Henry Dickson
Mangeait pendant que le chien qu'il appelait chien lorsqu'il perdait la mémoire ou Adolf lorsqu'il se souvenait, le regardait avec des yeux imploreurs. Implorant mais silencieusement car monsieur Dickson détestait que l'on implore bruyamment.
Peu importe, le chien, seul chien de la maison comprenait très bien que l'on s'adressait à lui qu'on l'appelle chien ou Adolf.
Et même si on était parfois rude envers lui, prérogative d'un chef, on le nourrirait parce qu'il était un bon chien utile, obéissant et serviable.
Son bon maître lui donna enfin à manger. Et les 2 mangèrent en rêvassant.
Le chat qui venait de réapparaître se frôla contre les pieds de l'étranger bizarre qui occupait la table et dont la tâche principale de sa vie d'esclave méprisable (mais utile) était de le nourrir, de le flatter quand il en avait envie, de lui gratter la tête spécialement entre les oreilles ou sous la gorge ce qui était agréable et le faisait ronronner de plaisir, de cesser de lE flatter quand il avait cessé d'en avoir envie.
L'étranger humain et l'étranger chien occupait SA maison parce qu'il était bon. Il les supportait parce qu'ilS ne l'encombraiENt pas. La plupat du temps, ils disparaissaient et il n'avait aucune idée où ils étaient. Ce qui le laissait totalement indifférent.
Il se serait sans doute, peut-être, mais rarement, inquiété de leur disparition ou de leur réapparition soudaine, s'il n'était pas si occupé et s'il lui avait pris l'habitude d'être inquiet pour quelque chose ou quelqu'un.
Ils étaient là puis cessaient d'y être puis revenait.
La plupart du temps, la maison était vide, pour lui seul.
Et pour les AUTRES.
Et il consentit à manger ce qu'on lui donnait. Parce qu'il était grand, magnanime et bon.
Tout à l'heure, il accepterait de se coucher sur les jambes de cet étranger parce que ça lui ferait plaisir.
À lui et à cet étranger. En fait, il pouvait le manipuler, le manoeuvrer comme il voulait. Aussi grand soit-il. Aussi petit qu'il soit, chat qu'il était. Cet homme était sa créature. Son jouet.
Privilège dont ne disposait pas le chien à qui il était interdit d'employer tout fauteuil. Et, encore moins de se coucher sur ses jambes ou son bureau. Lui, avait le droit d'utiliser tous les fauteuils et même le grand lit. Ou le dessus de l'armoire. Ou le comptoir de la cuisine. Ou les marches de l'escalier. Les marches les plus hautes, là d'où il pouvait voir, observer, contrôler tout ce qui se passait en bas.
C'est ce qui fait que les chats sont grands.
Pendant ce temps, le camion qui transportait le congélateur arrivait à destination. Un ancien entrepôts dispnsant d'une voûte encore plus ancienne faites de briques et de pierre qui avait déjà servi à conserver des caisses d'alcool interdit, des tonneaux de bière ou de melasse des Antilles ou des fourrures dans un temps plus ancien. On avait démoli l'immeuble de briques qui la surplombait même s'il aurait pu durer encore un bon moment tant il était bien construit pour le remplacer par un hanger de fer et de tôle plus grand. Qui existait provisoirement en attendant sa démolition et son remplacement par quelque chose qu'on n'avait pas encore imaginé à ce moment. Sans toucher aux voûtes souterraines.
Il y avait eu une usine ou une manufacture de quelque chose dans le grand hangar ou entrepôt mais le nouveau propriétaire ne s'était pas intéressé à ces détails historiques inutiles. Au moment de l'achat, il n'y avait plus rien et il n'y avait rien eu depuis quelques années ce qui faisait qu'on était bien content de s'en débarrasser pour ne plus payer les taxes municipales.
L'entrepôt ne lui était d'aucune utilité. Trop grand, trop sale. On avait démonté les machines qui fabriquait ou assemblait quelque chose et sur lesquelles s'étaient déboités le dos et les épaules 1 ou 2 générations de travailleurs disparus avec leur emploi et ces machines. On faisait sans doute la même chose en moins bien ou en mieux quelque part mais on n'avait plus eu besoin d'eux pour le faire. Peut-être que des machines les remplacait, machines qui faisaient travailler d'autres machines comme ils le faisaient, eux, mais en mieux. Ou en moins bien. Ou en aussi bien. Mais pour moins cher.
