HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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31.7.12

207. COURRIER DU COEUR

Henry Dickson lisait les petites annonce du journal et tomba sur le courrier du coeur. La réponse de la gentille dame au correspondant et son message d'espoir était prévisible et banal mais pas la lettre.

COURRIER DU COEUR
Je n'ai pas de passions, pas d'envie, pas de rêves. Pas de vie. Pas de passé, de présent ni d'avenir. Ma vie n'a jamais eu aucun sens. Et n'en a pas davantage présentement.

Je suis toujours pris entre mon indécision permanente et mon absence totale de volonté. Je ne vais nulle part. Donc à quoi bon mettre un pied devant l'autre? Je reste donc là à attendre. Mais attendre quoi? Qui?

Je n’aime personne.
Je n'aime pas les gens. Je n’aime pas les inconnus et je ne supporte jamais très longtemps quelqu’un. Je n'aime pas les foules ni être dans une foule. Là où il y a plein d'inconnus. Alors, j'ai l'impression d'être tombé dans un gigantesque estomac qui me digère. J'étouffe.
Je ne m'aime pas.
J'ai l'impression de me digérer moi-même. Plus le temps passe plus je me désintègre.

Je me regarde longuement dans le miroir et je n'aime pas l'homme qui est là. Est-ce moi?
Je n'ai aucun rêve, aucun projet ce qui fait fuir les femmes pour une raison que j'ai du mal à comprendre.
Le bonheur ?

Je sais ce qu'est le bonheur en théorie et dans le dictionnaire mais sans avoir aucun  souvenir d'avoir déjà vécu une expérience de de genre. Je ne sais donc pas à quoi ça peut ressembler dans la pratique. Qu'est-ce qu'on ressent quand on est heureux? Ni comment être heureux. Faut-il être 2 ? Des gens m’en parlent. J’ai écouté à la radio et à la TV des gens en discuter d’un ton convaincu.
Il y a un côté très sombre en moi qui m'a toujours fait peur. Je préfère ne pas en parler. Et j’imagine la réaction d'une femme si elle devinait ce que je pense.
Je dois surveiller constamment ce que je dis. Je me suis déjà aperçu que lorsque je me laissais aller à parler avec une femme, celle-ci me regardait bien vite avec des yeux terrorisés. Et trouvait bien vite un prétexte pour partir. Et je ne trouvais jamais les mots pour la retenir.

Et je n'aime pas que les femmes me regardent avec ces yeux-là.

Je suis seul.
Mon appartement se vide petit à petit de mes meubles, de mes posters, de mes bibelots, de mes livres, de mes disques, de mes souvenirs. Je ne sais pas où les choses vont. Quand je reviens chez-moi, il y a des choses de moins. Mais je ne me rappelle pas m’en être débarrassé. Est-ce qu'on vient chez moi quand je ne suis pas là? Est-ce qu'on me vole? En fait, ceci me laisse complètement indifférent.
Si ça continue à ce rythme, dans quelque temps, il sera complètement vide. Il ne restera plus rien. Sauf moi. Et je serai de trop.

Une boite. Des murs. Un plancher. Un plafond. Et un rat de laboratoire au milieu. Moi. J'ai l'impression d'être le sujet d'une expérience et qu'on m'observe, m'étudie. Parle de moi dans mon dos.
Je viens de m’acheter un révolver dans un bar. Il y en a de très  bon et qui ont déjà servi. Il me restait sur moi juste assez d'$ pour ça. Comme par hasard. J'y vois un très bon signe. Celui que j’ai acheté n’était pas très propre et sentait mauvais, je suis assez dédaigneux des odeurs des gens et des choses. Je n'aime pas toucher aux gens ni aux choses. Mais il avait quelque chose qui, je ne sais pourquoi, me donnait confiance.
Je pense que demain sera un bon jour.
*
31 juillet 2012.
Mort. 1

206. VOULEZ-VOUS VRAIMENT PRENDRE CET ASCENCEUR ET AVEZ-VOUS BIEN RÉFLÉCHI AVANT DE FAIRE VOTRE CHOIX?

Henry Dickson venait d'apprendre la mort de son ami. En retard. Il ne pensait pas souvent à lui. C'était préférable. Il l'avait vu lors de sa dernière visite à Montréal et avait cessé d'y penser. Il y repenserait bien un jour. Et venait d'y repenser ce matin, à sa visite au bureau de poste quand il reçut une lettre de sa fille lui annonçant le décès de son père.

On l'invitait au funéraille. Inspection des corps, messe, service funèbre, souper de rencontre. Corvée funèbre. Il n'aimait pas ce genre de cérémonie primitive et n'irait pas. Une personne est intéressante vivante. Morte, il ne reste rien d'elle.

La peau et la pelure de la banane.

Tristesse. Et soulagement mêlé. Et compliqué. Il arrive un moment où il vaut mieux mourir. La vieille carcasse a toutes les peines du monde de retenir ce reste de vie qui fuit partout.

Mais elle ne se décide pas.

Il avait choisi sa mort dans un instant de lucidité. Décidé enfin. Choisi la fenêtre adéquate. Et avait fait un vol plané. Le choc sur le sol avait détruit ce qui restait vivant de lui le libérant. Parfois, le corps est une chaîne qui ne sert qu'à retenir ce qui ne demande qu'à s'envoler. Comme un oiseau qui aurait une laisse et un collier de chiot. Le caniche humain.

Le plus comique était les images qui restaient de lui, s'imposant à toutes les images précédentes. Se superposant à elles. Il aurait dû mourir depuis longtemps. Pour éviter que ces images soient les seules qui restent.

La dernière. Non. Celle d'une précédente visite.

Lui. En costume militaire. Uniforme de cérémonie. Veste. Médailles. Rubans. Un lot de toutes les couleurs.

En bas, nu. Sans sa couche qu'on avait enlevé pour la jeter et qu'on allait remplacer.

Lui. Debout. Qui se regardait dans le miroir du lavabo en faisant son salut. Pendant qu'en bas, il s'était mis à pisser. Un jet de pisse jaune verticla, droit, interminable sur le plancher. Sur ses jambes. Ses pantoufles. Et une flaque qui s'étendait jusqu'à la porte.

Et pour marquer durablement cette visite, il y avait eu l'affaire de l'ascenceur.

À son arrivée, monsieur Dickson avait bien remarqué que quelque chose n'allait pas. Il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas dans ce vieil hôpital dont une grande partie était réservée aux vieillards et aux déments.

Comme si par un effet de contagion, les vieux murs contaminent les malades. Car s'il restait quelque chose de sensé aux gens qui entraient ici, ça ne durait pas. Ils devenaient rapidement aussi vieux et cinglés que tous les autres.

Ou c'étaient les vieux qui contaminaient les murs, les planchers et les plafonds, dont il y avait toujours un fil qui dépassait. Quelque chose qui n'allait pas. Des fils, des cables. Toutse sortes de couleurs. Qui débordaient de partout. Quand ce n'était pas un tuyau. Une réparation qui était en cours ou allait se dérouler prochainement ou avait été interrompue.

Une partie du plafond était toujours ouvert, comme un grand corps sur une table d'opération laissé en suspend pendant que l'équipe de chirurgie prenait son lunch.

L'ascenceur était lent. Les vieux boutons lumineux et ternes s'éclairaient péniblement pour marquer la descente pendant que l'ascenceur voisin escaladait si lentement tous ces murs.

Quand l'ascenceur serait arrivé, il pourrait y monter s'il n'y avait pas de civière. Il y avait toujours une civière à roulette et un corps qu'on descendait ou montait. Pour expérimenter quelque chose.

Non. L'ascenceur était vide.

Il se remplit bien vite d'infirmières et de visiteurs. Pas de chaise roulante. Bonus. Et tous passèrent les minutes qui restaient à surveiller l'indicateur des étages au-dessus des portes coulissantes. Ce n'était pas un endroit qui encourageait les conversations.

Parfois, l'ascenceur s'arrêtait à un étage en remuant. Les portes s'ouvraient en grinçant et un des passages sortaient ou était remplacé par un autre qui voulait monter avec tous les autres. Heureusement pas de chaise roulante.

Lorsqu'il voulut redescendre pendant qu'on faisant la toilette de son ami, l'ascenceur bloqua entre 2 étages. Un infirmier qui semblait habité à ces caprices technologiques dit que si on ne voulait pas passer la nuit ici, il fallait l'aider. Et aider l'ascenceur consistait à sauter jusqu'à ce qu'il se décoince. Comme lorsqu'on secouait les radio transmetteurs à lampes pour remettre en place des soudures ou des fiches.

Certains font ça avec leur femme pour lui replacer les idées. Tout le monde essaie tout le temps d'améliorer les choses à sa façon avec des effets variés.

Et la plupart des passagers imitèrent l'infirmier qui s'était mis à sauter sur le plancher. Monsieur Dickson enregistra ce qu'il était en train de vivre, une expérience peut-être pas inoubliable mais intéressante: je suis au fond d'un ascenceur dont les passagers sautent sur place pour le faire bouger. Des jeunes, de vieux messieurs, de braves madames sautent. Une danse ses Maasaï modernisée. Fascinant.

Le diagnostic semblait être le bon même si le traitement pouvait laisser à désirer et l'ascenceur se remit en marche. Sans d'autres douleurs ou malaises jusqu'en bas.

Sauf quelques bruits inquiétants. Mais petits et légers. Donc bien moins inquiétants.

Lorsqu'il revint de la salle des machines distributrices de chocolat, sandwich, coke, café, il observa les ascenceurs et se demanda s'il avait envie de passer la nuit coincé entre 2 étages en attendant un réparateur. Comme il n'avait pas envie, et qu'il n'était pas pressé, il choisit de faire de l'exercice et de monter les 10 étages à pied par l'escalier de service. C'était bon pour la santé. L'escalier était large et bien aéré. Il y rencontra quelques visiteurs et des employés qui avaient eu la même idée que lui et préféraient faire quelques pas lorsqu'ils n'avaient qu'un étage à monter ou descendre plutôt que d'attendre l'ascenceur née d'une expérience génétique d'accouplement avec un escargot.

