HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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9.6.12

113. QUI TROP EMBRASSE MAL DÉTEINT!

Henry Dickson

Regardait avec les autres l'émission comme une partie éliminatoire de la Coupe Stanley. Le gardien de but était-il en forme? Quel est l'attaquant qui marquerait le premier but? Qui se ferait mettre en échec ou projeté dans la bande ou la verrière ou recevrait un 6 pouce dans les côtes? Une belle commotion cérébrale après qu'on ait fracassé un bâton sur son casque ou sa visière. Jeu salaud. Qui attaquerait le gardien du but? Qui serait handicapé à vie?

Il y avait sufisamment de chips pour tenir le siège.

On pouvait voir la sueur sur le front des participants. Et monsieur Dickson qui ne voyait pas l'intérêt de la tv HD 60 pouces! C'était ça le principal intérêt: On pouvait voir la sueur, les larmes, la bave en direct. Gros plan. Mais pas le sang - quoique ce soit déjà arrivé- puisqu'on était dans une émission type tribune et fait de société, comme ils disent. Et que les invités étaient soigneusement choisis pour s'étriper ou se faire complaisamment étriper à la tv.

_ Bonjour !
Le Roi était tout souriant. La caméra montra le Fou gras comme un chat qui venait de bouffer plusieurs souris dont les queues frétillantes dépassaient de sa bouche.
_ Bonjour.

Dit l'écrivain content d'être là tout en jaugeant l'adversaire.

Le combat allait commencer dès que les politesses cesseraient.
Le Roi pesa sur les touches du clavier de son orgue incrusté dans son bureau et une musique pré-enregistrée se fit entendre. Funèbre.

Il montra le livre de l'écrivain du jour (plutôt du mois ou du trimestre, car on n'invitait pas beaucoup de membres de la corporation) à la caméra. Une autre caméra en fit un gros plan fixe.

Pub gratis devant 2 millions de personnes. Certains tueraient leur mère et sacrifieraient leur bébé nouveau né pour ça. Les libraires assistant au spectacle dans leur salon prenaient leur carnet de commande; le lendemain, lundi, ça allait chauffer dans les étalages. En espérant que l'éditeur et le distributeur ne dormaient pas sur la switch et regardaient aussi l'émission.

_ Vous avez gagné le livre platine pour votre précédent roman. 100 000 copies vendues. Ce qui est un record ici.

_ Malgré ce qu'on dit, il doit y avoir encore des gens qui m'aiment.

_ Vous avez fait pas mal d'$ ?

Quand il s'agissait d'$, le Roi était intéressé. Élève studieux prèt à tout connaître. Le sexe l'intéressait aussi.

_ Plus que des amis...

Dit fieilleusement le gros chat fou.

Le mot $ avait le don de réveiller l'auditoire et les panélistes. Plus le chiffre était gros, mieux c'était. Le mot «sexe» ne laissait personne indifférent mais pas autant que le mot $ quoique l'annonce de la projection d'un film porno non censuré soit difficile à battre.

On avait déjà vu un milliardaire à l'émission ce qui avait intéressé bien des gens mais une fois qu'on s'était aperçu que c'était un homme comme tous les autres mais avec 1 milliard en plus et qu'il avait des problèmes comme tous les autres (mais multiplié par son $) par exemple un divorce compliqué et une femme tout aussi compliquée qui prétendait que son épanouissement personnel (et comme toutes les femmes elle se sentait insécure) dépendait du fait d'avoir la moitié de sa fortune, soit 500 000 $, avait refroidi bien des gens. Finalement, peu de gens avaient envie d'être à sa place.
_ Pas autant que vous.

Les 2 adversaires se mesurèrent. Chacun fixa dans les yeux l'ennemi à abattre. Une caméra pour chaque visage fit un gros plan des yeux. Comme pour les duels de Sergio Leone. Gros yeux dans le grand écran. On parlait beaucoup du salaire des 2 animateurs (celui du Fou n'était pas comparable à celui du Roi mais pas négligeable non plus); on citait des chiffres dans des revues à vedettes. L'invité oserait-il en nommer un?

Les téléspectateurs aimaient bien les gens riches mais pas nécessairement les animateurs de tv riches qui se doivent d'être un peu monsieur tout le monde. Pas trop différents de ceux qui les regardent. Poli, propre sur eux, à l'aise mais pas riche. Ça crée une distance.

Un peu comme avec les gens trop intelligents. Qu'on n'aimait pas trop trop non plus. On ne les détestait pas trop non plus mais on les aimait bien quelque part, loin, utile à faire ou comprendre des choses qui n'intéressaient personne.

Au lieu d'attaquer immédiatement, l'invité qui avait fait une feinte dévia la rondelle.

_ 1 roman c'est 1 an de travail.

Le Fou lisait aussi les dossiers et il intervint en sage comptable:

_ À 10% de droit d'auteur, ça fait 200 000 $

_ Dont la moitié va à l'impôt.

_ C'est quand même pas mal pour  1 an?

_ Pas mal. En théorie. L'éditeur a fait faillite.

Les libraires qui regardaient l'émission et qui n'étaient pas au courant ramassèrent leurs machoîres tombées par terre ou dans le bol de pretzel.

_ Et ?

_ Et il ne payait plus de droit depuis 2 ans. Moi comme d'autres, on patientait. On travaille gratis et lorsqu'on va enfin être payé... Il s'en servait pour rembourser ses dettes. Tous les stocks ont été saisis. Y compris ceux de mon nouveau livre. Pour rembourser les autres dettes. Et seront écoulés en lots chez les bouquinistes et on ne touchera pas une cenne de ça aussi.

Les libraires trouvèrent que la vie était bien injuste.

_ Je vois que si un livre a du succès ou n'en a pas, c'est kif kif!

_ Et l'$ des ventes de ceux qui sont actuellement en librairie ira aux huissiers. Nous les auteurs, sommes considérés comme des créanciers non privilégiés.

_ Ce qui veut dire?

_ Comme ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, je commence à être habitué. Les créanciers privilégiés sont l.'État et les banques. L'État. Si la compagnie n'a pas payé la taxe de vente, l'impôt, remis les déductions qu'elle a soustraite dans les chèques de paie de ses employés: assurance-chômage, impôt, pensions, ect. Souvent lorsque ça commence à aller mal et le patron, la secrétaire-comptable ou le comptable, tout dépendant de la grosseur de la compagnie et des chiffres de l'affaire, le savent avant tout le monde: on commence à sauver le meubles, et couper ici et là, puis quand on s'aperçoit que ce ne sera pas suffisant, on jette par dessus bord les femmes et les enfants et les marins et les employés, et si ça ne marche pas plus, on commence à faire de la comptabililité créative. On joue ici et là à la limite de la perversion avec la loi, pour finir par couper dans le fond de pension des employés. Ou les dividendes des auteurs.

_ Et les banques?

_ Mais souvent, parce que l'État est copain copain avec les financiers privés, il laisse toute la place aux banques. Il se fait tout petite et se dit un créancier ordinaire. C'est-à-dire que ce sont les contribuables qui vont rembourser ce qui lui manquera. Lors de l'entente entre l'assemblée des créanciers et les huissiers qui administrent provisoirement l'affaire, les autres créanciers et fournisseurs auront 10% de leurs dettes. Les auteurs auront le même sort que le technicien de la photocopieuse et les fournisseurs de papier. Au bout de 5 ans. S'il reste de l'$. Car les huissiers et avocats se serviront les premiers dans la jarre à biscuits et dans les biscuits qui restent.

_ Dépriment?

_ Ça n'arrive pas toujours ainsi mais ça arrive. Un peu comme au poker. 1 an de travail pour rien. Et je n'ai plus les droits qui seront vendus avec ceux de la centaine d'auteurs au repreneurs de la maison. Qui en fera ce qu'il voudra. Rien ne l'oblige à republier qui que ce soit. Si on republie et que ça se vend, je touche. Mais il faut profiter du succès quand il passe. Quand on a arrêté d'imprimer et de fournir les librairies, ça faisait boom! Puis ça a été le flat. Les distributeurs, les libraires et les clients avaient beau le demander, niet. Mais personne ne donnait la raison. Dans quelques années, lorsque la comptabilité sera de nouveau en ordre et nettoyée, lorsqu'on décidera de réimprimer si jamais on le décide, qui sera intéressé? Je pourrais peut-être les racheter mais je n'ai pas d'$. Ou le tout restera dans les limbes. À flotter indéfiniment dans le vide. Il y aurra bien quelques exemplaires chez les marchands de livres usagés, des débrits du naufrage. À ma mort, on me fera un beau monument.

_ Mais vous dites que votre éditeur, la maison d'édition qui vous publie sera probablement rachetée. C'est bon signe.

_ Dépecées plutôt. Si on rachète quelque chose ce sera l'étiquette, le nom du papier à lettre ou des cartes d'affaire.

Le Roi qui connaissait l'immoblier pour y avoir investi sagement une partie de ses revenus connaissaient la rue et l'adresse.

_ C'était un bel immeuble.

_ Dans une belle rue. Un beau quartier. Une belle adrese. Prestige et cie. Beau monde. Beau linge. Boutique chic. Tout ça coûte cher à entretenir et à faire flotter. Et remettre du cuivre sur le toit parce qu'il y en a déjà eu, quand c'est un immeuble historique! Le nom a une valeur parce que c'est aussi un éditeur historique. Mais je ne sais pas combien ça vaut. Tous les grands auteurs d'ici y sont passé. Et plusieurs sont restés. Je me sentais privilégiés quand on a accepté mon manuscrit. Je ne connaissais pas alors les petits secrets de la maison. Les noms des cadavres dans les placards.

_ Et le plus beau cadavre?

_ À part moi?

_ Oui.

_ Malheureusement, il n'était pas mort. J'ai assisté aux funérailles du père et je ne me doutais pas que c'était non seulement une génération qui venait de partir mais aussi une mentalité. Je ne dis pas que le père n'avait pas de défaut mais je n'ai pas eu le temps de faire assez longtemps affaire avec lui pour les connaître. Par contre, je connais très bien ceux du fils. C'est le fils qui a repris l'affaire du père. Avec des méthodes plus agressives tandis que le père et le grand père, c'était plus classique, de cette façon, il ont tenu le fort presque 100 ans et traversé la guerre, la crise de 1929 et 10 récessions. Le fils a tout flambé en 5 ans. Tout ce qui était en dur sera liquidé. Bureaux, chaises. La maison tout aussi historique où il logeait est déjà en vente pour rembourser les créanciers. Je vois très bien un bureau d'avocats là-dedans. Ou une boutique de luxe avec des sacoches à 1000$. Une autre partie de nos droits pas payé a servi à la rénover. La maison a même eu un prix d'architecture, d'urbanisme, de témoignage de l'Histoire, je ne sais pas, de la ville. En passant devant, l'autre jour, je me disais que cette fenêtre, c'est peut-être moi qui l'ait payée. Et les moulures de bois des pièces à l'intérieur. Il y a une partie de moi et de nous dans chaque pièce de la bâtisse. Et le beau fauteuil de cuir de 1000 $ de l'ex-patron est aussi à nous. Intellectuellement. Mais nous aurions aimé avoir cette partie pour nos logements. Nous aussi on loge quelque part. Nous aussi, il nous arrive de nous asseoir. Et mon canapé a un ressort qui dépasse.

_ Et un gros éditeur la rachètera?