De toute cette histoire oubliée, de ces peut-être 50 années de travail sale, bruyant et difficile qui s'était produit ici, il ne restait rien sauf de la saleté, sur le sol de béton cassé, croche, rond ou tordu ou ondulé. Et des vitres de verre sale. Et la poussière que l'on respirait toujours en arrivant ici et qui flottait dans l'air doucement parce qu'on n'ouvrait jamais les grandes portes coulissantes pour aérer.
De l'histoire de l'immeuble de briques qui l'avait précédé, il restait encore moins. Rien du tout. Sans doute, quelque part, y avait-il des photos de sa construction, de la gloire de son propriétaire, homme d'affaires oublié qui avait été assez riche pour le faire construire. On y avait aussi fabriqué quelque chose pendant 100 ans. Personne ne savait plus quoi. Et un historien, quelque part, le savait sans doute. Peut-être un livre racontant l'histoire de la compagnie oubliée logeant dans l'immeuble disparu propriété de l'homme d'affaire disparu sans laisser de trace existait-il quelque part. Avec des photos, des dessins, des plans.
De tout ceci, il restait les voûtes.
L'homme paya en $ les déménageurs qui avait amené et poussé le congélateur dans le grand hangar. Il avait bien spécifié qu'on lui mette des roulettes. Ce qui lui permettrait de le manipuler sans aide malgré son poids.
Il ferma les grandes portes coulissantes dès que le camion fut parti. Camion, déménageurs ne lui avait pas coûté si cher. Il avait l'habitude de faire affaire avec eux parce qu'ils étaient discrets et ne posaient jamais de question. Ils ne parlaient pas ce qui était encore mieux. Il est difficile de trouver de bon travailleurs de nos jours. Ils ne travaillent pas ou pas assez, parlent tout le temps, posent des questions, s'attendent à ce qu'on leur donne des réponses comme si c'était un droit. Leur droit. Comme s'ils avaeint droit à autre chose que de travailler pour de l'$. D'où l'incompréhension continuelle entre ceux qui donnent du travail et ceux qui l'acceptent. Il faut sans cesse insister par la suite pour qu'ils le fassent ce travail. On ne les paiera qu'ensuite.
Le monde était vraiment mal fait. Tous ces gens inutiles qui encombrent partout. Qui ne servent à rien. Qui ne font rien et n'ont pas la moindre envie de faire quelque chose. Et qui refusent de servir. Même s'ils ne sont bons qu'à ça. Et ceux qui ont besoin de travail et de travailleurs parce qu'ils ne veulent pas ou ne peuvent pas le faire eux-mêmes. Pendant longtemps, le seul langage compréhensible par les gens de ces 2 mondes étaient l'$. Si les innombrables crevaient de faim, ils acceptaient de faire ce qu'on leur ordonnait. Maintenant, l'État les nourrit à ne rien faire et plus personne ne crève de faim, ce qui est regrettable. Si quelqu'un, pour l'exemple, pour l'éducation populaire, crevait véritablement de faim, un enfant, une femme, un vieillard, ce serait une source de motivation appréciable. Mais on était trop bon. Les gens qui avaient encore de l'$ ne cessaient de se plaindre du manque de travailleurs et du peu de motivation que manifestaient les rares qui acceptaient de suer brièvement. Et, au même moment, les gens qui n'avaient pas d'$ ou pas assez, se plaignaient injustement du fait de ne pas avoir d'$ ou pas assez. Même si de nombreuses personnes auraient bien voulu leur donner tout l'$ qu'ils veulent (ou presque) à condition qu'ils se rendent utiles au moins une fois dans leur vie.
Oui, trop de monde, trop de gens inutiles. Et ces femmes qui ne cessaient d'être enceinte et de faire leur truc de femme, saigner, se plaindre, couler de partout, et enfanter des êtres inutiles qu'il faudrait nourrir parce que parce que.
Parce qu'ils avaient des droits. Quelqu'un, un moment donné, avait décidé que tout le monde avait des droits. Moment nouveau de l'Histoire de l'Humanité. Moment inouïe. Car dans toute l'Histoire de l'Humanité, seuls quelques-uns avaient eu des droits et tous les autres devaient les servir.
Sinon, on avait le droit de les tuer. Ou de les laisser crever de faim. Et tout ce qu'ils pouvaient faire était mourir, en silence.