Quand il décida que sa visite était terminée, qu'il en avait assez vu, il descendit les 10 étages et 20 paliers comme s'il sortait de prison.

Les hôpitaux font toujours cet effet, on s'y sent toujours mieux et en meilleure santé lorsqu'on en sort, surtout la nuit. Même si on n'était pas malade en y entrant. On dirait qu'on gagne 10 ans sur sa vie. On est plus léger, plus vivant, respire plus facilement. On devrait y aller plus souvent.

Il inséra son billet de stationnement dans la machine du hall et la machine lui dit qu'il fallait payer 2 $ de l'heure. Il inséra les pièces et la machine fut contente et lui donna un reçu contenant la date et l'heure à la minute, le nombre d'heures effectuées, l'$ reçu, la monnaie donnée, qu'il insérerait dans une autre machine pour faire ouvrir et lever la barrière.

C'est dans les journaux du lendemain, lorsqu'il prenait son café, qu'il apprit ce qui s'était passé la nuit de son départ. Probablement au même moment où il descendait les marches de béton. Il n'avait rien entendu. La cage d'escalier devant servir de coupe feu et de tunnel d'évacuation en cas d'incendie était isolée de l'immeuble environnant. Avec son propre système d'aération pour éviter que les fumées n'y pénètrent. La pression y était même négative ce qui obligerait l'air utilisé et toute fumée qui y pénétrerait malgré tout à sortir par le haut au lieu de stagner en bas. Au lieu d'avoir la sensation d'étouffer qu'on éprouve souvent dans une grande salle ou un édifice en hauteur, on s'y sentait très bien, mieux qu'ailleurs, si bien qu'on aurait dû la trasformer en gymnase. Moins coûteux que les autres et on n'y ferait que les meilleurs excercices qui soient: monter et descendre les escaliers.

D'après ce qu'en disaient les journaux, l'ascenceur souffreteux avait eu encore une autre panne. On y était tellement habitué qu'on n'y faisait plus attention. On pensait même avoir trouvé le remède à ces maux chroniques en sautant communautairement sur le plancher pour décrocher la cabine des rails.

C'est ce qui était arrivé.

La cabine s'était décroché de ses rails. Une fois de trop.

Mais au lieu de seulement se décoincer et descendre paisiblement, comme elle faisait 100 fois par jour, elle descendit en chute libre. Ses freins automatiques tout aussi usés avaient aussitôt brûlés n'ayant pas servi depuis 50 ans.

Le cable d'acier trop étiré et mal huilé qui la retenait au contrepoids de 10 tonnes. Et  soulevait ou descendait la cabine en s'enroulant ou se déroulant dans le grand treuil se cassa aussi. Le contre-poids fut entraîné dans sa chute et passa entre les 2 ascenceurs entraînant le cable d'acier qui coupa la cabine en 2 comme un fil à fromage un bloc de mozzarella. Coupant un infirmier de haut en bas, de la tête au bassin.

Les 2 moitiés de cabines poursuivirent séparément leurs descentes dans le même puit. Semant quelques passagers qui allèrènt s'écraser tout en bas.

Normalement, les corps en mouvement se déplacent à la même vitesse quelque soit leur masse car la vitesse en chute libre d'un corps ne dépend pas de son  poids ou de sa forme, ce qu'à démontré une expérience de Galilée. Cette expérience a été essayé avec succès sur la Lune lors du vol d'Apollo 15. Là., il n'y a pas d'air avec un marteau et une plume arrivèrent au même moment sur le sol. Mais dans l'atmosphère terrestre, il y le frottement de l'air qui fera qu'un oreiller rembourré de plomb arrivera plus vite au sol qu'un oreiller de plume comme le veut la sagesse populaire.

Donc les passagers éjectés de la cabine auraient dû arriver 100 pieds plus bas au même moment que l'ascenceur. Mais il y avait le frottement de l'air et aussi le frottement du béton de la cage d'ascenceur sur les moitiés de la cabine. Et, effectivement, les passagers qui passèrent au travers du plancher de la cabine arrivèrent en bas plus rapidement. Ainsi que les 2 moitiés de l'infirmier.
Finalement, les morceaux de la cabine arrivèrent en bas, tout en bas. Au milieu des corps éclatés comme des oeufs entourant le ressort au bout de la colonne d'acier au centre du puit d'ascenceur. Sur lequel était empalé une femme . L'énorme ressort devait assurer un atterrisage en douceur de la cabine lorsque le treuil la déplaçait et la déposait mais il n'était pas conçu pour retenir une cabine remplie de passagers soumise à la seule loi de la pesanteur et traversa ce qui restait de plancher et empala un visiteur. La barre d'acier le souleva et le ressort lui sortit de la cage thoracique juste sous le menton. Mais il était déjà mort comme la plupart des passagers qui restaient lorsque leurs jambes subirent la décélaration de l'arrêt final de la cabine sur le plancher de béton. Tous leurs os éclatèrent. Il ne resta que leurs crânes intacts mais leurs cerveaux étaient devenus de la bouillie. 

Tous les corps arrivèrent finalement tout au fond dans la cuve de béton avec les morceaux de métaux et leurs corps se séparèrent en différentes parties. Beaucoup redevinrent liquide.

Après les grincements de métal et les hurlements, ce fut le silence.

Une enquête allait déterminer ce qui s'était passé.

Une inspection détaillée allait déjà être effectuée dans la semaine à venir pour déterminer si l'ascenceur vieillissant devait être remplacé et revendu dans un pays du Tiers-Monde. Même si cette rénovation n'était pas comprise dans l'enveloppe budgétaire de l'année. Ce ui avait fait retarder le changement de modèle depuis plusieurs années. On devrait donc faire ces travaux avant terme. Le personnel serait content, ils auraient enfin 2 ascenceurs neufs puisqu'on changerait également l'autre cabine qui n'était pas encore tombé.

*

31 juillet 2012. État 1

Morts: 10

28.7.12

205. CE MOMENT DE PHILOSOPHIE VOUS EST PRÉSENTÉ PAR LE SAVON VROUM QUI BRILLE

Henry Dickson écoute la radio FM de Radio Canada avant qu'un nouveau directeur de la programmation innovateur change les émissions sous prétexte qu'il ne voulait pas que sa station continue à servir d'assistance sociale à des écrivains, poètes et artistes miséreux. Et tout un tas de vieux qui seraient mieux d'aller dans un foyer pour infirmes. Il avait des subventions de l'État, des cotes d'écoute, des responsabilités et devait rendre des comptes. Ce qui était tout à fait logique. Mais les nouveaux directeurs de programme font toujours ça. Ils veulent améliorer les choses. Ils ne peuvent pas s'en empêcher. Et lorsqu'ils ont bien amélioré, ils s'en vont améliorer autre chose.

PROFESSION

_ Votre métier?

Demande l'animateur

_ Je n'en ai pas.

Répond l'invité que l'on apparendra à connaître et peut-être pas à aimer.  De toute façon, il n'y tient pas tant que ça. Il dira détester les contacts humains. Et l'animateur sera emporté par la vague d'innovation et de rajeunissement. Pour le moment, on n'entend que leurs voix. Celle de l'animateur, un spécialiste qui sait comment animer et occuper l'espace et le temps en parlant tout le temps. Il n'y a rien de pire que le silence à la radio sinon les silences à la radio. Il fut un temps où un trou d'une seconde pouvait vous faire jeter à la rue. L'autre, moins bavard, répondait quand on lui posait des questions. Ce qui n'est pas si courant. Et il répondait aux questions. Ce qui encore est peu fréquent. Les gens sont si habitués aux reptations des politiciens qu'ils finissent par croire que parler pour ne rien dire et répéter sans cesse le même couplet qui ne veut rien dire est la forme naturelle de la conversation. Comme ils sont peu habitué d'entendre quelqu'un d'intelligent parler - il y en a très peu dans la population et il y a donc peu d'occasion où se rencontreront quelqu'un d'intelligent qui parle et quelqu'un d'intelligent qui écoute et les gens intelligents, ils sont prudents, parce qu'ils sont intelligents, ils ont appris à se taire et à ne pas se faire remarquer.

_ Ça commence bien.

Se désole l'animateur.

_ Mais tout le monde fait quelque chose, non ?

_ Et vous voyez le résultat. Si tout le monde se retenait un peu, ce serait mieux. Peut-être.

_ Mais il faut bien vivre?

_ Je n'en vois pas la raison.

_ Mais les gens...

_ Je connais des tas de gens et je me demande souvent pourquoi ils vivent. Et je ne trouve pas d'explication. L'habitude?

_ Vous préféreriez qu'ils soient morts?

_ Oui. Mais la majorité sont déjà morts.

_ Quelques personnes ayant ces idées ont voulu récemment précipiter les choses. Avec des fusils. Le dernier dans une salle de cinéma.

_ En naissant, tu es déjà mort. Ou comme disaient les anciens: tu dois une mort. Et elle va venir te la réclamer inévitablement un jour. Ou comme disait d'autres anciens, si tu te tiens sur le bord d'une rivière, un jour, tu verras passer au fil de l'eau le cadavre de ton ennemi. Alors pourquoi précipiter les choses? Mon ennemi est déjà mort. Et je ne tue pas les animaux. Je suis végétarien.

_ Et puisqu'on y est: avez-vous une explication sur les gestes de ces gens. Pensez au jeune homme qui a tué toutes ces étudiantes.

_ Et ça vous surprend?

_ Vous trouvez ça naturel de tuer des femmes et des étudiantes?

_ Tout à fait naturel.

_ Les auditeurs seront ravis de l'entendre. Surtout les familles de...

