Henry Dickson
Avait déposé le manuscrit sur une des étagères vides de la bibliothèque, à côté des albums de Jhen qu'avaient feuilletée sa jeune invitée. Elle avait aussi ausculté les tiroirs à photos, déplacé les croix de cercueils et les chapelets et n'ayant pu finir son inspection avait laissé le champs de fouille en l'état. Un fouillis. Elle avait probablement envie de récidiver lors de la prochaine visite, raison pour laquelle elle insista tant, mouvement de cils et moue boudeuse (et incomprise) incluses pour revenir.
Après tout, si elle pense trouver des choses intéressantes, pourquoi pas? Elle les incluera dans son unique livre dont il est l'unique lecteur privilégié.
En refermant le dernier tiroir, une photo sortie d'un album (lequel?) s'envola et atterrit sur le plancher. On l'avait peut-être observée longuement.
Sur la photo un bébé aux yeux noirs. Tellement noirs qu'on ne distinguait presque plus le blanc des yeux mangé par la pupille noire. Si grands qu'on aurait dit un manga japonais. Le fait que ce soit une photo noir et blanc renforçait encore plus cette impression. Mais même si la photo avait été en couleurs, une telle intensité de noir aurait attiré l'attention. Quelle couleur de la nature des yeux donnait tout ce noir une fois éliminées toutes les lumières sauf le blanc, le gris et le noir?
Oui, quelle aurait été la vraie couleur de sa pupille alors?
Était-ce concevable d'avoir parfois des yeux véritablement noirs comme les albinos et les lapins ont des yeux rouges?
Et ce qui aurait simplifié l'affaire aurait été que les bébés à la peau noire aient des yeux noirs. Et encore plus noirs dans une photo en noir et blanc. C'était évidamment trop simple.
Et la peau blanche du bébé très pâle accentueait le contexte.
Derrière la photo, pas de nom, comme pour la plupart des autres.
Ce bébé avait sans doute été important (au moins pour sa mère) (même si comme les chevaux, beaucoup de mères n'ont aucun intérêt pour ce qui vient de sortir de leur ventre (la chose gluante et douleureuse résultante de l'invasion de ce même ventre par un homme brutal et silencieux jusqu'à ce qu'il grogne et râle et qui sent mauvais) et réclame toute leur attention. Manque d'hormone. Ou pas les bonnes. Ou le mélange ne se fait pas ou mal dans leur tête.
Les éleveurs de chevaux connaissent ce problème. Mais chez les humains, même les médecins n'osent pas le nommer. Ou lui donne un nom compliqué. Ou plusieurs ce qui indique qu'on n'est pas encore dans la science. Ou qu'on a cessé d'y être.
Un autre sujet tabou. Et, s'il arrive qu'elle devienne folle à la suite de son accouchement - phénomène courant et de gravité diverse (les femmes folles sont innombrables mais les raisons varient) - ce sera une raison de plus de noyer leurs bébés ou de le brûler à mort avec le fer électrique à repasser.
Au procès, on leur expliquera leur conduite dont elles ne se souviendront plus. Ce qui leur permettra d'inonder de larmes les chaises de bois sec et usées du tribunal. Et on expliquera en même temps au juge et aux membres du jury sa conduite incompréhensible. Ou sa maladie.
On lui donnera alors un nom scientifique avec des consonnes compliquées ce qui lui permettra, ici, de bénéficier de la clémence du tribunal. Sauf aux USA, où on les jettera en prison pour l'éternité.
De quand datait la photo?
De l'époque où le noir et blanc était normal et la couleur chère et rare? Ou de l'époque récente où avec la simplicité d'utilisation des appareils électroniques, c'est un choix philosophique et religieux comme de marcher à Compostelle. Ou artistique. Ou une volonté de préserver l'alchimie ancienne de la photographie et de partager les misères des pionniers de l'art. Les cristaux d'argent et la lumière. Ouuu!
Pellicule de plastique dont il reste de moins de moins de fabricants. Rouleau de films noir et blanc. 24 ou 36 poses. Ou rouleau de 100 pieds à découper. Papier photo noir et blanc dont il reste un fabricant dans le monde. Il existe même quelques labos professionnels qui accepteront de les développer pour vous. Ou si vous tenez à gravir à genoux les escaliers de Sainte Anne de Beaupré pour bénéficier de toutes les indulgences disponibles afin de racheter vos fautes passées (la destruction de World Trade Center?) il vous faudra trouver un agrandisseur, des bacs et des cuves à pellicule et papier photo, acides, thermomètre, minuterie, pinces à linge. Et une chapelle isolée et noire éclairée d'une lampe rouge.
