HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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31.7.12

206. VOULEZ-VOUS VRAIMENT PRENDRE CET ASCENCEUR ET AVEZ-VOUS BIEN RÉFLÉCHI AVANT DE FAIRE VOTRE CHOIX?

Henry Dickson venait d'apprendre la mort de son ami. En retard. Il ne pensait pas souvent à lui. C'était préférable. Il l'avait vu lors de sa dernière visite à Montréal et avait cessé d'y penser. Il y repenserait bien un jour. Et venait d'y repenser ce matin, à sa visite au bureau de poste quand il reçut une lettre de sa fille lui annonçant le décès de son père.

On l'invitait au funéraille. Inspection des corps, messe, service funèbre, souper de rencontre. Corvée funèbre. Il n'aimait pas ce genre de cérémonie primitive et n'irait pas. Une personne est intéressante vivante. Morte, il ne reste rien d'elle.

La peau et la pelure de la banane.

Tristesse. Et soulagement mêlé. Et compliqué. Il arrive un moment où il vaut mieux mourir. La vieille carcasse a toutes les peines du monde de retenir ce reste de vie qui fuit partout.

Mais elle ne se décide pas.

Il avait choisi sa mort dans un instant de lucidité. Décidé enfin. Choisi la fenêtre adéquate. Et avait fait un vol plané. Le choc sur le sol avait détruit ce qui restait vivant de lui le libérant. Parfois, le corps est une chaîne qui ne sert qu'à retenir ce qui ne demande qu'à s'envoler. Comme un oiseau qui aurait une laisse et un collier de chiot. Le caniche humain.

Le plus comique était les images qui restaient de lui, s'imposant à toutes les images précédentes. Se superposant à elles. Il aurait dû mourir depuis longtemps. Pour éviter que ces images soient les seules qui restent.

La dernière. Non. Celle d'une précédente visite.

Lui. En costume militaire. Uniforme de cérémonie. Veste. Médailles. Rubans. Un lot de toutes les couleurs.

En bas, nu. Sans sa couche qu'on avait enlevé pour la jeter et qu'on allait remplacer.

Lui. Debout. Qui se regardait dans le miroir du lavabo en faisant son salut. Pendant qu'en bas, il s'était mis à pisser. Un jet de pisse jaune verticla, droit, interminable sur le plancher. Sur ses jambes. Ses pantoufles. Et une flaque qui s'étendait jusqu'à la porte.

Et pour marquer durablement cette visite, il y avait eu l'affaire de l'ascenceur.

À son arrivée, monsieur Dickson avait bien remarqué que quelque chose n'allait pas. Il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas dans ce vieil hôpital dont une grande partie était réservée aux vieillards et aux déments.

Comme si par un effet de contagion, les vieux murs contaminent les malades. Car s'il restait quelque chose de sensé aux gens qui entraient ici, ça ne durait pas. Ils devenaient rapidement aussi vieux et cinglés que tous les autres.

Ou c'étaient les vieux qui contaminaient les murs, les planchers et les plafonds, dont il y avait toujours un fil qui dépassait. Quelque chose qui n'allait pas. Des fils, des cables. Toutse sortes de couleurs. Qui débordaient de partout. Quand ce n'était pas un tuyau. Une réparation qui était en cours ou allait se dérouler prochainement ou avait été interrompue.

Une partie du plafond était toujours ouvert, comme un grand corps sur une table d'opération laissé en suspend pendant que l'équipe de chirurgie prenait son lunch.

L'ascenceur était lent. Les vieux boutons lumineux et ternes s'éclairaient péniblement pour marquer la descente pendant que l'ascenceur voisin escaladait si lentement tous ces murs.

Quand l'ascenceur serait arrivé, il pourrait y monter s'il n'y avait pas de civière. Il y avait toujours une civière à roulette et un corps qu'on descendait ou montait. Pour expérimenter quelque chose.

Non. L'ascenceur était vide.

Il se remplit bien vite d'infirmières et de visiteurs. Pas de chaise roulante. Bonus. Et tous passèrent les minutes qui restaient à surveiller l'indicateur des étages au-dessus des portes coulissantes. Ce n'était pas un endroit qui encourageait les conversations.