_ On a fait ça tout le temps. Il faut savoir de qui on parle et à qui on s'adresse. Haïr est naturel. Il y a même des catégories et des classifications. Les gens qui ne sont pas intelligents, la majorité de la population, détestent instinctivement, méprisent, les gens intelligents et tout ce qu'ils font: livre, art, machin. Le réflexe naturel est de mettre le feu dans une bibliothèque. Ce qui est interdit. Mais régulièrement, on le permet, alors on se défoule. Avec les musées aussi. Quoi de plus beau que de voir un musée brûler! Ça élève l'âme ou la chose qui en tient lieu chez les sous-hommes. Alors entrer dans une école ou une université ou une salle de cinéma avec un fusil.

_ Vous dite que les gens ordinaires détestent les gens intelligents.

_ Non seulement, ils les détestent mais ils ont envie de les tuer. Parfois, ils les tuent. Tout ce qui est différent aussi. Pas seulement ce qui est intelligent.

_ Mais je ne connais personne comme ça. Et, pourtant, je vois beaucoup de gens dans mon métier.

_ Si vous lisez un peu les livres d'Histoire, vous réaliserez que depuis que l'Homme existe, il tue et il se tue pour toutes sorte de raisons. L'Homme est un tueur né. Ou, si on est plus gentil, on dit comme Freud à propos des enfants que ce sont des pervers polymorphes. Que quelqu'un tue quelqu'un ne me surprend pas du tout. C'est le fait que ça surprenne encore après 10,000 ans ou 500, 000 ans d'activité qui devrait être surprenant. Les gens n'apprennent rien, ne comprennent rien. Ils ne savent pas reconnaître ce qu'ils voient.

_ Mais encore une fois, ce n'est pas ce que je vois et ce que je comprend. Il y a bien des conflits. Ailleurs.

_ Ils sont toujours supris. Du petit descendant de singe, menacé par toutes les créatures à dents, on est passé au prédateur suprême qui a tué ou mis en cage tous les autres prédateurs. Et quelque centaines de millions de ses semblables. Et qui s'apprête à détruire la Nature. Ce qui le détruira.

_ Alors vous aussi, vous dites que la Nature est menacée.

_ Non. Ce n'est pas ce que je dis. Quoique la petite vermine appellée Homme fera, elle ne peut rien. Ou que faire des ravages superficiels. Qui provoqueront sa perte. Ce qui sera une bonne chose. Parce qu'aussi coriace et vicieux qu'il soit, il n'est encore et ne sera toujours qu'une espèce animale parmi d'autres. Les puces sur le chien. Lorsqu'il aura détruit son écosystème et son chien, il crèvera.

_ Et ensuite?

_ Il sera remplacé par une autre espèce. Ce qui n'aura aucune importance.

_ Vous êtes écologiste?

_ Non. Je fais mon compost, je recycle mes boites de conserve. Pas plus.

_ Vous ne voulez pas sauver la Nature?

_ Je n'aime pas la Nature. La Nature est jolie quand on la regarde de loin. Dans chaque brin d'herbe ou goutte d'eau, il y a un abattoir. Tout ce qui a été créé est de la nourriture à pattes pour un prédateur à bec et griffe. Qui sera lui-aussi, lorsqu'il sera vieux ou blessé, dévoré par de plus petites bêtes. Dévoration incessante. Quant à sauver la nature ou la préserver. Problème de vocabulaire et de mauvaise poésie. Les savants, les seuls qui ont les connaissances pour décrire ce qui se passe - les savants, pas les politiciens, les économistes ou les investisseurs ou les entrepreneurs ou spéculateurs- disent que ça va mal et que rempirera.

_ Et le rôle des militants écologistes là-dedans?

_ Vous l'avez dit: ce sont des militants. Les savants sont sur le terrain ou dans leur labo, ils n'ont pas le temps pour faire autre chose. Alors qui des gens qui ont le temps, des gens qui ne sont pas des savants et qui sont plus intelligents que beaucoup les prennent au mot et décide de faire évoluer les mentalités. Ils ont compris ce qui leur pend au bout du nez.

_ Et le reste des gens moins intelligents?

_ Ils magazinent. Polluent. Ils font ce que les gens pas intelligents font dans les pays riches.

_ Les écolo disent que la Nature est en danger.

_ C'est là que mes mots diffèrent des leurs. Ils sont trop sentimentaux. Ce qui prouve que tout intigents qu'ils soient, ils le sont moins que les savants. Ils ont le frisson, devinent ce qui va se passer, ont la chienne.

_ La Nature n'est pas en danger?

_ Alors les politiciens ont raison

_ Tout le monde a raison. Quoique les politiciens disent au gros public pour le rassurer, ils savent très bien ce qui va se passer. Mais pour eux et leurs commanditaires, ceux qui les paient, ce sera une occasion d'affaires de plus. Les pôles fondent. Tant mieux. On explorera pour trouver du pétrole. Construira des plate-formes pétrolières, des pipelines. Fera passer des pétroliers. Construira des ports. Des aéroports. Des lignes de chemin de fer. Des autoroutes. Des villes. Des mines. Le climat se réchauffe tant mieux. On se bronzera au pôle. On construira des hôtels. Et d'un autre côté, c'est leur unique différence, ils disent que tout ça est l'effet de la Nature, un autre cycle et non provoqué par les activités polluantes des hommes ordinaires, des hommes d'affaires.

_ Et ce n'est pas une bonne chose. Tout le monde profitera de cette richesse.

_ La richesse profite aux riches. Ce n'est pas aujourd'hui ou demain que ça changera.

_ Et la Nature.

_ La Nature tuera tout le monde et se portera comme un charme. Et la Terre a encore, selon d'autres savants, 5 milliards d'années à vivre avant que le soleil, son étoile, n'implose et ne devienne un trou noir qui avalera tout ce qui vit. Toutes les planètes et les système solaire au complot. Et la Terre. Et les hommes s'il en existe encore. Ou la bombe atomique qu'est le soleil cessara d'exploser faute de combustible et gèlera. Ce qui aura le même effet.

_ Quant aux hommes?

_ Si tu pisses et chie dans ta source et que tu bois ensuite, ne te surprend pas d'être malade.

_ Et si les politiciens disent que le cancer de la peau est bon pour la santé ?

_ Faut pas les croire.

_ Et vous voulez empêcher que l'Homme se détruise lui-même?

_ Pas du tout. Je suis misanthrope. Si l'Homme est assez stupide pour s'exterminer, tant pis ou tant mieux.

_ Donc, si l'Homme est assez sage, il...

_ Et s'il continue à rester stupide, il...

_ Et à quoi occupez-vous la majorité de votre temps?

_ À dormir. J'aime dormir.

_ Vous ne voyez personne?

_ Quand il m'arrive de voir des gens, quoiqu'on fasse, même si on n'y tients pas tant que ça, on en croise, fatalement. Puisqu'il y en a partout.

_ Fatalement ?

_ Pour moi, voir quelqu'un n'est pas nécessairement une bonne nouvelle.

_ Mais vous ne leur dites pas.

_ Je ne suis pas Diogène

_ Ce qui veut dire?

_ Les gens cognent.

_ Et si vous ne travaillez pas, vous faites quoi?

_ Chez les aristocrates, le travail était une infamie, une humiliation réservée aux serviteurs, esclaves, prisonniers et condamnés. Aux animaux. Des inférieurs que leur état misérable condamnait à travailler pour vivre. Les êtres supérieurs pensaient. Pas tout le temps, on l'aurait su mais ils le prétendaient. Même le mot travail décrivait un instrument de torture. Ceux qui devaient le faire parce qu'ils avaient eu la malchance de naître chez des pauvres, s'ils étaient assez intelligents pour se rendre compte de leur situation et assez énergiques et volontaires pour tenter de s'en sortir, essayaient de trouver un travail qui leur permettrait un jour de ne plus avoir à travailler. Ou exploitaient leurs voisins. Les choses ont changé, on se fait une gloire de travailler. On s'en vante. Même les gens qui sont assez riches pour ne rien foutre prétendent travailler.

_ Vous ne semblez pas les aimer?

_ Pourquoi j'aimerais les gens. Je ne suis pas catholique.

_ Aimer votre prochain, tout ça?

_ Une fois que vous le connaissez votre prochain, vous n'avez plus aucune envie de lui parler. Encore moins de l'aimer. La religion catho a voulu faire des saints avec des scorpions, voyez le résultat. Même les scorpions sont devenus évêques.

_ Vous n'aimez pas les gens et encore moins les riches?

_ Si les gens sont dangereux, ceux qui dirigent le sont encore plus. Ils ont les moyens de faire des tas de dégats. Et ne s'en sont pas gênés tout le long de l'Histoire.

_ Les gens qui dirigent, les chefs d'entreprise ne sont pas tout le temps ce que vous dites.

_ Qu'on dirige une PME, une grosse compagnie, une prison, une église, un État. Si on est puissant, on est dangereux. Et, inévitablement, on va forcer les gens à faire ce qu'on veut qu'ils fassent. C'est comme une fille qui arrive à son party d'anniversaire. Elle découvre qu'il n'y a que des gars. Nus. En érection. Qui ont envie de lui faire sa fête.

_ Si quelqu'un a du pouvoir, il s'en servira mal.

_ Inévitablement.

_ Tout dépend de l'étendue de son pouvoir.

_ C'est comme le courant électrique. Si vous prenez un choc d'une prise de 110 volts, les dégâts ne sont pas les mêmes qu'avec une 220 ou une 600.

_ Et votre conseil

_ Vous vous tenez loin d'eux. Comme la fille de tantôt avec ses violeurs potentiels.

_ Comme s'ils n'avaient pas assez de défauts, vous leur en ajouter.

