HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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4.6.12

109. MECHANISCHE SCHREIBMASCHINE OLYMPIA MODELL SG3 S

Henry Dickson

Avait téléphoné pour dire à un ami écrivain qu'il passait dans le coin et le verrait s'il avait un moment de libre. Le répondeur (voix électronique anglophone) dit quelques mots de bienvenue et enregistra le message. Avant de le laisser parler au son du bip! récita le message du répondeur (enregistré par l'individu qui était son ami un de ses mauvais jours) qui le prévint avant de le laisser parler qu'on lui répondrait ou le rappellerait ou peut-être pas et que ça dépendrait. Et il reçut la réponse le lendemain, noté par le réceptionniste de l'hôtel lui disant (et je il cite): de tenter sa chance, il serait peut-être là ou pas. Entre 2 chapitres. Si le bruit ne le dérangeait pas. Si c'était pour se plaindre (le réceptionniste citait encore): il pouvait rester chez-lui.

Comme il n'était pas sculpteur ni percussionniste ou amateur de grosse caisse, de clairon ou de tuba ou vuvuzelas d'Afrique du Sud ou du Carnaval de Québec, ce serait supportable. Surtout, qu'il ne comptait pas s'éterniser.

Il arriva, cogna à la porte de l'appartement, pas de réponse. Évidamment, le tac tac régulier lui parvenant assourdi entre les murs ne permettait pas au locataire bruyant de l'appartement d'entendre quoi que ce soit.

La porte n'était pas barrée, signe qu'on l'attendait ou pas. Ou qu'on attendait quelqu'un et peut-être pas lui.

Et puisqu'il était là. Et après être entré, il le trouva tapant sur sa bonne grosse machine à écrire mécanique allemande Olympia SG N, chariot de 62 cm. Qu'on utilisait autrefois pour la comptabilité. Ou combattre les communistes. Un coup sur la tête et on ne recommençerait plus jamais à prédire la victoire du prolétariat. On y entrait les grandes feuilles bleues ou vertes lignées en bleu ou en vert et on était heureux.

Visiblement lui-aussi.

Lui, pour parfaire son bonheur, utilisait un rouleau de papier blanc d'emballage de 24 pouces qui se déroulait au fur et à mesure qu'il écrivait ses interminables lignes. 12 caractères au pouce ce qui fait en ne comptant pas les marges 264 lettres.

De quoi rendre bienheureux tout maniaque dans son genre.

Il n'avait pas à se tracasser à changer de feuille puisque le rouleau était quasi infini. 500 pieds.

Il s'était déjà servi du papier à trous d'imprimantes mais les feuilles si elles avant l'avantage de bien se plier et de venir dans une boite facile à ranger étaient trop étroites. Selon lui.

Il avait installé devant sa machine le rouleau sur le porte rouleau comme on en trouvait dans les boucheries ou les boutiques cadeaux pour le papier d'emballage, les pattes de métal vissées sur la feuille de veneer 4 x 8 lui servant de table.

Et, au sortir de la machine, le papier (le mot feuille est trop délicat pour la description), survolait la machine, le porte rouleau et la table pour retomber de l'autre côté pour glisser au bout de la table et finalement tomber en bas par terre sur le plancher où elle se repliait presque délicatement toute en courbes comme la traîne d'une robe de mariée.

Il passait ainsi ses journées. 8 heures par jour, du lever du soleil jusqu'à ce qu'il ait les doigts en sang mais comme les guitaristes ou les pianistes de concert, ceci ne lui arrivait plus depuis longtemps; il arrêtait donc lorsqu'il n'avait plus d'idée.

Ou lorsqu'il avait mal aux ongles.

Ou qu'un visiteur venait le déranger. Il détestait cette irruption dans sa vie privée et, plus que tout, la coupure du courant de l'inspiration. Ce qui l'avait fait expulser toute femme de sa vie se privant ainsi de nombreux sujets littéraire ayant pour thème la souffrance, le repentir et le regret.

Mais on suppose qu'il avait suffisamment de thèmes restants dans le monde pour le contenter et occuper ses journées.

Quoique une femme particulièrement insistante - il faut se méfier de leur détermination, on ne le fait jamais assez- était revenue grâce à une offensive parallèle et à une manoeuvre de diversion; se proposant de recopier à l'ordinateur le texte de ses murales - leur apparence - davantage que les sages feuilles 8 1/2 x 11 bien empilées en modestes colonnes utilisées par les écrivains normaux. Si on peut utiliser ce qualificatif pour décrire les adeptes de cette profession.

Travailler gratis des années durant dans le seul but d'enrichir un éditeur qui deviendra propriétaire à vie de votre travail et vous paiera en retour s'il en ressent un besoin soudain et urgent tient plus de la déraison que du bon sens.

Car dans le monde parallèle du milieu de l'édition, les seuls à ne pas être payés étaient les auteurs sur qui toute la pyramide reposait. On se dédouanait en disant qu'ils toucheraient un  % si leurs livres se vendaient. Ce qui serait une explication suffisante si l'imprimeur acceptait également qu'on le paye avec les mêmes mots.

