des mots ou des livres. Il faut être prudent.
_ On s'est compris. Votre café était très bon, j'en prendrais bien une autre tasse mais je ne dormirais pas. Il faut que je rentre sinon on va s'inquiéter. Non. On ne s'inquiétera pas, on sait qu'il ne m'arrivera rien et ne peut rien m'arriver mais il est tard. Et si on me voit sortir chez vous à cette heure ou encore plus tard, on va jaser. Il n'y a pas que moi qui vous observe. Lors de mes obsertation dans les buissons, j'ai parfois vus d'autres guetteurs. Et certains ne vous aiment pas. Et, au village, on vous observe aussi. Des gens qui vous aiment ou ne vous aiment pas mais la plupart n'ont pas d'opinion particulière.
_ Allez-y, la réputation d'une jeune fille dans un petit village
_ Comme vous êtes compréhensifs pour les adolescentes, on devrait vous mettre en prison.
_ J'amènerai votre livre dans le quartier des pédophiles
Elle lui dit au revoir et partit avec un de ses chandails car il faisait encore plus froid que tantôt. Et noir aussi. ll la vit aller vers l'auto invisible, entendit la portière se refermer, vu la lueur brève des phares, un grondement encore plus bref du moteur puis rien. Le noir. Et il la vit répparaître un moment plus tard. Inévitable. Une vieille auto, l'humidité, le froid.
_ L'auto part pas!
_ Je vais appeler un taxi.
_ L'unique taxi du village dort soul mort. Il y a celui du village voisin mais ça va vous coûter un bras.
_ Bon. Bon. Je vais vous reconduire. Été comme hiver, une auto électrique part. Toute l'auto est en quelque sorte une batterie. Le moteur électrique part comme pour une tondeuse à gazon. Et, au besion, le moteur thermique ne peut pas faire autrement. Sauf si on crève ses pneus comme ça m'est arrivé le lendemain de mon arrivée.
_ Je peux checher qui c'est.
_ Je sais qui c'est. On s'est expliqué.
_ Pas eu de mort?
_ Je ne tue que les gens qui sont.... Je ne tue personne. Rewind. Effacez la bande!
_ Je n'ai rien entendu. Nous les femmes n'avons rien dans la tête. Ding! Ding! On nous dit quelque chose et ça sort aussitôt. Tout ce qu'on pense c'est à magasiner.
_ Il me reste à vous offrir l'hospitalité. Vous dormirez sur le fauteuil avec le chien. Demain, le soleil réchauffera votre batterie et votre moteur. Avez -vous un chauffe-moteur, je pourrais le brancher toute la nuit.
Elle fit signe que non et disant que les femmes et les mécaniques mais que ce n'était pas de leur faute. Dieu l'avait voulu ainsi pour qu'elles puissent se concentrer sur leur rôle d'épouse et de mère.
_ Je n'osais pas vous le demander tout à l'heure mais puisque je suis condamné à rester ici votre prisonnière à votre merci jusqu'à demain, on peut visiter la maison. J'en ai toujours eu envie.
Ils visitèrent.
_ C'est encore plus grand que je pensais.
_ C'est comme moi, je n'avais jamais pensé que c'était aussi grand. Et j'ai l'impression que ça grandit encore. Ou c'est moi qui rapetisse.
_ Ce serait vraiment dommage.
_ Vous prenez du vin avant de dormir? Je n'aime pas le vin, je prendrais une bière. Mais j'ai du vin parce que la plupart des gens préfèrent le vin. Du blanc, pour les femmes.
_ Vous voulez me saouler pour abuser de moi. Vous avez du rouge?
_ Je ne collectionne pas. Je n'ai qu'une sorte mais ça fait le travail. Il est assez bon à ce qu'on m'a dit.
_ Je ne voudrais pas abîmer ma robe en dormant avec, avez-vous quelque chose pour la nuit?
_ Rien qu'à piger dans les affaires de mes amies. Les armoires et les tiroirs de la chambre. Il n'y en a qu'une, j'ai fait démolir toutes les autres.
_ Elles ne vont pas se fâcher. Moi, à leur place, je me fâcherai si ma soeur fouillait dans mes tiroirs.
_ La plupart ont bon caractère. Et si l'une se fâche, on ira faire les boutiques et ça la défâchera.
_ Mais si...
_ Je n'aime pas les femmes caractérielles.
Et il lui raconta l'anecdote célèbre du cinéaste John Ford lors de sa seconde journée de mariage avec sa nouvelle épouse.
_ Merci de m'informer.
