HISTOIRES DE FANTÔMES

__________________________________________________________________________________________________

HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

___________________________________________________________________________________________________

21.5.12

91. L'UNIVERS EST COMPLEXE ET IL S'AGIT DE LA MANIPULER AVEC SOIN TOUT EN RESTANT PRUDENT ET IL VAUDRAIT PEUT-ÊTRE MIEUX PRENDRE SES DISTANCES ET L'OBSERVER DE LOIN

Henry Dickson

Entendit du bruit plus loin. Devant lui. Là où il allait. Comme pour faire exprès.

Des cris. Des cris de femmes plus perçants. Des explosions. des lumières. Des bruits mécaniques. Des sons destinés à déchirer les tympans.

Un carnaval?

Des bruits de bottes. Pas qu'un peu.

Une invasion?

D'autres cris de femmes.

S'il y a des clowns masqués, ils ne sont pas du genre gentil et ne distribuent pas des bonbons mais des claques sur la gueule et des coups de bâton.

Il savait ce qui se passait et n'avait pas besoin d'aller plus loin pour vérifier. Et toutes ces lumières, ces sons et ces hurlements qui se répercutaient en échos et reflets sur les murailles des immeubles étaient des avertissements destinés à prévenir toute personne disposant encore d'un cerveau actif et fonctionnels, de ne pas aller plus loin.

Si vous allez plus loin, vous n'aimerez pas ce que vous verrez. Et encore moins ce qu'on pourrait vous faire.

Entendait le bruit répété et africain des matraques tapant régulièrement sur les boucliers pendant qu'ils avançaient. La même chose que lors des combats anciens, le bruit des sabres de bronze sur les boucliers de fer destiné à impressionner l'ennemi, pour dire qu'il n'y aura pas de quartier. Mais en ce temps, l'ennemi était armé.

Mais, en ces temps anciens, attaquer des gens désarmés était aussi plaisant.

Et, après avoir tué autant que possible, il y avait ces maisons à piller et brûler, ces femmes à violer.

Le loisir, la récréation et le bonbon des guerriers, depuis toujours. On aurait dit qu'on ne les avait créé que juste pour ça.

Aujourd'hui, on se retient un peu.

Mais pas tant que ça.

On venait de lâcher les chiens.

Rien de nouveau, on les lâchait toutes les nuits depuis des mois.

Et, depuis des mois, ils faisaient ce que font le mieux les chiens, ils mordaient.

Étant un homme de goût et estimant que la vue du sang sur son crâne chevelu fendu modifierait son charmant visage de philosophe vieillissant (les meilleurs) et déparerait sa tenue et inquièterait madame le tenancière de bordel vers où il se dirigeait.

Une femme de goût, elle aussi, et ses jeunes pensionnères, adolescentes de bon goût qui prodiguaient des soins savants, asiatiques ou norvégiens, selon l'inspiration du moment ou du client.

Il était un peu tendu et avait besoin de se détendre. Il faut bien que le corps exulte avait dit Jacque Brel dans sa chansons Les Vieux Amants. Un de ses poètes préférés.

Et cela n'est jamais gratuit. Que l'on vive seul, en couple ou, pire, marié.

Il n'avait pas envie de faire l'amour, ayant suffisamment de charmantes amies ne demandant qu'à partager son lit et sa maison (c'était de les faire partir qui était le plus difficile pas de les faire venir - dans tous les sens du terme.) Par contre, c'étaient des femmes d'expérience (et de bon goût puisqu'elles l'avaient choisi) mais sans leur enlever la moindre de leurs innombrables qualités, il aimait bien, de temps en temps, le contact avec la jeunesse. Dans tous les sens du terme.

Et pour ce qui est de l'art de la fellation, l'enthousiasme ne remplacera jamais l'expérience et l'art qui ne se perfectionne qu'avec le temps. Il préférait donc s'abandonner entre les mains et les bouches savantes de ses amies dévouées plutôt que de risquer les dents blanches et acérées de novices sans doute pleine de bonne volonté mais si imprudentes et maladroites.