Tout ceci pour que de leur union (financière et intellectuelle) naisse un petit objet appelé «livre» fait de feuilles numérotées, collées et bien coupées au 4 coins qui ne vivra que ce que vive les roses ou les neiges en hiver. Le temps de faire un tour au marché, de n'être remarqué, adopté et acheté par personne et de retourner à l'entrepôt avant d'être retransformer en liquide. Comme des milliers d'autres orphelins littéraires. Pour le nouveau livre de l'écrivain suivant sur la liste.

Les éditeurs ayant tendance à faire des syncopes à la vision de ses grandes feuilles et à ce qu'il leur en coûterait en frais de secrétariat pour mettre tout cet amas de textes et de lettres noires et rouges plus ou moins lisibles au norme (lorsque le ruban se détériorait) (et il ne le changeait pas aussi souvent qu'il l'aurait dû sous prétexte que ceci le ralentissait et, selon lui, les lettres étaient toujours lisibles si on se penchait et les lisait avec attention au besoin sous une lumière rasante), il fut bien obligé d'accepter l'humble soupirante qui sacrifierait sa vie et ses yeux pour son Seigneur.

Elle semblait avoir autant besoin de lui que lui d'elle. Même s'il lui fallut du temps pour reconnaître ce fait qu'elle voyait depuis longtemps comme une évidence.

Les éditeurs redevinrent ses amis lorsqu'ils se mirent à recevoir les textes par Internet. Et qu'une inconnue probablement domiciliée à la même adresse ou possédant le code de sa messagerie, répondait promptement à leurs courriels. Au lieu de les laisser poiroter des mois. Et qu'une jolie voix leur parlait au téléphone lorsqu'ils rappelaient, sans les engueuler, en plus. Régulièrement, elle réenregistrait le message de bienvenue du répondeur qu'il avait tendance à réréenregistrer aussi selon son humeur d'ours des cavernes.

En restant invisible, elle lui permettait de poursuivre son oeuvre ou de continuer à taper comme un malade sur une machine à écrire manuelle Allemande de qualité char d'assaut qui lui survivrait sans doute tout en gaspillant des montagnes de papier blanc. Et d'emmerder les voisins.

La terre aurait pu s'effondrer, ses voisins périr dans d'horribles souffrances (et leurs monstrueux enfants aussi) dans les crevasses du volcan et la fin du monde arriver: pourvu qu'il soit en train d'écrire, il s'en foutait totalement.

Entre 2 séances d'écriture, il aurait sans doute réagi comme tout un chacun, se serait probablement mit à dire: pourquoi moi? Je n'ai pas mérité ça! Toutes ces sortes de choses que les candidats de Ciel Academy doivent réciter à Saint Pierre lors de leur jugement.

Tout le monde parle de bonheur et le recherche, c'est le thème de toutes les revues à estrogènes en plus des régimes ou de comment s'habiller ou se déshabiller pour trouver un mec. Lui, en écrivant, était selon sa description le plus près possible de ce que certains appellent bonheur. Et ça ne lui coûtait rien.

Pendant 8 heures, il était ailleurs.

Quelques-uns paient des fortunes pour des drogues produisant le même effet.

Et risquent la prison puisque, juste pour les emmerder, on a décidé de les rendre illégales. Et, chaque fois que l'initiative individuelle et la créativité humaine en invente une autre, dès qu'on s'en aperçoit, on se dépêche d'écrire une petite loi sur le coin d'une table. Mais, comme ceux qui font les lois et ne cessent de glousser devant les beautés du capitalisme, ne comprennent pas vraiment dans quelle société ils vivent et ce qu'est ce capitalisme dont ils vantent tant les mérites, d'autres personnes entreprenantes répondent aux besoins des consommateurs orphelins. Puisque le commerce légal refuse de les servir.

Offre et demande. Ce qui fait qu'il y a peu de plaquettes de poésie qui se vendent légalement sur le marché. Ou illégalement. Parce que la demande est limitée et que l'offre des poètes souffrants est constante et bien plus grande.

Tandis que fermiers, producteurs, importateurs, contrebandiers, grossistes, détaillants et revendeurs de cocaïne font des affaires d'or parce que la demande est là. Constante. Sans cesse renouvelée. On ne cesse de fabriquer et vendre tandis qu'on ne cesse d'acheter et de consommer. Le monde idéal. Ce qu'on voit moins dans le domaine de la poésie et de la peinture abstraite.

Le fait que ce soit illégal (ce que certains interprètent comme la disparition instantanée de cette substance. Hop! Je te mitonne une loi et bzzzz! plus de malheur dans le monde!) ne fait qu'en augumenter légèrement le prix. Il y a ainsi une offre toujours renouvelée de Mercedes S et une demande constante mais limitée par le prix de l'objet convoité. Tandis que les vendeurs de cocaïne savent adapter le prix de leurs produits aux ressources de leur consommateurs ce que ne font pas les fabricants de Mercedes S.

