HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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29.4.12

46. HENRY DICKSON REÇOIT ENCORE DE LA VISITE MAIS SA TARTE AU SUCRE N'EST PAS PRÊTE

Henry Dickson

Observe les 2 hommes assis en face de lui. 2 policiers militaires assis à la place des 2 détectives de la SQ. Eux sont venus en Mercedes G, la Jeep ou le Hummer de l'arme canadienne, on ne se refuse rien.

On lui tend des photos. Les mêmes que celles de la police plus quelques autres. Ils s'approvisionnent sans doute à la même source mais semblent plus généreux dans l'illustration de leur propos. On n'est pas loin de la présentation Power Point.

Il ne peut que répéter ce qu'il a déjà dit que le crâne ne lui dit rien et ne lui rappelle rien sauf les crânes vu dans les encyclopédie ou les films d'horreur à la tv.

Bien sûr, avec les nouvelles photos et ce qu'elles montrent: boucle de ceinturon réglementaire, botte réglementaire, pistolet officiel à une certaine époque, collier et médaille d'indentification. Plus 2 officiers de la police militaire. Tous les indices pointent dans une seule direction: ce n'est pas un chauffeur d'autobus scolaire qui est tombé dans la cheminée.

Il regarde la photo avec les médailles. Cherche à lire le nom.

_ Sur la photo, ce n'est pas précis mais nous avons eu le collier entre les mains. Il s'agit d'une identification militaire.

_ Vous connaissez donc son identité?

_ Bien sûr.

_ Et vous pouvez me la révéler?

_ Bien sûr.

Le nom ne lui dit absolument rien. Ce qui déçoit les soldats.

_ Nous pensions... nous espérions que vous auriez entendu parler de cet homme. Dans le village. De la part de l'ancien propriétaire de la maison.

_ Non.

_ Nous avons d'autres photos.

_ Mais pourquoi vous intéressez-vous tant à cette vieille affaire?

Ils se regardèrent puis le regardèrent.

_ Question administrative.

_ Peu importe ce qui s'est passé ou quand. Vous ne m'avez pas dit pas plus que la police à quand remonte la mort du squelette. Mais je ne sais pas si les méthodes scientifiques actuelles se sont perfectionnées au point d'être si précis. Et il s'agit d'un accident, d'un meurtre.

_ Pourquoi parlez-vous de meurtre? Nous n'avons jamais parlé de meurtre?

_ Ni les 2 détectives de la police. Mais pour qu'autant de gens s'intéressent à ce dossier - la police, normal. Mais l'armée. Une affaire qui remonte à ... Impossible de le savoir tant qu'on n'a pas de dates. Pour qu'un corps laissé à l'extérieur soit détérioré à ce stade, il faut quelques années. 10 ans?

_ Le pistolet réglementaire date de 1940

_ Wow! Ça c'est la précision. Mais le voleur pouvait être un collectionneur. Il y a des tas d'hommes aiment les armes militaires anciennes.

_ Pourquoi parlez-vous de voleur?

_ On trouve un bonhomme dans une cheminée. Qu'est-ce qu'il faisait là? Explication possible: il pensait descendre tout en bas et entrer dans la maison par un des foyers. Mais il se trompe de cheminée. Reste coincé.

_ Explication possible. Mais ce pourrait aussi bien être un meurtre. Un homme est tué. On cherche à faire disparaître le corps. Pas de corps, pas d'indice, de preuve. Peut-être même qu'on ne s'inquiétera même pas de son absece parce que, supposons, que c'est un homme qui se déplace beaucoup. On le jette dans la cheminée. Et du point de vue de l'assassin ou dse assassins, ça a très bien fonctionné puiqu'on ne le retrouve que 70 ans plus tard.

_ 70 ans. Encore plus précis. Pour vous il ne s'agit donc pas d'un voleur collectionneur d'arme ancienne qui aime garder avec lui son porte-bonheur. Et un colt .45, ça fait des dégats.

_ Pourquoi parlez-vous de voleurs?

_ Si j'observe votre attitude et je l'observe depuis un moment

_ Et vous tirez quelle conclusion de vos observations?

_ Ma conclusion provisoire et qui pourra changer lorsque j'aurais pu faire de plus amples observations ou de meilleures explcations, c'est que vous n'avez traitez cette affaire avec plus de sérieux qu'elle ne semble mériter. Et vous ne semblez pas mépriser le crétin qui est tombé dans la cheminée.

_ Pourquoi crétin?

_ Un soldat saoul mort lors d'une permission... vous ne me direz pas qu'en tant que policier militaire que c'est la première fois que vous voyez ce genre de cas.

_ Poursuivez votre raisonnement. Et comment se serait-il retrouvé en haut de cette cheminée et ensuite en bas

_ Je ne fais qu'imaginer. Un soldat en forme, ivre, décide de monter sur le toit d'une maison. Une fois en haut, il continue à boire puis tombe dans la cheminée...

_ Il serait venu comment cet ivrogne. On n'a jamais retrouvé de véhicule.