_ Les gens ordinaires, sans pouvoir, ont les défauts qu'ils peuvent. Des défauts économiques. Mais si vous avez les moyens, vous pouvez les accumuler. Il leur prend une autre maladie, très ancienne, l'avarice et la cupidité parce qu'il leur faut avoir le plus de fric possible. Assez n'existe pas. Et le mot trop, pas vu. Même si toute une vie ne suffirait pas à le dépenser. Comme s'ils devaient vivre plusieurs vies. Sans penser que ce seront leurs veuves et les enfants de leurs veuves qui en profiteront.

_ C'est la vie.

_ Et c'est dans cette vie que l'on veut que je vive?

_ Et tous les autres?

_ Et tous les autres pauvres et moins pauvres admirent ces riches.

_ Ce qui prouve, pour vous, qu'ils ne sont pas intelligents?

_ Le liève n'admire pas le chasseur de lièvre ou le trappeur ou les taxidermistes ou les renards. C'est contre nature.

_ Vous n'admirez pas, c'est le moins qu'on puisse dire.

_ On ne devient riche qu'en faisant travailler les gens à sa place. Ou, dans notre système captitaliste, en les faisant travailler pour soi. Ce qui serait une vertu. En leur donnant du travail. Ce qui vous vaut une médaille. Et ils sont entourés de gens qui veulent qu'on leur donne du travail. Exploitez-moi. Ils font le trottoir pour qu'on les encule.

_ Et l'$ des riches est celui des pauvres.

_ Le calcul est simple. Vous payer machin un salaire de X pour faire Y. Y vous rapporte 100 X. Vous donnez toujours X à machin et vous empochez 99 X. Et si vous vendez votre entreprise, ce que vous ferez inévitablement quand le prix sera le bon ou c'est la mode chez les inventeurs d'internet. Vous la vendez 1 milliard. Vous gardez ce milliard. Vous considérez que ceux qui ont travaillé avec vous pour créer cette entreprise on eu assez d'$. En fait, vous n'y pensez même pas. Est-ce que le fermier pense à ses vaches, ses cochons ou ses poules. L'acheteur de votre entreprise, gardera le nom, foutra tout le monde à la porte et fera faire les trucs que vous faisiez au Mexique ou en Chine ou dans des endroits encore plus misérables. Il faut qu'il rembourse la banque pour tout le fric qu'elle a payé pour votre entreprise. Le calcul changera. Machin Chinois ou Pakistanais sera payé 1/2 X ou 1/10 de X. Il produira encore une valeur de 100 X. Et imaginez ce qu'empochera le boss. C'est ainsi qu'on crée de la richesse. Le slogan de tout politicien. Que vous travaillez pour un casse-croute dirigée par une folle ou une multinationale. La richesse est crée par la majorité et empochée par la minorité. Qui trouve en plus le temps de venir donner des leçon de morale à la masse. On lui dira qu'elle n'est pas assez excellente, productive. On comparera sont temps de travail avec des esclaves d'autres provinces ou pays et on hochera la tête de déception. Les politiciens continueront à jouer au curé. Travaillez plus! Travaillez plus longtemps! Créer de la richesse. Sans compter les théologiens du veau d'or qui pullulent dans tous les médias. Et les universités. Certains sont payés pour ça. Les autres le font gratis. Et ils n'auront même pas la joie de lécher les bottes de leurs idoles. Pour un lèche-bottes professionnels, il y a 100 amateurs qui lèchent pour la beauté de la chose. Parce que c'est plus fort qu'eux.

_ Et vous protestez?

_ Non.

_ Vous voulez améliorer les conditions des travailleurs?

_ Il y en a qui le font très bien. Mais les esclaves sont les responsables de leur esclavage. Ils forment la majorité de la population. Dès qu'ils seront tannés, tout changera. Sans leur participation active et enthousiaste, le système s'effondrerait. Si les esclaves sont trop stupides pour ne se rendre compte qu'ils sont exploités ou s'ils sont encore plus stupides et veulent absolument continuer à être exploités qu'est-ce que je pourrais changer?

_ Vous dites que les utopistes finissent crucifiés.

_ Ou ils crucifient les autres s'ils ont du succès.

_ Et que faudrait-il faire?

_ Il faudrait une autre espèce. Une autre varité d'humain. Demandez ou espérez l'aide de l'Évolution. Les fourmis élèvent des pucerons et les traient. Notre système fonctionne grâce à travail et à l'énergie du bétail humain. Qu'on paie le moins cher possible pour que les fermiers soient contents.

_ Vous êtes Marxiste?

_ Je décris une situation. Si les gens sont heureux ainsi, ce n'est pas moi qui leur enlèverai leur petit bonheur. L'illusion et l'espoir sont nécessaires à la plupart des gens.

_ Mystification, aveuglement, chimère, hallucination, imposture, manipulation, hypocrisie, superstition. Vous utilisez des mots durs.

_ Les mots ne sont jamais assez durs. La réalité est très très dure sans se forcer. Elle peut vous écraser comme rien.

_ Vous ne tenez pas à améliorer la société?

_ Je ne dis pas qu'elle n'est pas améliorable ou n'aurait pas besoin de rénovation urgente mais ce n'est pas mon boulot. Les rénovateurs de ce genre finissent crucifiés ou s'ils tiennent vraiment à améliorer l'humain, il faut une bonne police et des camps. À la nazi ou la communiste. On donne des permis d'accoucher. Et on castre ceux qu'on ne veut pas voir se reproduire.

_ On revient toujours à la ferme et à l'esprit fermier.

_ Nous sommes élevés comme du bétail et on nous utilise.

_ Vous ne critiquez pas le capitalisme?

_ Ça a toujours existé. Depuis qu'on échangeait des coquillages ou des plume contre un truc. Depuis qu'on a abandonné le troc. Quelque chose de plus léger et de brillant contre quelque chose de lourd ou qu'on ne peut déplacer ou qu'on utilisera plus tard. L'Homme aime fabriquer des choses et les vendre contre d'autres choses. Ou acheter des choses que font d'autres hommes pour les vendre. C'est le début du commerce. Et étant donné ce qu'est l'Homme, il est évident qu'il va abuser du plus faible et l'exploiter. C'est un don naturel. Une sangsue ne change pas. On était cannibale et la victime ne servait qu'une fois. On a découvert qu'on pouvait améliorer le processus en exploitant indéfiniment sa victime. En forçant sa victime à travailler et en exploitant le travailleur le plus longtemps possible. Et on peut le manger tous les jours. Tuer un boeuf, tu ne peux que le tuer une fois. Mais si tu lui mets un joug, il labourera ton champs chaque jour. Contre de l'eau et du foin.

_ J'ai votre petit livre, c'est écrit sur la couverture: Contre Tout! N'est-ce pas un peu radical

_ Je suis cynique,
_ C'est écrit aussi: sceptique, contrarien, nihiliste, Pyrrhonien...

_ Et c'est ?

_ Le premier des sectiques grecs, le plus connu. Il y a sans doute des sceptiques avant mais on ne les connaît pas.

_ C'est aussi écrit: Petit traité de philosophie

_ C'est petit. Le livre est petit. Et il n'y a pas beaucoup de pages. Je n'ai pas beaucoup de choses à dire.

_ Qui lit ça?

_ Personne. C'est comme la poésie. On est de la culture du livre, on aime lire des livres et en faire.

_ Vous le vendez?

_ Je le donne. J'en ai toujours quelques exemplaires dans une poche. C'est juste du bon format. Mince. Étroit. Léger. Ça ne déforme pas. Si je rencontre quelqu'un d'aimable et que j'aime sa conversation, je lui donne.

_ Si c'est un traité de philosophie, vous êtes donc philosophe.

_ Pourquoi pas?

_ Vous avez étudiez ça?

_ Surtout pas. À l'université, on fabrique des profs de philosophie.

_ Quel est le mal?

_ Et les profs de philo enseigneront l'histoire de la philo et la biographie des philosophes. Pas comment en faire. De toute façon, s'ils sont allé étudier cette discipline, c'est qu'ils n'étaient pas doués pour en faire.

_ Vous êtes cruel?

_ Les profs de philo sytle Aristote ou les académiciens sont là pour adapter les gens à la société quand la religion qui a aussi le même but ne les atteint plus. Et même elle est maintenant réservée aux plus pauvres et aux moins intelligents. Il y a aussi la TV qui la concurrence. Le cerveau universel, central, si on veut appeler ça comme ça. Ce genre de philosophe, de moraliste ou de profs d'Histoire ou d'animateur de jeux TV paraissent avoir des disciplines différentes mais qui ont le mêmes but: vous avez de la chance, vous êtes nés dans la meilleure société du monde. Les autres n'ont pas cette chance. Surtout, ne changez rien. Vous avez une tête ronde, on forcera autant que nécesaire pour la faire entrer dans un trou carré. C'est ce que fait ce genre de philosophe là. Et si vous jouez bien, avec enthousiasme, vous aurez un prix.

_ Et ceux de votre genre?

_ Ils se posent des questions. Se demandent pourquoi les choses sont comme ça alors qu'elles pourraient être autrement. Je dirais que je suis toujours surpris de ce que je vois. Et je suis aussi surpris que tant de gens, la majorité, ne soient jamais surpris.

_ Vous êtes cruel

_ J'aime la cruauté. Le Monde est cruel. Les gens sont cruels.

_ Et la philosophie?

_ Pensez-vous que Socrate, Nietzsche, Cioran, Diogène auraient été acceptés dans une université? Cioran y est demeuré à faire semblant d'étudier le plus longtemps possible jusqu'à ce qu'on le foute à la porte parce que ça lui permettait d'avoir une chambre et des rabais à la cantine. Tout d'un coup, un administrateur s'est rendu compte qu'il avait l'air bien trop vieux pour être un étudiant comme tout le monde. Professeur, c'est un métier. Pas philosophe. C'est comme être poète officiel du gouvernement, ça se peut pas.

_ Ça existe.