Par contre, les propriétaires de Centres Commerciaux ont très bien compris et mettent à la disposition du consommateur qui s'ennuie et ne se supporte plus toute une série de boutiques et de grands magasins où ils pourront rêver tout à leur loisir, des heures durant, variant leurs émotions et leurs plaisirs en passant de l'une à l'autre, concluant ces périodes d'euphorie par une émotion encore plus intense: l'achat. Mieux, l'achat de quelque chose de «décoratif» ou «qui nous va si bien» dont le prix variera de la babiole à rabais (mais c'est donné!) (pas vraiment!) à des petits trésors hors de prix (mais heureusement dans non moyens) (il suffira de manger moins!) objets dont on n'a aucun besoin et qui viendra encombrer nos armoires. Et qui fera la joie de la banque émettrice de carte de crédit qui nous le tarifera à 20% d'intérêt. Mais pour le moment un high intense. Suivi du phénomène de descente bien connu des drogués. Et pour retrouver une émotion aussi vive, il faudra renouveler la dose et, bientôt, les escalader. Toujours suivi d'une période de remise en question et de dégoût de soi. Mais qu'est-ce qui m'a pris? Et c'est tout à fait légal.

Prostitution, drogue, alcool, magazinage.

Les amateurs de cocaïne ne faisant que se procurer l'émotion la plus vive sous sa forme la plus raffinée, concentrée et miniaturisée presque spiritualisée (la foi religieuse sans l'église et tous ces rites, prières et formules magiques) (une dose et vous êtes sauvé!) (quoique il ne faille pas négliger l'orage cérébral que peut procurer le fait d'être Born Again! Pantecôtisé. Parler en langue et autres miracles communs chez les rares mystiques mis à la portée du tout venant) sans s'encombrer des biens culpabilisants (prétexte à la dose) et qu'il faut bien ranger par la suite. 25 $ ou une jolie lampe. 100 $ et un chemisier si joli. Elle a en déjà 100.

Dans un monde idéal, tout le monde serait heureux de même que les apôtres du capitalisme qui en verrait encore une fois la démonstration de l'efficacité et des vertus mais quelques grincheux ont décidé que tout ce bonheur leur lève le coeur et donc que certains besoins ne sauraient être satisfaits. Mais les manuels de philosophie et de morale, dans le monde réel, subissent le même sort que les plaquettes de poésie. La demande est insuffisante pour l'offre pléthorique.

Aussi certains auteurs profitent de leur situation sociale (ils sont provisoirement au commande de la machine à faire des lois) vont obliger le lecteur à acheter leurs produits. Monsieur Mao Tse-Tung ou Zedong profita d'une clientèle captive pour leur imposer l'obligation de lire des millions d'exemplaires de son Petit Livre Rouge. 900 millions. Il abusa aussi de sa position d'auteur et de fabricant de lois pour inventer la Révolution Culturelle ou la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ce qui lui permit de purger son parti et le pays des révisionnistes (qui n'aimaient pas sa poésie) et de les envoyer en camps de travail où ils feraient leur autocritique avant qu'on les abatte à coups de pioches. 1 million de mort. Et réinstauration du cannibalisme. Quoique certains auteurs pessimistes affirment que durant la carrière littéraire et légale de monsieur Mao, il fit 100 millions de morts. On peut donc que le féliciter.

Si pour certains, vendre et acheter, suffit à leur bonheur; pour d'autres, il faut des lois, des interdictions, des choses illégales et illégales et mauvaise et péché et donc des gens (pécheurs) à punir (et effectivement punis) qui font fi de leurs interdits. Eux satisfont leur envie sadique de rétention anale de cette manière et on ne saurait le leur reprocher. Après tout qui n'a pas eu dans sa vie l'envie de torturer quelqu'un!?

Ou des produits (dits de) beauté, des crèmes anti-âge, des brosses à sourcils, des faux ongles, des voyages organisés où ils se faisaient effectivement et efficacement organiser ou un nouvel ameublement.

Mais tout ceci concernait les gens ordinaires, soumis aux multiples perversions des dirigeants ordinaires, hommes d'affaires, religieux, juristes et politiciens, dans leur vie ordinaire. Et il ne voulait rien en savoir.

Ils étaient ailleurs. Dans leur petit monde médiocre.

Et il était ailleurs, dans son monde à lui.

Ailleurs, tout à ses personnages dont il partageait la vie. Étant roches, mer, animaux, enfants, fillettes, hommes ou femmes.

Pleurant lorsqu'il souffrait.

Il lui était arrivé de le découvrir les yeux pleins d'eau tandis qu'il racontait et inventait les malheurs terribles de ses petites créataures.

Tapait comme un déchaîné ou un possédé car le rythme des claquements mécaniques produisaient l'effet de transe et l'écriture de la vie créait cette vie dont il assistait également au spectacle tout en la vivant jusque dans son coeur.

Mourant ou agonisant avec ses petites créatures. Comme si tout ceci était vrai. Plus vrai que la vie. Car la vie et la mort de ses voisins ne lui aurait pas fait le centième de cet effet.

Il lui était arrivé de tirer divers objets sur un achalant velu venu lui parler d'une cause quelconque concernant le sort du monde. Ou son âme.