Parfois, l'ascenceur s'arrêtait à un étage en remuant. Les portes s'ouvraient en grinçant et un des passages sortaient ou était remplacé par un autre qui voulait monter avec tous les autres. Heureusement pas de chaise roulante.

Lorsqu'il voulut redescendre pendant qu'on faisant la toilette de son ami, l'ascenceur bloqua entre 2 étages. Un infirmier qui semblait habité à ces caprices technologiques dit que si on ne voulait pas passer la nuit ici, il fallait l'aider. Et aider l'ascenceur consistait à sauter jusqu'à ce qu'il se décoince. Comme lorsqu'on secouait les radio transmetteurs à lampes pour remettre en place des soudures ou des fiches.

Certains font ça avec leur femme pour lui replacer les idées. Tout le monde essaie tout le temps d'améliorer les choses à sa façon avec des effets variés.

Et la plupart des passagers imitèrent l'infirmier qui s'était mis à sauter sur le plancher. Monsieur Dickson enregistra ce qu'il était en train de vivre, une expérience peut-être pas inoubliable mais intéressante: je suis au fond d'un ascenceur dont les passagers sautent sur place pour le faire bouger. Des jeunes, de vieux messieurs, de braves madames sautent. Une danse ses Maasaï modernisée. Fascinant.

Le diagnostic semblait être le bon même si le traitement pouvait laisser à désirer et l'ascenceur se remit en marche. Sans d'autres douleurs ou malaises jusqu'en bas.

Sauf quelques bruits inquiétants. Mais petits et légers. Donc bien moins inquiétants.

Lorsqu'il revint de la salle des machines distributrices de chocolat, sandwich, coke, café, il observa les ascenceurs et se demanda s'il avait envie de passer la nuit coincé entre 2 étages en attendant un réparateur. Comme il n'avait pas envie, et qu'il n'était pas pressé, il choisit de faire de l'exercice et de monter les 10 étages à pied par l'escalier de service. C'était bon pour la santé. L'escalier était large et bien aéré. Il y rencontra quelques visiteurs et des employés qui avaient eu la même idée que lui et préféraient faire quelques pas lorsqu'ils n'avaient qu'un étage à monter ou descendre plutôt que d'attendre l'ascenceur née d'une expérience génétique d'accouplement avec un escargot.

Quand il décida que sa visite était terminée, qu'il en avait assez vu, il descendit les 10 étages et 20 paliers comme s'il sortait de prison.

Les hôpitaux font toujours cet effet, on s'y sent toujours mieux et en meilleure santé lorsqu'on en sort, surtout la nuit. Même si on n'était pas malade en y entrant. On dirait qu'on gagne 10 ans sur sa vie. On est plus léger, plus vivant, respire plus facilement. On devrait y aller plus souvent.

Il inséra son billet de stationnement dans la machine du hall et la machine lui dit qu'il fallait payer 2 $ de l'heure. Il inséra les pièces et la machine fut contente et lui donna un reçu contenant la date et l'heure à la minute, le nombre d'heures effectuées, l'$ reçu, la monnaie donnée, qu'il insérerait dans une autre machine pour faire ouvrir et lever la barrière.

C'est dans les journaux du lendemain, lorsqu'il prenait son café, qu'il apprit ce qui s'était passé la nuit de son départ. Probablement au même moment où il descendait les marches de béton. Il n'avait rien entendu. La cage d'escalier devant servir de coupe feu et de tunnel d'évacuation en cas d'incendie était isolée de l'immeuble environnant. Avec son propre système d'aération pour éviter que les fumées n'y pénètrent. La pression y était même négative ce qui obligerait l'air utilisé et toute fumée qui y pénétrerait malgré tout à sortir par le haut au lieu de stagner en bas. Au lieu d'avoir la sensation d'étouffer qu'on éprouve souvent dans une grande salle ou un édifice en hauteur, on s'y sentait très bien, mieux qu'ailleurs, si bien qu'on aurait dû la trasformer en gymnase. Moins coûteux que les autres et on n'y ferait que les meilleurs excercices qui soient: monter et descendre les escaliers.

