La porte ou ce qui en tenait lieu, soit une partie du mur qui allait du plancher au plafond et qui basculait doucement et sans bruit, s'ouvrit, s'écarta, se déplaça, pour laisser passages aux passagers clandestins de l'immeuble.
Puis l'objet qui faisait fonction de porte se referma ou s'effaça. Et c'est comme s'il n'y en avait jamais eu avant.
_ Faut-il regretter d'être entré ?
_ Nous étions dans tous les sens du terme, acculés à un mur. Notre sort n'était pas enviable.
_ Nous étions comme le gibier prisonnier de sa nasse, attendant qu'on vienne le récupérer.
_ La plupart des gens veulent des choses qu'ils refuseraient s'ils en connaissant d'avance les conséquences.
Pour le moment, l'endroit où ils étaient, n'étaient pas inquiétant. Une vaste bureau meublé. Derrière, un mur bibliothèque rempli d'ouvrages en cuir rouge.
_ Pourquoi le rouge ?
Se demanda monsieur Kafka dont l'esprit fiévreux était incapable de rester inerte et en paix.
_ Pourquoi tant de rouge ?
Comme personne n'avait de réponse, on fit semblant de ne pas l'entendre. Et il n'y avait personne à part eux (qui ne savaient rien) qui aurait pu les informer ou leur donner des indices.
Le bureau était une salle de dimension moyenne (ce qui en faisait un vaste bureau). Il y avait le mobilier adéquat pour travailler: bureau de bois ouvragé et fauteuil confortable. Au devant, des chaises rembourrées pour les visiteurs. Une table plus loin. Un canapé plus loin encore.
L'homme qui possédait ceci ou en avait l'usage était un homme important. Il dirigeait. En tout ou en partie, l'organisation de cet immeuble.
- C'est poussiéreux, on ne fait pas souvent le ménage ici.
Ce genre de détail qu'il n'y a que les esprits matérialistes des femmes pour les remarquer.
Monsieur Hitler regarda mieux.
_ On ne vient pas souvent ici.
Ce qu'approuva monsieur Kafka.
_ Ce qui est une bonne chose pour nous.
La porte ou l'ouverture secrète au travers de laquelle ils étaient passés n'était plus là. Mais il y avait une seconde porte, celle-là, bien visible qui menait. Menait où ?
Monsieur Hitler, alla voir. La porte s'ouvrait si on cherchait à le faire. Sans bruit. Il y avait un corridor à l'extérieur. Et d'autres portes, ici et là, tout au long du corridor qui allait à droite et à gauche de la porte qu'il avait ouvert. Ils étaient donc dans un bureau qui était dans une sorte de position centrale. Au sommet de l'édifice.
_ Il y a une seconde porte, là.
Dit mademoiselle la secrétaire.
La seconde porte, était une porte intérieure sur le côté de l'espace qu'ils occupaient et qui menait à une salle plus grande. Il y avait là toutes sortes d'objets et de tableaux et de tapisseries sur les murs. On aurait dit une salle de musée, une galerie d'art, un cabinet de curiosité pour un collectionneur.
Il y avait des armes et des armures anciennes ici et là.
Monsieur Hitler et monsieur Kafka qui aimaient les belles choses inspectèrent tout ceci avec précaution, car monsieur Kafka qui était distrait et maladroit ne voulait pas provoquer un désastre par son inaptitude physique.
Il y avait là des poteries chinoises anciennes ou de bonnes imitations.
_ Est-ce qu'on va rester là toute la journée?
_ Bonne question.
_ Ici, on est en sécurité. Quant à moi, j'y resterait un bon moment. Il y a de quoi boire, si on aime le vin ou l'alcool. Et de quoi manger.
Il n'y avait aucune nourriture putrescible mais des boites de biscuits et de chocolat. Et des noix.
_ Celui qui était ici aimait grignoter.
Dit la secrétaire
_ Et on est au chaud.
Monsieur Hitler aimait la chaleur. Le froid ou l'idée du froid lui rappelait trop de mauvais souvenirs. Et il aimait avoir les pieds secs. Il n'y a rien de pire pour un intellectuel que d'avoir les pieds mouillés ou des chaussures qui prennent l'eau. Et si on les pieds froids, comme si les pieds communiquaient avec la vessie et les reins, on ne cesse d'avoir envie de pisser. Ce qui est déplaisant.
_ Il y a une sorte de table de conférence, si on y allait. Il n'y a rien de mieux pour discuter qu'une grande table et de bons fauteuils.
_ Je préfère des fauteuils ou un sofa dans un salon.
Dit la secrétaire.
_ Ne vous gênez pas, vous n'êtes pas chez vous ici ?
Monsieur Hitler et monsieur Kafka fouillaient les tiroirs et les armoires. À la recherche de quelque chose.
_ Quelque chose. Mais quoi?
_ Nous le saurons quand nous le trouverons.
*
État 1. 3 nov. 2013
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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