Vivre ne l'intéressait pas. Quant à sa survie après sa mort ou sa vie éternelle; il s'en foutait. Une vie était bien assez et il ne supportait pas d'attendre en ligne à un arrêt d'autobus. Ou, pire, attendre que l'inspiration revienne d'où elle était partie. Vivre, entre 2 voyages dactylographiques lui faisait l'effet d'un voyage en Allemagne de l'Est au bon temps du prolétariat. Alors l'éternité.

Si on lui permettait d'écrire, peut-être. Mais il doutait qu'on accorde ce genre de fantaisies aux élus dont la principale activité, lui avait-on appris dans ses séances de cathéchisme, consistait à chanter les louanges du Seigneur ou, entre 2 séances de louange, à intercéder auprès de Lui afin de réaliser les rêves transmis sous forme de prières de ses parents encore vivants.

À leur bénéfice. Ou pour sauver l'âme d'autres cousins malchanceux condamnés au Purgatoire. Pour les damnés de l'Enfer, il ne pouvait rien faire. Et de toute façon, ils n'avaient eu que ce qu'ils méritaient. Et toute une vie à préparer leur damnation.

Parentelle dont il se foutait totalement puisqu'elle avait tout fait pour le décourager de mettre en pratique son don. Des années d'expérimentation et d'essais et d'erreurs. Ce qui n'a jamais pu les décourager. N'allant tout de même pas jusqu'à l'extrême Nelligan.

Séances de découragement ayant duré des décennies. Les premières furent particulièrement intenses et actives.

Dès qu'il le put, il s'était payé avec ses économies sa première dactylo et on se mit aussitôt à réprouver le bruit qu'elle faisait. Disant que même les voisins se plaignaient. Et le coût du papier consommé.

Et comme il ne voulait pas qu'une sordide affaire comme celle de l'auteur de Millenium, Stieg Larsson, lui arrive, il avait profité de l'irruption de sa secrétaire providentielle dans sa vie pour en faire l'héritière de ses droits d'auteurs.

Juste pour les emmerder.

Brave fille, elle refusa. Ne voulant pas donner l'impression qu'elle abusait ou profitait ou pourrait abuser ou profiter de son Seigneur ou, comme toutes les femmes habituées dès le plus jeune âge à socialiser et à tenir compte de leur environnement et des êtres étranges qui l'habitent, ne voulait surtout pas que l'on pense qu'elle avait... Même s'il n'avait pas un sous.

Mais ne tenant pas compte de ses protestations, il se fit faire les papiers par son notaire. Ce qui fut toute une aventure lui qui détestait sortir de chez lui et rencontrer des gens, disons, des gens véritables. Des... heu!... humains.

Dans un de ses chapitres, il avait eu besoin de la vie d'une semblable créature et avait trouvé peu de documentation sur ses moeurs et son habitat, ce qui lui donna l'occasion puisqu'il se sentait en forme de sortir un peu de chez lui pour en rencontrer un, comme on dit, en chair et en os. Il aurait pu tout aussi bien inventer cette vie et n'aurait pas fait trop d'erreurs. Les humains étant bien plus simple, banals et insignifiants qu'on ne le croit. Le notaire observé devint son notaire. Et il se pratiqua avec lui dans un commencement de vie sociale, faisant comme s'il avait véritablement de l'$, même de l'$ à redistribuer, ce qui permit à son nouvel ami de lui faire un véritable testament. Et à lui de compter et noter le nom de ses amis dont pour certains il ignorait même le nom. Ce genre de détail social ne lui ayant jamais paru bien important. Mais le notaire, tatillon, y tenait. Et de leur rencontre naquit un testament tout ce qu'il y a de légal sur beau papier notaire en coton de 8 1/2 x 14 qu'il admira longuement. Il avait toujours eu une fixation sur le papier. Sa texture. Son odeur. Son épaisseur. Il fut ce matin-là fort satisfait de lui-même.

Il aurait tout le temps de changer d'avis et de trouver une autre personne plus méritante si jamais l'occasion se présentait mais, pour le moment, il trouvait la chose tout à fait acceptable et presque morale.

Il eut un petit frisson de joie suivi d'une grimace de plaisir à l'idée que, peut-être, un jour, il deviendrait riche (non que ceci lui importait le moins du monde) mais l'idée qu'il soit riche et, surtout, meure ainsi, tout en ne laissant pas un rond à sa parenté (qui, il les imaginait, attendait ce jour depuis si longtemps, comptant leur $ imaginaire et l'ayant peut-être déjà dépensé d'avance, peut-être, s'étant endetté - il les connaissait- comptant sur son inévitable décès pour profiter de sa tirelire) le plongeait dans l'extase.

Juste pour les emmerder et se donner l'occasion de cet emmerdement, il avait presque envie de se mettre à faire du commerce. Ce qui lui donnerait, dit-on, et c'était l'opinion de ses parents, davantage d'occasion et de chances de s'enrichir que l'écriture. Balzac avait essayé ça toute sa vie.

Mais à la pensée de tout ce tracas (et la pensée de Balzac) à faire des affaires et à compter (ses sous, les produits à vendre, vendus, à ranger) ceci lui enlevait tout le plaisir de devenir riche.

