HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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10.11.13

428.125.32. MONSIEUR ADOLF HITLER PRIS DU DÉMON DE LA LECTURE

Monsieur Adolf Hitler et monsieur Franz Kafka étant des esprits supérieurs et des hommes de lettres, ils profitaient de l'occasion inouïe qui ne se reproduirait sans doute jamais - du moins dans cette réincarnation - d'utiliser la salle de lecture de l'étrange bibliothèque mise à leur disposition. Sans l'accord de son légitime propriétaire. Mais, selon leur point de vue bien particulier, ils auraient dit que c'était le Destin. Et que ce n'est pas tous les jours que le Destin leur était profitable. Aussi bien en profiter. 

Il y avait là des ouvrages rares. Supposés perdus dans les chaos de l'Histoire. Car il reste si peu de choses des écrits Grecs et Romains suite à la grande débâcle de 1000 ans qui effaça toute trace de civilisation. Comme si l'Histoire de Hommes imitait celle de la Nature qui, lorsque les grands sauriens disparurent après un règle de quelques millions d'années, la vie recommença à une échelle plus modeste et avec quelle lenteur. Les grands cataclysmes cosmiques eurent raison des maîtres de la vie. Rome s'effondra d'être allée si loin et si haut. Et il fallut 2000 ans pour que les hommes l'égalent enfin et la surpasse. Avant qu'ils chutent de nouveau ? Car il y eut de grandes civilisations avant celles que l'on connaît. Il n'en est rien restée. Sauf, parfois, des noms dans des contes. Et, le petit homme sauvage recommença. Comme s'il était incapable de tolérer longtemps la grandeur. 

Il y avait tant de texte. Il faudrait plusieurs vies pour les lire. Et il n'en avait qu'une seule à leur disposition. Et même pas entière, car il leur fallait dormir. Vaincre la lassitude qui suivait la trop grande attention. 

Tous ces livres. Il y avait de quoi devenir fou.

Monsieur Kafka était pris de vertige. Déjà qu'il devenait comme ivre lorsqu'il entrait dans une librairie ou une bibliothèque. Ou même chez un bouquiniste. L'odeur de vieux papier. De colle délicieuse. D'encre exquise.

Et il y avait là autre chose que le courant du grand fleuve des idées de l'époque. Il y avait là, tout autour d'eux, des secrets et des malédictions. 

Quand les savants et les érudits musulmans sauvèrent ce qu'ils purent des textes anciens. Ceux que leurs prêtres ne condamnèrent pas. Quand ces textes ayant déjà subi un premie tri, parvinrent en Europe plongée dans l'obscurantisme et la barbarie et que les moines, caché dans leurs monastères pendant que les grands monstres politiciens se dévoraient mutuellement afin que le plus terrible gagne ou survive, ils traduisirent et copièrent à la main, avec leur dos, leurs reins, leurs poignets, ce que leur religion tolérait, le reste, jugé inutile, replongeant dans le noir d'où il ne sortirait plus jamais. Quand de tout ceci sortit ce qui resterait désormais de la culture Antique, base et socle sur lequel s'érigera la première Renaissance, le silence des siècles s'imposa sur ce qui avait été délaissé. Tant de choses. Et ceci n'était rien comparé à ce que les barbares avaient brûlé avec joie. Quelle danse avait été celle qui se faisait dans les bibliothèques et les musées auxquels on mettait le feu parce qu'on n'y comprenait rien. Et c'étaient les premiers barbares à l'esprit troublé par leurs cultes païens. Ensuite ce furent les barbares, les mêmes et leurs descendants, convertis au catholicisme, qui mirent le feu à ce qui restait encouragés par les prêches des sorciers chrétiens. Sous prétexte que l'Évangile prêchait l'humilité qui n'était pas seulement celle des habitudes mais aussi celle de l'esprit. Car penser rendait orgueilleux. Se poser des questions pouvaient aller jusqu'à interroger les textes sacrés. Remettre en question les guerriers arrivés au pouvoir et leurs méthodes cruelles de gouvernement. Il fallait détruire les exemples de telle envie. Inutile de lire. Donc pourquoi apprendre ou enseigner à lire si c'est pour amener la tentation de l'esprit. Et ceux qui pouvaient lire devaient se suffire de lire jusqu'à apprendre par coeur les textes enseignés par le seul Dieu. 

Mais alors que se produisait cette Histoire que tous connaissent, une autre Histoire plus secrète se passait. Silencieuse. Inexorable. Ils en avaient les traces tout autour d'eux.

Monsieur Kafka était de ce type d'enfant que l'on pose dans un coin avec un livre et qui y sera encore lorsqu'on reviendra. Dans 1 heure. 1 jour. 1 an. Pourvu qu'il ait d'autres livres. 

Monsieur Hitler était un intellectuel plus primesautier. Il ne lisait que certaines choses. En regard à son art. En ce qui concernait les enseignements des anciens. Les confrontations avec les modernes. Puisque les Anciens étaient morts. Et que les Modernes furieux imposaient leur vie partout. 

