Henry Dickson
Découvre dans le grenier une caisse de haches. Les têtes seulement, déjà bien aiguisées, chacune enveloppée soigneusement dans un papier ciré et huilé et à qui il suffira d'ajouter e d'ajuster un manche à sa taille chez l'ébéniste du coin. Tout dépendant de la longueur de ses bras, de la grosseur de ses mains. Et un ébéniste de ses amis savait donner au manche cette courbe si inspirante pour le bûcheron connaisseur tout en lui donnant un fini de qualité supérieure. Et, comme on disait, le manche de bois le meilleur s'usera bien avant la hache. Il cassera ou l'humidité aidant ne pourra plus retenir le fer qui pourra s'envoler à tout moment et estropier quelqu'un.
Un autre talent du maréchal ferrant qui n'était pas satisfait des haches du commerce lorsqu'il devait bûcher son bois de chauffage. Rien de ce qui existait ou, du moins, qu'il connaissait n'équivalait à son idéal et n'était donc à la hauteur de ses strictes exigences. Homme inventif et entreprenant, il déclara devant toute sa famille: c'est une hache que nous allons contruistre.
Il décida donc de fabriquer ses propres haches puisqu'il était arrivé au sommet de son art et avait envie de relever de nouveaux défis. En outre, il avait le matériel sous la mains. Feu, fer, forge. Il suffisait de leur donner de nouvelles formes. Et amplement de modèles de qualité inférieure qu'on lua demandait d'osculter quand il fallait redresser leur fer. Il avait eu tout le temps voulu pour les étudier. Le chemin à parcourir fut difficile et bien souvent tortueux. Finalement, il produisit une tête de hache parfaite. Lui qui n'était jamais satisfait. Il la regarda et ne fut pas amer de tout le temps qu'elle lui avait pris. Il s'endormit enfin apaisé.
Il fit vendre son premier et unique modèle au marché public par un de ses fils. Les passants étaient dubitatifs. Tout ce qu'il avait sur son étalage était cette hache avec son manche. Coûtant le prix de 5 haches semblables. Un bûcheron fut attiré par l'attroupement et informé par tous, voulut l'essayer. Il prit hache et manche d'une main, balança le tout, l'équilibre était parfait, on aurait dit une arme ancienne. Prévoyant, le fils avait apporté quelques buches au cas où quelqu'un voudrait essayer l'invention de son père. Ce personne n'avait osé faire, la plupart étant davantage scandalisé par le prix. Le bûcheront de tout sa hauteur dit que si sa hache tenait la moitié des promessses que le petit jeune homme lui faisait, il l'achèterait le double du prix demandé. Il prit la bûche, l'installa sur le gros billot de coupe assez large pour couper les têtes et d'un léger coup d'épaule, la hache entra dans le bois qu'elle fendit de haut en bas. Tout ceci est bien beau et admirable. Mais qu'en est-il pour la fente de travers, dans le fil du bois, c'est bien et rare mais à contre fil. Il prit une autre bûche entière de la grosseur d'un bras d'homme et la coupa aussi nettement que la tête d'un poulet. Le produit était admirable et s'il avait eu les mots pour le faire, il l'aurait encore mieux vanté que le faisait le jeune homme. Il l'acheta donc au prix exigé. Le jeune homme qui était nouveau dans l'art du commerce refusa que son nouveau et seul client lui paie les 5 fois le prix que celui-ci lui avait promis par espirt de provocation.
Enchanté par ce témoignage de confiance, l'artisan consentit à faire une deuxième hache.
Et la seconde hache rencontra un succès bien mérité. Il en fait une troisième et acquis la réputation d'offrir un produit de qualité supérieure. Un seul. Puisqu'il ne faisait que des haches. Pour le moment, 4.
Le slogan inventé par l'un d'eux qui fit plus tard carrière dans la publicité: Une seule qualité la meilleure.
Et un seul prix.
Il ne marchandait pas. Il ne voulais pas se concurrencer lui-même. Ce qui permettait à d'autres commerçants de haches de moins bonne qualité, moins efficace, moins durables, donnant plus d'ouvrage, exigeant plus d'effort au travail, de le concurrencer. On achetait donc un prix au lieu d'un produit.