Activité qui n'aurait eu de toute façon pour unique raison que la possibilité d'accumuler de l'$ dans un coffre pour pouvoir faire risette à ses héritiers malheureux. Moment inoublible qu'il ne verrait pas puisqu'il serait mort. Ainsi que le veut la coutume. Et les notaires. Si tatillon pour ce genre de formalité.

Il lui arrivait souvent de faire ainsi des scénarios de vie parallèles ou perpendiculaires qui duraient quelques secondes et dont il faisait le tour jusqu'à en découvrir tous les inconvénients, le principal étant l'ennui.

Et une fois arrivé au bout de cette vie théorique, quelques secondes, alors que pour la plupart des autres, il fallait 90 ans, il concluait que la vie testée ne valait pas la peine d'être vécue ou commençée. Et certainement pas d'y passer 90 ans.

Car toutes ces vies, il lui faudrait les vivre et il lui aurait fallu les vivre, jour à après jour. Se lever dans cette vie et s'y coucher le soir venu pour recommencer le lendemain. Il ne comprenait pas comment faisaient tous ces autres pour vivre réellement ces vies, toute leur vie durant, alors qu'il en était déjà dégoûté après 1 minute.

C'était une histoire trop belle ou épouvantable qu'il aurait pu lui-même écrire. Des parents qu'il détestait et qui le méprisait - un intellectuel gauchiste artiste ! - avaient hérité de tous ses biens et des millions des droits de ses romans et des films tirés de ses romans, pour 50 ans, minimum. Même s'il évitait de les voir et ne leur parlait plus depuis des années. Et réciproquement. Ceci au détriment de sa blonde qui vivait avec lui depuis presque aussi longtemps.

Sous le prétexte légaliste qu'ils n'étaient pas mariés et était trop stupide pour faire de testament étant dans l'illusion commune d'être immortel. Et la raison utilisée était que ces crétins grossiers et parasites étaient de son sang.

Ironie du destin et de la morale populaire qui prétend que travailler fort sera récompensé un jour. Le destin tout à fait Kafkaïen ou Grec Antique, joua aux dés avec tous les romans de l'année. Et tous les auteurs. Récompense il y eut mais dont il ne profita pas et qui profita à d'autres. Et son travail le fit mourir. Les Anciens Grecs auraient été ravis.

Et le Destin ou Dieu sait quoi s'acharna pour pousser l'absurde et l'ignominie encore plus loin. Comme si déjà ce n'était pas assez. Cet $ non seulement irait et alla à des gens qu'il détestait qui le dépenserait à acheter des trucs insignifiants au lieu d'aller comme il l'avait voulu (mais non spécifié dans son testament puisqu'il n'avait pas pensé à en faire un parce qu'il n'avait pas pensé qu'il allait mourir ni non plus pensé que cette activité d'enrichissement allait le tuer et, même, un zeste d'absurde de plus, qu'il mourrait d'une crise cardiaque dans l'escalier menant chez son éditeur avec son manuscrit à la main) à la cause qu'il défendait: une revue d'information et de combat social. Millénium. Qui avait donné le nom de son ou ses romans.

Ce pourquoi, il avait entrepris cette activité tout à fait absurde: écrire un roman. Afin de subventionné cette noble cause.

Et écrire des romans est une chose que faisaient et font effectivement des milliers d'auteurs amateurs et professionnels partout dans le monde sans que ça leur rapporte un sous. Mais eux sont encore vivants.

Le Destin n'a pas eu envie de jouer avec eux. Le Destin avait voulu que la boule du jeu de roulette du Casino de l'Enfer tombe sur le bon chiffre.

Fascinant!

D'un autre côté, ils auraient pu naître en Chine Populaire, se retrouver à l'âge adulte en pleine Révolution Culturelle, en train d'être jugé par des Gardes Rouges de 12 ans l'obligeant à coups de gifles et de claques derrière, la tête, à faire son auto critique et à se décrire comme un traître au prolétariat et un impérialiste. Ses aveux leur donnerait le prétexte voulu pour sa condamnation. Luxe qu'on n'accordait pas toujours à ceux que l'on fusillait ou battait à mort. Parfois par simple caprice. Les enfants aiment ce genre de jeu ou l'aimerait si le président du pays leur permettait de le jouer. Mais, vivant dans un pays ennuyant, ils n'ont pas toujours (ou rarement) l'occasion de juger leurs professeurs ou leurs parents et de les battre à mort. Pour ça, il faut un autre petit coup de pouce du Destin.

Ce qui, au cas bien improbable, où ses délires dactylographiques le rendent riche ou bourgois, éviterait que son fric et les possibilités futures d'en faire, tombent chez les crétins dont il partageait par un caprice du sort, l'ADN. À moins qu'une infirmière droguées aux pilules volées aux cancéreux, ait interverti les bébés après leur naissance. Ses véritables parents, intelligents, cultivés, raffinés, poètes et riches étant quelque part en ville avec une espèce d'avorton bruyant véritable fruit des entrailles de sa chienne de mère.

