Henry Dickson
Allait au village lorsqu'il vit un attroupement qui partait de la rue principale à une rue secondaire perpendiculaire montant dans une petite côte. Au centre de la rue, comme un exercice de géométrie grandeur nature. Il changea de direction, revint sur ses roues (on dit bien revenir sur ses pas). Stationna son auto et alla voir parce qu'il n'avait rien à faire d'autre.
Même au bas de la côte, il entendit une voix provenant d'un haut-parleur ce qui lui donna un frisson dans le dos. Heureusement, ce n'était pas la police, cette fois-ci, mais le maire qui faisait un discours.
Le maire aimait faire des discours. Ce n'était pas le moindre de ses défauts. Et il profitait de toutes les occasions pour en faire un, étant comme ses grands frères politiciens juchés dans des auges et des mangeoires bien plus élevées que la sienne, en campagne électorale permanente.
Cette fois, il était fier de lui. En fait, pas seulement cette fois, toutes les autres fois il était fier de lui. Être fier de lui était presque son occupation permantente. En parler, la suivante.
Il avait encore construit quelque chose. Encore. Personne ne lui en demandant autant, on se serait bien contenté d'un de ses poèmes s'il avait eu ce don en plus de tous les autres qui accablaient ses concitoyens.
Mieux, il avait fait profiter à sa municipalité d'une subvention du gouvernement supérieur. C'était le sujet de son discours à la nation (village) du jour.
L'État étant pingre, ce qui n'était pas son moindre défaut (sauf en période électorale), il fallait en profiter quand ça passait.
Cette subvention couvrant 50% du coût d'un projet.
Ce qui était très bien quand proclamé avec enthousiasme. Mais les esprits chagrins auraient pu faire remarquer que ceci signifiait que l'autre 50% proviendrait de leurs poches taxables municipalement.
Et un esprit sombre aurait ajouté que l'$ qu'il vienne du Fédéral, du Provincial et du Municipal ne fait que revenir dans leurs poches puisqu'il en a été auparavant extrait, prélevé, soutiré. Et ils aimeraient être consulté sur son usage avant qu'on le dépense.
Et, pire, trouverait bien culotté de se vanter de cette dépense comme si elle était un geste généreux et désintéressé du vantard alors que, souvent, la montagne accouche d'une souris bossue.
Avant même qu'on en dise davantage, puisqu'ils sont de mauvaise fois, ils conclueraient que ceci ressemble modestement (malheureusement pas toujours), à un gaspillage. On ajouterait «éhonté» si on avait du style, ce dont on se garde férocement.
Il fallait créer une place culturelle ou, au moins, un espace où serait mis en valeur quelques grands principes.
Étant un homme pratique, sa première réaction était d'être contre tout principe, comme il s'était opposé à la bibliothèque municipale, disant: moi vivant, il n'y aurait pas de bibliothèque municipale.
Mais comme il y avait là-aussi une subvention et que ça ferait travailler des gens du coin pour sa construction, il se dédit. Promettant qu'il allait personnellement surveiller les coûts car, ici, on n'avait pas une cenne à donner pour des niaiseries.
Et il voulait la liste et les prix des livres que l'on achèterait.
Comme le parti au pouvoir au gouvernement provincial était en mode pré-électoral, il se découvrit plein de pognon à distribuer en subvention dans les bons comtés - ceux qui votaient du bon bord.
Il y en aurait évidamment pour les routes (et les entreprises de pavage) (pour les municipalités, villages et villes qui savaient où étaient leurs intérêts qui se verraient munis de belles routes plates, rectilignes et noires d'asphalte douces et tendres) mais aussi pour...
Comme disait Jésus: Demandez et vous recevrez!
Cette si belle attitude ne se voyait que tous les 5 ans. Le reste du temps se passait en plaintes et en lamentations sur le budget déficitaire et la récession.
Comme on avait construit tout ce qu'on pouvait: des routes sans pont (subvention fédérale en retard), pont sans route (le ministre des travaux publics étant en prison), pont sans rivière (la sécheresse) (même la météo se mettait à faire de la politique); on découvrit que la culture pouvait rapporter.
Ou être rentable.
Ou, au moins payante.
Non intellectuellement (il n'y a que les gauchistes qui ont ce genre d'idée) mais, encore une fois, en travaux publics.
Quelqu'un en profiterait. Ses amis aussi.
Et le fait d'en priver ses ennemis et les neutres était un plaisir raffiné supplémentaire. Ils verraient ainsi ce dont ils se privent par entêtement mesquin.
Que ce soit un musée, un centre culturel, une place des droits, un monument; il fallait bien le construire et donner de l'$ à celui qui le construirait.
Généralement, un ami du régime qui donnait de généreuses contributions aux compagnes électorales des députés, ministres et, pour les plus généreux, à toute l'organisation du parti.