D'après ce qu'en disaient les journaux, l'ascenceur souffreteux avait eu encore une autre panne. On y était tellement habitué qu'on n'y faisait plus attention. On pensait même avoir trouvé le remède à ces maux chroniques en sautant communautairement sur le plancher pour décrocher la cabine des rails.

C'est ce qui était arrivé.

La cabine s'était décroché de ses rails. Une fois de trop.

Mais au lieu de seulement se décoincer et descendre paisiblement, comme elle faisait 100 fois par jour, elle descendit en chute libre. Ses freins automatiques tout aussi usés avaient aussitôt brûlés n'ayant pas servi depuis 50 ans.

Le cable d'acier trop étiré et mal huilé qui la retenait au contrepoids de 10 tonnes. Et  soulevait ou descendait la cabine en s'enroulant ou se déroulant dans le grand treuil se cassa aussi. Le contre-poids fut entraîné dans sa chute et passa entre les 2 ascenceurs entraînant le cable d'acier qui coupa la cabine en 2 comme un fil à fromage un bloc de mozzarella. Coupant un infirmier de haut en bas, de la tête au bassin.

Les 2 moitiés de cabines poursuivirent séparément leurs descentes dans le même puit. Semant quelques passagers qui allèrènt s'écraser tout en bas.

Normalement, les corps en mouvement se déplacent à la même vitesse quelque soit leur masse car la vitesse en chute libre d'un corps ne dépend pas de son  poids ou de sa forme, ce qu'à démontré une expérience de Galilée. Cette expérience a été essayé avec succès sur la Lune lors du vol d'Apollo 15. Là., il n'y a pas d'air avec un marteau et une plume arrivèrent au même moment sur le sol. Mais dans l'atmosphère terrestre, il y le frottement de l'air qui fera qu'un oreiller rembourré de plomb arrivera plus vite au sol qu'un oreiller de plume comme le veut la sagesse populaire.

Donc les passagers éjectés de la cabine auraient dû arriver 100 pieds plus bas au même moment que l'ascenceur. Mais il y avait le frottement de l'air et aussi le frottement du béton de la cage d'ascenceur sur les moitiés de la cabine. Et, effectivement, les passagers qui passèrent au travers du plancher de la cabine arrivèrent en bas plus rapidement. Ainsi que les 2 moitiés de l'infirmier.
Finalement, les morceaux de la cabine arrivèrent en bas, tout en bas. Au milieu des corps éclatés comme des oeufs entourant le ressort au bout de la colonne d'acier au centre du puit d'ascenceur. Sur lequel était empalé une femme . L'énorme ressort devait assurer un atterrisage en douceur de la cabine lorsque le treuil la déplaçait et la déposait mais il n'était pas conçu pour retenir une cabine remplie de passagers soumise à la seule loi de la pesanteur et traversa ce qui restait de plancher et empala un visiteur. La barre d'acier le souleva et le ressort lui sortit de la cage thoracique juste sous le menton. Mais il était déjà mort comme la plupart des passagers qui restaient lorsque leurs jambes subirent la décélaration de l'arrêt final de la cabine sur le plancher de béton. Tous leurs os éclatèrent. Il ne resta que leurs crânes intacts mais leurs cerveaux étaient devenus de la bouillie. 

Tous les corps arrivèrent finalement tout au fond dans la cuve de béton avec les morceaux de métaux et leurs corps se séparèrent en différentes parties. Beaucoup redevinrent liquide.

Après les grincements de métal et les hurlements, ce fut le silence.

Une enquête allait déterminer ce qui s'était passé.

Une inspection détaillée allait déjà être effectuée dans la semaine à venir pour déterminer si l'ascenceur vieillissant devait être remplacé et revendu dans un pays du Tiers-Monde. Même si cette rénovation n'était pas comprise dans l'enveloppe budgétaire de l'année. Ce ui avait fait retarder le changement de modèle depuis plusieurs années. On devrait donc faire ces travaux avant terme. Le personnel serait content, ils auraient enfin 2 ascenceurs neufs puisqu'on changerait également l'autre cabine qui n'était pas encore tombé.

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31 juillet 2012. État 1

Morts: 10