Donc, seulement les mains ou les pieds. Il n'aimait pas se faire marcher sur les pieds, sur la tête ou le dos, lorsque c'étaient des figure de style; mais qu'une adolescente légère comme un origami en papier de soie, le masse avec ses pieds nus aux ongles colorés ne lui déplaisait nullement.

Et les nouvelles pensionnères du collège privé de Madame était tout ce qu'il y a de plus frais. 16 ans ou plus. Avant, c'était illégal. Ou compliqué. Et le corps parfait d'une adolescente ou jeune femme de 16, 17, 18, etc. rendrait poète et artiste toute personne dotée d'un coeur le moindrement sensible.

Et lorsqu'elles étaient nues pour son massage (il pouvait en choisir le nombre), il avait le loisir de les admirer comme il voulait. Autant de temps que nécessaire. De s'arrêter sur un détail historique, un paysage exotique comme si le temps n'existait plus.

Même confortablement couché.

Sans que la possesseuse d'un si joli corps se méprenne sur ses intentions et ne grogne. Ses intentions étaient claires, il voulait la regarder et se perdre dans sa beauté. Et elle n'avait qu'à observer les réactions tout à fait naturelle de son corps pour n'avoir besoin d'aucune explication supplémentaire.

Les jolies femmes habillées et trop vêtues comprennent mal la nécessité de la poésie. Et elles sont si contradictoires et si compliquées. Si elles se déshabillent savamment pour une sortie en ville, elles se choquent si quelqu'un les regarde comme si elles n'avaient pas pris tous ces soins dans ce seul but. Un décolleté est fait pour être regardé. Des jeans serrés (extensibles) de façon à faire gonfler les fesses et arrondir les cuisses sont destinés à être observé.

Et on aura une pensée pour la comptabilité. Voilà de l'$ bien investi.

L'une d'entre elles, particulièrement imaginative, avait inventé la technique révolutionnaire ou avant-gardiste (ou retrouvé une thecnique ancienne d'une époque plus romantique) de le masser de tout son corps, en montant à cheval sur lui. Nue. Se servant de ses seins et de sa poitrine et de son ventre tout en se retenant avec ses mains de chaque côté de lui. Lorsqu'elle se frottait à lui, corps contre corps, chair contre chair, peau contre peau, échangeant leurs sueurs et l'huile, tout ceci était particulièrement émouvant. Une assisante le savonnait dans la douche avant et prenait son bain avec lui après.

Après tant de charmantes attentions, il serait convenable de mourir.

Et il aurait chanté une chanson s'il avait pu. Mais il faussait. Sa carrière de chanteur ayant été irrémédiablement compromise lors de la mue de sa voix à l'adolescence. Il se contentait donc de murmurer.

Ou pensait à la patrie. Ou à la  reine.

Des gens de biens, fédéralistes, viennent aussi ici.

Si elle n'était pas là - ce talent spécial la faisant demander par des esthètes exigeants- le massage était manuel, se terminant en apothéose par une longue et savante masturbation de longs et fins doigts si savants qu'on les aurait dit dotés chacun d'une vie et d'une âme personnelle.

Madame avait raison d'être fière de ses apprenties, généralement lesbiennes (qu'elle choisissait et entraînait avec art et science - dont un certain nombre était ses petites maîtresses) et les esprits évolués et sans préjugés appréciateurs affluaient de partout.

Ceci n'aurait pas été possible sans une protection vigilente venant du très haut. Et sa clientèle était constitué de personnes hauts placés: haut clergé, ministre, juge, affaireux, vedettes du cinéma, de la tv ou de la chanson. On accueillait aussi bien les femmes que les hommes. Et certaines se consacraient uniquement aux désirs inassouvies de celles-ci.

Tout ceci coûtait cher et l'$ est fait pour être dépensé.

Il préféra bifurquer vers une ruelle plus sombre. Le chemin serait plus long mais plus sûr. Il y avait du massacre dans l'air. Si on avait lâché les chiens c'était pour qu'ils fassent leur job de chiens sales.

Le sang coulerait ce soir.

*

21. 22 mai 2012. État 2