Assis sur un banc du parc regardait les goélands, les pigeons et les écureuils.
Les uns amateurs de sandwichs et les autres de peanuts dont ils s'emplissaient les bajoues presque à exploser pour aller les enterrer ici et là afin de se faire des réserves pour l'hiver. Comme ils étaient aussi travailleurs, prévoyants que sans cervelle, ils oubliaient très vite où étaient ces provisions et il leur en fallait bientôt d'autres. Comme des travailleurs japonais adeptes du Karoshi, ils ne cessaient donc d'aller et venir pour gagner leur subsistance, faire des économies et les enterrer et les oublier.
Jusqu'à ce qu'un chat décide de les mettre définitivement à la retraite. Et de les transformer en chat. Leurs exercices constant les ayant rendu très appétissants.
Une affiche indiquait qu'il ne fallait pas nourrir les animaux ni les pauvres.
Mais on avait enlevé depuis longtemps celle interdisant aux Chinois, Noirs ou Juifs d'infecter le parc. On était moderne et il suffisait pour avoir le droit de rester ici de ne pas avoir l'air pauvre. Ou de ne pas les attirer en leur donnant à manger.
De même interdit de donner de l'$ aux mêmes pauvres au cas où ils cesseraient de l'être. On leur enlèverait ainsi toute raison morale et incitation organique (gargouillement d'estomac) de travailler et d'occuper un emploi rentable destiné à enrichir un patron méritant.
Mais personne n'observait le règlement pour les animaux. Quoiqu'on était plus respectueux de la loi en ce qui concernait l'alimentation des pauvres.
Et on ne leur donnait pas directement à manger. Et aucun retraité n'aurait emmené son sac de chips pour s'en mettre entre les 2 lèvres et attendre qu'un pauvre fasse comme son écureuil préféré et presque apprivoisé et vienne grimper sur lui pour le chercher. Brave pauvre! Bon bon pauvre! On n'aurait pas toléré un tel manque de savoir vivre de leur part.
Et si rares étaient ceux qui leur faisaient la leçon, plus nombreux étaient ceux qui les regardaient d'un air suspicieux comme un père donnant avec réticence, sa permission à sa fille adolescente qui avait tout le temps l'air d'être nue même avec un chandail à longues manches et col roulé, d'aller danser avec un voyou mal habillé, pas rasé, à peine lavé, même s'il portait sur lui une quantité de vêtements 2 fois supérieures à sa fille, drogué et ivre qui la mettrait probablement enceinte avec une maladie vénérienne le premier soir.
La plupart donnait simplement comme on offre sa taxe au gouvernement: pour avoir la paix. Ne pas le faire pouvant vous attirer des ennuis. Non que les pauvres mandiants étaient plus dangereux que les pauvres voyous ordinaires qui ne mandiaient pas mais on ne sait jamais.
Et on n'aimait pas qu'ils aillent boire à nos frais.
Et la police aimait encore moins les voir boire publiquement (quoique avec discrétion) et vider une bouteille de vin ou une grosse méga bouteille de bière au goulot même si elle était timidement cachée dans un sac de papier brun.
Aussitôt que ceci se passait, aussi vite qu'un touriste déballe son sanwich du Saran Wrap et le sort de son sac de plastique ou de papier comme pour attirer les goélands; v'là les flics qui se pointent attirés par l'odeur.
Un pauvre qui a l'air pauvre boit en public.
Selon l'humeur du jour, ils donnaient une contravention ou un avertissement pour flanage puis devant l'oenophile, vidaient par terre sa bouteille qu'il avait mis quelques heures à se payer. Ce moment de joie et d'humiliation publique faisait leur journée. Et ils repartaient en riant. Faisant semblant de ne pas voir les jeunes Portoricains (jeunes, nombreux, en forme, probablement armés) vendant de la drogue ou des missels dans le fond du parc.
Et toute sortes de pauvres arrivaient de toute la province. La plus grande ville en avait donc le plus grand nombre. Comme si c'était un concours. Gagnez un pauvre! % normal compte tenu de sa population. Parce qu'il leur semblait un peu plus normal ou un peu moins anormal d'être pauvre quand on est nombreux. On attire moins l'attention. On finit par faire parti du décor. Plus besoin de se cacher.