Et, soudainement, après 100 000 ans de cette Histoire, on avait voulu tout bouleverser. On avait décidé que les nombreux avaient des drois, et dorénavant, auraient des droits. Et que les peu nombreux en euraient moins.
On avait même interdit l'esclavage. Permis aux ouvriers d'être payé suffisamment pour manger. Donné des droits aux enfants et aux femmes.
Et certains tout aussi logiques dans l'absurde voulaient ensuite donner des droits aux animaux et aux plantes. Au paysage.
Même aux maisons qu'il serait interdits de démolir sous prétexte de leur beauté.
Les forts devaient endurer le sort pénible que leur réservait ce siècle réservé aux faibles. Qui pensent avoir le droit de diriger parce qu'ils sont plusieurs ou la majorité de la population.
Les forts devaient faire semblant de ne pas l'être ou pas autant qu'ils l'étaient. Pour ne pas attirer l'attention.
Comme les riches devaient vivre sinon pauvrement du moins avec modération car la jalousie ferait que les gouvernements toujours à la recherche d'$ les couvriraient d'impôts et de taxes.
Le monde depuis toujours - il ne fallait pas tenir compte des décennies récentes destinées à être oubliées comme on fait pour un mauvais rêve- régnait, prospérait, engraissait, en se nourrissant de tous les autres. Il le faisait en public, avec gloire, panache. Et la seule chose que pouvait faire leur proie était de subir en silence comme un zèbre qu'un tigre mange vivant.
Les forts tuent parce qu'ils sont fort.
Et les faibles meurent parce qu'ils sont faibles.
Dans la Nature, la plupart des êtres ne sont que de la nourriture pour quelques-uns. Chaque brin d'herbe est un abattoir. Il en est ainsi dans le monde. Et ce n'est pas parce quelques idéalistes ont décidé que cette ère était terminé que ce l'était effectivement.
L'homme était sombre quand il pensait tout ceci tout en roulant son congélateur. Il roula roula jusqu'à ce qu'il atteigne le monte-charge. Il y poussa le congélateur et fit descendre les grandes clotûres grillagées servant de portes.
C'était lent.
Enfin, il arriva tout en bas. Dans la voûte. Il admira la belle construction en colonnes de briques, les arches et les coupoles. Une caverne de briques silencieuse d'où aucun son ne sortait. On n'entendait rien de ce qui se passait en haut. De toute façon, il n'y avait persone en haut et il ne s'y passait plus rien depuis 10 ans. Et il avait toujours refusé que quelqu'un y entre. Et, d'en haut, on n'entendait rien de ce qui se passait en bas. Parce qu'il n'y avait personne en haut. Parce qu'il n'y avait rien en bas. Ou s'il y avait quelque chose, c'était quelque chose de silencieux.
Quelque chose de secret.
Enfin, le monte-charge atterrit. Il leva les grandes portes de sécurité qui montèrent lentement, tout était trop lent, sur leur contre-poids. Et put faire rouler le congélateur sur le sol de briques.
Cela roulait mal et lentement, trop lentement.
Il roula un bon moment, toujours poussant le lourd congélateur. Heureusement, les grandes roulettes caoutchouc sur roulement à billes roulaient bien. Malgré les soubresauts des briques. On ne se souciait pas de ces détails ou du confort des employés lors de la construction de ces voûtes. Il fallait que ce soit solide et durable. Le reste.
Il arriva enfin à l'endroit qu'il avait choisi. Il espéra qu'il n'avait pas fait ce trajet épuisant pour rien. L'annonce assurait que le congélateur était en bon état. Et les déménageurs lui avaient dit avoir vérifié. Ils n'étaient pas resté assez longtemps pour s'assurer que le congélateur fonctionne longtemps. Ils avaient leur travail à faire. Ils l'avaient fait.
Il brancha le congélateur. La lumière rouge sur le rebord du couvercle s'alluma. Ce qui était un signe rassurant. Le moteur se mit à bourdonner instantanément ce qui était aussi un signe rassurant. La voûte était froide car non chauffée et il fallait attendre que le congélateur encore chaud de son voyage soit à l'intérieur suffisamment froid. Ceci pris un bon moment.
Il ouvrit la porte plusieurs fois tant il était impatient de voir le froid ou de le sentir. Retardant à chaque fois l'élaboration de ce froid mais il ne pouvait pas s'en empêcher.