Il avait déjà fait de la photo et, comme bien d'autres, bénit les inventeurs des appareils qui n'ont pas besoin que vous pensiez. Temps de pose, ouverture et diaphragme, sensibilité de la pellicule (on l'a dit, il n'y en a plus). Mise au point automatique, stabilisateur d'image. Il avait soldé ses vieux Nikon et Leica. Et avait acheté un Nikon D3 x neuf, 24.5 mégapixels dont il ne se servait pas.
S'il lui arrivait de prendre une photo, son i Phone suffisait. Avec GPS incorporé (option) qui vous donne la localisation de la photo (du sujet de la photo) en plus du jour et de l'heure. Et de l'année.
Sa sonnerie peut ressembler à celle d'un vieux téléphone mural (option) comme celui de la maison qui ne le dépaysera pas.
Et servir de réveil matin. Mais il préférait sa montre.
Son téléphone ultramoderne ne lui servait rien ici puisque les ondes ne voyagent pas, ne se rendent pas ou ne sortent pas ou son mangées par les lutins mangeurs d'onde sous terre.
Mais ce serait pratique en cas de panne sur l'autoroute et, en ville, il n'aurait pas besoin de courir des pièces ou des cartes d'appels pour les cabines téléphoniques et téléphone gobe-sous ou dollar rond (l'inflation avait sévi là-aussi) de plus en plus rares. Théorisation d'une besoin imaginaire et inexistant? Car il ne s'en était jamais servi jusqu'à présent. N'ayant jamais eu de panne. Et, en ville, n'ayant personne à appeler.
Il était sans doute l'un de ces consommateurs influencables à l'image de la pauvre loche incapable de résister à un sac Vuitton de 3000$ fait en Chine à côté de l'usine où des esclaves font sa copie ou des souliers à talons hauts qui à la longue lui esquinteront les orteils et les chevilles. Et les genoux. Les hanches et le dos. Victimes du progrès.
Ou il était un de ces hommes de goût qui n'aime que le meilleur comme la montre Breitling Navigator qu'il avait au poignet. Et qui sert de réveil matin. Seul l'avenir le dira.
Homme de goût et d'inspiration élevé, il appréciait tout autant son pistolet S.I.G Sauer de la Schwezerische Industrie Gesellschafts et Sauer und Söhne. La machine à tuer finale, intégrant les derniers développements technologiques des recherches armurières. Une superbe arme de combat optimisée à laquelle on peut confier sa vie. Et celle de celui ou ceux qui se trouvent en face du canon. Tir rapide, précis, efficace. Méthodique. Mortel à 1000 pas.
Si certains aiment astiquer les voitures, lui, c'était les pistolets. Ou les femmes aveugles.
Il regarda encore un instant la photo du bébé et comme il n'en pensait rien de plus, il la remit sur la pile où elle était pour le retour de la jeune femme qui lui apprendrait peut-être quelque chose d'utile à savoir sur elle. Sur le sujet de la photo ou sur elle-même puisque vos goûts vous décrivent mieux que des explications.
Pendant ce temps
Pendant ce temps, le bébé de la photo ou sa fille ou petite fille se promenait en ville.
Loin.
Tard le soir.
Si tard que ce n'est plus l'heure des petites filles qui devraient être couchées depuis longtemps avec un nounours.
Il faisait noir.
Même si dans le quartier où elle se trouvait il y avait beaucoup de lumière. Beaucoup. Mais qui n'éclairaient pas tellement. Leur but n'était pas d'éclairer mais de signaler. Ce qui est différent.
Un signal ou un drapeau lumineux scintillant, intermittant, pointillant l'air pour indiquer aux voyageurs encore sur la route ou tout près ou sur le point d'arriver que là était leur oasis.
Un quartier qui n'était pas pour les petites filles mais les grandes au service de l'humanité souffrante.
Mais personne ne lui disait rien, sous prétexte de préserver son innocence. Donc elle devait tout s'apprendre elle-même, toute seule.
Car elle aimait observer, voir, apprendre.
Personne ne faisait attention à elle. Elle pouvait donc aller où elle voulait. Même si l'entrée de certains établissements lui étaient interdits. On y vendait de l'alcool ou autre chose de plus ennivrant. Alors, elle se contentait de regarder les visiteurs et clients habituels des lieux. Ceux qui entraient et comment ils étaient à la sortie.