_ Une fois qu'il aura le nom  de la maison d'édition défunte, il n'a plus besoin de sa carcasse. Il y en a quelques-uns qui collectionnent déjà des dizaine de noms d'anciens éditeurs, tous disparus et sombrés avec leurs édifices. Les gens qui achètent tel livre provenant supposément de tel éditeur ignorent qu'il sont tous logés dans le même bureau du même étage d'un immeuble à bureaux du centre-ville. Plutôt la même filière. Et ce qu'il en reste n'est qu'une chemise de dossier.

_ La plupart des gens ne regardent pas le nom de l'éditeur. Sauf Gallimard qui fait prestigieux.

_ D'accord. Alors ce qui a vraiment de la valeur est le carnet d'adresses. Nous les auteurs, on fait parti de la liste d'épicerie. On achètera ce carnet ou la disquette et on fera un tri entre ceux qui vendent des livres ou pas. C'est comme le repêchage au hockey. Certains joueurs, trop jeunes ou trop vieux, qui ne font pas ou plus assez de buts retourneront aux ligues mineures. Ou réorienteront leur carrière comme on dit. Moi, c'est le cinquième éditeur qui fait faillite.

_ Vous portez malheur?

_ Autant que les autres auteurs. À chaque fois, on fait un tri et on ne garde que les fruits les plus juteux.
Le Fou ironisa

_ Les poires les plus juteuses?

_ Parfois, c'est ce que je pense. On a beau croire qu'on est libre et qu'on fait un métier qui nous rend indépendant, à chaque fois, on se retrouve dans la situation des ex-employés d'une compagnie rachetée par son compétiteur. Des employés, il en a déjà en masse. Il faut qu'il fasse des économies. Et ça commence toujours par des soustractions, des fractions ou des divisions. On n'est pas des employés mais on se sent comme ça. Qui passera à la trappe? Qui recevra son bleu? Un lettre d'adieu comme à un mort: On vous remercie pour votre collaboration et vos réalisations passées mais vous ne faites plus parti des projets d'avenir de la compagnie et comme on vous aime bien, on vous souhaite plein de bonnes choses pour vos propres projets futurs. Et on vous souhaite bonne chance lorsque vous sautez par la fenêtre. Et  en tant que travailleur indépendant, entrepreneur capitaliste libre, on n'a pas le droit à l'Assurance Chômage. Au moins, les archives iront à la Bibliothèque Nationale.

_ Ou au recyclage?

_ Possible.

Le Roi regardait ses fiches dont la côté visible à la caméra montrait le logo couleur de l'émission. Il semblait désolé de ce qu'il lisait:

_ Pour ce roman, on vous accusait de plagiat?

_ Un ex-associé...

_ Et...

_ On faisait un projet de film ensemble. Il avait déjà collaboré avec ce producteur, pas moi. Et on me l'avait conseillé. Je comprend maintenant pourquoi, on voulait se débarrasser de ce crampon. Mais c'est comme les chardons, ça attache. Il est venu habiter chez-moi parce qu'il vivait dans une soue à cochon. On passait notre temps en téléphone et en courriels. Et c'était plus pratique pour notre collaboration. Du moins, ça semblait logique. Il a bu dans mes verres et mes tasses, mangé dans mes assiettes et dans mon frigo...

_ Et mangé votre femme?

Le Fou du Roi n'avait pas pu résister et attendait que la  jauge à pression saute...

_ J'étais sorti pour une séance de signature et je suis revenu plus tôt que je pensais parce qu'il ne faisait pas beau dehors et pas plus chez le libraire qui m'avait invité et par conséquent pas un chat n'est venu. Et lorsque j'arrive à la maison, j'entend des sons, certains sons, je pense que ma femme regarde un de mes films de ma collection XXX, elle qui dit que ça la choque. Et ça la choque même quand je les regarde tout seul. Il suffit qu'elle sache que je regarde. Ou qu'elle ne me voit pas. Là, elle n'était pas du tout choquée. Je le vois dans mon lit et dans ma femme.

_ Vous aurez peut-être mal vu?

_ Bonjour monsieur. Vous ne seriez pas en train de sodomiser ma femme? Si j'ai bien vu!

_ Et...

_ Depuis des années, j'essayais de la convaincre de varier un peu. Non. Elle se serait senti réduite au rang d'animal. Utilisé comme un objet pour ma propre jouissance. Et, en un mois, il lui rentre dedans et réussit à la convaincre de se laisser enculer.

_ Et vous leur avez pardonné?

_ Je les ai tous foutu dehors: lui, ma femme, ses enfants.

_ Vos enfants?

_ Qui sait?

_ Ce sont bien vos enfants et ceux de votre femme?

_ Des tas de femmes font des enfants dans le dos de leur mari quand ils tardent trop à arriver. Depuis qu'on a les moyens de savoir, on sait que 50% des enfants ont un code génétique différent de celui de leur père «adoptif». Je leur souhaite tout le bonheur possible. J'espère qu'il continuera à l'enculer tous les jours.

Le Roi changea de fiches.

_ Et cette histoire d'enfants et de reconnaissance de paternité et de pensions...

_ Toute une histoire. Qui remonte au temps de mes études. Quand je me suis fatigué de faire semblant d'étudier des choses sans importance que tout le monde sauf moi semblait trouvé si importantes: des écrivains morts ou des politiciens morts dont personne ne se souvient du nom; ils ont fait tuer des milliers de personnes mais personne ne s'en souvient non plus. J'ai eu besoin d'$. J'étais aux USA et j'ai donné mon sperme dans une banque de sperme. On paye pour ça là-bas. Au lieu de vous masturber gratis comme tous les mecs. Ou de cruzer et d'éjaculer dans la bouche, le vagin ou l'anus d'une femme gratis. J'avais le physique athlète et mâle Alpha blond viking nordique nazi de base très recherché par les femmes blanches. Chaque coup était payé et j'avais un bonus. Disons la prime au nazi. J'ai aussi donné mon sang. On paye aussi. Ici, on vous donne un beigne et un café. Les plaquettes ça vaut encore plus cher.

_ Les...

_ Pour le sang rouge normal, on vous prend 1 litre dans un sac de plastique si vous n'êtes pas homo. Pour l'autre, on vous vide de tout votre sang qui passe dans une machine et on en retire certaines substances rares et on vous réinjecte votre sang ensuite. Et votre organisme en fabrique d'autres.

_ Vous n'aviez pas peur?

_ Peur de quoi? De mourir? Quand vous logez dans un appartement d'un immeuble appartenant à la Mafia, comme une grande partie de la ville, vous avez intérêt à payer votre loyer. Et à temps.

_ Et vous en avez eu d'autres de ces jobs inusités?

_ Tout ça ne payait pas autant que de servir de cobaye pour l'expérimentation de médicaments. J'ai essayé aussi. Ça marche en double aveugle. Une moitié des cobaye reçoit le vrai produit, l'autre moitié, le placébo, une pilule de sucre et de farine. On vous interroge ensuite pour le dossier.

_ Si vous êtes encore vivant!

_ Ou s'il ne vous pousse pas de tentacules. Dans ce cas, pour la bonne réputation de la compagnie, on vous enverra en Thaïlande ou sur la Lune.

_ Et vous avez reçu de véritables... je ne sais pas si médicament, remède, est le mot juste.

_ En effet, on ne sait pas encore si ce produit gérira quelque chose. Ça fait déjà des années qu'on l'étudie, qu'on teste sur des animaux, les tests sur humains sont l'étape suivante. Et ça durera encore des années.

_ On observe les dégâts ensuite?

_ Parfois, ça ne donne rien. Parfois, le nouveau produit ne fait rien de plus que l'ancien. Parfois, ça marche mais c'est les effets secondaires. Et il y a quelques morts. Quelquefois, on se sent bizarre, c'est là que j'ai pensé avoir reçu le vrai truc, mais il ne m'est rien arrivé de plus grave. Au moins pour le moment.

_ Des morts?

_ Tout remède efficace est aussi un poison. Il s'attaque à un virus, une bactérie, etc. Il doit la tuer. C'est une agression contre le corps. Normal qu'il y ait des gens qui ne supportent pas. Comme pour les vaccins. C'est le virus rendu inoffensif, supposément, ou affaibli, on l'espère, qu'on introduit dans l'orgonisme en santé afin que ses anticorps et son système immunitaire le reconnaisse lorsqu'il y aura une vraie attaque de virus efficace. C'est une agression contre le corps destinée à prévenir une agression plus grave encore.

Il y a des gens qui sont allergiques au lait, au gluten, aux arachides, au pollen. Imaginez une attaque virale. Il y en a donc qui se retrouvent gravement malade, le corps se considérant réellement attaqué par le virus, ses pauvres défenses basculées immédiatement et rendant les armes comme les Français devant les Nazis lors du Blitzkrieg. Vaincus avant même de combattre, paralysé ou morts. On ne les note pas dans le résultat final public mais on les calcule statistiquement. Considérant que lors d'une pandémie qui vise la société entière, c'est la société entière qui doit être vaccinée pour éviter que des individus ne deviennent des traîtres à l'espèce, contaminés sans le savoir ou asymptomatiques, vecteurs de la maladie comme Typhoid Mary et ne propagent la maladie. Les victimes, X sur 100 000 sont profits et pertes inévitables. Connaissant ça certains sont réticents à se faire piquer mais les pouvoir publics peuvent rendre la vaccination obligatoire. Comme pour les soldats.

Si j'avais été soldat, ici, après la guerre, avant de me démobiliser, parce qu'on avait encore tous ces soldats sous la main pourquoi ne pas s'en servir une dernière fois? On m'aurais envoyé en Arizona pour assister à un test atomique. Sans me demander mon avis. C'aurait été les ordres. Sans me le dire parce que je n'aurais pas eu besoin de savoir. Parce que le savoir ne m'aurait en rien aidé dans ma mission future et n'était donc aucunement indispensable. La doctrine du besoin de savoir est la base de l'information de l'armée. Ce n'est que là que j'aurais peut-être compris. Mais qu'est-ce que le porteur de bottine de base connaissant à l'atôme en 1947?

_ Ben. Hiroshima!

_ Une nouvelle dans le journal. Si on savait lire. Et ce n'est pas si fréquent. Nouvelle à la radio. Reddition du Japon. Une bombe mystérieuse explose. Ça a pris des années avant que l'information coule. Top Secret. Menace Russe. Il ne faut pas imaginer que ce qu'on sait en 2012 - et on ne sait encore qu'une partie de la vérité - était disponible au public en 1946, 1947, 1948. Jusqu'à la première explosion Russe en 1953. Dans les projets du futur de l'époque, on prévoyait même des autos avec des moteurs fonctionnant à l'énergie de l'uranium. Et des autos volantes. Alors le danger de l'uranium ou du plutonium? Et on n'avait pas encore appris à se méfier des autorités. Les méchants étaient Allemands, Japonais, maintenant Russes. On était les bons. On avait défendu la liberté, la démocratie.

On a fait avancer les soldats à une distance dites sécuritaire - on parle d'une bombe atomique- on leur fait creuser une tranchée dans le désert avec leurs petites pelles miniatures réglémentaires et c'était tout ce qu'ils avaient comme mesure de précaution. Et des lunettes fumées de soudeurs. On a fait sauter une bombe pour expérimenter à quelle distance on ne ressent aucun effet désagréable ou vraiment désagréable (comme mourir, griller, être désintégré, peler ou devenir aveugle ou vomissement ou vertiges) et où on est encore en état de combattre. Uniforme de coton, casque de fer, sac à dos, fusil réglementaire. Après l'explosion, on les a fait sortir de leurs trous pour les faire courir et attaquer à la baïonnette un ennemi imaginaire. Respirer à plein poumons les particules de sable irradiés que le vent transportait. Ils faisaient des exercices alors que l'onde de choc et les radiatons se propageaient encore dans l'air. Ce qu'on connaissait de la sécurité nucléaire à ce moment était plutôt vague. Et on s'intéressait au bien être des soldats comme à ceux des poules des poulaillers. De toute façon, ils étaient tous promis à l'abattoir, alors il valait mieux ne pas s'attacher.