Finalement ce fut assez froid.
Bientôt, ce serait encore plus froid.
Il alla chercher la plate forme mobile à roulettes près du monte-charge. Assez grande pour transporter un tonneau et assez solide. Sans doute avait-elle servi à cet usage. Et elle était la dernière qui restait de cette époque.
Il avait aussi une brouette rouge. De bois avec une roue de fer. Mais il préférait la plate forme avec ses petites roues de bois. Assez grandes, découpées dans un petit arbre mais petites comparées à la grande roue de la brouette. Qui n'était pas si grande que ça tout considéré.
Il roula la plate-forme basse jusqu'au congélateur.
Il avait eu mal au dos récemment et avait dû pour cela cesser ses activités. Le médecin qui lui avait donné des pilules qui ne le guérirait pas mais ferait qu'il ne sentirait plus le mal ou moins et lui ferait mal au ventre lui donnerait des vertiges et de la constipation lui avait dit qu'il fallait qu'il laisse son dos se reposer. Devait éviter de se pencher. Ne surtout pas lever de lourdes charges. Et même des moyennements lourdes.
Il avait souffert. Il soulevait une charge bien moyenne lorsqu'une douleur fulgurante lui avait brisé le dos. Ou tout comme. Il avait figé là. Dans cette position ridicule. Le temps qu'il puisse s'asseoir. Le temps qu'il attende d'avoir moins mal. Car il ne pouvait plus se relever et se mettre debout une fois assis. Il le pu mais plus tard.
Toutes ces activités étaient compromises. Heureusement, le médecin qu'il avait fini par voir après plusieurs jours de martyre l'avait rassuré en lui disant que ce ne serait que provisoire. Mais il fallait tenir compte de ces signes. Il devait modérer ses activités. Peu importe ce qu'il faisait et il n'avait rien demandé à ce sujet, ni posé aucune question. Ce pourquoi, il lui en était reconnaissant. De toute façon, il n'aurait pas compris. La plupart des gens ne comprendraient pas.
Il allait mieux. Parce qu'il s'était ménagé. Ce qu'il ne faisait pas auparavant pensant que son corps le suivrait et l'obéirait quoiqu'il fasse. Ce n'était plus le cas. Son corps qui avait été un bon esclave le trahissait comme tous les autres. On ne pouvait donc compter sur rien.
Son corps méritait d'être puni.
Il se punit.
Il punit son corps en prenant un couteau sur l'établi où étaient les couteaux et en entaillant son bras. Le sang coula. Le long de sa main et sur la lame.
Il eut mal.
Bien fait.
Le corps refusait de lui obéir souffrirait jusqu'à ce qu'il accepte, redevienne docile. Matière à modeler.
Il fallait le dresser.
Il croyait que c'était fait depuis longtemps. Mais il faut croire que c'était continuellement à répéter. L'entraînement devait être poursuivi.
Il s'arrachait les cheveux souvent lorsqu'il était inquiet et son crâne presque chauve était couvert de longues estafilades. Effet des punitions qu'il se donnait lorsqu'il avait failli, raté quelque chose.
Il prenait un des couteaux, il y en avait tant, on aurait dit qu'il collectionnait les coutaux. Il allait vers l'immense évier, le seul dans la voûte, là où il y avait le petit miroir brisé. Le seul dans la voûte. Il était là depuis si longtemps dans l'humidité sous terre qu'il était devenu gris, était picoté de partout là où il avait perdu son étain. Mais il y avait suffisamment de verre et de miroir pour voir.
Il s'installait devant le lavabo, regardait son visage et sa tête dans le miroir et prenant le couteau qu'il avait amené, petit, moyen, grand, parfois avec une lame minuscule. Aiguisé ou non. Il était négligeant avec ses couteaux. Il ne faisait pas suffisamment attention comme avec tout ce qui le servait. Et certains étaient sales ou rouillés.
Il devait dorénavant faire plus attention.
Oui, il ferait plus attention.