Avant elle, sa secrétaire impomptue, c'avait été le parti Marxiste Léniniste du Canada et l'Union Athée Internationale, causes dont il se foutait puisqu'il ne faisait pas de politique ni de religion mais qui lui paraissaient suffisamment inspirantes pour causer des crises d'épilepsie à sa parenté si bien et si convenables. Et tellement croyantes.

Quant à lui, il n'y avait que ses personnages alphabétiques et typographiques qui lui importaient.

Cette vie s'imprimait sur le papier et le papier sortait en rafale de sa machine.

Et le grand chariot était ramené dans un bruit de culasse de canon parfaitement usiné se refermant sur un obus à chaque fin de ligne. Cling!

Et à la fin de sa journée, lorsqu'il constataterait visuellement et physiquement le travail accompli, ce travail aurait une forme et un poids, il pouvait le voir, le toucher, le soulever, presque s'en vêtir, tout ce papier s'étirant par terre, il serait content. Il était content. Comme Dieu, il contempla son oeuvre et vit que cela était bon.

C'était un des rares hommes qu'il avait vu heureux et reconnaissant l'être. Même s'il n'utilisait pas le mot, convenant qu'il convenait mieux aux femmes. Le bonheur étant pour lui un sentiment trop féminin comme le besoin étrange de se couvrir constamment d'huiles, de lotions et de crèmes sous prétexte de protéger leur épiderme alors que leurs grands-mères avaient probablement accouché en s'agrippant à un arbre avant de se remettre debout, le foetus sanglant lavé dans les feuilles et l'herbe, emmailloté sur le dos, pour éviter que le chien ne le mange, pour continuer à labourer leur champ.

Mais son monde parfait n'était pas toujours aussi parfait.

Car il n'y vivait pas seul.

Car il y avait les autres.

Tous ces autres qui l'interrompaient. Dont l'unique fonction sur terre était de l'interrompre ce qu'ils faisaient consciencieusement. Parfois même s'y mettant à plusieurs.

Le monde qui se manifestaient par eux ou par d'autres achalants.

Et sa vitalité qui diminuait au fur et à mesure que la journée avançait ou se terminait. Et comme à bout de souffle, il devait finalement leur dire adieu.

Parce qu'il n'avait plus rien à dire. Lui qui avait aligné des milliers de lignes et des millions de signes se retrouvait à sec. Ça ne sortait plus. Il n'y avait plus rien. Il lui fallait alors se résigner à redevenir un homme ordinaire, à retomber sur terre et à manger un sandwich.

Un peu comme une banane sans pelure ou une pelure sans banane.

Ou un citron pressé.

Il disait qu'écrire c''est comme pisser. On ne décide pas quand on commence ni quand on arrête. Ou comme bander qui répond aux mêmes sévères critères de la nature. On ne peut pas faire semblant.

Quoiqu'il existe des pilules bleues ou d'autres couleurs. Mais pas encore pour l'écriture quoique la drogue ou l'alcool aide. Ou l'amour si on est jeune. Ou les peines d'amour si on est moins jeune. Certaines peuvent durer toute une vie, du bonbon pour les écrivains poètes et sentimentaux.

La femme qu'ils ont aimé aura beau avoir 80 ans et ressembler à un vieu pruneau et 12 enfants de 50 ans et plus et 30 petits enfants et arrières petits enfants, il s'en souviendront toujours. D''elle. Elle dans ses 14-15-16-17-18 etc. Lorsqu'elle lui a brisé le coeur. Les femmes sont cruelles, depuis toujours les écrivains le disent et l'écrivent.

On dira que son coeur ne s'est pas assez brisé puisqu'il passe des mois ou des années à écrire à ce sujet. Mais les gens sont méchants.

Lorsqu'il était alcoolique, il passait une bouteille de cognac par jour ce qui demande à la fois un bon foi, 2 bons reins et, au bout, une vessie qui nous aime pour notre piété et notre bonne humeur et une cervelle en bon état pour transformer le tout en vocabulaire.

Mais même si ces organes fonctionnent adéquatement, il arrivera un moment où ils se rebifferont ce qui fournira un autre sujet sur l'injustice de la vie.

Certains marinent dans la haine qui est un carburant aussi bon que l'alcool: des femmes, des pauvres, des riches, des étrangers, des juifs. On peut même (mais c'est moins bien vu de nos jours) construire toute son oeuvre sur ce seul sujet. Il faut bien passer son temps comme disait je ne sais plus qui.



Certains de ses collègues utlisaient encore la plume et l'encrier mais avaient dépassé le stade où on faisait soi-même son encre avec de la cendre de cheminée. Rares étaient ceux ou celles qui se servaient d'un crayon à mine de plomb mais ça existait toujours. Comme les amateurs de plumes de métal, souvenirs de l'enfance, belle main d'écriture.

La plupart préférait l'ordinateur ou l'-Pad ou autres tablettes tant que la batterie tenait, qu'il n'y avait pas de panne de courant ou que le disque dur ne grillait pas. Maladie du progrès. Si tout était parfait dans quel monde vivrions-nous?