Généreusement. On vient de le dire.
Sans espoir de retour.
Comme on fait de bonnes oeuvres.
Ainsi, il s'impliquait politiquement en tant que simple citoyen.
Heureusement, la vie étant juste et comme disait Jésus: Demandez et vous recevrez! Et vous redonnera au centuple. Ou quelque chose de genre.
Et, par le plus grand des hasard, quelque chose du genre se produisait.
En réunissant les budgets alloués à la commémoration de divers anniversaires culturels ou à l'enseignement de droits: homme, femme, noir, handicapé, indiens, juifs (shoaholocaustemachin), sidatique, alphabétisation, nature, écologie, culture, tout ce dont il se foutait comme du premier pot de vin qu'il avait reçu, on arrivait à un bon petit montant. Pas énorme mais intéressant pour un petit village où il ne se passait jamais rien.
Et où de nombreux entrepreneurs en concurrence perpétuelles pour de petits contrats (ou moyens) étaient particulièrement affamés.
La concurrence étant la qualité la plus vantée par les théologiens du capitalisme mais ses praticiens la déteste particulièrement, sachant douleureusement tout le mal qu'elle peut faire, faisant donc tout pour se protéger de cette calamité si nuisible au plan d'affaire et à la marge de profit.
D'où le besoin de se faire des amis. Et d'entretenir (dans tous les sens du terme) l'amitié bien comprise. L'incompréhension étant la pire des choses à part l'ingratitude.
Et le plus utile, de quoi donner du travail à quelques citoyens qui vous remercieraient aux prochaines élections, et bien sûr, accessoirement, comme un vague effet secondaire à une si bonne potion, à quelques entrepreneurs locaux généreux. Les 2 derniers mots ne pouvant être séparés.
Et on assistait là à la présentation du projet.
Qui n'était plus un projet parce que déjà terminé. Il avait été voté et budgeté discrètement lors d'une de ces réunions municipales privées qu'il affectionnait. Vers 1 heure du matin, lorsque la plupart des spectateurs des séances du Conseil étaient allés se coucher vu qu'ils devaient se lever tôt le lendemain pour aller travailler.
La Place de Arts (nom provisoire) se trouvaient au centre de la rue. Ou de la côte.
Pas vraiment au centre puisque prenant toute la largeur de la rue qui n'était pas large mais suffisante pour laisser passer 2 calèches (au moment de sa conception) et 2 autos, montant ou descendant de la côte.
Du moins, avant que l'on y installe le projet.
Ce qui signifiait que, dorénavant, plus aucune auto ne pouvait circuler dans cette rue.
Comme par hasard, le monument à la culture était érigé juste en face des maisons d'un candidat à la mairie (lors des dernières élections) et du maire précédent. Et de leur allée d'auto.
Chacun se trouvant de chaque côté de la rue, avec un vue imprenable (terme classique et de bon goût) sur leur côté personnel du projet.
Une telle attention aurait dû les ravir. Pas le moins du monde. Depuis des semaines, ils suivaient avec horreur et consternation la progression des travaux. Le bruit, la poussière, la circulation des camions de béton et de pierres et de matérieux divers. Supportant en rageant et grinçant des dents.
Pensant qu'on améliorerait enfin le réseau d'aqueduc (la pression de l'eau en haut et en bas de la côté n'était pas la même); ils ne protestèrent pas autant qu'ils l'auraient pu. Jusqu'à ce qu'ils découvrent, de toutes les fenêtres de toutes les étages de leurs maisons l'ampleur de l'affront qu'on venait de leur faire. Qui se voulait définitif et imparable parce que construit pour durer.
Il est difficile de dire si c'était la première fois qu'on insultait les gens avec du granit et du béton. Autrement qu'en le leur lançant.
Ici, aucune douleur physique, sauf morale et intellectuelle. Presque aussi douloureuse et souffrante.
Ce qui voulait dire (mais ce monument voulait dire et signifier tant de chose malgré sa sobriété apparente) qu'ils ne pourraient plus se servir de leurs autos. Qui resteraient confinés dans leur parking respectif.
Le monument était beau.
Pas vraiment.
Le monument était coûteux.
Certainement.
Rien à voir avec les avions de guerre F-35 du gouvernement Fédéral qui avait des amis autrements plus gourmands que ceux du maire.
Ou avec les malheureux sous-marins assassins du gouvernement précédent qui avait aussi des amis mais pas les mêmes.
Pouvait-on parler de monument?
Le titre était là quelque part.
Si, on pouvait parle de «monument».
Disons «place». Ou «espace».
Univers aurait été excessif.
