Henry Dickson
L'enquête sur les causes pouvant expliquer qu'un jeune homme dans la vingtaine se serait jeté volontairement dans le bûcher des fêtes de la Saint-Jean continue. Pour le moment, les causes et les circonsance ayant conduit à cette conséquence tragique sont encore inexplicables. Actuellement, différentes causes sont à l'étude.
Rappelons les faits. Le gigantesques feu annuel de la Saint-Jean, le 24 juin, allumé la nuit, marque l'apothéose de cette grande fête populaire qui donne lieu à des spectacles et des démonstrations de joie patriotiques.
Les gens s'assemblent autour du feu à bonne distance car il est très ardent et les flammes s'élèvent hauts dans le ciel. Des dépliants distribués aux participants de la fête nationale rappellent les conseils de prudence. Par exemple, il faut éviter que le vent ne projette des étincelles dans les yeux comme c'est déjà arrivé. Et il faut se tenir loin du site du feu d'artifice pour les mêmes raisons.
Les gens faisaient le tour du feu, les premiers rangs étaient assis sur l'herbe tandis que les autres restaient debout, car le feu a toujours eu quelque chose de fascinant. Est-ce que c'est cette fascination pour le feu qui expliquerait ce geste insensé?
Et comme le jour de la Saint-Jean dépend de l'humeur de mère Nature, ce n'est qu'à la dernière minute avant minuit qu'on décidera d'allumer le feu. S'il vente trop et si le temps est trop secs et que les flammèches risquent de se propager hors du parc, on ne le fera pas.
Ou s'il pleut parce qu'on ne pourra pas maintenir les flammes avec du bois mouillés. Ou s'il fait trop froid. Ou si toutes ces mauvaises conditions météorologiques sont réunies pour gâcher la fête.
Mais depuis des années, il n'avait pas fait aussi beau. Pas de vent. Ou juste un peu et assez pour que la chaleur ne devienne cuisante. Le feu s'élevait droit et haut. Des spectateurs prenaient des photos. Les mêmes prirent des photos de l'homme qui traversa les divers rangs de la foule pour arriver devant le feu et y entrer.
Sans un cri.
Ceux qui avaient des téléphones cellulaires appelèrent les secours qui étaient déjà sur place au cas où il y aurait une indigestion, une mauvaise cuite, un overdose de drogue, une bagarre. Mais personne n'avait pensé jusqu'à présent, depuis 100 ans qu'on élève le feu à cet endroit que quelqu'un serait assez fou pour faire une telle chose.
Étant donné la chaleur qui irradiait à 20 pieds des flammes, il était impossible d'approcher le feu encore moins de penser y entrer pour dégager l'homme qui était devenu invisible. Quoiqu'il lui soit arrivé, il était trop tard pour lui.
Les pompiers arrivèrent avec leur camion. La police fit évacuer la foule. On arrosa le bûcher et appela un buldozer pour jeter à terre la construction car les flammes avaient tout érodé et tout ne tenait que par l'habitude. Déplacer le moindre billot, même une fois l'incendie éteint, risquait de tout vous précipiter sur la tête. Il n'était donc pas question d'entrer dans ce labyrinthes de poutres pour suivre les pas du fou. Une fois, la montagne de bois à terre, des pompiers commencèrent la recherche.
On dégagea les billots à la main et on finit par le trouver. Il était aussi noir que les billots qui l'entouraient ou le recouvraient.
Il n'avait sur lui aucun manifeste ou lettre qui permettrait de comprendre la raison de son geste. La cause personnelle ou politique qui l'expliquerait. Sans doute ne comprendrions-nous pas la raison de tout ça mais ce serait un geste humain qui nous relierait en quelque sorte à lui. Sinon, son geste demeurera indéfiniment incompréhensible sans aucune possibilité de l'interpréter.
Il faut dire aussi qu'étant donné l'intensité des flammes aucun objet de papier ou cassettes ou CD n'aurait résisté. S'il avait pensé en apporter un avec lui, ce fut une erreur de sa part. Mais on espère que dès qu'on aura identifié le corps grâce à sa dentition - aucun autre élément n'est reconnaissable- on ira à son appartement et peut-être y trouverons-nous une copie de son témoignage
Selon des témoins qui ont pu examiner ses restes, il ne semblait pas avoir souffert. Sans doute, protéger par les effets de la même drogue qui l'avait privé de raison au point de le faire se jeter dans le feu. On s'interroge encore sur la variété de drogue qu'il aurait utilisé.
Si l'année prochaine, on fait encore une feu de ce genre pour respecter la tradition populaire centenaire, on installera sans doute un périmètre de sécurité avec des barrières de métal tout autour. Les spectateurs e plaindront sans doute qu'on les prive de leur vue mais il faut reconnaître que le feu de la Saint-Jean fait parti d'une ancienne tradition comprise par des gens d'une autre génération, quand personne encore ne pensait à se jeter volontairement dans un feu.
Est-ce que ce geste absurde et incompréhensible sera imité?
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1 juillet 2012. État 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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