_ Et ça fait des rimes à la demande pour dire du bien des soldats qui ont massacré les Libyens.

_ Vous ne semblez pas aimer les professeurs?

_ J'ai été à l'école comme tout le monde. Obligé. J'en ai vu. En gros, 50 % sont compétent et savent enseigner. Le reste... Et lorsque j'ai compris dans quelle usine j'étais, j'ai foutu le camps à 14 ans. Et je me suis mis à m'enseigner moi-même ce qui m'intéressais ou ce que je pensais devoir connaître.

_ Et l'autre 50%

_ Au mieux, des gens qui connaissent leur matière mais sont incapables de l'enseigner. Ou de gentils incompétents qui ne savent rien ou ont oublié ou s'en foutent et qui ne sont pas dangereux.

_ Mais certains sont dangereux.

_ Très dangereux.

_ Dangereux? Vous voulez parler des pédophiles?

_ Je n'en ai pas connu. D'autres n'ont pas eu cette chance. Mais il n'y a que ça. L'Homme a une inventivité infinie pour nuire ou exploiter les gens. Physiquement, mentalement, sexuellement.

_ Vous semblez négliger la gravité du sujet?

_ Illusion médiatique. Comme le temps d'attention de la moyenne des télespecteurs et des journalistes et animateurs est brefs, on se concentre sur un sujet et on le pioche. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que ça, que vous pensiez qu'il y en a partout. C'est comme les noyades dans les piscines. Il y a 10. Le même nombre que les autres années et on en parle tant qu'on pense que c'est une épidémie et qu'il y en a 100.

_ Il y a eu plus que 10 noyades

_ On se noie partout. Dans les piscines mais surtout ailleurs. Bizarrement, là où il y a de l'eau. Et il y a de l'eau partout. Sur le bord des plages, dans les rivières, les lacs, les carrières désaffectées. Comme on fait du parachutisme. S'il vous arrive de mal  tomber et ça peut vous arriver. Alors, vous risquez de vous tuer. Parce que se jeter de 1000 pieds dans les air du haut d'un avion est dangereux. L'eau est dangereuse, si vous l'approchez tant pis pour vous.

_ Vous semblez prendre à la légère tout le tort que ces dépravés peuvent faire?

_ Les humains sont dépravés. La dépravation et les perversions sont humaines. Encore là, je suis surpris qu'on soit supris. On met des jeunes enfants ignorants sous contrôle d'un adulte et on est surpris du résultat.

_ Inévitable.

_ Statistiquement. Mais il peut vous arriver pire. C'est humain, là où il y a des enfants, il y a des pédo. Ils sont attirés comme des aimants ou des boussoles vers tout ce qui est métallique. École, église, colonie de vacance, camps sportif, scout, cadet, armée, administration, entreprise, là ce ne sont plus des enfants mais les amateurs de chair fraîches sont là aussi.

_ C'est un scandale.

_ Encore une fois, vous ignorez tout de l'Homme. Tout ça a été rendu illégal par les catho. C'était normal au Japon ou, avant, dans l'Islam ou, avant, chez les Romains. On comprenait les besoins des hommes comme ils étaient et ne s'en faisaient aucune illusion. Vous avez envie de quelque chose, pourquoi vous priver?

_ Mais les victimes ne peuvent se défendre?

_ C'est la beauté de la chose. Vous ne semblez pas bien saisir le mot «exploitation». Abuser des plus faibles est irrésistible.

_ Pour vous ce ne devrait pas être interdit?

_ Il y a eu des militants au temps des revendications féministes. Ça n'a pas rapport mais c'est arrivé au temps où bien des gens militaient. Qui disaient prendre soin des besoins des enfants. Il voulait que la pédophilie soit reconnue comme une variation du goût et que cesse la répression. Comme tous les militants, ils avaient tout un lot d'explications. Mais c'est toujours interdit. Je ne dis pas que ça le sera toujours étant donné le nombre de personnes qui ont ces goûts-là. C'est comme l'homosexualité...

_ Tous les homosexuels ne sont pas pédophiles!

_ L'homosexualité, encore une fois permise ou tolérée a depuis toujours a été interdite, parfois, sous peine de mort. Ce qui n'a pas empêché que les gens intéressés continuaient à la pratiquer en secret. Jusqu'à tout récemment, ça a fait parti des maladies mentales qu'on devait soigner: électrochocs, trépanation. C'était un acte criminel. Pas simplement chez les nazis avec leur triangle rose. On ne mettait plus en prison et on ne fouettait plus, on ne pendait plus, ne castrait plus ou ne coupait en morceaux les sodomites, on les enfermait dans un asile. On essayait de les rééduquer et de les guérir de leur perversion. Les temps on changé.

_ Et vous croyez qu'un jour, il en sera de même pour la pédophilie

_ Combien de gens sont véritablement hétéro? 50%. Certains disent 10 %. Les autres vont et vient selon les occasions. Si les occasions ne se présentent pas et que la société interdit les autres alternatives, ils choisiront prudamment le sexe opposé d'âge vénérable. Même si l'attirance naturelle est la jeunesse. Et les véritables homo, certains disent aussi 10%, choisiront. Le reste, des bisexuels en attente de la première tentation. On connaît les coutumes anciennes. Celle d'avant le Christianisme officiel. En fait, on n'en sait pas grand chose parce que les études sur la sexualité sont assez récentes. C'était tabou jusqu'à tout récemment. Tout le monde baise mais c'est dégoûtant et il ne surtout pas en parler. On fait comme si ça n'existe pas. La jeune vierge totalement ignorante de ce qu'on appelait les réalités de la vie découvre une fois unie légalement avec tous les papiers et l'eau bénite du curé que son vieux nouveau mari a soudainement envie de se mettre tout nu et tient à la voir nue, qu'il n'est pas fait comme elle et a d'autres envies qu'elle ne comprend pas mais apprendra de gré ou de force dans un moment. Ça c'est la sexualité normale comme on l'aime.

_ Et les pédo?

_ Qui sait? En se fiant aux anciens et avec les nouvelles des scandales réguliers dans  tous les milieux, pourquoi pas 10% de la population. Ou plus. 10 % en activité malgré l'interdiction et la répression. Peut-être 50% de la population. Avec toutes sortes de catégorie. Très jeune. Jeune. Il faudrait faire un sondage chez les producteurs de films porno. Eux le savent ce qui se vend.

_ Ça en fait du monde!

_ 10 % de la population, c'est du monde.

_ Et d'après vous, ce sera légalisé un jour. Comme les droits des gais, des féministes, des noirs ?

_ Je ne fais pas de prédiction. Vous me demandiez mon métier: je dirais que j'aime étudier l'Homme. Ce n'est pas un métier. Disons, une fantaisie, comme cueillir des champignons ou étudier les timbres. Cueillir des champignons est un art martial.

_ Vous aimez l'Homme. Suprenant, d'après ce que vous disiez, j'avais cru comprendre...

_ Vous aviez bien compris et vous avez cessé de comprendre. J'aime étudier l'Homme, comme on observe un virus, une maladie, une moisissure. Je n'aime pas l'Homme.

_ C'est vrai, vous avez dit que vous étiez misanthrope

_ Je l'avais dit. Parfois, on dit des choses.

_ Vous croyez donc que l'Homme est mauvais?

_ On peut utiliser ce terme. Mais, encore une fois, ces mots appartiennent à une religion ou à la police. Il n'y a pas de Bien ou de Mal. Une société décide que ceci est cela, que ça va s'appeler ainsi. Elle fait une liste. Dorénavant, il y aura les nôtres et les autres. On coupera le prépuce des bébés et les clitoris des filles. Aussi ridicule que ça soit, on le fait encore. On tient absolument à couper le bout du zizi des garçons. Des gens sérieux. Religieux. Et tout. Avant, ils le suçaient après l'avoir découpé. Parce que la salive désinfectait. Supposément. On dit qu'ils le le font pas. La fascination pour le sang. Et les zizis des bébés et des enfants. Et on parlait de la pédophilie? Hum! C'est mauvais la pédophilie? Vraiment mauvais. Mon Dieu comme c'est mauvais. On ne se retient plus. Et l'exploitation sexuelle des enfants. c'est mauvais aussi. Et l'exploitation religieuse et sexuelle des enfants pas des sorciers musulmans, juifs, africains? Et il y a toutes sortes d'association sérieuses et tout qui vont vous tomber sur le dos pour vous empêcher de dire ce qu'ils font. On le fait et on ne doit pas en parler. Ça donne une mauvaise image de nos braves gens. Pensez! Une curé sérieux en train de jouer avec le pénis d'un petit garçons. Sérieux. Il vous vient des images dans la tête. En encore d'autres images quand vous pensez que c'est leur Dieu qui le demande. Un Dieu qui demande qu'on coupe les prépuces des garçons et les clitoris des filles. Un Dieu sérieux. Et tout et tout! Sérieux. Un être supérieur. Madame.

_ Vu comme ça, on ne sait plus vraiment.

_ C'est bien de ne plus savoir vraiment. Ça indique que la programmation a un bug.

_ Vous n'aimez pas qu'on utilise ces mots.

_ Mais si on tient à utiliser ce mot qui décrit quand même assez bien, oui, l'Homme est mauvais. Dangereux. Nuisible.

_ Je lis dans votre livre que si l'humanté disparaissait...

_ Ça n'aurait aucune importance

_ Mais vous mourriez aussi

_ Je n'accorde aucune importance à la vie. À ma vie. Et je n'ai pas peur de la mort. Alors...

_ Vous écrivez aussi que si c'est possible, il vaut mieux éviter les humains.

_ Je l'ai écrit. Je l'a dit. Si je l'ai écrit, c'est que je le pense.

_ Alors, pour vous, la garderie, l'école maternelle, l'école, ça a dû être l'Enfer.

_ J'ai appris très tôt à connaître... disons... mes frères humains. Si individuellement, ils sont dangereux. En groupe...