D'autres se servaient du clavier Alpha Smart qui était en mêmes temps un mini-ordinateur avec un mini-écran de 2 ou 4 lignes. D'abord inventé pour l'apprentissage de la dactylo et récupéré par un écrivain qui l'avait vu utiliser par sa soeur. Pas de pièces mobiles, sauf les touches, pas de disques ou de disquette et on peut l'échapper par terre mais pas trop souvent. On peut le mettre sur ses genoux ou sur la table d'un restaurant. Et personne n'aura jamais envie de vous le voler. Ce qui ne serait pas le cas si vous aviez un bel ordinateur portable Apple Air avec écran couleurs à charnière.

Quelques nostalgiques invétérés se servaient pour leur ordinateur du clavier IBM qui imitait le clic clic des touches de dactylo quand on s'en servait. Il y en a même avec des touches noires, sans indications de lettres ou de chiffres pour intimider les novices.

On peut même relier les touches d'une dactylo mécanique manuelle à des circuits afin de la transformer en clavier d'ordi pas banal du  tout. Vous avec le feeling des vieux claviers inimitables, l'espacement, l'angle, les touches surélevées qui font que le clavier moderne n'est qu'une pâle imitation.

Vous pouvez changer votre clavier d'ordi modèles Querty ou Azerty pour un modèle scientifque. L'espacemenent des lettres date du début de l'autre siècle lorsque les touches actionnaient réellement de petits bras de métal qui frappaient réellement une feuille de papier sur un rouleau. Et, entre les 2, un ruban de tissus encré.

Plus on écrivait, plus on allait vite, ce qui provoquait inévitablement l'emmêlement des touches sur le clavier et le blocage du système. Car la mécanique est soumise à la physique la plus stricte et à des limites de vitesse indépassable. On résolut donc d'éloigner le plus qu'on pouvait les lettres qui se trouvaient dans la plupart des mots les plus proches. En mettant le plus de distance possible entre les touches et les petits leviers. Ceci pour chaque main. Comme ces lettres étaient différentes en France et en Angleterre, on eut 2 sortes de claviers. Comme les USA devinrent la puissance dominante du siècle et l'anglais, le nouveau latin international, le clavier Querty fut utilisé partout même dans des pays francophones comme le Québec où c'était illogique. Mais plus pratique commercialement. On n'avait pas à importer par bateau des machines françaises. On ajouta seulement les accents.

Beaucoup de gens tapent avec 2 doigts, un dans chaque main. D'autres qui ont appris en suant sang et eau la méthode ne peuvent plus s'en passer.

Mais la méthode n'apprend qu'à se servir du vieux clavier et non du clavier scientifique. Après 1 siècle et plus, on fit les statistiques des lettres les plus utilisées dans les mots les plus communs et comme il n'y avait plus les restrictions des mécaniques antiques, on approcha les touches les plus communes ce qui permet d'écrire comme une fusée. Si une fusée écrivait.

Mais pour ceux qui ont déjà appris la vieille méthode et qui ont reconfiguré leurs circuits cérébraux pour la circonstance, c'est comme un pianiste à qui on présenterait un clavier de piano dont on aurait modifié l'ordre des touches et des cordes.

Il faut donc de la patience et énormément ou être un novice qui veut ce qu'il y a de mieux aujourd'hui et non le meilleur de 1900.

Et la plupart des praticiens pour qui cette méthode est utilitaire diront qu'ils vont déjà suffisamment vite et qu'aller encore plus vite serait, certes, préférable mais pas s'il faut y passer des mois. Ce qui ne pourrait être qu'au détriment de l'oeuvre en cours qui devrait être abandonnée le temps de refaire sa programmation. Et lorsqu'on serait finalement prêt, aurait-on encore envie d'elle? Et si l'inspiration s'en était allée. Ce qui lui arrivait souvent la salope!

Avec les logiciels de reconnaissance des caractères, on peut écrire comme les anciens Romains avec un stylet (de plastique et non de bois sur un tablette de cire) sur une tablette électronique qui transformera vos patarafes en caractères typographiques. On a même réduit tout le système dans un seul stylo qui écrit avec de la vraie encore sur du vrai et banal papier tout en envoyant les ondes à un enregistreur pas loin qui transcrira le tout au moment où vous en aurez besoin. À condition que vous faisiez l'effort de tracer vos lettres détachées comme on vous a appris en première année du cours primaire. Défaut actuel du système.

Il y a aussi le logiciel de reconnaissance de la voix qui transforme vos dires en lettres. Mais il faut que vous parliez bien et, comme le mariage, que vous et le logiciel soyez compatible et y mettiez du vôtre. Il apprendra à reconnaître votre voix et vous à parler mieux que vous ne faisiez d'habitude. Ce qui vous prendra des mois.

Vous vous retrouverez dans le rôle de Victor Hugo ou saint Thomas d'Aquin à dicter à vos scribes vos pensées aussi vite qu'elles surgissent. Si la machine le veut bien. Dans le cas de ces 2 illustres auteurs, plusieurs scribes à la fois écoutaient et transcrivaient l'état de leur esprit, le suivant commençant quand le précédent était épuisé. Ou continuait à écrire à l'encre et à la plume. Les textes se recoupaient et, ailleurs, le typographes mettraient de l'ordre dans tout ça. Parfois monsieur Hugo écrivait debout sur son écritoire et lançait les feuilles qu'il venait de compléter à des assistants qui les retranscrivait. Tout ceci est passionnant.