Environ 20 pieds de large par 40 pieds de long. Empiétant sur les trottoirs. Si cette rue avait eu des trottoirs. Projet désirable et désiré mais toujours remis depuis des générations pour les raisons que l'on vient succintement d'expliquer ou de suggéger - vous savez les maires ou candidat(s) du mauvais bord. Il y en avait toujours eu un.
Petit promontoire de pierres taillées. En escalier. Ce qui aurait pu être élégant mais ne l'était pas suffisamment.
Dans un cimetière, on aurait pu y installer une vasque avec une flamme éternelle (si on paie le gaz) sur la tombe du soldat inconnu. Ou, autrefois, la grande croix du Vendredi Saint avec Marie, ect.
Le tout était entouré d'une barrière de métal verte du plus bel effet.
Pas vraiment.
En fait, sa principale qualité (le vert était en référence à l'écologie) était sa robustesse. De gros poteaux de fers peint à la poudre de verre électrostatique (durable) étaient boulonnés dans la pierre afin de retenir une clôture de barres d'acier triangulaires verticales. Aux bouts pointus pour éviter qu'on l'escalade sans s'empaler. Espacées de 2 pouces. Par mesure de sécurité. Pour éviter que des bébés ne s'y prennent le cerveau.
La barrière était le principal élément artistique. En plus de la plate forme de pierre de taille (granit) qu'elle entourait. Ou surmontait. Et de l'escalier qui y montait. Quelques marches. Qui en faisait le tour. Sinon, ça aurait été du niveau de la rue et aurait manqué de panache.
Le monument aurait été sobre, Spartiate, Stoïcien et de bon goût mais peut-être trop laconique.
Une plaque de bronze décrivait les principaux droits (ils y étaient presque tous) que l'installation commémorait. Et une pancarte de l'entrepreneur. Carton imprimé. Et une autre du parti provincial avec le montant de la subvention. Plastique imprimé.
Le maire était fier d'être allé chercher le max de subventions disponibles dans tous les programmes qu'il avait pu éplucher. Comme un autre aurait pu regarder les petites annonces du Publi-Sac.
Le seul hic! était que la municipalité devait fournir l'autre 50%. Et que son budget annuel était déjà prévu depuis l'année dernière. Il n'était pas question de couper encore. La solution était simple, accessible aux esprits aventureux ne craigant pas la tourmente. Il restait à emprunter l'$ qui manquait ce qu'on fit avec discrétion et empressemment lors d'une autre séance nocturne.
Les gens autour du monument ne savaient pas s'ils devaient être content ou non. Ou même ce qu'ils en pensaient.
Ou s'il y avait quelque chose à penser.
D'où la nécessité de la plaque de bronze qui décrivait toute les pensées possibles en cas de besoin si nécessité il y avait.
Était-ce de l'art?
Ou de l'architecture?
Ou le produit du capitalisme industriel entreprenant?
Il faut toujours un temps pour s'habituer à l'art moderne.
Mais, de l'art moderne, à part la place toute entière, il n'y en avait pas. Une Place semblable aurait pu être érigée par Staline ou Mussolini pour fêter une victoire ou la défaite d'un ennemi.
On aurait bien eu le 1% officiel pour commanditer une oeuvre d'un artiste officiel et moderne que le Ministère des Affaires Cultures inclut dans la subvention pour tour projet de 100 000.
Le constructeur s'y voit forcé. et pousse généralement quelques plaintes. De même que l'architecte qui n'a aucune idée de ce qu'on va fiche dans son beau projet (question de point de vue) puisque les maquettes sont jugées par un comité.
Mais en fait, c'est le ministère qui paie. Le coût étant inclus dans le budget total.
Mais le maire trouvait qu'il y avait bien assez de culture dans cet endroit. On consacra l'$ a incruster des dalles roses ici et là pour les Droits de la Femme.
L'entreprise de sculptere qui faisait les pierres tombales du cimetière proposa un prix qui intéressa tout le monde. Ainsi que quelques idées simples. Qui compte tenu de son prix étaient acceptées d'avance.
Les gens commencèrent à penser quelque chose quand un ennemi du maire qui suivait religieusement les délibérations du Conseil comme on và à la messe, même celle de nuitée, raconta quelques chiffres.
Le maire continuait à discourer et à décrire ce qu'on était supposé voir et penser.
Et les chiffres comme un ver dans le fruit creusèrent leur tunnel hideux dans la chair tendre de la foule accueillante.
Selon le maire, ce n'était pas seulement un espace. Vide. Entouré d'une hideuse clôture verte fluorescente quasi indestructible puisque ses piliers étaient encrés profondément sous terre dans des blocs de béton armé qui constituait l'assise du Monument/Place/Espace.
Probablement inspirée des clôtures semblables à Kaboul ou Bagdad ou des barrières antiterroristes intégrées aux traverses de Lévis/Québec/Les Escoumin, etc. Afin de protéger les traversiers des attaques des Talibans.