On voulait savoir si, malgré les effets connus de LA bombe, qu'on avait déjà expérimenté sur le vivant (des femmes et des enfants japonais) (des sous-hommes) (Untermensch), on pouvait malgré tout poursuivre la guerre. On se rappelait que l'armée japonaise avait capitulé. Mais si elle ne s'était pas rendue? S'il avait fallu les combattre sur une terre radioactive? Ensuite, on les a ramené à la base et on leur ordonner de signer un document confidentiel dans lequel ils juraient de garder le secret sous peine d'être accusé de trahison. Et on a tenu ça mort pendant des décennies avant qu'un journaliste qui, pour une fois faisait son métier, déterre l'affaire. Des soldats étaient sans doute morts de toutes sortes de trucs mais personne n'en connaissait la cause. Mais comment prouver quelque chose d'inconnu? Tout d'un coup, on s'est souvenu parce qu'on ne pouvait plus enterrer le secret en catimini avec le soldat qui le contenait. On a cessé de dire qu'il n'était rien arrivé. On a décidé de faire le contraire, de contre-attaquer en bon militaire et de nommer ça glorieusement. De le fêter au lieu de le cacher honteusement. On a fait une cérémonie, on leur donné une médaille, à ceux qui n'étaient pas morts et il n'en restait pas beaucoup, pour ne pas être mort du cancer et avoir contribué par leur sacrifice à la défense du pays. Les soldats aiment se sacrifer et aiment les médailles. Probablement, qu'il y a eu une musique. Militaire aussi. On les appelé les chevaliers de l'atome. C'est charmant!

_ Je ne me souviens pas avoir vu ça!

_ On en a parlé et on a oublié.

_ Et vous avez eu d'autres métiers intéressant dans votre période 36 métiers 36 misères?

_ J'aurais pu me prostituer mais comme la majorité de la clientèle est masculine, j'aimais mieux pas. Question de goût. Et j'aimais mieux pas.

Le Fou était compréhensif

_ Tous les goûts sont dans la nature.

_ Ou vendre de la drogue. J'en ai acheté à la place. Ce qui est un mauvais placement. Vaut mieux en vendre et garder une partie de votre marchandise pour votre consommation personnelle. Le danger est que vous bouffiez tout, vos profits avec. Jusqu'à ce que vous ayez des dettes envers votre fournisseur. Que ce soit un gang de rue, les motards, la Mafia, la police des narcotiques. On ne plaisante pas. Comme il y en avait partout, pas chère en plus, et que j'étais constamment tenté, je suis revenu ici. Et comme il y en avait autant. Une industrie d'1 milliard rien qu'à Montréal. Sorte de distributeur de toute la province. Et ça paie. J'ai fini par succomber à la tentation. Je me suis dit que je n'étais pas plus fou qu'un autre. Qu'il y avait une petite place à prendre.

Le Roi consultait ses cartons et son I-Pad.

_ Une journaliste a dit récemment que les artistes étaient des parasites vivant au crochet de l'État!

_ Ce n'est pas une journaliste. Je connais le sens des mots. C'est une chroniqueuse. Une commenteuse. Elle commente. Met ses organes sur la table, ouvre les jambes et il en sort quelque chose de gluant. Les cons et les connes ont le droit d'avoir des opinions. Les gens pas intelligents, pas instruits, pas cultivés non plus, aussi. Comme les gens intelligents, cultivés, instruits font freaker le monde à la tv ou dans les journaux. On les comprend pas. Ils ont un vocabulaire de plus de 10 mots. Alors on engage les autres! Et ils vous chient quelque chose.

_ Je comprend que vous ne l'aimiez pas. Mais en ce qui concerne ses idées.

_ Ses «idées». White trash, red neck, nekulturny. Vous voyagez?

_ Oui.

_ Vous aimez voir les beaux monuments? Les grands édifices. Les concerts. On va en Italie, en France, en Angleterre pour ça. Tout ça a été payé par l'État. Les rois. L'église. Parce qu'on voulait laisser de belles choses. Parfois, on aime, parfois pas.

_ Parfois, ce sont des hommes d'affaires riches qui engagent les mêmes artistes pour laisser un musée, une bibliothèque, un monument. Ce ne serait pas mieux si l'État ne s'en mêlait pas?

_ Normal que certains hommes d'affaires sur le point de crever veulent faire oublier leur passé. Ils sont vieux. Devenus moins rapaces. Mais cet $, ils l'ont pris sur le dos de leurs ouvriers. En suçant leur sang comme les tiques, les poux et les punaises à matelats. Ils le rendent d'une autre façon. Et on les aime pour leur bonté et leur charité parce que tout le monde a oublié leur passé. Et c'en fera moins à leurs parasites de fils.

_ Ça ne vous gêne pas de vivre au crochet de l'État?

_ Non. Si c'était le cas, ça ne me gênerait pas du tout. Et combien coûte en taxe Radio-Canada. Toutes les personnes qui y travaillent vivent aux crochets de l'État. Certains plus que d'autres. Et ça ne concerne pas que les arts. L'industrie militaire. Mais aussi l'industrie normale. Et l'État, met 5 milliards de subventions par année dans le circuit. Et l'État fédéral, provincial, municipal compte pour la moitié de l'économie.

_ Ce ne serait pas mieux de baisser les taxes et de laisser les affaires aux personnes dont c'est la spécialité?

_ Un homme d'affaires, son job est de faire du cash. Peu importe le moyen.

_ Il y a la police...

_ Il veut devenir riche. C'est légal. Il y en a qui veulent sauver des vies, des âmes, écrire un beau poème. Eux c'est l'$ qui les motive. Je n'ai rien contre. Je ne suis pas communiste. Si on donne un hôpital à gérer à ce type d'individus, il va bien le gérer. Et ça lui permettra de s'enrichir.

_ Qu'est-ce qu'il y a de mal?

_ Vous ne pensez pas souvent. Vous devriez essayer. C'est bon pour la santé. Facile de rendre un hôpital rentable. Tu ne soignes que ceux qui ont l'$ pour payer. Ou de bonnes assurances. Qu'on ne vend qu'aux gens en bonne santé. Tous les autres, les vieux pauvres, les femmes pauvres, les hommes pauvres, les enfants pauvres ou les bébés pauvres ou pire le vieux malades et pauvres ou les femmes enceintes pauvres célibataire avec famille nombreuse et sans une cenne. Tu les envoie aux curés qui ont de la misère maintenant à payer leurs églises. Ils vont prier ensemble.

_ C'est drastique.

_ Les nazis voulaient le faire. C'étaient des gens pratiques. Vieux, malades, infirmes, handicapés, blessés, séniles, malades mentaux, sous-développé du cerveau. L'euthanasie. Et stérilisation des pauvres. Interdiction de s'accoupler pour les sous-hommes. Et les chômeurs. Et on fait travailler de force ceux qui peuvaient se tenir debout. Avant de les embrigader à l'armée. En un rien de temps, plus de chômage. Ou ceux qui sont trop vieux ou trop chétifs pour fairer un bon soldat nordique blond de la race des seigneurs, on les envoie dans un camps de travail forcé. Plus de mandiants et d'itinérants dans les rues. Dès qu'on en voie un, le camion! Et tu peux faire des expériences médicales avec. Éliminer les gens défectueux avant qu'ils transmettent leurs défauts génétiques à une autre génération. On voulait le faire ici: ça s'appelle l'eugénisme. Les médecins qui proposaient ça ont été oublié mais on encore de beaux monuments. On ne laisse vivre que les plus forts. Tant pis pour les faibles.

_ C'est peut-être aller loin.

_ On y est allé et on n'a pas aimé le paysage.

_ Mais les routes, pourquoi ne pas les laisser au privé? Vous êtes contre une autoroute payante, bien entretenue, avec de la belle asphalte, sans limite de vitesse comme les autobahn allemandes.

Le Fou se méfiait

_ J'imagine que vous allez encore trouver un défaut?

_ Pourquoi, il n'y a que moi qui les trouve? Vous avez arrêter de penser quand? Au primaire?

Le Roi intervint pour défendre son Fou. Lui aussi aimait les belles routes.

_ Moi, je ne vois que des qualités à cette idée de belle autoroute?

_ Évidamment, vous êtes riche. Votre Fou a de l'$ mais pas autant. Je vois très bien cette autoroute, c'est comme si elle était déjà là. Avec des Porshe, Mercedes, Ferrari. Peut-être une Cadillac mais pas sûr.

_ Et les autres autos?

_ Le problème, ce sont toujours les pauvres. Et, ici, le terme s'étend aux classes moyennes et à la petite bourgeoisie. D'anciens pauvres ou fils de pauvres qui n'ont pas eu le temps d'escalader complètement l'échelle sociale.

_ L'euthanasie?

_ Je ne suis pas si méchant. Ils iront tout simplement sur le vieilles routes cabossées tandis que vous irez avec vos pneus à 1000 $ chacun, roue d'aluminium coulée à 500 $ chacune et frein en céramique à 5000$ sur cette belle asphalte. On pourrait faire comme en Arabie Saoudite, pour faire durer les lignes jaunes ou blanches de la séparation des voies, des terre-pleins, des passages piétons, on ne les pendrait plus, ça s'efface, on les remplace par des barres d'aluminium coulée.

_ Mais ça va coûter une fortune?

_ Pas grave, on aura les moyens! J'écoutais dans un reportage des spécialistes des routes parler de l'éventualité de ces belles autoroutes privées. Pas aussi belles que celle que je décrivais. Autouroute ordinaire mais privée et payante. Elles doivent faire leurs frais et fournir des profits aux entrepreneurs qui les administrent. Ils ont calculé le coût d'un billet ou du scannage sur votre plaque d'immatriculation ou de votre transpondeur. Un aller. 125$. Québec Montréal.

_ Y'aura pas grand monde.

_ Vous pourrez circuler en BMW toit baissé et écouter de la musique classique, vous ne serez pas dérangé.

_ Mais on ne pourrait pas payer moins?

_ C'est ce qu'on fait toujours quand on parle de péage. C'est en réalité un ticket modérateur, pour faire semblant de contribuer. Le 5 $ sort d'une poche et de l'autre poche, ce sont les taxes dont va se servir l'État pour payer le reste à l'entrepreneur. Un ami. Qui prendra son profit aussi.

_ Et pour les nouveaux pont à Montréal?

_ Combien coûte un pont? 1 milliard$ ! 5 milliard $ ? Combien le péage? 100$ ? Et il y a un autre problème?

_ Je m'en doutais.

_ Des spécialistes disent que de plus en plus de gens quittent l'île pour vivre en banlieue parce que les terrains, les maisons et les taxes coûtent moins cher. Mais ils veulent travailler en ville, s'amuser, visiter. Stationner. Un nouveau pont, c'est 15,000 autos de plus.

_ On les loge où?

_ Comme dans les jeux de légo. Le garage imaginaire. Un stationnement à étage. Pas les anciens où tu conduit ton auto d'étages en étage pour chercher une place. Un immeuble de 100 étages. Tu laisses ton auto à l'entrée, un tapis roulant la prend, l'amène à un ascenceur qui la conduit à  l'étage approprié. Là un nouveau tapis roulant ou un chariot à palettes ou un grappin sur un rail au plafond la prend et la conduit dans une case. Il n'y a pas besoin de conducteur parce qu'il n'y a pas de place pour eux. Juste assez large et assez haut pour que ça entre. Comme un casier postal. Un entrepot à autos. On commence à voir ça en Europe. Un ordinateur règle tout ça.