Et les étudiait. Et apprenait.
Elle aimait regarder. Tentait de deviner ce qu'ils pensaient. Parfois, l'inquiétude avant et le soulagement après. Émotions coûteuses.
Si on la regardait, et on la regardait à peine, tant elle était discrète. Si on l'avait regardé, on ne l'aurait pas vu ou à peine. C'est tout juste si on la voyait. Et si, par hasard, on l'avait vu, on l'aurait aussitôt oublié. Et si on avait pensé quelque chose - dans ces quartiers on ne pensait pas beaucoup. Si on avait davantage pensé, personne ne serait ici - on aurait pensé brièvement que c'était le résultat de la ponte d'une des professionnelles du coin qui n'avaient pas pu se retenir d'enfanter (atavisme) et qui, pour le moment cherchait sa mère. Et qui, un jour, remplacerait sa mère sur le bord de la rue ou dans un des bars à danseuses, isoloirs pour la méditation et l'observation médicale ou bars à gaffes du coin.
Dans tout ce noir, ses grands yeux noirs se voyaient mal. C'est une des raisons qui la faisaient préférer la nuit et l'ombre. Elle avait très vite remarqué comme ses grands yeux noirs - qu'elle trouvait très beau- mettait mal à l'aise les gens.
Une des personnes inquiètes lui avaient dit qu'avec tous ses yeux - on avait l'impression qu'elle en avait beaucoup trop - ils se sentaient envahis, pénétrés, devinés. Pour certains, c'était insupportable. Et, heureusement, qu'elle était une fillette. Une telle attitude de la part d'un adulte aurait pu aller jusqu'à la violence. Les gens sont prêts à aller loin pour préserver leur intimité.
Alors, par prudence, elle avait commencé à préférer la nuit. Lorsque ses yeux se voyaient mal. Et, en ce qui la concernait, ses yeux lui permettait de très bien voir, ce qui lui suffisait.
Et, heureusement, que personne dans la nuit ne l'observait autant que d'autres le faisaient en journée. Ce n'étaient pas les mêmes gens, les gens du jour dorment la nuit tandis que ceux de la nuit, à l'inverse, se réveillent. Car on aurait pu comparer ses yeux à ceux d'un chat. Qui sont une fente lorsqu'il y a de la lumière. Et des ronds violents et larges et fluorescents lorsqu'il fait nuit. On aurait pu utiliser le mot «inquiétant».
Oui, elle avait presque tout des yeux du chat. Voyait très bien dans le noir. Mais, heureusement ses yeux n'étaient pas fendus le jour; on se serait inquiété pour elle, on se serait inquiété d'elle d'avantage. Ce qui aurait pu être dangereux. Les gens craintifs et inquiets pouvant devenir extrêmement mauvais.
Dans la ville ou la partie de la ville où elle jouait - pour elle, observer les gens étaient un jeu. C'était jouer. Ce n'était pas méchant. - si elle avait eu quelques années de plus ou été physiquement plus précoce - les hormones modernes donnent aux fillettes des formes prématurées censées ne se manifester que plus tard alors que l'esprit de la fillette et des observateurs n'est pas encore prêt à le supporter.Pourtant, les amateurs de talents prometteurs étaient nombreux. Ces jeunes talents étaient recherchés et même poursuivis. Mais elle n'avait toujours que le physique standar des petites filles qui n'attirent qu'une clientèle limitée mais sachant apprécier.
Dans ce monde où ce qui compte est l'$, le pouvoir, le sexe et ceux qui possèdent ces vertus morales et éthiques; il faut tenir compte des goûts des maîtres. Et ceux qui comptent aiment les fruits frais. Neufs. Intacts. Comme si la future récolte les attendait pour y poser la patte.
Comme ils ont posé la patte ou le pieds sur toutes les plus vieilles qui ne présentent plus aucun intérêt. Elles ont été utilisées. Ont fait leur temps.
Oui, plus elle était jeune, plus elle avait de la valeur.
Mais, encore une fois, les mots «trop jeunes» étant imprécis, la clientèle fidèle, attentive et dangereuse. Il restait donc une zone floue entre jeune, trop jeune, moins jeune. Et chacune avait son prix de base.