Comme bien des pionniers, il n'eut pas tout le succès mérité. Mais les véritables amateurs sachant reconnaître la qualité furent toujours satisfaits. On disait même qu'un seul coup suffisait alors que plusieurs étaient nécessaires par les modèles concurrents. Et leur métal, de qualité inférieure, s'usait, s'ébréchait sans cesse davantage alors que son tranchant demeurait parfait, immaculé comme la Sainte Vierge.
L'arbre devenait plus souple, s'attendrissait, le métal entrait dans son être comme on aurait fauché de l'herbe. On disait qu'un bûcheron avec cette hache pouvait couper 20 cordes de bois par jour. Alors que de jours, avec une scie mécanique et une fendeuse hydrolique, le meilleur bûcheron ne pourra en faire que 15. Ceci aurait dû suffire pour assurer son succès et sa renommée mais il faut croire que la vie et l'économie sont injustes.
Malgré que sa forge connusse un succès extraordinaire et que l'on vienne de partout pour le ragarder travailler et être en bonne place pour ne pas perdre son tour afin de s'assurer de sa production.
Même s'il en vendait autant et aussi vite qu'il en produisait, les amateurs de haches réservant d'avance tout ce qu'il pourrait noter sur son carnet de commande; le temps, les efforts, le coût du matériel, lui permettait à peine de vivre de son art. En fait, plus il avait du succès, plus il s'appauvrissait. Voyant que son travail n'était pas reconnu à sa juste valeur, il cessa sa production. Sur un coup de tête.
Vous voulez de la merde, dorénavant, c'est ce que vous aurez! Vous ne verrez pas la différence, puisque c'est ça que vous aviez avant. Et c'est ce qui arriva. La plupart des gens ignorant ce qui s'était passé continuèrent à se contenter de ce dont ils s'étaient habitués.
Il devient donc forgeron décorateur de ferronnerie décorative en fer forgé pour les gens des classes supérieures.
Il eut un bref instant l'idée de se remettre à fabriquer des chapelets malheureusement la concurrence des produits Italiens était imparables. Et du fait de la proximité du Vatican et des bénéfices intemporels et spirituels que pensaient à en tirer les acheteur - avantage que ne manquait de faire valoir les commis voyageurs- il ne pourrait arriver à les concurrence. Même avec l'aide de l'archevêché local. Il avait une famille à nourrir et la fabrication des chapelets n'était pas suffisante.
Et son épouse étant de plus en plus malade et montrant des signes révélateurs de son âge, il lui faut des revenus stables et assurés.
Les modèles qui restaient presque inusables si on savait les entretenir et les aiguiser se vendaient et se revendaient toujours bien longtemps après sa retraite. Et, de nos jours, les collectionneurs savent encore les apprécier. Mais étant donné leur coût, on les affiche comme trophée ou oeuvre d'art plutôt que de risquer de les abîmer en pleine nature. Quoique, on l'a dit, elles soient virtuellement inusables et quasi indestructibles. Et que leur principal don est de couper. Quoique ce soit. Et non de décorer un salon.
On put restaurer certains modèles leur redonner leur apparence originale tout en s'assurant de leur authenticité et en respectant leurs spécifications d'origine.
Les haches de la dernière période d'activité de l'artisan émérite étaient reconnues pour être différentes de leurs équivalents des époques antérieures, sans que l'on ne sache toutefois jusqu'à quel point ni exactement sous quels aspects. Tout ce que les spécialistes peuvent dire c'est qu'elles coupaient si parfaitement que l'objet à couper, supposons un arbre, semblait se fendre, s'ouvrir et s'écarter avant même que la tranchant de la lame ne l'effleure. L'effet est inexplicable et il semble qu'il n'ait jamais été expliqué.
On dépista les fournisseurs originaux et leurs successeurs pour obtenir davantage de détails sur les matériaux disponibles et utilisés et avoir accès aux catalogues de leurs propres intermédiares.
Malgré des recherches intensives, on ne put jamais copier à la perfection son modèle et son métal. On fut incapable et on l'est toujours de trouver ce qu'il lui faisait. Et on disait que lorsqu'on avait essayé de scier l'un de ses fer pour en étudier la composition, l'ingénieur tomba gravement malade. Et il refusa toujours de vendre sa recette ou de la breuveter ce qui aurait rendu public son procédé tout en étant supposé le protéger. La divulgation étant obligatoire pour le bureau de brevets. Ce qui aurait permi à ses concurrents de le copier effrontément.