_ Ce serait fascinant! On devrait faire un film.

_ Quelqu'un reste prisonnier de son auto. Incapable de survivre. Car il n'y a pas de chauffage, pas d'air, pas de lumière, le robot n'a pas besoin de voir.
_ Le futur...

_ On élimine les stationnements le long des rues, gratuits ou payants. Plus de guichet automatique et de parcomêtre. Plus de ticket. Le gens stationnent leur auto en arrivant sur le bord des îles. Et ils traversent les ponts ou les tunnels en transport en commun. Vont où ils veulent aller à pieds, en vélo, taxi, autobus, métro, train, téléphérique pour traverser le fleuve. Je ne sais pas si c'est le futur mais ce sera à l'État de prendre ces décisions qui concerne toute une ville, une île. Ce n'est pas le rôle d'une compagnie de faire de l'urbanisme. Qui auront leurs rôles, soumissionner pour le contrat. Leur rôle est encore de faire de l'$. Ils peuvent toujours commencer par un casse-croûte.

_ Et le mot parasite... ?

_ Je vous l'ai dit, je n'ai rien contre le fait d'avoir une médaille de l'État, un prix ou une subvention. Mais je n'en ai pas eu pour le moment. Donc cette critique ne s'adresse pas à moi.

Quand j'étais jeune et que j'ai eu besoin d'$, n'étant pas fils de famille, il a fallu que je travaille. Très jeune, j'ai compris comment ça fonctionnait. Tu as le choix de travailler au bénéfice d'un autre qui te fait suer au max en te payant le minimum pour t'extraire le max de profits possible. Que tu gagnes le salaire minimum ou 100 fois plus, si on te paie ainsi, c'est qu'on te traie 10 fois plus de profits dans une industrie hyper-rentable ce qui existe mais est rare, car rares sont les jobs à 100 000$.

J'étais un petit capitaliste dans l'âme. Ma mission comptable était de trouver un besoin et de le satisfaire. Un besoin rentable. Il y a des tas de familles pauvres qui ont des besoins et même des besoins d'$ pour nourrir leurs enfants qu'ils n'auraient pas dû avoir car ils n'en avaient pas les moyens. Ce n'est donc pas de ce besoin-là dont je parle.

J'ai fondé ma propre business. Drogues en gros et en détail. Très rentable. Risqué mais profitable. On est capitaliste ou on ne l'est pas et si on laisse la morale et les lois intervenir dans la liberté de commercer et d'entreprendre. Et la liberté de garder tout son $: pas de taxe et d'impôt. Comme toutes les entreprises, il faut surveiller ses coûts. Le coût de ses employés payés pour le risque qu'ils prenaient. Le coût de la marchandise. Mais aussi les coûts cachés. Toute activité criminelle, et parfois légale, est taxée par la Mafia et le gouvernement ou les 2 à la fois. Une taxe pour ta sécurité. Ils te protègent. En fait, c'est une protection contre eux-mêmes pour ce qui t'arriverait si jamais tu ne payais pas. Mais on ne te protège pas contre tes concurrents.

_ Et la police?

_ Si tu graisses la patte qu'il faut!

_ Mais toute la police n'est pas corrompue?

_ La corruption fait parti de la police depuis toujours. À force de cotoyer le crime, de vivre à proximité des criminels, de se rendre compte de tout cet $ qui circule... Mais il y aussi des policiers honnêtes. On fait de gros efforts pour seulement faire semblant de ne pas voir que la première espèce est là, partout. Bien sûr, lorsque tu tombes sur un flic honnête, c'est là que tes ennuis commencent. Moi, ça ne m'est pas arrivé. Parce qu'il y a moins de flics honnêtes que ce qu'on croit ou que j'ai eu de la chance?

_ Pourtant, on arrête régulièrement des trafiquants et on saisit leurs marchandises pour ne parler que de ce type de crime

_ La plupart du temps, c'est le résultat d'une dénonciation pas d'une enquête. Et c'est un concurrent jaloux qui bavasse. Un coup de téléphone anonyme. Ou un concurrent plus gros qui ne veut plus te voir dans ses plate-bandes. Tant que ce sont les minables qu'on arrête, il n'y a pas de danger pour la bonne entente crime-police. On ne fait que désherber l'herbe à poux.

_ Bonne entente?

_ Disons guerre froide, si vous préférez. Ou guerre humide. Du sang et des larmes comme disait quelqu'un. Il y en a toujours un peu. Comme les USA ou l'URSS. Aucun n'a intérêt à éliminer l'autre parce que ce serait un sacré carnage. On se partage de fait le monde. Et le crime organisé, comme l'ombre des grands arbres empêche la prolifération de repousses parasites. Dans certaines régions, il y a prolifération de chevreuils. On aime bien les chevreuils puis on découvre qu'on les aime pas autant qu'on pensait quand ils se mettent à ronger les arbres. Parce qu'on a tué leurs prédateurs naturels. On est obligé d'allonger le temps de la chasse. De faire une forme de prédation artificielle. Les chasseurs sont la police. Et les loups... La police passe en auto dans les rues, elle n'en sort à peu près jamais. Mais dans les ruelles et les coins sombres, on patrouille aussi.

_ Ceux qui veulent une économie libre?

_ Qui en mouille leurs petites culottes, c'est ça!

_ Vu comme ça la liberté apparaît...

_ Et tes concurrents étaient déjà là avant toi et n'aiment pas trop te voir leur piquer ce qu'ils considèrent leurs concession, leur territoire, leurs clients et leurs frics. Si déjà les compagnies légales n'ont pas le scrupule de nuire ou de ruiner un concurrent plus petit ...

_ On fait beaucoup d'$ ?

_ J'en ai fait en quelques années plus que j'en ai fait pendant les 40 ans qui ont suivi. Mais les coûts sont énormes. Mais il reste encore beaucoup de profits. Tu es jeune. L'$ te coule des doigts. Et il coule vraiment. Parce qu'il ne t'en reste jamais. Le mot «économie» et REER, pension, retraite, assurance-maladie-accident-décès. Tu t'en fous. Finalement, après une overdose... Car ta marchandise, c'est la drogue et tu en a tellement que tu ne sais plus où la mettre. Alors tu te la met dans le nez. Ce qui te permet de faire des affaires des jours, des semaines sans dormir. Pas besoin. Si j'avais continué à ce rythme j'aurais possédé la ville.

_ Qu'est-ce qui vous a fait changer d'idée?

_ Il y a déjà des gars qui possèdent la ville.

_ Et?

_ Ils veulent la garder pour eux. Une équipe de tueur est arrivé une nuit dans mon condo d'1 million $. Il y a 40 ans, c'était de l'$.

_ De nos jours encore, c'est de l'$.

_ Je suis parti avec le linge que j'avais sur le dos et j'ai été visiter Vancouver puis comme il y avaient aussi des amis à eux là-bas et qu'on m'attendait, je me suis envolé pour l'Europe où j'ai attendu que ça se calme. Pendant ce temps, mes concurrents victorieux récupéraient ma petite PME. Et la vie continue.

_ Vous n'avez pas peur qu'en révélant tout ça, ils se souviennent de vous?

_ Une de ces choses auxquelles tu ne penses pas, c'est la durée de vie de ce métier. Un vieux criminel, il en existe. Même quelques vieux criminels riches. Mais où sont passés tous les autres? Mes associés et mes ennemis sont tous au même endroit. Ce ne sont pas des choses que tu penses quand tu es jeune. Quand tu es jeune, tu ne pense pas beaucoup de toute façon et comment penser, à partir de quoi, tu ne connais pas la vie? Et encore moins cette vie-là dont personne ne te parle parce qu'elle n'est pas supposer exister. Tu dois tout apprendre rapidement. En faisant de grosses erreurs. Financières et physiques. Et ce ne sont pas tes parents qui vont te montrer comment devenir un criminel prospère. Donc tu te fie au hasard, à la chance; si tu survis, c'est que tu as pris la bonne décision. Même si tu as perdu tout ton $. C'était aussi la bonne décision que tu as pris autant que la bonne décision qu'on t'a forcé de prendre. La seule possible pour toi à ce moment. Guerre froide. Guerre chaude. Guerre humide. Toujours. Sang. $. J'ai tout perdu. Sauf ma peau. Et tout bien considéré, je n'aurais pas été capable d'aller bien haut dans ce système pas parce que j'avais des principes. Je n'en avais pas. Mais parce que j'aurais été incapable de faire ce qu'il fallait pour passer à la vitesse supérieure ou escalader les barreaux suivants de l'échelle.

_ Et c'était?

_ Tuer quelqu'un!

_ Ouuuh!

_ Un jour ou l'autre, tu te trouves confronté à cette limite physique et psychologique. Même si la morale ne t'intéresse pas. Un de tes distributeur s'envoie ta marchandise dans le nez, pas grave, s'il paie. Mais il ne veut pas te payer. Ce qui te rend incapable de payer tes propres fournisseurs. Ton homme se fout de toi. C'est pour ça qu'il te paie pas. Il pense que tu n'as pas la couilles pour réagir. Si tu le laisses faire sans qu'il subisse les conséquences, tous les autres vont faire pareil. Ou un concurrent te vole ta marchandise. Ou un client se goinfre à tes dépens. Tout le monde fait ça parce qu'ils pensent que tu es une victime. Une femme! Un type qui s'est pris pour un autre et qu'on peut plumer comme n'importe quel citoyen qui n'est pas du milieu.

_ Et il faut faire quoi quand ça arrive?

_ Dans le milieu, il y a des lois. Plus sévères que dans le milieu des affaires normales qui n'est pas au-dessus de tout reproche en ce qui concerne la franchise et l'honnêteté. Celui qui te fourre doit apprendre qu'il y a un tarif et qu'il ne doit plus jamais recommencer à essayer. Tu lui casses la gueule. Si tu ne peux pas, ne veut pas, il a gagné. Tu lui fais casser la gueule. Et tes ennemis? C'est la guerre. Comme dans la guerre, il faut tuer ou être tué. J'imagine que j'avais l'estomac trop délicat pour voir un type réduit en bouillie ou pour faire tuer un autre ou le tuer moi-même. J'en avais vu se faire écrabouiller et pour moi, à ce moment, c'était comme ça que les choses se passaient. Comme les accidents d'auto. On n'y peut rien. C'est la vie.

_ Dans le fleuve!

_ Ou dans le ciment, l'asphate ou le béton d'un de ces nouveaux immeubles ou ces nouveaux viaducs dont une bonne partie des constructeurs travaillent pour la Mafia. Ils sont tous là: amis et ennemis. Et j'aurais été là moi-aussi si j'avais continué.

_ Un accident de travail. Une maladie industrielle.

_  Mon bureau était une table d'un bar dont j'étais le propriétaire malgré que je doive payer un % de mon chiffre d'affaire au Mafieux du quartier, comme c'est encore le cas pour tous les bars de la ville. Je disais que ce bar m'appartenait mais en sous-main, les papiers légaux était signé par un autre pour éviter que mon nom n'apparaisse nulle part.