On pensait aussi ou on aurait pu penser également que même si sa mère était une pute, elle n'aurait pas dû laisser sa fille toute seule dans l'appartement pendant qu'elle travaillait.
Parce que sa fille était maintenant trop vieille (relativement) (très) pour attendre toute la journée avec ses poupées dans une pièce vide.
Elle avait découvert où était la clé. Ce qui était inévitable.
Et elle profitait de l'absence de sa mère pour s'amuser dehors et fouiner. Sans penser aux conséquences. Qu'elle ne connaissait pas. Et dont personne ne lui avait parlé parce que tout le monde la pensait en sécurité toute seule dans la pièce vide, les portes barrées.
Les rares qui se souciaient d'elles la regardait d'un air désolé:
Et si elle continuait, il lui arriverait malheur.
Les Grands Méchants Loups mangent depuis toujours les Petits Chaperons Rouges. On a créé les Petits Chaperons Rouges pour ça. Grands Méchants Loups et Petits Chaperons Rouges sont indispensables l'un à l'autre dans cet écosytème de la boucherie et de l'abattoir.
Et, ici, c'était le domaine et le repère (et le lieu de détente, de loisir, de repos) de la meute des Grands Méchants Loups.
Et il en venait de partout.
Il était donc extrêmement dangereux de se promener avec un petit panier de beurre et de confiture.
On désapprouverait donc la conduite de sa mère peu importe qui elle était. Si on en pensait quelque chose. Ou si la vie d'un autre que soi avait la moindre importance là où tout ce qui compte est sa propre survie. Et, ensuite, son expansion sidérale.
Il y avait beaucoup de moralité dans ce quartier. Les amis de la morale venait de partout pour se libérer des tensions que la retenue et le savoir vivre indispensables à la civilisation provoquaient dans leur 22 pieds d'instestin.
Puis, on n'y pensait plus.
Chacun avait tant de choses à percevoir et si peu de temps pour le faire.
Les clients de la ville (ailleurs) ou de la banlieue (loin) (partout autour de la ville et des ponts) avaient peu de temps pour venir faire ce qu'ils devaient faire et retourner à leur domicile comme si de rien n'était. Pour une autre semaine d'étau e de serres et de morale.
Explication: Retard normal. Circulation bloquée sur la route. Les ponts. Un accident. J'auris dû téléphoner mais mon téléphone... les batteries mortes. Un client difficile. Un nouveau contrat à étudier. La présentation Power Point qui n'avait pas été aussi bien que prévu. Tout le monde était franco mais à cause du second vice-président anglo, il avait dû la faire en anglo. Et tout le monde avait posé des questions en anglo. Frustrant.
Donc, tous ceux qui étaient frustrés venaient ici. Comme on va à l'hôpital ou à l'urgence. Ils avaient besoin d'être guéri. Soigné. Compris. Pris en main. Accueilli.
Besoin illimité, ressource limitée: le fondement du capitalisme bien compris.
Médecine privée et coûteuse.
Et le nouveau contrat qui se balançait sur le poteau chromé sur roulement à bille demandait toute l'attention disponible.
Et les clients accoudés au bar qui était simplement l'avant de la scène buvait tout ce qu'on leur vidait dans leur verre (l'appellation contrôlée n'était pas vraiment vérifiée dans la bouteille) et payaient sans regarder la monnaie.
Et le conseil d'administration les yeux révulsés, tétanisés, sidérés, hypnotisés regardaient la jeune infirmière présenter son projet d'hôpital mobile à une jeune écolìère en jupette à carreaux et long bas vert.
La queue de cheval était importante.
Et la seule chose qui comptait à ce moment était de l'étudier sous toutes ses coutures. Au fil des saisons. Du moment où l'automne venu, comme l'arbre perd ses feuilles, elle commençerait (inévitable comme l'automne) à perdre ses vêtements un à un. Vêtements (terme imprécis) qui malgré leur légèreté semblaient l'irriter de plus en plus, au fur et à mesure qu'elle en avait de moins en moins.
Cette femme avait la fièvre.
Et ce poteau luisant semblait être un obstacle qui décuplait son imagination. Il fallait qu'elle l'escalade, l'entoure, s'y pende, passe au travers ou c'était lui, comme le fil à fromage qui la séparait en deux dans le plus saignant et sanglant.
Et le poteau au fur et à mesure que les alpinistes et escaladeuses de poteaux le gravissaient devenait de plus en plus luisant de fluides vaginaux inspirants.