Mais ce n'était pas le moment. Le moment était pour. Le moment était celui de sa punition. Et avec le couteau, le couteau dans le miroir, le couteau dans sa main, avec le couteau avec une lame minuscule, petite, moyenne, longue, très longues, un couteau de boucherie pour couper les steak de boeuf d'un coup en descendant la lame le long de la cuisse pour faire de très belle tranche sans accroc, avec le couteau qu'il avait pris, il en avait tant qu'on aurait dit qu'il en faisait collection, peut-être pas, s'il avait expliqué, on n'aurait pas compris. Chaque couteau lui était utile. Certains, ils les utilisait très souvent, le plus souvent possible. Car il aimait ces couteaux. D'autres, il s'en servait moins. Non qu'il ne les aimait pas ou les aimait moins, non, il aimait tous ses couteaux. À égalité. Il n'y en avait pas un qui devrait être jaloux. Il se serait servi de tous s'il avait pu. Mais, parfois, un couteau lui avait paru préférable à un autre. Et, en effet, à ce moment, ce couteau lui avait parfaitement servi. Mais à d'autres moments, c'était un autre couteau qui lui avait paru plus favrorable et lui avait bien servi. Mais il était arrivé, malheursement qu'il soit déçu par l'un d'eux. Il l'avait cru meilleur, non que c'était un mauvais couteau et, il se souvenait que ce couteau-là avait coupé très bien mais ce jour là, ce couteau là n'était pas celui qui convenait. Ce couteau-là n'avait pas convenu ou avait été suffisant mais décevant, il n'avait pas correspondu à tous ses espoirs toutes ses exigences. Lui avait laissé comme un mauvais goût dans la bouche. Un goût de sang et de fer.
Alors, il se punissait. Avec le couteau, il se faisait de longues estafilade sur la tête. Comme des griffes. Et il regardait le sang couler de sa tête sur son front et son visage.
Quand il avait assez mal, suffisamment souffer, été convenablement puni, il arrêtait. Parfois, c'était un trait, quelques fois 2. Il lui arrivait de se labourer la tête jusqu'au crâne.
Il fallait que son corps comprenne.
Il fallait que son cerveau apprenne.
S'il avait pu il aurait vrillé son crâne avec une mèche de perceuse. Il en avait plusieurs. Industrielle, pesante, lourde. Modèle 3/4. Mêche de 1/2 pouce.
Et des plus légère.
Il en avait plusieurs sur son établi.
S'il avait été sûr que son cerveau comprenne, il se le serait percé. Mais il serait mort. C'était ce qui était arrivé à chaque fois qu'il avait puni quelqu'un de cette façon. Il n'avait rien appris. Rien compris. Cessé d'obéir. Même si précédemment, il avait pu apprendre à ce corps à lui obéir en le dressant.
Mais il était mort.
Ce corps déficient, désobéissant était mort.
Percer le crâne avec une perceuse et une mèche de 1/2 ou !/4 n'était pas ce qu'il fallait. Et s'il fallait croire ce qui était arrivé à tous les autres, cela lui serait arrivé aussi.
Cette fois, une coupure sur son bras avait suffi. Il se sentait mieux. Quand le sang coulait, il allait mieux. Que ce soit son sang ou celui des autres
Il avait
Il n'avait pas mal.
Son corps était rajeuni de cette douleur bienfaisante.
Il put prendre ce qui était sur le plateau roulant et le soulever et le laisser tomber dans le congélateur.
Cela fut bruyant.
Les voûtes dans la voûte renvoyèrent l'échos.
Mais le bruit fut sourd aussi car contenu dans les parois de plastique serti de métal.
Il se pencha pour arranger les pieds et les bras. Il y avait suffisamment de place. Pour étirer les jambes et les bras. Pour que le dos soit bien droit. La tête dégagée. Les yeux ouvert. Il aimait que les morts aient les yeux ouverts. Les gens n'aiment pas que les morts aient les yeux ouverts. Ils s'attendent à ce que les yeux se ferment en mourant. Ils n'aiment pas que les morts les regardent. Lui, au contraire, aimait que les morts le regardent.
Pour que les morts aient les yeux fermés comme ils espèrent, les spécialistes de la mort, les embaumeurs mettent de la colle forte dans les yeux et il ferment définitivement les paupières.
Les yeux ne s'ouvriront plus jamais. Et lors de l'exposition du corps au salon funéraire on dira: on a l'impression qu'il dort. Et on sera apaisé. Rassuré.
On pensera qu'il n'a pas souffert.
Mais il le savait que l'on meure rapidement ou après avoir beaucoup souffert, peu importe, on avait toujours le visage apaisé. Ce n'est que lors de la mort, au moment de la mort, si elle avait été difficile que le visage se crispait. Mais il cessait vite.