Les gens des villes se résignaient ou deviennent immunisés et perdent leur allergie et font comme s'ils ne les voyaient pas ou comme s'ils étaient invisibles. Peu importe comment on les appelle.
Et, ici, comme partout dans le monde, on créait sans cesse de nouveaux pauvres. Mis bas ou vêlés par d'autres pauvres, de génération en génération, ou tombés de haut. Et on pouvait tomber sacrément vite et raide. Le crédit facile, l'alcool, la drogue, le jeu ou la finance locale ou internationale qui avait ce don merveilleux de ruiner scientifiquement les gens.
Parmi les ivrognes et mandiants du parc, il y avait aussi les ex-pensionnaires des asiles psychiâtriques qu'on avait jeté à la rue par esprit médical, social, politique et comptable. Qu'on reconnaissait parce qu'ils parlaient à Jésus ou Satan selon l'heure du jour.
Il y avait aussi d'anciens militaires qui avaient difficilement vécu leur retour à la vie civile ou mal supporté leur ancienne vie.
Mais personne n'est intéressé à ces anciens jeunes. Interminablement vieux. Il ne sert à rien qu'ils ressassent leur passé au risque de décourager les vocations. Car si on n'a plus besoin de vieux militaires, on a toujours besoin de nouvelles recrues.
Heureusement, comme ils répètent tout le temps la même chose, personne ne les écoute.
Et les jeunes qui pensent que c'est un métier d'avenir sont aussi énergiques, naïfs et stupides qu'eux à leur âge et, eux-mêmes, au même âge, n'auraient écouté personne les déconseillant d'être suicidaires. Ou de tuer des étrangers.
Et il est donc tout à fait normal qu'on fasse comme s'ils n'étaient pas là ce qui faisait qu'ils devenaient encore plus déprimés. Et comme les ex-fous. ils finissent par se parler tout seul.
Et ils se mettent à boire pour ne plus être là pendant quelque heures de la journée. Ou à se droguer pour être exister encore moins. Et, heureusement, le commerce légal ou non est toujours prêt à leur fournir tout ce dont ils ont besoin.
Mais ils ne boivent pas tous. Ou pas tout le temps. On oublie facilement que ce sont des tueurs professionnels ou que c'en était. Et, après tout, c'est mieux qu'ils boivent pour la santé publique (en perdant la leur par la même occasion) que de faire comme Timothy Mc Veigh et fasse sauter un immeuble en mettant en pratique leurs anciennes connaissances.
Ou Scott Evans Dekraai, John Allen Muhammad ou le caporal Denis Lortie.
Ou Napoléon et Adolf Hitler.
Ou Francisco Paulino Hermenegildo Teódulo Franco y Bahamonde, Lee Harvey Oswald, Augusto José Ramón Pinochet Ugarte, Idi Awo-Ongo Angoo Amin Dada Oumee.
Ou finir dans une cheminée.
On préférerait même qu'ils se suicident. Après tout, des tas de gens le font. Pourquoi pas faire comme eux? Et s'ils leur faut tuer quelqu'un pour se venger, pourquoi pas eux-mêmes?
Certains, au lieu de mitrailler les gens dans la rue ou à l'Assemblée Nationale ou de faire sauter des immeubles font du chantage sentimental et prétendent que l'État leur doit quelque chose pour le sacrifice de leurs jeunesse ou de leur santé ou de leur cerveau ou de leurs amis.Ou pour avoir tué les ennemis de cet État autant que faire se pouvait. Et pour eux, un meurtre ou plusieurs, ça vaut plus qu'une solde et une lettre de recommendation pour un futur employeur.
Mais le temps a passé, les anciens ennemis sont devenus alliés et partenaires commerciaux et on trouve déplaisant ce rappel constant à des époques sombres que tous veulent oublier.
Pire, non seulement ils ne veulent plus oublier mais attendent en retour quelque chose de l'État pour qui ils ont servi de chairs à canon. Comme des chatons implorant qu'on trouvre l'ouvre-boite.
Une pension ou des soins médicaux. Une chaise roulante électrique. Tout ça coûte cher et il vaut mieux un canon neuf que de laisser traîner indéfiniment un vieillard inutile et déprimant. Combien de vieux pour un avion de chasse de 100 millions?
