HISTOIRES DE FANTÔMES

__________________________________________________________________________________________________

HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

___________________________________________________________________________________________________

8.10.12

265. L'AMBULANCE, LES POMPIERS, LA POLICE. IL EST TROP TARD POUR FAIRE QUOI QUE CE SOIT ET FAIRE QUELQUE CHOSE SERAIT COMPLIQUÉ, IL VAUT MIEUX LAISSER LES RATS ET LES RATONS LAVEURS FAIRE LEUR TRAVAIL.

6 octobre 2012. Minuit et 1 heure du matin

Henry Dickson vit une autopatrouille de la SQ qui arrivait. Et une autre. Et une autre. Ils se rangèrent tête-bêche, chacune dans une direction différente. Au cas où.

La plupart des policiers firent le tour du décor. Quelques-uns prirent des notes. D'autres des photos.

Un policier monta les marches de la maison pour aller interroger monsieur Dickson.

_ Bonjour

_ Ou bonne nuit.

On passa la porte pour aller vers la cuisine, la pièce la plus proche de l'entrée. Et déjà ou encore éclairée.

_ Je présume que votre nuit est définitivement gâchée.

_ On a tout fait pour ça.

_ Commençons par le début. Si j'étais Sherlock Holmes ou Hercule Poirot, je regarderait la carabine sur la table. La boite de balle neuve, ouverte, et l'espace des 2 cartouches qui manquent. Et je regarderait au sol et je verrais, tiens, je les vois, les 2 douilles qui ne manquent plus puisqu'on les a trouvé. Je concluerai en disant qu'on a tiré 2 coups avec cette arme. Et je me demanderais sur qui? Comme il y a 2 corps sur le gazon brûlé. Et un de mes hommes vient de me dire que chacun a eu une balle dans la tête. Je penserais qu'on est arrivé au bout de mon explication.

_ Je pouvais les laisser brûler ou

_ Je ne vous reproche rien. Si ça m'arrivait j'aimerais bien qu'on m'achève. Simple geste de pitié. On ne ferait pas ça à un vieux chien. Je ne sais pas qui ils étaient - on est là pour ça- et ce qu'ils sont venus faire - on est là pour ça mais on en a déjà une idée- mais il vaut mieux que ça se termine ainsi.

_ Se termine?

_ On a le choix. Je fais venir l'équipe technique de l'expertise judiciaire. La police scientifique. Ils vont y passer la journée ou la semaine. Ramasser tous les indices. Faire de dessins, prendre de mesures, faire des tas de photos. Interroger les voisins. Des tas de rapports à faire et à lire. Vous n'imaginez pas. Ils sont bien une dizaine ici et là. Il y a des morceaux partout. Imaginez le pathologiste, le médecin légiste, l'autopsie. il en a pour des mois à tous les rassembler. Pour finir par quoi?

_ Bonne question.

_ Par dire qu'une bande de voyous a voulu se venger de vous. On m' a dit que vous n'avez pas que des amis, ici. Généralement, ce genre de descriptif correspond au profil d'un fauteur de trouble. Et, nous les policiers, n'aimont pas les fauteurs de troubles. On n'aime pas les malchanceux non plus. Les malchanceux ont la poisse et sont contagieux. Mais si j'avais votre chance, j'achèterait un billet de loto. Et je paierais la moitié pour faire parti de votre équipe. Et tout le bureau cotiserait. Vous seriez notre patte de lapin. Dommage que vous soyez si grand. Pas le bon format. On vous emporterais comme porte-clé.

_ C'est ce qui s'appellerait se fendre en 4. Ou en 12. Ou en 144.

_ Mais des gens bien, des gens d'ici, sont prêts à répondre de vous. Il arrive que des gens bien aient des ennuis avec les ordures. On n'y peut rien.

_ Le monde est mal fait

_ Le monde est comme il est. Il est même un peu mieux, un peu meilleur depuis cette nuit. Tout un tas de larves d'un coup. Vous n'y êtes pour rien bien sûr. Vous dormiez, bien sûr. Sans témoin. Ni alibi. Les honnêtes gens n'ont jamais d'alibi. Le garagiste qui est mon cousin m'a raconté les ennuis que vous avez eu récemment. Tsss!