Alors, on ne pouvait pas savoir en regardant le visage d'un mort si la mort avait rapide ou douce ou lente et effroyable.
Comme si dorénavant tout était pardonné.
Et cela le rassurait parce qu'il avait fait des choses terribles.
Des choses qu'il avait été incapable de ne pas faire. Des choses qui ne se racontent pas. Des choses pour laquelle il s'était puni. Il n'avait pas cru être capable de telles choses, ça ne lui ressemblait pas, il n'était pas comme ça. Et il se promettait de ne plus recommencer.
Il regardait la morte qui dormait paisiblement au fond du congélateur.
On aurait vraiment dit qu'elle dormait. Nue. Au froid. Bientôt, elle figerait. Elle le regardait doucement, semblant dire: ce n'est rien. Ce n'est pas ta faute. Tu as été vilain et il avait été vilain, méchant puis elle était morte.
Elle le pardonnait.
Un moment, il n'avait pas aimé être regardé. Souvent quand elles le regardaient faire ce qu'il leur faisait, il avait remarqué des yeux haineux, furieux, plein de reproche. Parfois de mépris.
Il avait alors pensé que si elles ne le regardaient plus, ce serait mieux.
Il avait alors mis de la colle forte dans leurs yeux et refermé leurs paupières. Ce devait être douloureux car elles avaient hurlé. Mais ici, elles pouvaient hurler tant qu'elles voulaient, on n'entendait rien.
Mais un jour, il en eut assez de ces hurlements. Il essaya de coudre leurs lèvres avec une alène de fer comme on ont les cordonnierse. Mais leur visage se crispait tant quand il leur faisait ce qu'il leur faisait que les points de couture ne tenaient plus et leurs lèvres arrachaient.
Il avait alors essayé la colle forte sur les lèvres et cela avait beaucoup mieux fonctionné. Il n'y eut plus qu'un long murmure. Parfois aigü ou grave selon ce qu'il leur faisait. Elle devenati alors des instruments de musique. Il pouvait en jouer tant qu'il voulait. Des insturments de musique vivants dont il était le musicien, le compositeur.
Il avait son grand établi et une grande table de bois.
Il lui était arrivé de travailler les corps de 2 femmes à la fois. Comme un musicien qui pourrait jouer de 2 instruments à la fois. Chaque corps répondant au suivant. Lorsqu'il était avec l'une l'autre semblait protester. Pendant que celle qu'il travaillait poussait des sons nouveaux. Et lorsqu'il la quittait sentant l'inspiration et se dirigeait vers l'autre, celle-ci poussait des sons différents.
C'était le bon temps.
Il referma le grand couvercle blanc sur la femme.
Elle méritait cette paix. Elle avait tant souffert. Il avait été terrible. Si méchant. Il ne se reconnaissait pas. Comme si un démon l'avait poussé. Mais c'est elle qui avait commencé. Était-ce sa faute si elle lui avait donné de telles idées. Si elle n'avait pas été là rien ne lui serait arrivé.
Il regarda la grande salle sous les voûtes de briques.
Il y avait des dizaines de congélateurs coffre blancs rangés soigneusement, méticuleusement, en ordre parfait. Symétriquement ordonnés. L'espace entre chacun minutieusement compté. Un jeu de blocs blancs géants.
3 pieds entre chacun. Pour lui permettre de circuler. Des allées de 3 pieds pour les côtés, le haut et le bas.
Il pouvait aller de l'un à l'autre. Ouvrir l'un des coffres et regarder la femme endormie ou congelée. Il ne savait plus. Silencieuse.
Se souvenir et rêver.
Chacune avait son histoire.
Aucune n'était ici par hasard.
Elles avaient toutes été soigneusement chosies. Observées. Triées.
Il fallait se méfier des fils électriques qui traînaient partout. Il fallait beaucoup d'élecricité pour faire fonctionner tous ces congélateurs.
Ses femmes lui coûtaient très cher.
Mais elles le méraitaient.
Elles méritaient vraiment ce qu'il y avait de mieux.
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MORTS: 20
Sexe des victimes: Féminin
Cause de la mort: Torture, décès provoqué par la torture et congélation
Note: L'assassin, tueur en série rôde toujours.
*
11 mai 2012. État 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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