Ou, de plus en plus prise de fièvre (mais où était le médecin de l'urgence?), elle se glissait ou se laissait glisser la tête en bas, seulement tenue par ses jambes aux muscles longs et élégants (mais assez puissants pour la retenir) jusqu'à ce que sa queue de cheval ou ses tresse touchent la sol. Puis sa tête. Et son dos.
Se mettait à ramper. Avançait à 4 pattes lentement vers les associés du bureau d'avocats penchés sur leur verre et le bord de la scène (qui était aussi le bar).
Elle étaient nue et ses seins et ses mammelons remuaient au rythme de ses mouvements et de la loi de la pesanteur, chacun contribuant à leurs balancements réguliers asynchrones. L'un étant toujours plus en avance ou plus haut ou plus bas que l'autre.
Et ce mystère attirait l'attention de l'association des génycologues amateurs au bout du bar ou si près de la scène.
Et quelques-uns essayaient d'attirer son attention en agitant comme des drapeaux un billet de 100.
Heureusement, elle avait très bonne vue et changeant sa direction initiale arrivait vers eux en cambrant et sinuant son dos.
Ou, s'il n'y avait pas de sugar daddy à qui elle devait s'intéresser particulièrement, elle devait alors satisfaire tous les clients du bar à la fois. Arrivé à eux, face à face, elle leur donnait de petits coups de tête comme en faisait les chatons. Et sa queue de cheval fouettait leur visage. Un à un.
Elle les dévisageait et yeux dans les yeux essayaient dans le peu de temps disponible avant de passer au voisin de deviner leur revenu. Tandis qu'eux se demandaient si elle collectionnait les timbres.
Puis les ayant tous regardé dans les yeux, ayant à leur satisfaction reconnu leur pouvoir et accepté avec candeur leur billet; elle marcha, sur les genoux, toujours à 4 pattes, de long et large pour qu'on puisse admirer le mouvement de ses seins et des ses fesses. Dépliant chacun de ses mouvements pour en accentuer la poésie.
Et elle revint, toujours et encore à 4 pattes, comme si c'était sa profession préférée, ou sa position idéale dans la vie, s'installa au milieu de l'espace, sur le dos, et étendit ses jambes longues vers le ciel en V de la victoire, les ouvrant et refermant pour qu'on puisse admirer sa vulve suintante. Qui s'ouvrait et se refermait.
Mais pas trop, car pour ceux qui voudraient en savoir plus sur la vie et les moeurs des vulves naturelles ou taillées (ciseaux, scalpel) comme pour redevenir les fillettes qu'elles étaient.
La plupart, rasée et épilées et lasérisées afin d'être lisse et parfaite. La mode de toujours avait changé et on préférait le poil civilisé. Minimal. Ou la peau nue. Que la lumière noire faisait reluire lorsqu'elle était huilée partout. Pour ces esthètes du goût, le poil représentait une imperfection.
Mais d'autres aimaient les pubis broussailleux, frisé, courant chez les noires.
Et on n'oubliait pas les collectionneurs de vulves en fleur, les amateurs d'orchidées sauvages et gigantesques. Tous les goûts étant dans la nature, on tentait de n'en oublier aucun.
Pour chacun, il y avait et y aurait toujours d'autres temps et d'autres lieux.
Finalement, elle s'en allait, toujours à 4 pattes vers le fond de la scène, leur laissant tout le temps d'admirer ses fesses rondes et parfaites, sa vulve, encore, qui comme un petit animal à qui on a appris des tours avait pris une autre forme. Et son anus si attirant.
Le spectacle venait de se terminer. Pour jouir de la pièce de théâtre suivante - le spectacle était continu et continuel - il fallait faire remplir son verre. Servant de jeton de présence à la Ronde.
Et voilà qu'arrivait la jeune policière fâchée fâchée. Avec sa matraque. Une longue matraque fluorescente rouge.
Un couple de jeunes (toujours) lesbiennes n'ayant pu contrôler leur pulsions se laissaient aller contre toute morale et civisme sur la gauche de la scène. Elle venait de les découvrir. Faisait la surprise. Levait les bras au ciel de découragement. Elle allait sévir. Les pointait d'un index vengeur. Secouant son index. Tss! Tss!