On fait comme au bon vieux temps du général Jorge Rafael Videla en Argentine. Comme pour les étudiants gauchistes. On les met dans un sac pour les jeter dans la mer du haut d'un hélicoptère. 30 du coup. En leur ouvrant le ventre avant de les jeter pour qu'ils ne gonflent pas ce qui les ferait remonter à la surface si le poid qui leste leurs pieds glisse. Autre avantage, ça attire les requins qui vont les bouffer.
Ils n'avaient qu'à mourir jeunes en héros au combat.
On aurait été fier d'eux.
Pas longtemps.
Mais fier. Et les politiciens du moment aurait fait de beaux discours écrits par d'autres.
Mais tout le monde aurait été content le temps que ça aurait duré. Une journée par an. Quand on a des sentiments en lots lors du Jour du Souvenir. 11 novembre.
Ou une heure.
Une belle cérémonie et hop! On redevient un citoyen productif. Veston/chemise blanche/collet raide/cravate/manchette/pantalon/chaussette/soulier noir à la place de la tenue de camouflage et des bottes.
Les braves technocrates des Tours Jumelles du World Trade Center qui attaquaient financièrement à l'ordinateur toutes les nations du monde pour faire fructifier l'$ imaginaire des Banques. Des soldats en complet veston brun, gris ou bleu marine.
Jusqu'à ce que 2 avions envoyés du Tiers Monde leur dise by by!
Mais il y a d'autre jobs.
Car la guerre économique se poursuit, comme avant ou après la vraie guerre. Qui n'est qu'une autre forme de la finance et de la politique en action. Et la guerre économique tue aussi. Mais plus lentement. Ou pas si lentement.
Ils n'avaient qu'à mourir au combat.
Par paquet de 10, de 100 ou de 1000. Pour essayer une nouvelle offensive sur une cible importante. Ou une cible moyennement importante et qui a l'avantage d'être là. Ou une cible pas importante du tout mais qui permettra à leur chef du moment de faire ses preuves pour avoir du galon. Et si cette stratégie ne fonctionne pas, on la testera plus loin. Et si ça ne marche pas, on recommencera ailleurs. Ce ne sont pas les hommes de troupe qui manquent.
Ou par erreur.
On lance tellement de bombes ou de missile ou d'obus qu'il est normal qu'ils tombent quelque part. Et vous pouvez être là!
On lance, sème et enterre suffissamment de mines qu'il est presque inévitable que vous marchiez dessus ou que votre véhicule roule dessus. Et il y a une mine scientifiquement concue pour chaque situation de la vie: pied. Roue. Chenilles de char d'assaut.
Une catastrophe attendant d'arriver.
Ils auraient dû être contents de s'en sortir vivants.
Une médaille aurait dû leur suffire. Et, généralement, est satisfaisante pour la plupart d'entre eux. Ce sont de grands enfants! Ils oublient le passé et se recyclent en chair à commerce, instrument de travail, ressources humaines, occupation où ils ont ou non du succès.
Au lieu d'embarrasser indéfiniment les autres citoyens par le spectacle de leur interminable déchéance Ou leur pénible demande de pitié.
Et, heureusement, c'est ce qui arrive la plupart du temps. Pour la plupart. Sauf certains qui ne s'en remettent pas. Qui n'essaient même pas de devenir des citoyens productifs qui vont à la messe.
Et ne semble avoir aucune intention d'arrêter. Ou de commencer.
Ont vu quelque chose de trop.
Fait quelque chose de trop. Ou pas assez.
Été là au mauvais moment.
Reçu un vaccin expérimental de trop.
Respiré trop de poussières d'obus en uranium.
Ou des virus ou des spores d'armes biologiques ou bactériologiques ou chimiques illégales dont on a toujours nié l'usage ce qui rend absurde toute demande de soin puisqu'il est impossible qu'ils aient été contaminé parce qu'on n'a jamais utilisés ces armes contre des civils. Parce qu'on vient de le dire, c'était illégal.
Personne ne l'a jamais prouvé. Parce qu'on n'a jamais essayé de le faire. Et on n'a jamais essayé de le faire parce que ça n'a jamais existé.
Tout est donc dans leur tête de malade et de vieux trop vieux. Qui ne cessent de s'entêter à donner des remords à tout le monde faute de tirer sur les passants et à attirer la pitié comme si on avait gâché leur vie.
