HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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13.5.12

82. LES FEMMES QUI PENSENT DEVRAIENT-ELLES RESTER À LA MAISON ?

Henry Dickson

Lisait.

Pendant ce temps, une femme quelque part dans la ville se dépêchait pour aller récupérer ses enfants dans la garderie. Sa soirée était précisée à la minute près. Retour des enfants à la maison. Préparation du souper. Devoirs et leçons. Bain des enfants. Dodo. Dodo pour elle-même. Toute seule. Pour des raisons compliquées, elle s'était séparé de son mari. Qui était un bon mari, un bon père pour les enfants, qui les recevait avec plaisir une fin de semaine sur 2 même s'il en aurait voulu davantage qui payait sa pension alimentaire à date fixe qui avait accepté de lui laisser la maison. Mais quelque chose en lui ne lui plaisait pas et ce quelque chose qu'elle n'avait pas remarqué au premier temps de leur fréquentation n'avait fait que s'amplifier au fur et à mesure qu'ils vivaient ensembe mais ce n'était pas encore suffisant pour l'empêcher de se marier et d'avoir des enfants avec lui mais la vie à 2 s'amplifiant et durant, ce quelque chose devint sinon intolérable du moins suffoquant. Elle avait l'impression de rater sa vie, que sa vie aurait dû être autre chose. Tous ses projets de vie étaient réussis jusqu'à présent: une métier, une carrière, une progression hierarchique et salariale régulière, des bébés en santé et raisonnablement intelligent (comme tous les gens elles craignait sans oser l'avouer qu'ils aient une maladie incurable comme le manque d'intelligence ou le surplus d'intelligence ou l'autisme ne savait pas durant qu'elle était enceinte ce qu'elle ferait si jamais pareil malheur arrivait mais tout s'était bien passé, ses bébés étainet normaux, pas plus et pas moins et ses bébés deveus enfants étaient convenablement moyens. Comme toutes les femmes, elle avait planifié sa vie, celle de ses futurs enfants et celle de son mari. Mais il la décevait. Et cette déception faisait qu'elle avait l'impression de perdre de précieuses années avec un mari insuffisant et qu'un autre homme quelque part aurait pu mieux remplir ce rôle. Tout ceci l'avait amené à rompre leur union. Son mari ne s'attendant pas à la chose, surpris de voir accumulé depuis tant d'années autant de rage de la part de son épouse - cette rage étant sortie d'un coup le soir avant le dernier soir, cette rage qui ne pouvait plus s'arrêter de se déverser et qui, après coup, avait rendu son épouse malade. Elle n'était pas comme ça. Ce qui venait de se passer ne lui ressemblait pas. Et son mari n'avait jamais rien fait qui put lui valoir un tel sort. Il ne le méraitait pas. Et elle non plus. Comment avait-elle pu? Et comme ce qui est intolérable est insupportable, elle oublia. Et ellle aurait nié avoir eu une telle conversation si jamais le mot est suffisant pour décrire une telle chose, un tel objet, une semblable manifestation de haine et de rancoeur. Elle se souvenait des yeux de son mari qui éberlué puis abattu la regardait, l'observait sans pouvoir dire un mot comme si elle était un monstre. Elle ne supportait pas ces yeux-là et l'idée qu'elle avait été injuste avec un homme bon qui n'avait pas mérité ça. Ce n'était pas sa faute, elle étati une gentille fille, quelque chose s'était détraqué ce soir-là puis s'était arrêté. Elle préférait donc ne plus y penser. Et lui, toujours aussi gentil,  toujours aussi haïssablement gentil, comme aucun vrai homme ne l'est lui avait pardonné, mieux, avait oublié. Ou fait autant. Depuis ce temps, elle était seule. Tout simplement parce que sa vie active ne lui permettait plus de rencontrer les hommes. Ce qu'elle n'avait pas réalisé lors de sa rupture. Elle l'avait rencontré et choisi au moment où elle était jeune (elle était encore jeune et bien des femmes l'auraient dite jolies), elle avait du  temps et tout le temps pour juger des hommes disponibles. Il lui était mathématiquement impossible de rencontrer d'autres hommes. Sauf au boulot ou à l'épicerie. Professionnellement, elle se refusait à toute tentative dans un lieu où sa carrière était en jeu. Et, ailleurs elle courait tout le temps. Lui aussi restait seul. Comme s'il ne réalisait pas encore ce qui lui était arrivé. Peut-être lui en voulait-il? C'était un des rares hommes qu'elle avait testé avec prudence et circonspection qui avait envie de s'engager, de se marier, d'avoir des enfants. Tout ce qu'elle voulait. Tout c qu'elle avait planifié. Elle avait voulu autre chose mais quoi? Et elle réalisait que ce genre d'hommes est rare. Et déjà pris. D'autres femmes recherchant ces mêmes qualités les avaient repérés. Il lui aurait fallu un homme avec les qualité du premier mais mieux. Les hommes ne manquaient pas. La plupart n'ayant aucune des qualités recherchées et pire. Ou déjà marié, fatigué sinon du mariage mais du moins de leur épouse et voulant un peu de changement avec elle. Elle n'avait certainement pas pris le risque de sacrifier son mariage pour se contenter de ça. Malheureusement, ça, était la seule chose disponible dans le magasin des mariages ratés. Plus le temps passait, plus elle oubliait ce qui l'agaçait chez son ancien mari pour ne se souvenir que des bons moments qui étaient nombreux. Depuis qu'elle était seule, il n'y avait plus de bons moments, rien qu'une éternelle routine exténuante chronométrée et mesurée. Interminable. Elle n'en serait libérée que lors du départ des enfants de la maison pour le Cégep. Elle serait vieille alors. Et devrait se contenter de la vie d'une vieille veuve dans une maisons vide. Même si elle n'était pas objectivement veuve. Elle grossirait. Aurait un chat. Ou plusieurs.