De nouveaux problèmes se posaient sans cesse à ceux que le défit ne faisait ni reculer ni frémir. Le premier consistait à reproduire le nom de l'artisan en lettres cursives tel qu'il apparaissait sur les fers de haches usés. L'autre à préciser les détails pertinents de la plaque du fabricant inséré dans le manche de bois de manière à pouvoir la reproduire. La documentation publicitaire et la documentation sur les pièces indiquaient que les manches d'origine avaient été fabriqués par celui qui était déjà bien connu des spécialistes mais une nouvelle plaque récemment trouvés indiquait un nom inconnu. Pourquoi cette différence?
Une photographie en gros plan du nom de l'artisan qui s'y trouvait suffit pour fabriquer et graver une nouveau monogramme, identique à l'original. Mais pouvait-on s'en contenter?
La recherche de la clé de l'énigme mène directement à un autre collectionneur et rénovateur, président de la seule fabrique de manches de hache encore en activité de nos jours. Héritier et petit-fils du fondateur de la compagnie. On avait continué à produire des manches de haches bien après que les premiers fers de hache qui avaient mené à la création de l'atelier de l'artisan ébéniste fournisseur de manches de haches cessèrent d'être disponibles. D'autre fabriquants continuaient, eux, à en fournir sans être aussi bons et durables et de loin mais ils étaient, justement, les seuls disponbles. Avec l'aide de ce dernier, l'examen d'anciens dossiers permit de découvrir le procès-verbal d'une réunion du conseil d'administration, tenue en 1908 et au cours de laquelle le nom de la compagnie fut changé. La plaque signalétique nouvelle était donc la bonne pour le modèle 1908, alors que celle qui était déjà bien connue était correcte pour les versions ultérieures. Les érudits poussèrent un soupir de soulagement.
Mais chose sans doute encore plus étonnante, une visite de son usine permet de découvrir le moule du lettrage de la marque utilisé pour fabriquer ces inscriptions originales. Contrairement aux actuels ensembles de matrice pour production de masse, lesquels sont constitués de deux moitiés, l'une mâle et l'autre femelle, cette matrice ne présente que la partie femelle. Les artisans de l'époque formaient le lettrage en déposant le manche de bois sur le moule précédemment recouvert d'une mince couche d'argent pour ensuite marteler le bois dans le creux du moule avec un maillet de bois. Le propriétaire de l'usine donna le vieux moule au fondateur du musée pour qu'il l'ajoute à sa collection.
Toutes ces compétences et habiletés ont été mises à contribution pour restaurer le modèle d'origine que l'on pensait introuvable. Et que l'on découvrit au musée de la police.
Selon un spécialiste reconnu de cette marque, le résultat de ce processus de restauration d'une durée de cinq ans est la plus magnifique hache jamais construite. Il ajoute que très peu de restaurations ont fait l'objet de recherches aussi fouillées et d'un souci du détail aussi approfondi. Aucun petit composant n'a été oublié et chaque pièce convient parfaitement. Autant l'objet final que les recherches exigées pour mener à bien sa restauration font de ce modèle une ressource inestimable pour les autres restaurateurs aussi bien que pour ceux qui étudient l'histoire de la hache.Voilà un précieux hommage au patrimoine forestier de notre pays.
Malheureusement, ce qui était supposé être la réplique parfaite de l'original, en tout point comparable, si on plaçait les 2 objets côte à côte: l'original et sa copie parfaite, personne n'aurait pu faire la différence. Mais dans un test de coupe, l'original coupait parfaitement et bien plus et bien mieux que la copie. Ce qui était inexplicable et frustrant. Comment 100 ans plus tard, avec les moyens technologiques à notre disposition ne parvenait-on pas à faire aussi bien ou, idéalement mieux, qu'un seul artisan muni d'une forge.
Un des dernièrs modèles en circulation servit à fendre le crâne de l'épouse du propriétaire de la maison. Il ne put jamais expliquer son geste.
Et il arriva, heureusement rarement, que d'autres cas similaires se produisent.
Et cette hache disparut d'une façon inexplicable sur le lieu même du crime. Monsieur Dickson pourrait en témoigner si on le lui demandait.
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30 avril 2012. État 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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