Ou assisté à trop d'explosion nucléaire.
Ils ont été brièvement jeunes, ont laissé leur santé sur un champs de bataille oublié. Et même si tout le monde a oublié (pourquoi s'occuper de vieilles guerre quand il y en a des nouvelles?) eux s'entêtent à ne pas oublier.
La guerre consomme en grande quantité les jeunes hommes. Comme s'ls ne demandaient que ça. Parce sont grégaires et qu'ils aiment vivre en groupe, sont excités par les activités physiques compétitives, agressives et violentes, ne savent pas ce qu'est le danger et pensent seulement (la tête, encore!) que c'est un nouveau jeu amusant seulement plus vrai et plus intense que ceux des consoles de jeu.
L'idée que l'on meurt vraiment vraiment et que ce n'est même pas la pire chose qui puisse vous arriver. Et qu'on ne perd pas seulement une vie sur une liste de 10. Qu'il n'y a pas de carte pour doubler votre puissance. Mais qu'une balle peut vous arracher la moitié du visage ou le derrière de la tête, rester logée dans le cerveau inopérable, briser votre colonne vertébrale et vous empêcher de marcher ou de bouger le moindre muscle et os de votre corps, que des fragments de métal ou de plastique de bombes scientifiques peuvent traverser le corps pour rester pris indéfiniment dans les poumons.
Leur cerveau incomplet les rend tout à fait inaptes à comprendre et intérioriser ces détails subtils.
Comme on peut les collectionner par milliers ou millions, selon le moment, et les envoyer où on veut, ils deviennent par leur plein consentement d'inconscients les meilleure armes diplomatiques dont disposent un État.
Et, inversement, un État ne peut s'en passer. À condition, que les anciens soldats ne viennent pas les hanter.
S'ils disparaissent après usage ce serait si tant mieux. Comme une vitamine C effervescente. Des bulles dans un verre d'eau. Psschhh! Au contraire, ils ne disparaissent jamais, ils ne veulent pas disparaître, ils deviennent très malade et de plus en plus malades et font soupirer les comptables des anciens combattants et ceux du Ministère de la Défense et de l'Attaque.
Mais quand donc vont-ils se décider à crever?
On n'a pas idée d'être aussi malade et de se traîner autant. N'importe qui serait mort depuis longtemps. Où est votre fierté? D'où le soupçon qu'ils ne seraient pas aussi endommagés qu'ils le prétendraient. Ils simuleraient.
Encore le petit chat imploreur devant son bol de lait vide.
Ou ils perdent tout respect d'eux-mêmes et se mettent à boire en public dans des sacs de papiers bruns ce qui attire la police qui va leur apprendre à vivre.
Le pauvre sur le banc regarde par terre la tache humide faite par le vidage de sa bouteille le temps qu'elle sèche. Ses yeux aussi. L'humiliation du jour. Il y a aussi celle de la semaine. Celle du mois. Ou celle de l'année. Et à un moment donné, on se pend.
Les 2 flics repartant content d'avoir fait leur devoir. Jetant au passage sa bouteille vide dans le bac de recyclage. Les gens qui ont vu et sont gênés d'avoir vu ce qu'ils ont vu et regardent ailleurs.
Les flics ont fait de l'écologie. Comme les globules blancs. Débarrasser un organisme, ici, un environnement sain de ce qui peut le polluer. Des éléments étrangers ou inassimilables.
Mais ils n'ont pas tout à fait réussi. Parce qu'il y avait trop de monde.
Le pauvre occupait inconsidérément un banc public qui aurait pu être occupé par un citoyen productif et sain qui se repose avant de se remettre au travail. Et non un lieu de résidence permanent.
S'il y avait eu moins de monde, ils l'auraient chassé de là.
Et lui aurait donné une contravention. Qu'il n'aurait pu payer parce que parce que parce qu'il est pauvre. Voilà!
Et au bout de quelques milliers de $ (+ les frais) (+ le % des retards) on l'aurait mis en prison pour amandes impayées. Délit!
Une prison coûte 100 000 $ ou + par an. Par détenu. Il aurait été plus simple de lui donner cet $. Il n'aurait été alors plus pauvre.
Mais c'est trop compliqué.
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29. 30. 31 mai 2012. État 3