_ Et l'école

_ Je n'ai jamais été en prison mais ça peut arriver, les sociétés changent et souvent pas pour le mieux, mais ce que j'ai appris de ces différents milieux me fait dire que l'école est ce qui se rapproche le plus d'une prison. Ensuite, il y a les camps de concentration.

_ Les relations avec vos professeurs n'ont pas dû être tellement harmonieuse?

_ Comme je le disais tantôt, avec 50% des profs. Le reste n'était pas tellement... comme vous dites, harmonieux. Il y avait manque d'harmonie. Oui. On manquait d'harmonie.

_ Vous n'avez pas connu de pédophile, vous disiez

_ Par contre des malades mentaux, des fous, des sadiques, des pervers. On ne fait que parler de la pédophilie en référance aux abus d'un adulte envers un enfant, de certains ambus mais on fait comme s'il n'y en avait pas d'autres. Mais il y a tant et plus à part de la sexualité ou c'est une part tordue d'une sexualité perverse: l'abus de pouvoir, la violence, l'humiliation. Le rêve d'un sadique n'est pas de faire tout ce qui lui passe par la tête avec une femme sans défense. Mais avec un enfant. La différence de taille. Tout de suite. Vous pouvez le tuer d'un coup. Et le petit le sait. Vous faites durer le plaisir. Et il y a toutes sortes de raisons. En plus de la pulsion jouissive et irrésitible d'abuser de son pouvoir et de sa force. Il n'y a rien de pire pour un prof médiocre qu'un enfant intelligent. Il fera tout pour le détruire. Et on parle trop des professseurs. Parlons plutôt des adultes. J'ai appris très tôt à m'en méfier. Dangereux, stupides. À commencer par les parents. On oublie que la majorité des abus de toutes sortes sont le fait des pères et des mères. Sur les jeunes enfants avant qu'ils puisse se défendre. On parle de temps en  temps des assassinats d'enfants par les parents, pères et mères, mais tous ne tuent pas mais beaucoup détruisent avec plaisir. Et pour en revenir aux pédo, à la sexualité qui n'est qu'une catégorie possible d'abus et d'exploitation: tout le monde cherche l'étranger. Mais les abus sont principalement le fait des pères et grands-pères. Sans oublier les mères. Complices. Ou participantes actives. Et les gardiennes d'enfants.

_ La mère ?

_ La plupart des femmes n'ont pas de libido. Mais elles cognent.

_ C'est terrible.

_ Elles peuvent hurler aussi. Pas besoin de cogner. La différence de poids encore. Et de cerveau. On peut détruire intellectuellement. Humilier. C'est plus lent mais ça ne laisse pas de traces visibles.

_ Donc pour vous l'école n'était pas tellement un endroit sécuritaire, un lieu de savoir

L'invité se mit à rire et ne parvenait plus à s'arrêter

_ Bon!

_ L'école prépare les futurs employés. L'horaire est quasiment calqué sur le travail de bureau. Le jour. La semaine de 5 jours. Des journées interminables dans des années qui n'en finissent plus à faire des trucs inutiles qui seront pourtant jugés sévèrement. Et impossible de se rebiffer. Il décide et juge. Vous obéissez. Il récompense et punit. Vous subissez. Et les relations profs et élèves sont celle du sous-chef avec ses travailleurs. Et comme tous les sous-chefs, ils tremblent devant la direction et se venge sur qui il peut se venger.

_ Et les autres enfants

_ De parfaits petits monstres. Sauf exception.

_ Mais les enfants sont charmants

_ Je n'ai jamais changé d'idée. Les enfants me donnent toujours envie de vomir.

_ Et les femmes?

_ Des usines à esclaves.

_ Vous y allez fort

_ Quand je vois une femme enceinte, j'ai l'impression qu'elle contient un gros abcès. Qui produira une fois abouti, l'infection terminée, la majorité des fois, des esclaves. Reproductrices d'esclaves. Et quelques prédateurs. Il faut beaucoup d'esclaves pour nourrir une prédateur. Comme dans tout écosystème.

_ Et l'amour?

_ Une manière de convaincre les gens inhibés qui n'auraient autrement aucune envie de s'accoupler. Dans la plupart des sociétés, on se passe très bien d'amour. On décide dès la naissance qui sera accouplé à qui. Comme il n'y a pas aujourd'hui, ici, ces obligations, on utilise des moyens détournés. Dans le même but. Renouveler la force de travail. Et de contremaîtres et de sous-chefs et de patrons.

_ Et la liberté?

_ Une autre illusion. Comme si les animaux étaient libres. La Nature décide. Ou c'est la société. Rarement, soi. Tout est prévu. Vous êtes jeunes et si vous êtes énergiques, la progammation fonctionne. Comme tout ce qui vit. L'attirance pour le sexe opposé. Ou le même sexe. 9 mois après, bébé. Mais la société et les gens respectables vont dire: tu n'y penses pas. Tu es trop jeune. Coucher avec cette fille pauvre, ce moins que rien. Non qu'ils n'aient aucune envie que leurs rejetons couche jamais ou avec personne mais il faut coucher utile. Au bon momen. Quand ils auront jugé que. La jeune vierge ne doit pas se laisser pénétrer par un pauvre. Arrive un jour, où dit qu'on a assez attendu. C'est le moment. Il faut qu'elle se laisse pénétrer. Mais avec des cérémonies. 9 mois après. Naissance du petit bourgeois.

_ Vous n'aimez pas tellement les femmes.

_ Un homme avec un vagin. Contrairement aux escargots, les humains ont des sexes définis. La Nature en a décidé ainsi. Conçus pour la reproduction. 20 ans d'emmerdement si le condom ne fonctionne pas ou si elle a fait semblant d'avaler sa pilule. Et les femmes se pâment. Oh! Le jolie bébé. Ça fait parti de leur programmation. Comme toutes les femelles de toutes les espèces. Dans le meilleur des cas. Car les femmes tuent aussi. Et même si elles est inoffensive, personne ne pense que le joli bébé vous empêchera des dormir pendant 2 ans. Chiera sa tonne de merde. Deviendra un ado désabréable et aura 50 ans un jour. Quand je vois un bébé, je vois un comptable.

_ Si je vois ce que vous dites de la femme et de l'amour, vous ne devez pas être marié ou vivre en couple. Si vous êtes logique.

_ On n'est jamais seul. Il y a trop de gens partout.

_ Et si vous ressentez certains besoins.

_ Comme je suis contre l'exploitation des gens, je ne paie pas de prostituée. Même si je n'ai rien à dire contre leur métier. Elles servent de soupape de sécurité à bien des hommes qui seraient autrement bien dangereux. On devrait les valoriser plus. Et les payer plus cher. Étant donné leur utilité sociale. Leur donner des médailles. Tous les jours, elles risquent leur peau. Et à bien y penser, il n'y a rien de mieux que la masturbation.

_ Vous devez vous sentir bien seul. Je vous plaint

_ Dans la forêt, est-ce qu'on se sent seul? Il y a des animaux. Pareil en ville. Le jour. Et allez faire un tour, la nuit, dans certains quartiers. Vous allez vite découvrir les joies tranquilles et paisibles de la solitude. Si vous vous en sortez vivants.

_ Et le bonheur? J'ai presque peur de votre réponse.

_ Illusion. Sous catégorie de l'illusion. Illusion féminine. Comme l'amour. Sujets éternels des revues de femmes. Entre 2 annonces de régime et poudres et crèmes et lotions de perlimpimpin amstramgram pour la peau.

_ Je n'aime pas utiliser le mot complot mais...

_ Il n'y a pas de mais. Comme on attend beaucoup des femmes, indispensables pour la reproduction de l'espèce: travailleurs, soldats, gardiens de prison, avocats, comptables, et que c'est épuisant et qu'elles peuvent en crever et qu'elles pourraient finalement dire qu'elles n'en ont plus vraiment envie. Et qu'il n'y a pas de machine qui peuvent les remplacer pour le moment même si ça viendra un jour. Même si comme toutes les petites femelles elles sont programmées pour. On ne prend pas de chance. on leur bourre la tête dès le plus jeune âge de toute sorte de conneries. Les petites princesses. Le prince charmant. Mais le prince est toujours charmant et n'a pas d'érection.

_ J'ose à peine vous demander si pour vous la vie a un sens?

_ Le même sens que pour toutes les espèces vivantes. Vivre. Mourir. Vivre. Bouffer. Chier. Mourir. Se décomposer.

_ Et, pour vous, c'est le seul sens de la vie. Tout le monde se dirige vers son tombeau.

_ C'est le seul sens. Droit devant. Ou, plutôt, sens vertical. On creuse. Tout en bas. 6 pieds. Ou on vous brûle au gaz. Ce qui vous évite de temps de la décomposition et du compost. Vous êtes déshydratés et réduit en poudre ce qui prend moins de place.

_ Mais un sens... je veux dire: le sens de la vie. Un idéal. Des valeurs.

_ La vie n'a pas de sens. Si vous utilisez ces mots-là. Mais est-ce que la grenouille a besoin d'avoir autant de sens pour sa petite vie. L'abeille dure 34 jours. L'éphémère ne vit qu'1 jour. 24 heures. Par humour, la Nature lui a donné une bouche mais pas de tube digestif. Il ne peut se nourrir mais n'en a pas besoin.  Son unique but, le sens de sa vie est de se repruire et de servir de nourriture à ses prédateurs. Pourtant l'espèce est là depuis 350 millions d'années.

_ Et on attend de mourir.

_ Pas besoin d'attendre.

_ Vous n'allez certainement pas contribuer à la campagne contre le suicide.