_ C'est gratis.
_ Et j'aurais besoin de truc de femmes, vous savez je suis une femme.
_ Vous n'allez pas mettre du sang partout sur les coussins?
_ Nous les femmes on est comme ça, on déborde de partout. Moi, pas vraiment pour la poitrine mais je garde espoir.
_ Allez faire un tour dans la pharmacie, elles auront peut-être laissé quelque chose. Sinon, il y la cave où on vient d'aller. J'achète tout en gros, à la caisse, je déteste magaziner. C'est écrit sur les caisses. Protège-dessous, tampons, serviette sanitaire, lingette humide, kleenex, papier de toilette. Les sortes que mes amies préfèrent. C'est un peu encombrant car elles n'ont pas toutes les mêmes goûts. Mais il y a de la place en bas. Et comme ce ne sont pas des légumes, ça dure et ne s'abîme pas.
_ On croirait entendre la liste du matériel d'une salle d'opération.
_ Une homme est un être simple. Dès qu'il consent à avoir une femme dans sa vie, sa vie se complique aussitôt et, comme si ce n'était pas assez, il a besoin de plus de tiroirs et d'armoires. Et ensuite, quand on commence à les remlir. Une femme est un être très coûteux.
_ Je peux utiliser la salle de bain?
_ Je vais mettre un journal par terre, vous n'aurez qu'à vous accroupir et pisser dessus. Bien sûr. Il y a la grande avec baignoire et douche. Et la petite avec l'essentiel.
_ Vous n'avez rien contre le fait que je m'installe dans la grande?
Le mot «installer» était précis. Elle y resta une éternité. Mais sentait sacrément bon en sortant.
_ J'y pense. Vous ne seriez pas assez cruel pour me faire coucher sur le divan?
_ Je couche bien là. Il y en a 2. Je garde le grand. D'habitude mon chien prend le petit quand le foyer ne bûle pas mais là il va rester toute la nuit à regarder le feu.
_ Je suis la princesse au petit pois, un rien me blesse. J'ai vu la grande chambre en haut avec le grand lit. Pour vos amies. Je vous assure que je ne mettai pas du sang partout dedans.
Il soupira.
_ Je le savais que vous me compliqueriez la vie.
_ En passant, je dors nue. Et je n'ai pas mes règles en ce moment. Je sais vivre. Quand on va chez les gens, on s'arrange pour ne pas saigner partout et avoir bon caractère. Faire comme si on n'était pas là.
_ Faites comme si vous n'étiez pas là et aller dormir. Moi, je vais commencer votre livre. Je dors mal et peu. Et j'ai tout le temps de lire.
_ Les draps du lit et le tissus des oreillers, c'est quoi?
_ Coton égyptien. Ou lin. Je sais pas. Et duvet d'oie. Ce n'est pas mon idée.
_ J'en suis certaine.
_ Bonne nuit.
_ En passant, quand je suis contente, je me promène toute nue dans les maisons. Dès que je suis chez-moi ou me sens en sécurité, je me désahbille. C'est plus fort que moi. Je me sens alors plus lègere. J'ai l'impression que les vêtements sont des entraves, brime ma liberté. Ma mère a brûlé son soutien-gorge dans le temps. Elle se promenait dans la ville avec une pancarte.
_ Et c'est ne me disant ça que vous pensez que je vais dormir paisiblement.
_ J'ai vu dans votre bibliothèque que vous aviez une collection reliée de Penthouse année 70, la meilleur dit-on. Je suis bibliophile. Bonne lecture.
_ Vous êtes charmante. Plus on vous connaît, plus on a envie de vous étrangler. Vous l'a t-on déjà dit?
_ Plusieurs fois. Je fais cet effet souvent.
_ Bonne nuit. Il y a un verrou sur la porte de la chambre.
Et ce fut une bonne nuit pour tous les 2. Elle dormit paisiblement sans faire de bruit. La porte de la chambre entrouverte. Il se mit un vieux long jeu sur le tourne-disque et commença sa lecture éducative et découvrit des choses passionnantes. Et qu'elle était vraiment mais vraiment brillante. Et se demanda ce que le chum de sa jeune invitée - jolie comme elle était, elle en avait sûrement un ou plusieurs- pensait de cotoyer Einstein. Il y a plein d'ados qui perdraient leurs poils pour moins que ça.
Mais, polie et bien élevée comme elle était, elle devait faire des efforts pour se mettre à son niveau.
*
3 mai 2012. État 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
__________________________________________________________________________________________________
Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
___________________________________________________________________________________________________