_ On n'en a jamais cherché. On n'en a même jamais parlé ni abordé ce sujet: mais comment a t-il pu venir ici et comment pensait-il en repartir? Et d'où venait-il? Il y a le club de danseuses local qui vend de l'alcool mais je ne sais pas de quand date sa construction. Il y a toujours eu ici des vendeurs d'alcool de contrebande, des fabriquants et des salons privés où on vous vendait en toute illégalité des petits gins et autres remontants. Il y avait un chauffeur de taxe et une femme qui tenait un salon de coiffure qui ont encore une réputation légendaire même si leurs activités se sont terminées il y a bien longtemps. Les hommes aiment boire. Il y a donc quelqu'un qui va leur vendre. Et s'il ne peut acheter pour revendre, il va fabriquer. Donc, il allait où et venait d'où? Ici, les distances sont longues. Il y a 10 ans encore davantage. Et vous me parlez de 70 ans. Il n'y avait que des fermes et des champs à perte de vue. Il aurait pu venir à pieds comme tout bon marcheur, si on a le temps, on peut faire le tour du monde à pieds. Et les soldats Romains faisaient 100 kilomètres par jour avec 100 livres sur le dos. Armure, bouclier, épée, c'est pesant. Mais il aurait eu le temps de dessouler. Ou se serait endormi sous un arbre.

_ Pouvez-vous cesser de parler du soldat

Sa voix rape, il s'émotionne.

_ Mon collègue apprécierait que vous utilisiez un autre terme

_ Bon vous en savez plus que moi et vous me laisser mijoter comme un rôti de bas de palette. Vous avez compris, j'espère, que je n'en sais pas plus que la dernière fois lorsque la SQ est venu. Vous avez dû certainement avoir lu leur rapport et écouté l'enregistrement

_ Il y avait un enregistrement?

_ Les petits cachottiers. Oui, tout en prenant des notes que je n'ai pas voulu signé

_ Et pourquoi ne pas les avoir signé?

_ Je trouvais qu'ils interprétait un peu trop librement mes propos. Ou j'avais complètement oublié ce que j'avais dit - parle, parle, jase jase, vous savez, on se sent seul, on n'a pas de visite souvent et lorsqu'on a de la compagnie, par exemple, les Témoins de Jéhovah, une fois qu'ils entrent ici, ils ne sortent plus- et ne pouvait imaginer avoir dit ça, ce qui revient au même. On dit que qui traduit trahit, on pourrait dire aussi que qui note trahit autant. À moins d'être une sténo-dactylo professionnelle. J'ai refusé de signer. Et j'ai réalisé mon propre rapport. Que j'ai signé.

_ Nous l'avons aussi. Avec les photocopies de votre déclaration à la police.

_ Nuance, de l'interprétation commentée par la police de ma déclaration. Mais pas la cassette.

_ Que nous demanderons, soyez-en sûr.

_ J'écoute ce que vous me dites

_ Nous aussi écoutons ce que vous nous dites

_ Mais vous ne prenez pas beaucoup de notes. Vous ne semblez pas aussi studieux que la police.

_ Mon collègue a un calepin

_ Et vous avez notez 4 mots

_ Observateur

_ Quand il y a quelque chose à observer. Désolé pour votre voleur...

_ Ce n'est pas un voleur

Du ton: je l'ai dit et je le répète pour la dernière fois, la prochaine c'est mon poing sur la gueule.

Monsieur Dickson observe les 2 hommes en silence. Ceux-ci l'observe en silence. Le temps passe. Personne ne dit rien et aucun n'a quelque chose à dire.

Monsieur Dickson regarde sa montre.

_ Si vous voulez dîner, il y a des trucs dans le frigo. Je ne cuisine pas mais je sais faire des sandwichs. Il y a du poulet, du jambon, mayonnaise, moutarde. Bière. Café. Lait.

_ Pour une première rencontre de défrichement nous pouvons conclure que nous avons fait ensemble du bon boulot. À  lire le rapport de police et leurs observations, nous croyions que vous vous montreriez plus réticent. Sans que nous en sachions la raison. Peut-être que vous aimez emmerdez la police. Et que nous sommes des militaires. Policiers mais soldats. Et que vous avez été dans l'armée. Nous avons lu votre dossier avant de venir ici. Bon état de service. Forte tête. Meneur. Vous détestez obéir. Pourtant, on ne peut être un bon chef que si on a appris à obéir.

_ On vous le dit. Vous l'apprenez. C'est faux.

_ Et pourquoi nous dirait-on une telle chose si c'est faux?

_ Parce que ceux qui commande ont besoin que ceux à qui ils donnent des ordres obéissent. Et, les rares spécimens de ceux qui demandent une explication, on leur donne cette peluche. Il n'y a rien de nouveau. Même ici, dans la société civile dites libre, rien ne pourrait se passer comme ça se passe, sans l'obéissance naturelle de tout le monde. Et le plus beau est qu'ils se croient libre. Ils obéissent si naturellement et depuis si longtemps que c'est devenu une habitude, un mode de vie. Même plus besoin de les commander, ils font ce que vous attendez d'eux avant même que vous le suggériez.

_ Nous reviendrons si nous avons encore besoin de votre aide.

_ Et si j'ai besoin de votre aide?

Ils se tourne vers lui, yeux curieux.

_ Qui était cet homme?

Ils se regardent et concluent qu'ils peuvent répondre

_ Un héros.

_ Et j'aurais été fier de combattre sous ses ordres.

Ils s'en vont.

Ils ont parlé d'un soldat. Un soldat ne donne pas d'ordre. Et des officiers comme eux ne lui obéissent pas. Donc ce n'est pas un simple soldat. Donc. Donc. Donc un héros tombe ou est poussé dans une cheminée et... et quoi ensuite?

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29 avril 2012. État 1