Caressait sa matraque tout en se dirigeant vers elles. Surprises dans leurs ébats, revenues de leurs émotions, elles venaient comme Adam et Éve de découvrir leur nudité. Dieu ou la Déesse allait les punir. Les voilà, à sa merci, toutes nues et terrorisées, se réfugiaient dans les bras tendre et les seins onctueux de l'une et de l'autre afin de trouver un peu de protection et de réconfort. Et, maladroitement, plus elles essayaient de couvrir leur nudité, plus elles en découvraient. Elles étaient si maladroites.
Les membre du clergé en congrès regardaient ébahis mais qu'allait-il se passer? Qu'allait-elle faire? Oserait-elle ? Qui se porterait à la défense de ces 2 pauvres soeurs naïves et effrayées? Allait-elle abuser de son pouvoir?
Mais les jeunes comédiennes Shakesperiennes n'étaient pas les seules à réciter des alexandrins sur la scène, il y avait partout d'autres académiciennes dans la salle. Chacune découvrant un nouveau talent ne demandant que quelques juges appréciateurs.
Un peu comme dans un cirque très spécialisé. Chacune avait son tour savamment appris et répété. Il y avait les numéros de solistes vedette parfois internationale (de ville voisine) ou de groupes sur la petite scène. Et des numéros à faire dans la salle.
Parfois, elle consentait à quitter la scène et son poteau et montait sur une chaise ou carrément sur la table pour aider les myopes.
Quand elle dansait à la table, ça permettait l'usage de la politesse. Et sa présence facilitait les conversation des clients. Les lumières des projecteurs participaient au spectacle. Éclairant ceci, activité pour lesquelles ils avaient été conçus. Ou, au contraire, par leur mouvement, créaient des ombres et des secrets. Une jeune femme, encore une fois, se trouvaient soumises et sans défense au jeu des éclairages. Sur une table, entourée de 4 hommes sérieusement attentifs, elle se livrait à eux. Apparaissant et disparaissant. Mystère élégant et studieux. Ensuite, ensuite. C'était ses rondeurs, ses débordements et ses excroissances et ses replis de peau qu'il ne fallait pas perdre de vue. Ou qu'on vous dérobait subrepticement dans un mouvement de projecteur mobile. L'éclairage direct ou indirect, ajoutaient ses couleurs et ses ombres ce qui nécessitait une attention encore plus soutenue. L'effort physique et intellectuel faisait transpirer tout le monde.
Toute cette attention et cette tension était exténuante. Et, parfois, il fallait se retirer dans les isoloirs, sorte de confessionnal où on s'exprimait librement sur les dernières nouvelles de la tv.
Les clients dans ces lieux isolés (isoloirs) (pas vraiment) perdaient le sens de la vie qui n'y était pas vraiment privilégiés comme il pouvait l'être à la table qui se voyaient remplacé par le toucher. Comme Dieu créant Éve à partir d'une côte d'Adam ou un sculpteur d'argile pressant et caressant sa matière souple et molle pour lui donner la forme idéale. La nuance étant que la forme idéale étant déjà atteinte grâce à des millénaires de perfectionnement, il s'agissait plutôt de redécouvrir la femme offerte dans toutes ses formes, ses courbes, ses peaux et ses replis. Et, docile, elle laissait l'homme de science l'inspecter affectueusement. Et, peut-être la mordre pour en apprécier la tendreté et la sincérité.
Et quand les isoloirs ne suffisaient plus, on montant en haut dans les chambres en faisant signe au gardien de l'étage de mettre en route le compteur du taxi.
Il est dommage que tant de sentiments aient si peu de temps pour s'exprimer.
Mais tant d'hommes étaient prêts à payer pour être heureux.
On dit que le bonheur n'a pas de prix ce qui est évidamment faux.
Pendant ce temps
Pendant ce temps, la petite fille qui ignorait encore son avenir se promenait. Elle avait vu un petit chien et l'avait suivi.
Ce qui l'avait éloigné des lumières inquiétantes mais malgré tout protectrices car, dans l'endroit où elle et le petit chien s'étaient rejoints, il faisait très noir. Si noir. Un noir si sombre, si profond, si inquiétant.
Plus loin, il n'y aurait qu'une lampe au sodium orange et floue, lampe de rue au haut d'un vieux poteau de bois qu'on ne retrouvait plus que dans les quartiers les plus insignifiants pour l'éclairer partiellement elle et le petit chien joueur qu'elle attirait avec un bonbon.
Cet endroit était le site de chasse des chasseurs. Les prédateurs venaient y enfermer leur proie.
Splendeur et merveille de la nature.
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4 mai 2012. État 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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