Monsieur Adolf Hitler et monsieur Franz Kafka, toujours respectueux de l'ordre et de la tradition voulant que les femmes passent en premier ont finalement convaincu mademoiselle la secrétaire d'aller de l'avant.
Mademoiselle la secrétaire est donc sur la planche, large d'un livre, menant du musée de la civilisation chrétienne à un avenir inconnu.
Il n'a pas été simple de la convaincre.
Mais elle est la plus petite. La plus légère. 2 arguments de poids, dira-t-on. Il y a moins de chance, mathématiquement, physiquement, scientifiquement - qu'il lui arrive quelque chose.
Monsieur Franz Kafka est plus lourd,
Et monsieur Adolf Hitler, le plus costaud des 3. Ce qui n'est pas difficile. Puisqu'il est assez feluette dans l'ordre national des costaud. Tout simplement dans la moyenne.
Tandis que monsieur Kafka est long et mince comme une lame de couteau émoussée.
Les 2 planches superposées peuvent - théoriquement- supporter leurs poids. Il y avait un certain nombre de livres pesants sur elle. Mais elle n'est certainement pas suffisamment solide pour les porter tous les 3 ensemble. Il est donc probable qu'ils puissent passer à tour de rôle. C'est maintenant le temps d'essayer.
Qui passerait en premier ?
Si tout se passe mal, les cris de douleur du corps déchirés et en train de se vider comme un sac de viande, de tripes, d'organes et de sang dont s'échappe lentement une âme terrifiée. Ce corps inexorablement décousu, éviscéré par les lames verticales et les pieux horizontaux, aurait probablement eu un effet néfaste sur le moral des 2 survivants.
Il valait donc mieux que les planches ne cassent pas.
On les avait vérifiées.
Pas de noeuds, ni de fentes ni de veines traîtresses. Une bonne planche de bon bois de chêne. Une autre planche de bon bois pour la renforcer. Il était donc sinon impossible, du moins improbable que les planches cassent.
Mais les pieds pouvaient vaciller.
Le passant pourrait être pris de vertige.
Et basculer de lui-même dans le vide.
Et mademoiselle la secrétaire était si naïve.
*
État 1. 23 nov. 2013
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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