Jules Vernes faisait un premier brouillon que l'on envoyait à l'imprimeur et il se servait des copies des pressiers et des typographes pour les annoter. S'en suivait un aller-retour incessant de copies propres et corrigées. Comme on fait de nos jours avec les feuilles sorties des imprimantes. Qui renferment dans une petite boite toute une industrie ancienne et des dizaines d'employés consciencieux. 15 ans pour apprendre à être typographe. Comme tout était fait à la main à cette époque, c'était hors de prix mais comme il avait du succès, l'éditeur se remboursait au passage lui pardonnant cette manie.

Certains maniaques se servent des monstrueuses typographieuses à lingot de plomb (1 tonne, 4 pieds de large et 10 pieds de haut) pour écrire ce qui est pousser le vice au-delà de la raison.

Et s'il existe encore des artisans pour se servir des derniers caractères de métal séparés dans les casses (petits tiroirs ou cases de bois pour réunir les familles) pour recomposer le texte sur le marbre, ce sont généralement des relieurs ou des imprimeurs à l'ancienne qui préparent des éditions de luxe de textes poétiques.

Tous ces mondes existaient sans que la plupart des humains ne cette Terre n'en ait la moindre connaissance. Chacun jugeant sa manie indispensable à son art.

Lui avait adopté sa machine à écrire Allemande et serait allé jusqu'à l'épouser si besoin.

Quand un journaliste annonça que la dernière usine fabriquant les dernières machines à écrire venait de fermer ses portes, il eut un arrêt cardiaque. Mais, comme d'habitude, c'était faux. Travail baclé du pisse copie ou du fournisseur de contenu trop pressé pour vérifier ses sources et faire une recherche de quelques minutes sur Google. On parlait de la dernière usine en Inde alors qu'il en restait encore quelques-uns dans le monde. Tant qu'il existerait des pays sur Terre où l'électricié serait une rareté provisoire, sujette aux pannes répétées, il y aurait un besoin pour des machines fiables et manuelles. Même les machines à écrire électriques qui furent de la génération suivante du progrès avant le passage à l'informatique était à un stade d'évolution trop élevé pour ces pays. On pouvait, par contre, régresser encore, et là-aussi écrire à la main. Et même si la majorité de la population était analphabète, on avait encore besoin de l'écriture. Et des écrivains publics avaient ce rôle. Il y avait toujours quelqu'un qui voulait mais ne pouvait pas écrire à la main une lettre pour sa famille. Sa femme au loin. Ou voulait écrire à la machine une lettre plus formelle pour l'administration. Comme son échoppe était une petite table dans la rue et que dans la rue, il n'avait pas de fil électrique, il n'avait pas besoin d'une machine électrique mais d'une manuelle. Un ordinateur, même portable, était encore plus coûteux et encombrant et fragile (toute cette poussière) (les autos) (les vaches) et avec l'imprimante. Les bouteilles d'encre pour les machines à jets d'encre ou les cartouches de toner. Hors de prix. Et il y avait les batteries difficile à trouver. Et toujours les fils pour l'imprimante. Et si elle était à batterie...

Et les machines à écrire de seconde main étant insuffisantes, il fallait bien que quelqu'un fabrique quelque part les dites mécaniques.

Bien sûr tout changeait tout le temps. Ainsi Olympia faisait maintenant parti d'un consortium de Hong Kong. On faisait et on ferait encore quelque part les machines manuelles tant qu'il y aurait des millions de personnes qui en aurait besoin. Et des machines à écrire électrique aussi. Et, bien sûr, des ordinateurs.

Et pour être sûr de n'en pas manquer, il avait accumulé quelques Olympia neuves ou d'occasion dans son armoire.

Le seul problème était lors du transport par avion lorsqu'il était invité à loger dans une résidence d'écrivain, en Amérique du Sud, France, Toscane, Andalousie. Lui aimait voyager en première classe sinon pourquoi voyager? Pour le plaisir? Pour voir du pays? Il en avait bien assez autour de lui et il pouvait y aller à pieds ou en auto et n'avait aucune envie d'en voir davantage. Un guide touristique (avec de photos) (comme d'autres esprits curieux se documentent avec des revues porno) lui suffisait pour découvrir la ville ou rêver du pays où il aurait bien aimé aller s'il aimait voyager et s'il avait les sous ou l'envie de s'endetter et être à la merci d'une banque ou d'une agence de crédit. Le rêve.

Aussi il ne quittait le pays que si on l'invitait, lui payait le voyage, celui de sa machine (50 livres) (de bon métal Allemand ou Chinois) (qui remplissait de terreur les douaniers toujours à la recherche de terroristes imaginaires) (mais qu'est-ce que c'est que cette.... chose? La plupart, trop jeunes, n'en ayant aucune idée. Une bombe atomique?)

Et il était heureux. Quoique il considérait ce sentiment comme plutôt féminin. Comme l'orgasme.

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4. 7 juin 2012. État 2