Pour éviter que les impôt ne commence à se poser des questions sur mes revenus. Vous n'avez aucun revenu déclaré mais vous posséder un bar? Et l'immeuble où il est situé. Bien sûr, on peut s'entendre discrètement et tout à fait légalement avec les inspecteurs de l'impôt et leur dire qu'on fait X $ d'une activité inhabituelle. Ils sont compréhensifs et ne vont pas poser de questions pourvu qu'on paie le % légal sur le chiffre d'affaire ou les profits. Même illégaux. Comme pour n'importe quelle entreprise. Leur rôle est de vous forcer à contribuer au bien être de l'État et conséquemment à celui de vos concitoyens. Non d'enquêter sur la possible et théorique illégalité de vos moyens de subsistances ou des substances dont vous faisez le commerce. S'il y a enquête et punition, ce sera parce que vous aurez désobéi à leurs lois qui ne sont pas celles de la Justice ordinaire. Vous avez été cachottier. Leurs lois disent que tu dois payer de l'impôt. Point. Et, en plus, comme avec un curé, un psy, un médecin, un avocat, leur code de déontologie leur interdit de déposer en preuve ce qui pourrait te nuire lors d'un procès.

C'est ce que j'aurais dû faire mais j'étais trop innocent pour comprendre les subtilités de la vie en société. Ce qui fait que lorsque je me suis sauvé, tout ce qui m'appartenait, que j'avais payé mais qui ne m'appartenait pas légalement et notairement, donc pas de papier et impossible de le prouver, est allé aux personnes qui avaient signé les contrats. Prête-nom. Homme de paille. Facade juridique. Qui parce que je ne leur faisais plus peur ont cessé à l'instant de respecter l'entente qui nous liait. Comme disait un producteur de cinéma US qui ont les mêmes mentalité que la Mafia: une entente verbale ne vaut pas le papier sur laquelle elle est écrite. Sauf que comme toutes choses, il y a 2 aspects, 2 faces. Et c'est à la fois vrai et faux. Toute la Mafia fonctionne ainsi. Sans contrat. Ni papier. Une poignée de main. Un mot. Ou un couteau. Et ne vas pas penser que tu peux te moquer d'eux après avoir donné ta parole ou qu'on te l'ai un peu extorqué. La force peut tout. Et la faiblesse ne peut rien. Sauf attendre de la pitié. Et ils se sont dépêché de me dénoncer aussi bien à la police qu'à la pègre pour être bien sûr qu'ils ne me reverraient plus jamais.

_ Vous avouez en plublic avoir commis des crimes et vous n'avez pas peur de voir arriver la police?

_ C'était il y a 40 ans. Les policiers qui s'occupaient de l'affaire à ce moment sont morts ou à la retraite. Et si jamais on m'emmerde, je dirais que je mentais pour bien paraître à la tv. Je suis romancier et à la tv. J'ai trop d'imagination. Donc habitué d'affabuler dans une boite où on ne fait que ça.

_ Donc on ne pourra jamais être certain que ce que vous dites ici est vrai?

_ Même chose pour la plupart des invités du jour ou de la semaine dernière. Peut-être que le chanteur ou l'animateur tv qui annonce son mariage avec la jolie jeune chanteuse ne le fait que pour qu'on cesse de se poser des questions sur sa vie privée. Il et elle sont gay. Avec chacun un partenaire sexuel à son goût. Mais pas présentable. Ou ils ne sont pas encore prêt à le présenter et à sortir du placard. Ou c'est une jeune chanteuse en début de carrière, hétéro mais ambitieuse, elle coucherait avec son produteur si besoin, ou l'éclairagistes mais on ne lui demande que de faire semblant de vivre un conte de fée. Et on la paie en plus. On ne va pas commencer à nommer des noms. Par exemple, les curés gay ou les députés et ministres gay.
_ Le mieux est donc de vous croire sur parole?
_ C'est ce qu'il y a de mieux à faire, non!?
_ Où on était rendu?
_ Je foutais le camp! Et j'étais en Europe. Beau pays avec des tas de pays autour et dedans. Alors puisqu'il fallait vivre et que je ne voulais toujours pas travailler pour un petit boss et comme le monde est petit, je me suis fait des amis qui avaient des amis. Et un ami de là-bas m'a mis en contact avec un ami d'ici. Je commençais à avoir la nostalgie du pays. Et j'avais appris que ceux qui me poursuivaient avaient d'autres soucis. Une guerre des gangs où la plupart ont perdu la vie. Cet ami d'ami, travaillait dans une maison d'édition et avait besoin de nègre...
Un invité qui avait la peau particulièrement sombre n'appréciat pas.

_ Terme de métier. On ne va pas se mettre à fafiner sur les mots.

L'invité très noir, très grand et très costaud avait lui très envie de mettre les points sur les i. L'écrivain bien obligeant lui fit une fleur.

_ Ou ghost writer ou écrivain fantôme, c'est courant mais pas utilisé ici. Tous ces gens qui lancent constamment leurs livres parlant de leur vie et de leurs exploits: cuisinier, politicien, sportif, vedettes, hommes d'affaires. Ils savent pas écrire et on ne les laisse pas faire. Écrire est un métier. Faire un livre, un autre métier.

L'invité noir cirage de chaussure venait de parler de son livre où il racontait sa carrière d'athlète. Enfant noir sorti du ghetto trouvant enfin son destin. Très émouvant. Il protesta disant que lui l'avait écrit son livre et que si quelqu'un prétendait le contraire...

Dans ce livre, il expliquait aussi comment il avait quitté très vite l'école pour devenir sportif. Sachant à peine lire. Et, ce miraculé écrivait maintenant tout un livre. Dieu est grand! L'écrivain ne connaissant pas de cas particulier mais sachant qu'il avait 99% de chance de mentir approuva ses sages conseils de prudence. Qui était-il pour mettre en doute la parole d'un homme si noir et si costaud? Si écrire est un métier, se battre en est un autre. Lui savait écrire, l'autre savait se battre. L'un et l'autre avait fait ça toute leur vie. Et tous deux étaient des champions dans leur discipline respective. Et, plus jeune, il avait appris qu'il n'était pas doué pour la bagarre. Il lui accorda donc le rare privilège de savoir se battre et savoir écrire en même temps. Qu'est-ce que ça coutait?

On apprend en vieillissant que la sincérité et l'honnêteté ne valent pas une crise de ménage. Chéri, tu penses que j'ai grossi? Oui! Tu a gonflé. Enflé. Bouffi. C'est dégueulasse. Ça me donne envie de vomir. Au moins 20 livres. Tous ces bourrelets qui sortent de partout.

Sur le divan pour 6 mois. Non. Non.

Un coup sur la gueule est si vite pris dans un parking.

_ J'ai découvert avec mon premier éditeur que j'étais doué. Mon ami de New York était pédé, l'éditeur d'ici aussi. Il a cru que j'en étais. Il y a une sorte de francmaçonnerie pédée comme chez les Juifs, on s'entraide.

Cette fois, c'était le Fou du Roi qui rongeait son mors.

_ Vous avez vraiment quelque chose contre les homosexuels?

_ Si j'avais quelque chose de ce genre, je ferais autre chose et ailleurs. La plupart des artistes, chanteurs, acteurs et écrivains en sont. Tant que les mains restent en vue...

_ Vous ne m'attirez pas du tout!

_ C'est très bien comme ça. Je reviens à mon histoire. Dans le milieu littéraire comme dans l'autre milieu, je me suis vite adapté. J’ai fait des poèmes, des chansons, des textes de cartes de souhait, des gags pour des humoristes, conception de jeux à la tv, idées pour des messages publicitaires, des émissions humoristiques à la radio puis à la tv. Et des scénarios : BD, dessins animés, épisodes de téléromans pour auteur débordé sans les signer, films, pièces de théâtre.

_ Une pièce de théâtre, ça la l'air sérieux!

_ Pour moi une pièce de théâtre est un scénario de téléroman ou de film un peu plus long. Et c’est plus payant parce que les lois du droit d’auteurs sont plus sévères : tu as 10% des revenus des billets de l’assistance. En plus des droits pour pouvoir jouer ta pièce. À chaque représentation. Et ceci dans tous les pays civilisés, c’est-à-dire, qui reconnaissent ces droits et où on montera ta pièce.

_ Comme on dit pour un saint, vous découvrez votre vocation.

_ Toutes sortes de choses qui avaient tous pour point commun l’écriture. Une sorte de destin semblait se dessiner et j’ai suivi la pente la plus facile. Au début avec un attirail de mots limités mais à la longue avec de plus en plus de mots. Ma carrière d’homme d’affaires semblant au point mort (et moi aussi en plus de ma carrière si je m’entêtais) et sans aucun avenir prévisible. Du moins pour moi.

La seule chose que je n'avais pas essayé était le roman

_ Parce que c'était trop difficile. Le roman, c'est de l'art.

_ Parce que je pensais que ce n'était pas rentable compte tenu du travail. Trop de mots, trop de pages, trop de temps. Et tout ça gratis. Parce que, depuis toujours, les éditeurs s'attendent à ce que tu leur poste un roman terminé gratis. Beaucoup d'investissement pour d'hypothétiques revenus futurs. Et j'ai dit tout à l'heure comment et à quel point ces revues sont théoriques. Et tu as des dépenses comme tout le monde et comme j'ai toujours détesté les dettes, j'aime ne dépenser que tu cash. Pas celui de l'année prochaine.

Je reviens à mon histoire. J'ai dû lui faire pitié. Au début, je n'ai écrit que des romans pornos. Des pornos homos. Hétéro. Zoophile. Pédophile. Tout ce qu'on voulait. J'écrivais un livre, je le ramenais et on me donnait un chèque. J'ai commencé à y prendre goût. Au chèque régulier qui ne rebondissait pas. Et au livre ensuite. Le sujet ne m'intéressait pas mais ça ne m'intéressait pas non plus de laver la vaisselle dans un restaurant. On me donnait le sujet: Lesbiennes, 100 pages. 2 femmes ensemble. 100 pages. Des femmes de banlieue. Des étudiantes cochonnes. Une adolescente qui découvre sa sexualité. Des infirmières. Hôtesse de l'air, des classiques. Des profs de langues vivantes. 100 pages.

Au début, je ne savais pas quoi faire, je copiais les livres de leur collection en changeant les noms des personnages. Je ne sais pas s'ils s'en sont aperçu ou s'ils s'en foutaient. Il leur fallait sans cesse du neuf. Puis j'ai écrit de plus en plus vite.
C'est là que j'ai appris que Harlequin, l'éditeur des madames cherchaient des auteurs. On vous envoie leur recette à suivre comme pour de la cuisine puisque c'est de la cuisine: une femme sans amour. Pauvre. Rencontre par hasard un professionnel riche. Ils se plaisent. Un incident arrive qui les sépare. La femme est triste. Elle pleure. Rêve. À un homme, un mari, des enfants, une maison. Ils se rencontrent de nouveau. Ce n'était qu'un malentendu. Ils s'entendent. Le mariage. Il y a différentes collection. Verte. Rouge. Sans sexe ou avec un peu de sexe pour les femmes lectrices plus jeunes. C'est le porno de madame. On trouve leurs petits romans d'amour et sentimentaleux près de toutes les caisses enregistreuses des épiceries. La madame qui a le vague à l'âme s'en prend un en attendant son tour. Son mari prendra une revue porno. Les 2 font vivre de petits métiers et de petits artisans comme nous. Et tout ce qu'on exige si vous êtes bon cuisinier est de publier sous un nom de femme.
Simenon avant d'être connu comme Simenon a fait sous des dizaines de noms des centaines de romans à l'eau de rose, c'est ce qui se vendait alors. Maintenant, les femmes ont des revues de femmes. Et leurs petits romans. Écrire des niaiseries est comme un entraînement sportif. L'imagination est un organe. Avoir un cerveau ne suffit pas. Simenon pouvait écrire un roman en 11 jours. 150 - 200 pages. Pas mal. Je suis rapide mais pas autant. Mais j'en ai écrit en une fin de semaine. 2 jours. Un politicien que je ne nommerai pas parlait de sa carrière. On était sur le bord des élections, c'est pourquoi c'était si pressé.