Le 5 septembre, le 12 septembre et le 6 octobre. Aujourd'hui. Vous n'avez vraiment pas de chance. N'importe qui dans une situation comme la vôte serait plomgé dans tout un tas d'emmerdes. La chiasse. Comment prouver la légitime défense? Plusieurs fois? Comment des gens réussissent à se fair auto-exploser. Va falloir les ramasser à la fourchette, la cuillère et la spatule. Les collègues ne vont pas vous aimer.

Il se retourne, poursuit l'inspection des lieux qu'il faisait sans le dire depuis son arrivée.

_ Mais qui on a ici?

Il jette un oeil dans le lavabo. Prend son stylo, pousse et roule la tête.

_ Je connais très bien cet air là. En fait, notre grande famille élargie qu'est la police, le connaît depuis qu'il a 6 ans. Petite terreur du cours primaire. Vol. Bris de vitre. Dégonflage des pneus. Crevage de pneus. Racket de protection. On t'échange ton lunch, ton $ pour le lunch, tes Nike pour ta protection. Sinon on te casse la gueule. Je dis «on». Car il sera rarement seul. Et ça continue. Plus il vieillit, pire il est. C'était de petits vols dans les autos, c'est des entrées par effraction dans les maison, des cambriolages dans les commerce. On parle de viol. On le sait, on note. Les gens ne veulent pas parler. Tant pis.

Question: qu'est-ce qu'il fait là? Il n'était pas supposé être mort le 12 septembre?

_ Je vous souhaite bonne chance. S'il faut répondre à autant de question pour chaque cas, vous...

_ On peut répondre à ces question. C'est notre métier. Mais est-ce qu'on en a envie?

_ Oui. En avez-vous envie?

_ Si c'était d'honnêtes citoyens payeurs de taxe qui avaient des ennuis, mais ps trop, on ferait des efforts. Mais ici, c'est voyou, voyou et demi. Voyoux 3/4.

_ J'imagine que vous ferez votre devoir.

_ En effet. Mais notre devoir nous dit aussi qu'il faut dormir. Que demain, il y aura d'autres cas. Des voitures qui vont trop vite. Ne respectent pas les zones scolaires.

_ Tout un boulot.

_ Alors, à moins que vous teniez absolument qu'on mette au clair cette affaire...

_ Pour moi, c'est assez clair comme ça. Le 5 septembre, ils essaient de se venger.

_ Pourquoi?

_ En y pensant, avec les infos que j'ai. Je dirais que c'est pour la mort du fils du garagiste. Il est mort ici. Et je n'étais pas là.

_ Des tas de gens sont morts ici. Et vous alliez dire.

_ Le 5 septembre, c'était l'ami du fils du garagiste qui voulait venger sa mort. Il revient le 12 septembre pour se venger du 5 septembre.

_ Et vous lui aviez fait quoi le 5 septembre?

_ Légitime défense.

_ D'accord. Mot magique.

_ Et le 6 octobre, cette nuit, ils viennent encore pour se venger.

_ C'est une manie chez eux.

_ Et, à chaque fois, cette là est là.

Monsieur Dickson désigne la tête dans l'évier.

_ Le fois précédentes, elle avait des bras et des jambes.

_ Je vous l'ai dit, on connaît le spécimen. On connaît ses fréquentations. Douteuses de chez douteuses. Si on continue dans ce sens, on va être dans les paperasses jusqu'à Noël ou au Jour de l'An.

_ Vous avez une meilleure idée?

_ Si on faisait comme s'il ne s'était rien passé. Ces imbéciles ont rencontré leur destin cette nuit. C'est même moral, ils ont eu le sort qu'ils méritaient. On pourrait l'enseigner aux enfants de l'école primaire. En passant les détails. Il n'y a que les grandes lignes qui comptent. À moins que vous ne teniez à ce que nous allions au bout du bout de tous les détails et nous y irons, je ferme mon dossier. Voyez, je le ferme.