Mais il s'intéressait aussi à l'Histoire. À ce qu'elle montre du pouvoir. Ce qu'elle enseigne sans le dire à ceux qui comprennent. Devinent. Engrangent pour plus tard. 

Il n'y avait pas là de textes portant sur l'Art mais tant de livres décrivant l'Histoire cruelle et ses méthodes. 

Quoi lire en premier?


Il subissant le supplice de Tantale. Enchaîné à une muraille, il a près de lui une table sur laquelle il y a les mets les plus fins, en quantité infinie et des verres des boissons les plus exquises ou de l’eau la plus fraîche. Mais il se meurt de faim car il lui est impossible d’atteindre la table et de toucher ce qu’il y a boire et à manger. Il ne peut qu’en sentir l’odeur. Dans une situation normale, il mourrait de soif et de faim mais comme il a été puni par les Dieux afin de servir de proverbe, il ne mourra jamais mais souffrira sans cesse de la soif et de faim et souffrira encore plus car si près de lui, il y a toutes ces choses délectables qui lui sont interdites.

Comme les dieux étaient vicieux, à l’image du dieu des Chrétiens et des Juifs, au sommet de la muraille où il est rivé, se trouve une épée tenue par un crin de cheval, tendu juste au-dessus de sa tête. Et la peur.

Il y avait tous ces livres si tentants qu'il leur était impossible de lire. L'un et l'autre ne pouvait qu'ouvrir l'un et l'autre et picorer un chapitre.

Le temps leur manquerait toujours.

Car si mademoiselle la secrétaire pestait contre la poussière des lieux, signe qu'on ne faisait pais souvent le ménage - péché gravissime pour elle - il n'y avait malgré tout pas tant de poussière et aucune toile d'araignée. Ces petites bêtes adorant les recoins abandonnés. Signe que si on ne venait pas souvent, on venait de temps en temps. 

Monsieur Hitler s'y connaissant en poussière, moutons, araignées. Lui qui ne faisait jamais le ménage dans ses divers logis - ayant pour son dire que c'était une tâche féminine indigne de lui et que sa future épouse, quand il aurait le temps de pourvoir à cette fatalité - y pourvoirait.

Il savait donc à peu près combien de temps il faut pour qu'un espace ou un lieu ou des objets et des tables dans ce lieu se couvre d'une fine couche de poussière céleste. Poussière devenant de plus en plus opaque avec le temps. Bientôt, le recoins des planchers étaient les refuges de tant de cheveux qu'il était impossible d'en deviner la provenance - une simple déduction rendant impossible le fait qu'ils proviennent d'une seule tête puisque personne, jamais, ne venait chez lui. Et il y avait dans les coins et recoins des hauts des murs des toiles d'araignées invisible. Cet état des lieux et les diverses étapes décrites se répétant où qu'il aille.

Il était donc facile, du moins relativement facile, toute chose étant égale par ailleurs, qu'on n'était pas venu ici depuis 1 mois. Plus. Ou moins. Mais qu'on était déjà venu. Ce qui supposait qu'on venait régulièrement puisqu'il n'y avait pas de poussière dépassant le mois et qu'on pouvait donc revenir à tout moment. 

Ce qui gâchait vraiment tout le plaisir de la lecture. 

Une sorte de peur déplaisante les prenait alors. Comme des enfants qu'on allait prendre en faute et punir férocement. Mais l'occasion était si tentante. Et il y avait tant de plaisir à défier la loi.

De temps en temps, mademoiselle la secrétaire, véritable horloge biologique, venait les réclamer à son attention. Selon elle, il fallait faire quelque chose. Il faudrait faire quelque chose. Ceci. Cet état de chose ne pouvait durer.

Elle avait faim. Elle avait soif. Elle avait peur. Comme toutes les femmes son organisme la hantait. Tant de besoin dans un si petit corps.

Monsieur Hitler ou monsieur Kafka qu'elle venait houspiller à tour de rôle, la regardait avec désespoir. Quelle ignorante. Tous ces livres à sa portée et son cerveau était incapable de les apprécier. 

Et faire quoi?

Elle leur démontrait alors qu'il y avait des armes. En effet, les armes ne manquaient pas. Malheureusement, aucune arme à feu. Ce qui y ressemblait le plus étaient des mousquets brodés de dorures. Arme à 1 coup. Mais il n'y avait ni balle de plomb ni poudre.

Toutes ces armes dataient des époques où les hommes étaient costauds. il fallait une grande force physique pour les soulever. Tant qu'à s'en servir. Il y avait probablement eu dans leurs ancêtres de ces guerriers, car ils éprouvaient du plaisir à les soupeser, les tenir, à imaginer des batailles. 

Mais les rejetons de ces guerriers puissants étaient des dégénérés affaiblis par la civilisation et le confort. 

Faire quoi?

_ Aller combattre ces géants armés d'armes modernes - ils les avaient entrevus dans le garage - avec des hallebardes et des masses d'arme. 