_ Il l'a lu?

_ Non. Son attaché de presse a donné les grandes lignes. Sur un post-it. Les photocopies des textes de ses discours fait par un collègue à moi. Des photocopies d'interview. Et vroum! La machine est partie. L'attaché presse à lu. C'était assez insignifiant pour plaire à tout le monde. Je ne sais pas si ça c'est vendu. Je crois qu'on l'a plutôt donné dans les soupers spaghetti de recherche de fonds aux contributeurs de sa caisse électorale. Il n'avait qu'à le dédicacer à son généreux donateur comme si c'était lui qui l'avait fait et tout le monde éait content. Mais on m'a payé. Et j'étais content. Quand tout le monde est content que demander de plus? Les politiciens nagent sur l'or. C'est notre or. Mais il est bon qu'il nous en revienne un peu de temps en temps.

_ 2 jours, c'est vite!

_ Il y en a qui en font un métier. Généralement, chez un éditeur sérieux, ça prend un an pour publier un livre déjà écrit. Plus il est sérieux, plus il prend du temps. On étudie chaque ligne. Chaque mot. Te demande si tu as vraiment voulu dire ça. Si ce ne serait pas mieux dit comme ci ou ça. C'est à vous rendre fou. Et plus il est sérieux, plus il prend du temps pour te payer. Une autre année après la publication avant de commencer à recevoir les premiers droits. Ce qui fait 2 ans. Tout le monde n'est pas si scrupuleux. Il y a les petits rapides et les petites vites. L'anniversaire du Titanic arrive. On l'avait oublié. Il y a des livres partout. Mais on n'en a pas. Faut un livre. On trouve le type ou l'équipe qu'il faut et vroumm! un livre. Samedi. Dimanche. Imprimé le lundi. Mis en vente le mardi. Ou c'est l'anniversaire de Polytechnique. Ou de la guerre de 14. Ou de 1812. Et c'est le gouvernement qui aime les militaires qui commande et qui paie. Et le gouvernement est content. Les tv font ça tout le temps. Ils ont un calendrier et un agenda pour suivre à la trace les événements bouleversants. Les éditeurs veulent aussi leur part du gâteau.

Mais je le referais pas. Ça vous vide le cerveau et il prend un temps à se remplir. Et plus le temps passe plus il devient lent. Comme toutes les autres fonctions du corps.

Le sujet commençait à ennuyer le Roi qui brassait sans cesse ses fiches. Probablement que le public s'ennuyait aussi. Un peu de sentiment...

_ Mais vos enfants?

_ Je ne sais pas combien j'en ai fait. Mais à ce qu'on m'a dit, les clientes étaient satisfaites. Les dons étaient confidentiels à ce moment et longtemps par la suite. Ce n'est que récemment sous le prétexte d'enquêter sur des maladies génétiques et parce que les tests chromosomiques sont devenus plus simples à faire et les machines qui les faisaient plus rapides qu'on s'est mis à remettre en question l'anonymat.

_ Prétexte?

_ Il y avait des avocats qui veillaient. Les enfants avaient le droit de connaître leur vrai père.

_ Pourquoi pas?

_ Et ce n'est même pas un droit pour les adoptions. On ne met en contact enfant, mère et père que si des 2 côtés on est d'accord. Mais je l'ai dit, il y avait des avocats. Et c'était un droit nouveau à construire, assembler à partir de rien, de zéro. Comme on assemble des légos avec des vieilles briques de la boite légale. Le jeu du petit avocat comme il existe des jeux du petit savant. La science amusante pour tous ou le droit et la justice amausante pour moi. Pas de jurisprudende en cours. Alors que pour l'adoption traditionnelle, on est dans les vieilles lois maintes et maintes fois testées et labourées. Alors on se lâche. Et ce n'est rien lorsque arrivera le tour des mères porteuses.

_ Mais si comme vous dites toutes les femmes étaient satisfaites?

_ La plupart, à ce qu'on m'a dit, on eu ce qu'elles voulaient: du sperme. Un bébé. De moi  ou d'un autre. Mais il y a les statistiques. Dans le lot des femmes satisfaites, il y a toujours le % de tordues. Des femmes pas de vie, qui ratent leur vie, l'éducation de leurs enfants. Qui se retrouvent toutes seules à se ronger. Au début, on n'offrait ce service qu'aux femmes mariés mais il y eut bientôt, sous prétexte de droit des femmes à leur épanouissement, l'égalité, droit d'avoir un enfant et autres niaiseries...

_ Les femmes vont vous aimer...

_ Quel droit? Qui a le droit d'être épanoui, riche, heureux, d'avoir un enfant? Des droits imaginaires de bourgeoise riche qui a tout dans la vie mais veut encore plus parce que comme son champoing, elle le vaut bien. La nature t'aime et tu enfante. La nature t'a raté ou ton Jules et niet. Ou tu es compliquée et pas un mec ne veut de toi. Ou tu as laissé passer le temps idéal pour t'accoupler parce que tu voulais tout, la carrière et la vie. Mais la Nature en a décidé autrement pour les mammifères depuis des millions d'années. Tu as tout eu et à 40, 50 ans, tu décide d'un nouveau projet: l'enfant, le bébé. Le projet. Pour encore plus d'accomplissement, toujours plus d'épanouissement. Ce qu'il manque à ta réalisation de femme. Au microscope, un ovule d'une femme de 20 ans est tout joli tout beau. On dirait une perle. Toute luisante, blanche et ronde. On dirait une perle. Et un ovule d'une femme de 40 ans est couvert de pustules comme un crapeau. La ménopause arrive ou est déjà arrivé. Et ça se complique encore. On est dans le gros médical. Pas loin de la chirurgie. Ou du docteur Frankeinstein. Alors c'est la clinique de fertilité. Ou tu es lesbienne. Ou seule et célibataire voulant le demeurer et ne voulant pas être approché par un homme. Il y a même des couples d'hommes homo. Dans les 2 cas, les mères porteuses. Et pour ce qui est des hommes c'est parce qu'aucun d'eux ne veut mettre son pénis dans ça.

_ Gais!

Le Fou tenait à préciser le mot.

_ Je parle d'homos pas très gais. Ils veulent un enfant, c'est illégal, le font faire par une mère porteuse et c'est illégal aussi. C'est le sperme de l'un deux, car ils veulent être vraiment père. Un reste de traditon. Du moins pour l'un d'eux. Ou c'est le spermatozoïde d'un contributeur anonyme comme moi. Pourtant ce serat si simple. La Nature a tout prévu. Mais on préfère se compliquer la vie. Et il y a les homos les plus stricts qui préfèrent enfoncer leur pénis dans l'anus d'un homme que dans la vagin d'une femme. Chacun ses goûts.

_ Et ça devient de plus en plus compliqué.

Dit le Roi.

_ Et je ne sais pas pourquoi je n'aime pas votre ironie.

Dit le Fou qui pourtant faisait lui-même profession d'ironie et de sarcasme.

_ Je suis ironique, moi !?

Le Roi fut magnanime

_ Et ça s'est terminé par elles furent heureuses et eurent beaucoup d'enfants...

Le Fou du Roi ajouta son grain de sel.

_ Et ça s'est teminé par vous avez été heureux d'avoir autant d'enfants?

_ Pas vraiment. La fille enceinte se trouve sans son mec. Ou elle était mariée avec ses mioches et se retrouvent larguées. Son mec n'a pas d'$ pour payer la pension alimentaire ou il déménage aux îles Fidji. Avec une jeune femme. Ou elles se retrouve avec un fils en âge pour entrer à l'université mais ni lui ni elle n'ont les 10 000 $ ou plus par an.

_ Et ensuite, ça se complique encore ou ça se simplifie? Et il y a une morale au bout.

_ Ça se simplifie effectivement mais sans morale. La pauvre fille se retourne vers la seule cible qui étaient hors de sa portée mais que l'on a mis dans son champs de tir. Le type qui a éjaculé pour la patrie. Si on regarde bien, c'est effectivement le père de son enfant. L'autre bonhomme s'est tiré. Ou elle était seule et est encore et toujours toute seule. Définitivement. Par l'odeur d'$ alléché se pointent les avocats. Et lui chuchotent de jolies chanson en bas de l'arbre où elle est perchée. S'ils gagnent, ils prendront la plus grande part mais il lui en restera bien assez. Ce sont qui prennent tous les risques. Si elle perd, elle n'aura rien mais comme elle n'avait rien, rien ne changera. Un beau champs de jurisprudence à défricher. Un peu comme les mariages gais que ces idiots ont fait dans je ne sais quel délire.

Cette fois, le Fou qui était toujours de la chapelle était fâché. Probablement que dans ses rêves de jeunes filles, il espérait aussi. Son écouteur résonnait lui disant de se calmer et que s'il n'avait pas quelque chose de drôle à dire, puisque c'était son boulot, il ferait mieux de se  fermer la gueule. On ne voulait donner l'impression que l'émission n'invitait que des gais (pléthoriques chez les artistes) ou défendait la cause des gais. Dont certains étaient sympa mais pas aux yeux de beaucoups de téléspectateurs catho et de leur église.

_ Les gais ont le droit de se marier comme tout le monde.

_ Pourquoi pas. Nouveau droit. Nouveaux problèmes. Dans les couples traditionnels, ce sont les femmes qui demandent le divorce parce que leur mari, comme bien des hommes, fôlatre. D'où procès. Si on parle des gais hommes, on double le % de vagabondages: 2 hommes avec les défauts de 2 hommes. Et on double, triple, quadruple les chances de divorce. Les hommes sont faits comme ça. Comme les anciennes publicité du dictionnaire Larouse: Je sème à tout vent! Eux sème leur sperme à tout vent. Ils ne peuvent pas s'en empêcher. Si la moyenne des couples hétéro est 50 % de divorce au bout d'un an. Ça va bien être 90% chez les gais. Les avocats vont être ravis. Les juges aussi.

_ Et dans votre cas?

_ Poursuivi en reconnaissance de paternité par 50 femmes. Pour leur payer une pension à vie ou les études de leurs fils ou filles. Certains ont 50 ans et plus. Je ne suis pas le seul. Conséquence: dans les États où on a permis cette lois stupide des révélations, les dons de sperme sont au niveau zéro. Et les femmes qui veulent avoir un embryon certifié kasher n'ont plus qu'à aller se faire sauter dans un bar. À moins d'être très moches... et même dans ce cas, il y aura bien un type volontaire trop saoul ou avec un sac à papier pour leur mettre sur la tête.

Le Fou du Roi tenait sa vengeance, il choisit une des cartes les plus affriolantes.

_ Vous êtes accusé d'agression sexuelle et de coups et blessure par votre femme.