Ses enfants reviendraient de moins en moins à la maison parce qu'elle aurait mauvais caractère. Et il se pouvait que ce mauvais caractère qu'elle renfermait, qu'elle contenait comme une boite de conserve avariée se manifeste de plus en plus au fur et à mesure que le temps passait et que la solitude la rongerait. Il se pouvait que ses enfants à bout de chicane, de démonstration d'affection et de réprimandes mesurées préfèrent aller vivre chez leur père. Qui malgré son chagrin demeurait le bon père qu'il était. Toujours seul comme un reproche vivant. Mais s'il s'était remis en couple, elle lui en aurait encore plus voulu. Elle serait donc seule bien avant que ses enfants aient 18 ans. Seule à se ronger. Bouffant de la crème glacée. Grossissant. Pleurant. Enrageant.

Mais qu'est-ce qui s'était passé? Où avait-elle fait une erreur, elle qui planifiait tout. Qui n'était pas devenu chef d'équipe pour rien.

Elle pensait à tout ça tout en marchant vers les cases réservés aux taxis. Trop de pensées. Elle avait hâte de s'asseoir dans la voiture et de penser mieux et plus confortablement. Elle pensait trop pour conduire elle-même en  ville. N'arrivait plus à se concentrer.

Elle pleurait aussi tout en marchant.

Elle cru voir dans ses yeux mouillé le signal indiquant aux piétons le moment idéal de traverser la rue. C'était en effet ce signal mais non allumé. Il venait de s'éteindre au moment où elle l'avait regardé avant de se remettre à penser. Elle n'avait donc vu qu'un moment de lumière avant de se perdre à nouveau dans ses pensée.

Comment allait-elle faire pour remettre sa vie sur ses rails? Elle avait de bons rails. Inusables. Elle avait été fière de ses rails. Elle avait eu beau regarder tout autour d'elle, aucune femme n'avaient à ce moment de meilleurs rails qu'elle. L'horizon était atteignable et disponible.

Mais quelqu'un avait enlevé ses rails et l'avait laissé flottant dans les airs comme un noyé dans l'eau. Qu'est-ce qui était pire: tomber dans le vide ou être dans l'eau? Tant que vous tombez, il ne vous arrive rien. Tant que vous tombez, vous êtes en quelque sorte, en sécurité.

Si vous êtes au fond de l'eau, c'est qu'il vous est déjà arrivé quelque chose. Et ce quelque chose arrive sans cesse. Continue à arriver.

L'eau dans vos yeux, votre nez, votre gorge,  vos poumons.

L'eau dans vos yeux qui piquent.

Le pire, était que c'était elle qui... Oui, il lui fallait des rails. Oui, elle méritait des rails. Solides. Forts. Inusables.

Éternels.

Elle traversa donc la rue sur la piste piétonnière comme il le fallait. Elle faisait toujours ce qu'il fallait. Toute sa vie, elle avait toujours fait ce qu'il fallait. Au bureau, son chef et même des supérieurs plus haut placés l'avaient complimentés sur sa manière efficace de faire des choses prévisibles. Ce qu'il fallait au moment où il le fallait. Avec elle, pas de surprise. Elle livrait. Dossiers, clients, budgets. Ils auraient aimé, disaient-ils, plus d'employés comme elle. Et était surpris qu'avec toutes ses occupations, elle soit autant disponibles. Et efficace. Oui, elle avait de bonnes notes et de bonnes recommendations lors des inspections et évaluations semestrielles. L'avenir était à elle.

Elle traversa donc la rue sur la piste piétonnière tout en pensant, en pleurant. À son passé. À son avenir. À celui de ses enfants.

Elle ne vit pas l'auto qui arrivait.

L'auto qui arrivait ne vit rien.

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MORT: 1

Cause de la mort: Accident !
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13 mai 2012. État 1