_ Certainement pas. Je suis pour le suicide. La mort est la seule liberté que l'on a. À partir du moment où on naît, on  cesse d'être libre. Exister est donc la première calamité. Homme ou femme, déjà la vie est décidée, déviée. Riche ou pauvre. Encore une autre déviation. Intelligent ou non. Malade ou en santé. Dépressif ou non. On décide très peu de notre vie. Et de toute façon, tous les chemins mênent à la mort. Je comprend très bien que quelqu'un qui en a assez se dise...

_ Mais les suicidaires qui nous écoutent, vous leur conseillez quoi? D'aller se jeter au bout du pont?

_ Vous savez que ce genre de conseil est interdit. Si je dis qu'on n'est pas libre, on peut l'être encore moins. La société et les Hommes peuvent vous faire souffrir bien plus que vous l'imaginez.

_ Que l'on dise que les Hommes sont libres ou pas

_ C'est à chacun de faire ses choix. Si encore une fois, on peut réellement choisir. Tant mieux si on le croit.

_ Et pour vous la mort volontaire est un choix.

_ Oui.

Monsieur Dickson s'était endormi sur le perron, son chat revenu dont on ne sait où. Ou, peut-être du royaume des morts dont ont dit que les chats sont les messagers et les intermédiaires. Son chat ou est-ce qu'un chat est à quelqu'un? Disons, le chat, sur ses cuisses. Dormant tous les 2.

*

28. 30 juillet 2012. État 2

27.7.12

204


Image. Taringa


203. MIROIR MIROIR, DIS-MOI QUI EST LA PLUS BELLE?

Henry Dickson se regardait dans le miroir un moment avant de mettre en marche son rasoir électrique Philips.

L'homme se regardait dans le miroir une dernière fois, avant de se tirer une balle de .12 dans la tête.

Il ne regrettait pas l'homme qu'il voyait. Ne lui dit ni bonjour ou adieu. N'avait pas envie. Il se suicidait pour la première fois et comme bien des amateurs de suicide, il allait faire des erreurs. Faute d'expérience.

Une erreur suffisait pourtant pour gâcher toute l'expérience.

Le canon du fusil Winchester était long, trop long, ses bras trop court. Il manquait un peu d'espace et de doigts pour bien placer l'arme. Certains résolvent ce problème en actionnant la détente avec l'orteil.

Ou il aurait dû scier la crosse et la transformer en poignée pistolet. Scier le canon aussi.

Il aurait dû.

Il n'avait pas le temps. On s'imagine qu'on est pressé mais en général on ne l'est pas tant que ça.

Manque d'expérience.

Il n'y pensa pas. Il aurait dû.

Comme il n'avait pas d'autre arme sur la main, il utilisa le .12. Comme il n'avait pas d'autre cartouche, il utilisa le calibre 12 no. 12. Contenant 2700 petites plombs de 1.25 millimètre. Alors que la cartouche no. zéro contient 67 billes de plomb de 4.25 mm. Ou la chevrotine. Ou la balle unique. Foster. Brenneke.

Il aurait dû. 

Il voulait viser sa tête ou son visage.

Ce qu'il fit. Comme il pu.

Le nuage de petits plombs sortit de l'arme comme une nuée ou un essaim de guêpes. Et lui arracha la moitié du visage et l'oeil droit. Et son nez. Et ses lèvres et quelques dents.

Lorsque le bruit du coup de feu cessa de résonner dans ses oreilles, l'odeur de la poudre brûlées dans le nez qu'il n'avait plus. La chaleur de la poudre enflammée sur sa peau, sa chair, ses muscles et ses os. Le crépitement des 2 700 plombs dans sa tête.

Pas dedans. Ce n'était pas assez puissant.

Sur sa tête.

Lorsque le bruit extérieur cessa, il fut remplacé par le bruit intérieur. Il vomissait les hurlements.
La douleur fut

Il hurla sans fin.

Il était prisonnier d'une prison de douleur, de feu, de déchirures.

Il sentit le sang de son visage couler sur son cou. Sa poitrine. Ses mains.

Le choc lui fit échapper l'arme qui tomba à terre. Le choc fut suffisant pour actionner le percuteur sur l'amorce de la cartouche. Le second coup partit et emporta une jambe de son pantalon, le tissus et les muscles. Il ne restait que ses os.

Il eut le temps de se regarder avant de tomber.

Quelle idée stupide de se regarder. Il pouvait à peine marcher, vivait si peu, mais il fallait qu'il se voit.

Son visage, la moitié de son visage était

Une sorte d'infection, de purulence.

Comme si c'était du boeuf haché.

Rouge.

Il perdit conscience.

Le bruit effraya les voisins qui eurent peur d'un cambriolage. Ils appelèrent la police. La police appelé arriva qui appela l'ambulance.

Il se retrouva à l'hôpital avec des médecins horrifiés de tout le travail à faire s'il ne mourait pas. On parlait de greffe de visage. Expérience tentée dans quelques pays suite à des attaques de chiens féroces ou d'ours. Et des morsures horrible dans le visage de quelqu'un. Ou la peau brûlée à la flamme ou à l'acide ou à l'eau ou l'huile bouillante. Commun dans certains pays musulmans où on traitait les femmes férocement. Mourir n'était pas suffisant, les tuer non plus, il fallait qu'elles vivent et qu'elles souffrent.

Mais on n'avait pas de spécialiste ici. Et il fallait que le sujet survive. Il fallait nettoyer la plaie. Attendre qu'elle cicatrise. Ou procéder immédiatement sur la chair vive.

Mais le fait que ce soit un suicidaire n'aidait pas son cas.

Une opération de ce genre exigeait les meilleurs spécialistes pour une opération risquée et expérimentale qui pouvait durer 10 heures.

Tout ceci coûtait très cher.

On débattait encore sur son cas quand le médecin de garde de son étage lui dit qu'il fallait qu'il parte. Le temps réglementaire d'utilisation de la chambre et des services hospitaliers était dépassé. On l'avait déjà dépassé du fait du côté exceptionnel de sa situation. Kais on ne pouvait pas aller au-delà d'une certaine limite.

On lui conseilla de voir un psychologue car il semblait en avoir besoin.

Mais quelque chose semblait s'être passé en lui. Alors que jusqu'à présent et depuis toujours, il avait vu sa vie comme un poids et l'existence de cette vie comme une épreuve, sentiment qui l'avait porté à essayer maladroitement de mettre fin à ses jours. Était-ce la douleur, le fait qu'il ait failli mourir qui avait provoqué une modification de son cerveau qui n'avait pourtant pas été pénétré par les plombs.

Ou le feu qui avait brûlé les nuages noirs qui assombrissait sa vie depuis son enfance.

Depuis ce jour-là, il n'avait plus envie de mourir.

Le désespoir qui était là à l'écraser sans cesse s'en était allé.

Lui qui était seul avait même trouvé l'amour. Une femme assez jolie qui assistait les mourants pour on ne sait quelle raison se prit de pitié pour lui une fois le premier mouvement d'horreur contrôlé. Mais elle cotoyait tous les jours des sidatiques et des cannéreux en phase terminale et des grands brûlés. Pour la plupart des gens, cette vision était insoutenable. Pour la plupart des gens.

Dès qu'il put parler à nouveau, elle trouva sa voix  intéressante, ses paroles agréables et ses idées dignes d'être écoutée.

Elle seule avait pu voir l'homme derrière le monstre. Et aucune femme avant elle n'avait vu le joli visage qu'il portait. Il lui arrivait de regarder le visage qu'il avait été, ceci faisait parti du traitement d'acceptation de sa situation. Il se dit qu'il n'était pas si mal.

Lorsqu'il sortit, avec son masque, pour éviter que les plaies ne s'infectent, elle l'accompagna chez lui.

Comme elle le faisait pour les grands malades dont elle essayait de remonter le moral. Mais contrairement aux autres, lui qui avait de bonnes raisons d'être désespéré ne l'était pas ou il ne l'était plus.

Sitôt arrivé chez lui, les spécialistes du transport des handicapés manipulèrent la chaise roulante jusqu'à l'ascenceur. On lui avait expliqué avant son départ de l'hôpital comment il fallait s'y prendre. Ils lui réexpliquèrent. Elle les remercia et vérifia qu'il pouvait vivre dans son nouvel environnement. Tout change de dimension lorsqu'on est handicapé. Mais il n'était pas condamé à rester rivé sur sa chaise, bientôt, il pourrait à nouveau marcher.

Elle s'en alla dès qu'elle fut rassurée. Confiante qu'il ne ferait pas une autre bêtise.

Timidement, il lui demanda si elle allait revenir.

Il eut même le front de lui dire qu'ill ne savait pas s'il allait s'en sortir tout seul.

Elle lui dit qu'il avait montré du courage, qu'il en faudrait plus, mais qu'elle avait confiance en lui. Elle allait même prier pour lui.

Elle revint le lendemain.

Et la semaine suivante.

Elle aimait sa présence.

Elle découvrit qu'elle avait besoin de lui. Il découvrit qu'il était responsable d'elle. Ce qui ne lui était jamais arrivé. Il s'était toujours occupé de lui. Assez mal. Et les quelques femmes qui avaient été dans sa vie l'avait encombré rapidement ce qui lui avait fait comprendre qu'il était mieux seul. Sa propre vie l'étouffait bien assez comme ça. Alors la vie d'une autre trop près de lui le privait de son air.

Les femmes sont souvent comme ça. Elles font souvent cet effet là. Elles vous prennent votre air.

Elle l'accompagne au parc. Mais comme le visage masqué faisait peur aux visiteurs des parcs. Ils appelaient la police. Qui à chaque fois ne croyait pas à son histoire - il ou elle parla d'un accident industriel- on lui faisait oter son masque et on reculait de dégoût. Il y a des limites à ce qu'on peut endurer visuellement. Il était une forme de pollution visuelle, une nuisance esthétique. Comme il ne pouvait côtoyer les gens normaux, il préféra aller dans le bois, marcher seul. Parce qu'il pouvait à nouveau marcher lentement, en boitant, depuis que sa jambe avait été réparée.