_ Avant, les femmes n'avaient aucun droit. Maintenant, le balancier est revenu et repassé de l'autre côté. Comme pour les enfants. Il faudra qu'il fasse son tour complet et il va revenir à une moyenne. Les femmes comme les enfants ne sont pas supposé mentir. Hein! Avant, tout le monde se foutait de ce que les femmes ou les enfants pensaient. Ou on fait comme si et on fait maintenant comme si on les croyait. Avant, on pouvait les jeter dehors avec toutes leurs bébelles dans un sac de vidange. Maintenant, il suffit d'une plainte par téléphone à la police et c'est vous qu'on jette dehors de votre propre maison. On vient vous arrêter, vous menotte et vous jette sur le gazon. Si vous protestez, c'est la banquette arrière de la voiture de police et la nuit au bloc. Et même si  vous ne protestez pas, c'est pareil. Car on veut vos aveux pour corroborer le témoignage de votre ex. Sinon, c'est l'enquête et c'est long. Et, au procès, ce sera une version contre une autre. Et ce sera encore plus long. Alors que si vous avouez. On vous dit que vous éviterez la prison. Peut-être. Mais vous aurez un dossier criminel et ne pourrez plus prendre l'avion ni traverser la frontière pour les États.

Conséquence: je reste dans une maison de chambre, une pièce, un peu plus grande qu'une cellule, mes 2 salles de bain étaient plus grandes. Comme les itinérants et alcooliques et malades mentaux moyens. Et elle et son nouvel amant (je ne sais pas combien elle en a eu?) et ses enfants logent dans mon ex-maison. Et vous êtes obligé de payer le loyer ou l'hypothèque et l'électricité.

Et si j'avais un job régulier, je pourrais le perdre car ça fitte mal dans un CV une épouse battue et ça entre mal dans un immeuble sérieux un batteur de femme ou un violeur. Car depuis qu'on n'utilise plus le mot «viol» et qu'on sert du terme «agression sexuelle», il restera toujours un doute. Un flou juridique et social. Une main au cul, c'est une agression sexuelle. Un viol aussi. Mais un est pire que l'autre. Du moins, je l'ai longtemps cru. Alors pour tout le monde, ceux qui croient à la version de madame, vous êtes soit 1/10 de salaud ou un bon gros salaud. 100% ordure.

Ça va se régler en cours. Dans le moins pire des cas, si supposons, on reconnaît que madame a menti, s'est parjurée, elle va s'en tirer. Et vous payerez tout de même pour avoir le droit d'être innocent. Car le système est arrangé pour que vous ne puissiez pas le faire tout seul, il vous faut être accompagné.
_ Et votre associé?
_ D'après vous??
_ Si un ami ou un ami de ma femme faisait ça...

Dit le Roi, l'air songeur
_ C'était un crétin en plus. Pour écrire, il s'habillait en costume, veston, chemise blanche, boutons de manchettes, cravate, épingle à cravate. Par respect pour la littérature. Je le vois encore, avec son stylo-plume Mont Blanc à la main devant une tablette de beau papier ligné vert et jaune comme pour les avocats. Et rien d'autre sur la table. Et peu importe le moment où on passait, il n'avait pas fait un mot. La tablette toujours neuve et intacte. Il attendait l'inspiration.

_ Et votre femme?

_ Elle est sans doute venu l'encourager plusieurs fois. Et un jour...

_ Et l'histoire de plagiat?

_ Comme il ne foutait rien et que j'avais des factures, j'ai fait tout le boulot. Mais comme on était associé, il a voulu la moitié du chèque. Et comme il n'avait rien fait, je lui ai dit d'aller se faire foutre chez les nègres et parce que j'ai dit ça, il me poursuit. Il aurait pu me poursuivre pour coups et blessures lui-aussi mais il avait son orgueil...

La caméra montre l'image du grand noir qui ferme les poings. Il dit quelque chose mais on l'a coupé au montage.

_ Vous l'avez cogné?

_ Ma femme. Mon oeuvre. Mon $. Il y a des limites.

_ Ils vous poursuit donc avec la seule chose qui lui permet d'avoir prise sur vous?

_ Et dans le métier, être accusé d'avoir copié, c'est un peu comme à l'école. Même si c'est courant. Comme à l'école. Vous avez de bonnes notes. Et tout à coup, les soupçons: était-ce bien vos notes? L'examen vous l'avez fait tout seul? Les méritiez vous. Et dans le passé sans tache, on commence à douter, vous n'aviez pas aussi...

_ Comme il ne pouvait vous frapper directement, il vous frappe indirectement là où ça fait mal.

_ Qu'on ait tort ou raison, il faut se défendre. Et se défendre dans cette arnaque même si vous avez raison - il faut le prouver et arriver à ce qu'on vous dise et vous écrive que, effectivement, vous avez raison - et tout ça coûte cher. Son idée est probablement d'arriver à une entente hors cours. Lorsque je commencerai à trouver que le sang a assez coulé de mon compte en banque. Cette niaiserie coûte cher. À lui-aussi. Plutôt, à ma femme. Une partie de la pension que je lui paie passe en frais d'avocats pour son... je cherche le mot. Un jour, elle en aura assez. Mais comme je ne sais pas quand, je dois continuer à me battre. Et ça m'empêche de travailler. Lui, il fout rien. C'est ma femme qui le fait vivre en attendant qu'il trouve l'inspiration. Il la cherche encore. Si tu veux faire ce métier et si au bout de 20 ans tu ne l'as pas encore trouvé, il est temps de te poser de questions.

Et c'est elle qui paie son avocat. Jusqu'à ce qu'elle réalise que c'est sa pension alimentaire qu'elle gaspille. Et qu'elle me fait gaspiller. Car l'$ que je dépense pour me défendre, c'est de l'$ de moins pour elle. L'idéal pour lui: Je paierais les frais de cours, je lui donnerais la moitié de ce que j'ai reçu et les droits sur le film. Et je lui reconnaîtrais la demi-paternité de notre oeuvre commune. Parce qu'on n'avait pas signé de contrat. Sinon, il en se démènerait pas autant. On pensait signer quelque chose au moment de remettre le manuscrit fini. Mais quand j'ai vu qu'il foutait rien, j'ai été moins motivé. Même s'il me reparlait tout le temps de ce contrat. Heureusement, que je n'ai rien signé pour avoir la paix. J'avais déjà fait cette gaffe.
_ Vous vous êtes mariés combien de fois?
_ 3

Le Fou du Roi souriait:

_ Il y a peut-être quelque chose que vous n'avez pas compris?

_ Avec le temps, on apprend... Mais je ne suis pas encore rendu à aller dans les bar gais.

_ Plus je vous vois moins je...
Le Roi contemplait ses cartes où étaient semble-t-il notés les péchés de l'invité.
_ Vous avez été accusé de pédophilie?

_ Un autre éditeur nous avait fourré dans un contrat, on a profité du fait qu'il était en vacance à nos frais (indirectement, c'est nous avec notre $ qui lui permettait de se reposer) pour sortir un nouveau livre pour enfants sur la masturbation. De 3 ans à 10 ans. Pas avec des photos, c'est illégal. Avec les illustrations d'un ami dessinateur et la mise en page d'un autre ami infographiste. Quand il est revenu de vacance, il a fait une crise. Quand son patron est lui-aussi revenu de vacance et qu'il a vu le bordel que ça faisait à la tv et à la radio. Les ligues de vertus se déchaînaient. Il l'a foutu à la porte. Et nous aussi. Mais on y était déjà. On n'avait pas attendu. Le livre s'est vendu pas mal avant que la police n'intervienne et ne le confisque dans les librairies. Les esthètes qui l'on acheté avant la saisie on eu de la chance car il vaut maintenant cher chez les collectionneurs parce qu'il y a peu de chance qu'il soit un jour republié. Et il y a eu ces poursuites...

_ Vous collectionnez les procès?

_ À chaque fois que j'ai un ticket, je le conteste. Et la moitié du temps je gagne.

_ Vous ne semblez pas tenir en haute estime la Justice.

_ Je suis un praticien des mots. Un technicien du langage. Le langage est mon métier. Et je le fais depuis 40 ans. Les mots, c'est mon univers et je déteste qu'on les utilise n'importe comment. Ici, on ne parle pas de «justice» qui est une vertu. Et la vertu est le domaine de la philosophie ancienne, de la métaphysique ou de la religion. Et j'ai étudié pour être prêtre, du moins on voyait ça comme mon avenir, je sais de quoi je parle. Ici, on parle de loi, de règlement, de constat d'effraction, de punition en $ ou en perte de liberté à domicile ou d'interdiction de circuler ici ou de voir telle personne ou en prison si vous n'obéissez pas. Ou si on décide que vous n'avez pas assez obéi. Ou pas assez vite. On devrait donc parler de Ministère des Lois et des Règlements au lieu du Ministère de la Justice. Ou Ministère des avocats, des juges, de la police, des spécialistes en recouvrement des amendes, des huissiers, des agents des stationnement, des douaniers, gardes-chasse, des gardiens de prison. Et lorsqu'on sait comment les lois sont faites. Avec les petits amis des politiciens. Je te donne X pour ta caisse électorale et tu me mitonnes XX et un petit contrat, une petite loi. Ni vu ni connu. Quand je pense qu'une loi est stupide, écrite par des imbéciles. Je le dis. Quand je décide qu'une loi est scélérate, criminelle, je n'y obéis pas. Et je le dis.

_ Ce qui a des conséquences.

_ Bien sûr qu'il y a des conséquences. Il y a toutes sortes de parasites dont le seul but dans la vie est d'emmerder les gens en faisant appliquer les réglements les plus niaiseux. Si on avait suivi les lois du passé, il n'y aurait pas une femme ici, ni comme spectatrices dans la salle ni comme invitées. Parce que ce serait interdit. Elles seraient légalement chez-elle en train de tricoter ou de cuire un bébé dans leur fourneau. Et les femmes n'auraient pas encore le droit de vote et l'avortement serait encore interdit. Il y aurait toujours l'esclavage. Tout ceci était légal. Et interdit ou obligatoire. Et sévèrement punis en cas de désobéissance. On punissait les victimes. Pas les esclavagistes et les violeurs.
Autres cartons.
_ Vous avez été accusé de corruption des moeurs

_ Pour les illustrations d'un autre roman. Faites par un ami graveur. Quelque part, il y a toujours un flic qui n'a rien à foutre et qui ne penserait jamais s'en prendre à la Mafia ou enquêter sur les scandales politiques, qui a été choqué par les images. Ou quelqu'un a été choqué pour lui et m'a dénoncé. La vieille brigade des moeurs existe encore. C'est comme la police de la vertu des pays Arabes. Avant, on visitait les bars ou se produisait ce qu'on appelait les danseuses exotiques. Presque nues avec des boutons sur le nombril et les mammelons avec des plumes ou des broderies. Un jour on a permis les seins nus mais si ça bougeait on arrêtait les femmes et vidait la place. Les clients étaient accusé de s'être trouvé dans un lieu de débauche.
_ Sexe?

_ Non. Pour une fois, ce n'était pas le sexe mais la violence.
_ On voit pire au cinéma.
_ J'imagine qu'ils n'y vont pas. Se retrouver dans une salle obscure avec des étrangers. Collés à eux. Et j'ai été accusé par le ministère des postes de diffusion par la poste de matériel obscène parce qu'on envoyait ces livres par la poste, imaginez! Lorsqu'on recevait une commande. On payait les timbres. Comme Luka Magnotta parce qu'il envoyait des bouts de corps humain démembré à des partis politiques ou des garderies. 
_ Probablement que pour eux, c'est la même chose. Un dessin, une photo d'un pied coupé, un pied. Si on le poste. Même si on paye les timbres. Et qu'on colle plein de timbres de la reine bien baveux.
_ Comme si c'était la Stasi. On est encore venu m'arrêter chez moi. Au poste. Interrogatoire comme si j'avais enlevé l'évêque de Montréal et voulait me livrer sur lui à des actes contre nature. Pendant que j'étais au trou, on est venu perquisitionner chez moi. On a fouillé partout. À la recherche de je sais pas quoi. Une arme de destruction massive. Ma collection de menottes en minou. On a enlevé mon ordinateur pour voir s'il y avait pas des documents compromettants. Une lettre de remerciement d'Al Qaïda. Pas d'excuse. Puis on m'a relâché. On a fait pareil pour le graveur. Je pensais que l'affaire était teminé. Ben non! Un an après, je reçois l'avis de me présenter en cours pour mon procès. Le sien sera plus tard. J'ai le ministère public et la couronne contre moi, c'est-à-dire, l'État. On a dû se rendre compte qu'on faisait une connerie mais on était allé trop loin pour se dédire, la réputation de l'État était en jeu. Et s'ils se désistaient personne n'en aurait entendu parler mais dans leurs petites tête de pion, ils ont pensé qu'ils risquaient de se couvrir de ridicule: gens du ministère de la Justice, pin pon!, policiers analphabètes, avocat de la couronne, probablement un ancien avocat de la défense de la Mafia ou un ami politique nommé par le premier ministre en échange de services bien rendus qui a reçu son bonbon.