En effet, il ferme son dossier. Pèse sur le bouton de son stylo et l'entre dans la fente prévue à cet effet dans la poche de sa chemise.

_ Et ensuite?

_ Demain, on envoie les TC, les travaux communautaires ici. Des apprentis voyous que le juge a sauvé pour le moment de la prison. En échange, ils doivent se rapporter à la municipalité pour qu'on les occupe. Qu'on leur mette un peu de plomb en tête. Comme le plomb ne manque pas ici, ce sera une très belle leçon de morale active. Ils verront ce qui arrive au commun des voyous. Ils ne feront pas que le voir, ils le toucheront. Ramasseront tout.

_ Et on en fera quoi?

_ Dans le bois. Il y a des tas de gens qui disparaissent ici. Souvent, on les retrouve dans le bois. Y qu'une chose?

_ Nommez-là.

_ Vous êtes assuré?

_ Non.

_ Ou vous êtes idiot ou riche. Si vous n'avez pas besoin d'assurance pour repayer tout ce qui a sauté ce soir, tant mieux pour vous. Vous économisez en plus les primes. Je parlais de l'assurance, car eux poseront des tas de questions. Comment c'est arrivé? Qui était là? Avec qui? Ils prendront des photos, des mesures.

_ Ils ne feront rien

_ Puisque vous n'êtes pas assuré.

_ Voilà.

_ Demain, la place est nettoyée. Il restera les ruines mais il y a de bons entrepreneurs en construction ici. J'ai un oncle et un neveu. Je ne veux pas faire de passe-droit parce que c'est ma parenté mais vous choisirez entre les 2.

_ Celui qui a construit l'étable ou la grange qui servait de hangar aux autos est le cousin du garagiste, c'est lui qui me l'a conseillé. Il travaille très bien.

_ Normal, c'est aussi mon cousin.

_ Votre travail est donc terminé?

_ En effet, on a constaté. Et il n'y a rien à dire. On va donc s'en aller.

Un autre policier vient le voir et chuchote.

_ Le crime ne dort jamais. On vient de mettre le feu au théâtre du village. Probablement un vol que des crétins finis ont voulu camoufler en feu. Comme si ça n'attirerait pas l'attention. Un vol peut passer inaperçu. La petite caisse. Ou les recettes du spectacle. On est assuré ou non. Mais un feu. Le seul théâtre du coin. Mes parents y vont l'été. Et ce sont des cousins qui le dirigent. Il y a des témoins qui ont vu l'auto des crétins. Ils se sont pris dans la boue, on les a vu pousser l'auto. Comme elle ne partait plus, ils ont été à pieds voler celle d'un voison en traînant leur butin dans des sacs d'épicerie. Ils ont échappé des tas de rouleaux de monnaies. Si vous n'avez plus besoin de nous, on va à la chasse.

Il sortit son pistilet Glock. Et le rangea dans son étui de côté avec assurance et satisfaction.

Les autos de police partirent. Suivi de l'ambulance. Il n'y avait personne à sauver et on les attendait ailleurs. Le camion de pompier, le camion citerne d'eau partirent après avoir arrosé les ruines tièdes. L'air était froid et elles s'étaient déjà refroidies elles-mêmes.

Il restait les 2 cadavres carbonisées par terre comme des bûches de Noël à formes humaines. Il restait la tête dans l'évier. Il restait ici et là les morceaux plus ou moins gros de.. disons, une dizaine d'individus louches.

Les morts s'occuperont des morts.

Demain

Monsieur Dickson prit des gants de cuir de porcs, des gants de soudeur, très bons, servant à remuer les bûches du foyer avec le tisonnier. Avec les gants, il prit la tête dans l'évier. Sortit avec la tête. Jeta la tête du haut de la galerie et la tête roula un moment dans la lumière et ensuite roula dans le noir où elle disparut.

Les gants dans les mains, il alla au foyer et les plongea dans le feu pour les désinfecter.

Demain

*

8. 20 oct. 2012. État 2