Monsieur Kafka approuva. Il avait déjà mal à l'épaule de seulement manipuler le poids de fer couvert de pointes de fer sous sa chaîne. 

Pour les hommes modernes affaiblis, il fallait des armes légères pouvant atteindre une cible à distance. Un pistolet. Un révolver. 

Une arme qui évite le contact physique. On peut bien rêver de charge de cavalerie en maniant un sabre à la courbure magnifique mais il faudra couper et trancher ou traverser des chairs quoique le sabre ne soit pas l'arme idéale pour ce faire. Et il y a l'autre qui ne se laissera pas faire. Si on l'approche - la portée du sabre étant d'1 mètre - il est déjà trop près de vous. 

_ Vous êtes des peureux !

Dit mademoiselle la secrétaire dactylographe indignée. 

_ Si j'étais un homme...

Elle imaginait alors ce qu'elle ferait si elle était un homme. Pour convenir que n'en étant pas un - n'étant qu'une simple et misérable femme - elle n'en avait aucune idée.

Il leur fut facile de lui prouver qu'eux, étant homme depuis la naissance, n'avait aucun pouvoir magique. Leurs corps sans entraînement n'était pas décharné - sauf monsieur Kafka - mais impropre à toute violence physique. Non que l'envie ne leur ait jamais pris mais il fallait transpirer, bouger, être probablement meurtri et blessé. Pour un résultat bien improbable.

_ Et je suis myope 

Dit monsieur Kafka qui, comme bien des Juifs, accumulait en lui toute les tares imaginables.

_ Heureusement, j'ai mes lunettes. Ce qui me permet de lire.

_ Mais pas de combattre, évidamment.

_ Sans lunette, je ne vois même pas mes mains et encore moins celle de mon supposé adversaire puisqu'il sera probablement à une plus grande distance de moi que mes mains. 

_ À moins qu'il ne soit en train de vous étrangler. Les mains sur votre cou.

_ Et il aura probablement mauvaise haleine. Et je sentirai sa transpiration.

_ Vous êtes condamné au pacifisme. 

Conclut monsieur Hitler.

_ Il faut bien que certaines personnes se consacrent à la poésie ou à la philosophie dans cette époque grinçante.  

_ Que les barbares s'entretuent pendant que nous permettons à la civilisation de survivre. Les souris dans leurs trous et leurs nids de laine pendant que les chats de gouttières attaquent les chien.

_ Belle philosophie. 

Mademoiselle la secrétaire prit une lance à une armure - sans chevalier - et la soupesa. Elle était bien lourde. Comme elle regrettait de n'être qu'une femme ignorante, inutile et encombrante. Si elle avait été un guerrier. Elle aurait commencé par frapper nos 2 philosophes lecteurs.

_ Et vous aller lire jusqu'à ce qu'on vienne.

_ Nous avons l'air de lire mais nous pensons.

_ Oui. Nous lisons et nous pensons. 

_ N'est-ce pas remarquable! Ils lisent et pensent en même temps.

Et mademoiselle la secrétaire déposa sa lance bien trop haute pour ses bras. Elle avait failli l'échapper pendant une autre de ses manoeuvres maladroites et écorner une peinture chinoise sur soie de Gengis Khan. 

Grand Khan de l'Empire Mongol
Empereur suprême Taizu Fatian Qiyun Shengwu

Conquérant impitoyable et sanguinaire. L'un des seuls de l'Histoire à n'avoir jamais perdu de bataille. Malheureusement, comme tous les hommes, il devait perdre le combat contre le temps car comme tous ceux qu'il avait tué ou fait tuer, il était mortel. La seule chose qui lui avait manqué était le temps, sinon il aurait conquis le monde.

_ Attention, malheureuse !

Cet accident évité de peu le plongea dans un abîme d'angoisse bien davantage que la possibilité de sa propre fin. 

_ Un jour, elle blessera quelqu'un !

_ Mais je le compte bien. 

La fois suivante, elle prit une épée Écossaise. Une Claymore. Bien trop lourde. Ensuite, elle essaya une rapière puis un fleuret. Oui, le fleurait serait bien.

- Cette arme ne coupe pas ou si peu. Elle était faite pour les duels. Il faut piquer. Et embrocher son adversaire qui peut avoir la même furieuse envie.

_ Vous êtes une femme, faîtes donc comme toutes celles de votre espèce quand vous êtes confrontée à la catastrophe, mettez-vous à prier.

Elle tournait en rond. 

_ Quoi faire ?

Il fallait faire quelque chose. 

Selon elle.

Et aucun des 2 lecteurs philosophes humaniste ne l'aiderait en rien.

_ Quoi faire?

En proie à un trouble intérieur sans possibilité de délivrance - il aurait fallu qu'un homme véritable la jette sur une table et la pénètre furieusement - seule façon de l'apaiser et de libérer son esprit pressuré par l'angoisse - les 2 seuls hommes à proximité étant bien trop gentlemen pour user de telle méthode avec elle. 

Et était-ce bien hygiénique ?

Elle se remit donc à épousseter. 

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État 1. 11 nov. 2013