Le prétexte étant qu'une personne pourrait apercevoir ce livre par hasard, le lire, être influencé et se mettre à tirer dans la foule. C'est ce que fait le type du livre. 

Ou devenir dépressif. C'est pas clair.

Le Roi montra l'album

_ C'est très violent.

_ Et la Bible, ce n'est pas violent? Meurtre, inceste, infanticide, lapidation, suicide, trahison, massacre de masse. Et Dieu, lui-même, condamne toute l'humanité à venir parce qu'Ève a mangé une pomme. Ensuite, il provoque le génocide de l'humanité, tous noyés. Sauf les poissons. Ensuite, il se lamente et regrette de s'être laissé emporter. Puis il se fâche encore. On dirait votre voisin. L'enragé de la tondeuse. Puis les rend tous fous incapables de se comprendre une autre fois. Brûle une ville entière avec tous les gens dedans. Mais c'était remplis de tapettes.

Cette fois le Fou manque sauter par dessus son bureau mais le fil de son micro le retient

_ Ben quoi. C'est interdit dans la Bible. On lapide. Et parce que c'était interdit dans la Bible, on l'a interdit depuis. Et quoiqu'on dise, ce n'est pas moi qui ait écrit la Bible. Ni un des 4 Évangiles. Si vous êtes pas content, allez au bureau des plaintes dans l'église la plus proche de chez vous, je suis sûr qu'ils seront content de vous recevoir.

_ Je me suis laissé emporté.

_ Il y a 20 ans, l'homosexualité était un problème médical à soigner, une maladie mentale à traiter, le malade à interner. On pouvait lui faire des électrochocs pour le remettre dans le droit chemin. Soit le vagin accueillant des femmes.

Dans la Bible, il n'y a pas une page où on ne tue pas quelqu'un. Où on ne trahit pas son frère ou ne le vend pas comme esclave. D'autre fois, on coupe les pénis de tout le monde. Une femme jalouse envoie une autre femme avec son enfant dans le désert pour y crever.

Dans la Bible, pas une page où le plus faible n'est pas condamné. Si je voulais condamner un ouvrage pour corruption des moeurs, je commencerais par ça.

_ Des tireurs fous, il y en a dans la Bible?

_ Non. Mais à la tv, à la radio et dans les journaux. Et plusieurs se prétendent justifié par un vieux livre de ce genre. Et si on n'aime pas les très vieux livres, il y a encore les nouvelles fraîche à la tv. On parle d'un type qui a découpé son ami en morceaux et les a envoyé par la poste. Ou d'une drogue qui rend cannibale. Est-ce qu'il y a eu des épidémies d'anthropophagie?

_ Si je comprend bien, on ne vous comprend pas!

_ Vous avez tout compris. Vous, au moins, vous me comprenez!
_ Vous pourriez être moins violent, parler moins de sexe.
_ Comme tous mes concurrents qui écrivent des choses mignonnes pour une clientèle féminine. Je ne dis pas qu'ils ont tort puisque les hommes lisent de moins en moins et que le public des romans est féminin comme de plus en plus les auteures. Et je l'ai déjà fait au début de ma carrière mais les aventure de Winnie l'ourson et de son fls, Calinours, l'ours mignon rose et dodu pas de dent ni de griffes avec un coeur sur le ventre et sa gentille copine la petite oursonne guimauve avec un coeur rose au chocolat au lait où coule du jus de fraise.

_ Merci. Bonjour le diabète.

Dit le Fou qui avait un peu mal au coeur
_ Faites un effort!

Dit le Roi qui prenait la voix de la raison
_ On dit qu'un roman ou un film est un conte de fée pour enfants destinés aux adultes. Et la plupart des romans »pour adulte» sont en fait sinon des trucs pour enfants, au moins des trucs d'ados. J'écris pour les adultes et je traite des thèmes qui intéressent les adultes: $, pouvoir, sexe. Et des émotions adultes: Haine, vengance, violence, cupidité, folie, peur, désir sexuel.

_ Et l'amour?

_ On en parle.

_ Vous ne semblez pas sûr?

_ Énormément de gens en parlent. Des tas de gens écrivent sur le sujet. Comme si ça existait.

_ Pour vous, ça n'existe pas?

Dit le Fou un peu désappointé dans son coeur de jeune fille.
_ Mais vous vous êtes marié 3 fois
_ Moi, je cherche d'abord une partenaire de jeu sexuel. Pour moi, c'est un sport, une forme de sport. Un sport d'équipe. Tout le reste, les autres sports, sont tous ennuyants à comparer. Des jeux pour enfants joués par des adultes.
_ Et la femme, elle cherche quoi?
_ La femme cherche un pourvoyeur avec le plus de fric possible pour faire son nid et son bébé. Tout ça coûte cher si tu veux ce qu'il y a de mieux.
Les invités féminines réagirent et protestèrent. Non. Pas elles. Leurs mères, peut-être?
_ On peut se calmer sur la carte de crédit. C'est pas un comptoir de boucherie. Coeur à vendre. Viande de coeur à la livre. Crue. Cuite. Congelée. Pas cher!
_ Pas si ce que tu veux, c'est le mieux. Le meilleur. The best! On se calme pas. Il y a des carrosses à 10 000 $. Le meilleur coûte cher. Et tu finis au bout de 20 ans par une année d'étude dans une université privée. La première. Et il y a les autres. Et ce n'est que pour le bac. Le meilleur coûte extrêmement cher. Et il y a des fournisseurs prêts à vous procurer ce qu'il y a de mieux. Un enfant, jusqu'avant l'université, parce que là ça déboule, coûte 100 000 $. Les filles, c'est pire. Rien qu'en tampons, serviettes sanitaires. Il y a toute une industrie qui en vit. Je ne parle pas de linge, de lingerie, de bijoux, de maquillage et de parfum. Facilement le double. Et quand elles seront adultes...
_ Et mariés... Finalement, je regrette pas tant que ça d'être un fife!
_ Tant que vous ne faîtes pas l'erreur de vous marier.

_ Si je suis votre raisonnement, c'est avec vos avocats que nous allons coucher.
_ Probablement que c'est comme ça depuis le temps où on était oiseau. L'oiseau femelle reste l'oiseau femelle. Tendance coucou. Tu ne changes ps des millions d'années de programmation.
Les descendantes des oiseaux dans la salle, invitées et femmes publiques (ou du public, il y a une nuance, le dico est traître) remuèrent.
_ À l'époque, d'où je venais, c'est presque un autre monde, si tu voulais avoir accès à une femme et à son sexe quant tu le voulais, il fallait te marier. C'est ce qu'on nous disait ou nous laissait croire. Il y avait d'autres femmes qui sentant que le vent changeait et qu'elles étaient dans le mauvais sens du vent, avaient trouvé un autre truc. Comme le caméléon. Si c'est ça que vous voulez messieurs, c'est ça que vous aurez! On était alors dans ce qu'on a appelé plus tard la révolution sexuelle. Et les femmes avant le mariage faisait tout ce que tu voulais. Mais quoiqu'elles disent, elles voulaient encore se marier. La robe blanche. Le repas de noce à 10 000$ et les 100 invités. Laissant croire qu'ensuite, ce serait encore plus et mieux.

Comme Satan, juste une petite signature. Avec ton sang. Et ton $. Mais une fois marié définitivement, tu découvres l'arnaque. Elles sont tout le temps fatiguée. Ça commence à la nuit de noce. Et ça empire lors du voyage de noce. Et de retour à maison, c'est le désert. Puits à sec. Mal au dos. Mal à la tête. Mal au ventre. Mal aux pieds. Il n'y a pas un endroit de leurs corps où elles n'ont pas mal quelque part. Et ces petites choses fragiles et implorantes, tu ne vas pas les toucher pour ne pas leur faire du mal. De la porcelaine. Du verre soufflé. Des bulles de savon.

Par contre, pour faire le ménage ou jardiner, elles pourraient virer la maison à l'envers et défricher le champs à mains nus.

Tu découvres alors un autre truc: les femmes n'aiment pas tant que ça baiser. À un moment donné, tu commences à raisonner. Parce que tu vieillis. Fallait raisonner avant. Mais c'est facile à dire. Je ne dis pas que ça n'existe pas. Mais on ne sait pas et on évite de nous dire qu'il s'agit d'une ethnie féminine assez rare. Sinon, on chercherait mieux. Sinon, on continuerait à chercher.

Les autres, la majorité, resteraient à sécher. Pour les types qui n'aiment pas tant que ça baiser. Il y en a. Elles ne resteraient pas seules. Un journal, la  tv, la radio et ils sont partis pour 50 ans.

La plupart des femmes, si on leur laisse le choix entre faire du rangement et épousseter, repasser le linge et baiser, tu les vois plus. Et, certaines vont magré tout faire un effort tant qu'elles n'auront pas de bébé. Il faut bien qu'un homme entre dans une femme pour mettre le contact de la machine à bébé. Mais, ensuite, le bébé en route dans le moule à pain à bébé, pour l'année qui vient, une fois enceinte. Et l'année d'après, une fois accouchée et un marmot qui piaille toute la nuit.
_ Si c'est comme ça pour le sexe, alors l'amour?
_ Si on en parle, ça doit exister, sinon on ne saurait pas ce que c'est. Mais c'est peut-être un rêve, un idéal. Au cours de l'Histoire, l'humanité ou ses dirigeants n'ont certainement pas abusé du mot ou de l'idée. Et encore aujourd'hui. Je ne dis pas que ça n'existe pas ou ne peut pas exister. Il doit bien y en avoir un peu quelque part.

_ Pour vous, c'est la vie réelle.

_ C'est la vie réelle que je connais et que je comprends. Et que je raconte.

_ Et vous aimez ça?

_ Je ne dis pas que j'aime... Si j'avais à choisir ce qui est raisonnable, je ferais des messages pour la pub et des discours de politiciens. Mais je ne suis pas raisonnable. Je le regretterais peut-être un jour quand je m'apercevrai que je n'ai pas de pension contrairement à tous ces gens raisonnables qui voyagent et jouent au golf.

Je vais faire le cultivé. Et citer un ancien nom important. Stendhal. Je fais comme Stendhal, je tend un miroir, aux gens de regarder s'ils osent et de se reconnaître s'ils peuvent.

La plupart des gens détestent leur miroir. Il y a peut-être quelqu'un, quelque chose dedans ou derrière eux.

Et même quand le miroir est normal, il ne l'aime pas plus. Parce qu'ils détestent leur gueule.
*
8. 11. 15. 16 juin 2012. État 4