Le plus souvent possible, il aimait aller dans le bois avec elle. Parler de son avenir. Car il le sentait au plus profond de lui, il avait maintenant un avenir. Elle parlait à son tour de leur avenir.

Il ne pensait plus à la mort.

Bien sûr, il mourrait un jour. Comme tout le monde. Mais ce serait le plus tard possible. Alors que la mort faisaiit parti de lui depuis qu'il était enfant.

On allait l'opérer bientôt, il avait cessé de souffrir. L'opération serait terrible et il souffrirait encore. Et au bout de cette souffrance, il aurait peut-être un nouveau visage.

Le fait qu'il soit maintenant optimiste l'avait fait remonter dans la liste des gens ayant besoin d'une opération exceptionnelle. Les optimistes ont plus de chance de guérir. Et les pessimistes descendent dans le fond de la liste. Et les désespérés n'entraînent pas les meilleures intentions.

Il n'était pas heureux. Fallait pas trop en demander. Mais il n'était plus malheureux à crier. Il avait assez crié et hurlé pour qu'il ne reste plus de cris ni de hurlement.

Il s'habituait à vivre. Et comme la femme était une experte dans ce domaine, elle lui donnait des conseils plus ou moins sages.

Avec les pilules qui contrôlaient sa douleur, il allait raisonnablement bien sans être gelé ou beige.

On pourrait dire qu'il voyait demain avec optimiste. Et pouvait même envisager d'être vivant le mois prochain. Et avait quelquefois des projets pour l'année prochaine. Où il serait même là pour les voir.

C'est une histoire qui finit bien, non!?

*

27 juillet 2o12. État 1

202. LA MORT DE 3 HÉROS

Henry Dickson avait changé de journal. Un bien pensant répandant ses belles pensées sur ses lecteurs et ses abonnés avec un tas d'annonces de trucs inutiles et chers mais utiles aux gens qui pensent bien. Ensuite, ils se sentent mieux.

3 HONORABLES CITOYENS RETROUVÉS MORT PRÈS DU CORPS D'UNE JEUNE FEMME VIVANTE.

La jeune femme avait un poignard planté en plein coeur. Les secouristes ne sont pas arrivés à temps pour eux mais, heureusement, pour elle. On ne craint plus pour sa vie. On n'a pas retiré le poignard de la poitrine ce qui aurait provoqué une hémorragie massive qui aurait pu entraîné son décès. Ce n'est que sur la table d'opération qu'on a pu enlever l'arme du crime qui a été remise aux enquêteurs de la police.
Dans l'étage de l'hôpital où elle est gardé pour ses soins on parle d'une miraculée. On ne sait pas ce qu'elle faisait là, pas plus qu'on ne sait pourquoi les 3 hommes se trouvaient égalemtn sur les lieux. Elle aurait été agressée sexuellement et violée et on pense que les hommes ont essayé de la défendre.
Il s'agit de personnes honorablement connues de notre communauté d'affaire. On ne peut pas révéler leur nom pour le moment mais on peut tout de même dire que l'un était avocat fils de juge, l'autre associé dans une compagnie de construction et l'autre conseiller municipal. Leurs pères sont aussi des gens respectables. On espère que les individus qui les ont lâchement agressés seront retrouvés et condamnés
Bien sûr, c'aurait pu se passer autrement. Mais penser autrement aurait pu être compliqué. Aussi penser simplement est toujours plus facile.

Par exemple, 3 hommes. 1 femme.

Une femme par terre en train de se faire violer. 2 hommes attendant leur tour.

Le troisième sur elle.

Eux, comme à un arrêt d'autobus, attendaient. En fumant. Patiemment. Ils voulaient recommencer. Mais l'homme qui était sur elle était devenu encore plus fou, il était probablement déjà fou mais est devenu encore plus fou,  et avant que les autres puissent l'en empêcher lui avait planté un couteau à cran d'arrêt dans le coeur. Sans raison. Ou il avait une raison. Probablement une bonne raison. On ne plante pas un couteau dans le coeur d'une femme sans raison ni bonne raison. Ce qui déçu les autres. Non que la vie ou la santé ou l'état de son coeur ou la respiration de cette femme leur importait le moindrement. Leur ami les privait de leur amusement. Elle était encore vivante mais il y avait tout ce sang. Comme la dernière fois, dit d'un air de reproche un des amis.

Ou il aurait pu dire ça.

Quelqu'un qui arrivait, fumant sa dernière cigaratte du soir, aurait pu entendre des cris, des rires, de bonnes blagues. Et comprendre ce qui se passait et ce qu'il allait voir avant même de voir.

Tout était parfaitement logique.

Un des hommes pissait sur un mur en attendant. Puis se pissa dessus quand il vit le couteau et entendit le grand râle de la femme.

L'homme qui était sur la femme se releva et donna quelques coups de pieds dans ses côtes pour lui apprendre. Pour lui apprendre quoi? En ce moment, elle n'écoutait pas très bien.

C'aurait pu se passer comme ça.

L'homme qui fumait aurait pu voir les 3 hommes. Les 3 hommes auraient pu voir l'homme qui fumait.

Il était difficile d'expliquer d'une façon saine et compréhensible ce qui venait de se passer ici.

On aurait pu tout de même essayer.

Les 3 hommes virent que l'homme les avait  vu, peut-être pas tout vu mais vu assez. Il avait compris. Et l'homme qui arrivait a aussi compris ce que les 3 hommes avait fait et ce qu'ils avaient envie de lui faire puisqu'ils avaient abandonné l'alternative d'expliquer logiquement ce qui venait de se passer.

Les 3 hommes qui n'avaient pas de nom et auraient pu être des ouvriers, des sportifs des bandits ou autres professions libérales: veste de cuir, jeans. Comme pour aller à la chasse et ne pas craindre de se salir. Et si ça arrive, ne pas regretter de jeter les vêtements sales et endommagés.

La femme par terre était très bien vêtue, un habit de travail de femmes sérieuse dans une des boites sérieuses de la ville. Elle travaillait probablement tard et avait pris un raccourcis pour arriver chez elle plus vite. Pour économiser un taxi. Erreur.

Mais le sol d'asphalte était sale.

Il aurait pu y avoir des explications. Mais l'instinct de chasseur une fois réveillé est difficile à satisfaire. Peut-être sur une femme. Mais une fois qu'on a vu du sang, une fois qu'on a tué, il arrive qu'on ait envie de tuer plus. Rien de plus naturel.

On était en pleine nature. Mais en ville. Des millions d'années de programmation ne se modifient pas simplement.

Il aurait pu y avoir des rires.

Genre.

_ Voilà qui arrive qui?

_ Quelqu'un qui aurait mieux fait de rester chez-lui.

_ On y va!

C'aurait pu être comme ça. 3 contre un. 3 qui se précipite. Le sang dans les yeux. Le sang sur la poitrine de la femme. Qui imbibait sa chemise, son tailleur et coulait le long de sa poitrine vers l'asphalte. Le sang brillait un moment sur l'asphalte noir. Puis s'éteignait. Mais une nouvelle giclée de sang la faisait briller de nouveau. C'aurait pu être beau. Mais il vaut mieux que le sang reste dans le corps.

Le sang entre ses jambes. Elle était peut-être vierge. Mais difficile à dire.

Le sang sur le ventre d'un des hommes.

Ils auraient pu rire.

Comme il arrive, on peut imaginer, lorsque 3 hommes s'en prennent à un homme seul.

À part les rires, pas de mot.

Les 3 furent décontenancé un moment car le quatrième n'essayait pas de fuir ou de promettre quelque chose. Comme dire qu'il n'avait rien vu ce qui voulait dire qu'il avait tout vu, trop vu, ou bien assez. Ou qu'il ne parlerait pas. Tout en parlant. Ce qui voulait dire qu'il pouvait parler encore. À d'autres personnes.

Le dialogue était rompu avant même de commencer ce qui était décevant.

Ils n'avaient pas d'arme, sauf le couteau dans le coeur de la femme. Mais à 3 contre un qui a besoin d'arme?

L'homme qui arrivait, qui était là où il n'aurait pas dû être, était peut-être armé mais aucun des 3 ne pensa à ce détail.

S'il était armé, l'homme qui passait et arrivait et était là ne le montra pas.

Les 3 hommes se lancèrent ensemble.

Ils riaient beacoup.

Le premier d'entre eux, on ne sait comment, il ne le comprit pas lui-aussi fonça dans le mur de briques. Chaque brique s'imprima dans son visage.

Le deuxième homme eut le poignet brisé.

Le troisième eut l'épaule disloqué.

L'homme qui arrivait avait envie de les faire souffrir.

Ça s'était passé si vite.

L'homme au poignet cassé portait sa main invalide comme un objet en faisant des bruits.

L'homme au bras tombant faisait lui-aussi des bruits.

Et l'homme qui n'avait plus de visage était tombé à terre tout en respirant encore.

Ça s'était passé si vite.

Ensuite, l'homme qui arrivait et allait partir sortit un pistolet Sig Sauer et fit éclater chacune des 3 têtes d'une balle.

Il regarda ensuite la femme qui respirait toujours. Le couteau qui respirait avec elle. Se soulevait ou descendait selon les mouvements de sa cage thoracique.

Rien à faire.

L'homme, le seul homme vivant, fouilla la poche de la veste de cuir du mort le plus proche de ses pieds et trouva un téléphone cellulaire, un Blackberry. Appela le 911 disant qu'il avait vu. Vu quoi?

L'ambulance arrivait pendant que la téléphoniste essayait de le retenir pendant qu'on enregistrait l'appel pour qu'il donne plus de détail. Pendant qu'une autopatrouille arrivait.

Mais l'homme avait déjà jeté le téléphone sur le mort.

C'aurait pu se passer ainsi.

*

27 juillet 2012. État 1

Morts: 3