C'était un lieu dédié à la culture festive. Le maire continuait à lire son discours préparé par un spécialiste déjà fournisseur de ministres divers bien incapables d'écrire quoi que ce soit.
Un centre de recueillement.
Oui, c'est ce qui était écrit. Il pensa à ce moment aux Juifs à qui il ne pensait jamais mais qui arrivèrent juste au bon moment dans son raisonnement. Ils étaient là quelque part dans une des plaques avec des inscriptions. Ailleurs, il y avait aussi le carré des noirs. 12 pouces par 12 pouces. Bien suffisant.
C'aurait pu être à la fois inutile et laid si les employés municipaux manquant de place n'y avait pas mis tout au centre, en fait un peu plus vers le bord de la rue, là où se trouvait la résidence de l'ex-maire, les poubelles du Centre Municipal. Vertes, bleues et brunes. Vidange, papier/verre/métail, compost. Dont l'énorme cube de métal qu'un camion spécialement équipé de bras articulés viendrait soulever lorsqu'il le faudrait.
On aurait dit que cette vaste (pas tant que ça) Place avait été prévu dès l'origine pour ranger des conteneurs à déchets.
Plus le temps passait, plus le maire était content de lui. Il faisait vraiment un beau discours. Et le prix de l'écriture par le spécialiste en valait le coup.
Plus le temps passait, plus le maire était content de lui., plus les gens pensaient.
Pas tous.
La plupart en sont incapables mais, généralement, leur humeur (qui remplace leur pensée) est contagieuse et est contaminée par l'humeur générale.
Quelque chose de microbien ou de viral.
C'est à ce moment que le maire reçut sa première tomate.
Le magasin général était tout proche. Juste au bas de la côte où était érigé la Place du Monde (on charchait encore son nom et il y aurait un concours dans l'école primaire Le Phare, avec un prix)
Après quelques tomates - les 2 maisons (munie d'épouses furieuses) encerclant la nouvelle place de la civilisation (nom possible) commençaient à vider leurs frigo - le maire, toujours superficiellement bon enfant mais plutôt soupe au lait et revanchard, se fâcha.
Après tout, c'était lui le maire et il avait le droit de faire ce qui lui plaisait.
Il criait après la foule.
Et maudissait les fontionnaires. Puis les syndicalistes.
Toujours maudire les syndicalistes et les syndicats.
Se souvenir.
(À noter dans son agenda. Ou son journal avec tête de Mickey.)
Il commença à accuser les protestataires d'être des terroristes contrôlés par les Juifs.
Ce qui fit pousser quelques soupirs scandalisés de quelques personnes instruites dans l'assistance.
On n'avait jamais vu de Noir ici, ni de Juif. Ou d'Arabe.
On n'aimait pas les étrangers.
Les touristes, oui. Pourvu qu'ils s'en aillent un jour.
Et les Arabes. Même si on en parlait souvent à la radio les disant capables de tout. Par exemple, mettre une bombe dans le métro. Mais il n'y avait pas de métro dans le village. Mais ce n'est pas ce genre de détail qui arrêterait ces fanatiques religieux.
Pas plus qu'il n'y avait d'Homo.
Activité particulièrement répugnante.
Mais il était bon de savoir ce que c'était. Afin des les reconnaître et de les éviter. Comme les mouffettes.
On n'avait rien contre eux. Ou contre les mouffettes. Même si on préférait ne pas en voir ici.
Ici, il n'y avait que du bon monde et pas d'étranger qui n'amène que des ennuis.
Le maire à la recherche d'inspiration se tourna à ce moment vers monsieur Dickson qui, sentant le vent tourner, préférait rebrousser chemin pour aller faire son épicerie. À quelques pass de là, tout en bas de la côte des Glacis, comme on vient de le dire.
Le maire le désigna du doigt:
_ Et maintenant, on trouve des squelettes dans les cheminées.
Très inspiré ce jour-là, il allait poursuivre de quelques bonnes blagues de son cru mettant ensemble dans les douches gaies, des noirs, des femmes, des juifs. Des juifs dans un camps de concentration changeant une ampoule électrique dans une chambre à gaz (facile: on étend les corps bien à plat sur le sol, sur le ventre parce que le dos est plus solide. On fait une pyramide avec les corps jusqu'à ce qu'on ait le nombre de piles, d'étages et de degrés suffisant pour atteindre le plafond et là tu sors ton ampoule neuve. Zu! Il y a un quota sur les ampoules et il n'en reste plus. Tu es dans le noir et tu ne sais où aller. Pas de problème, les boules de zyklon B commencent à tomber.) Et des homosexuels pédophiles sidatiques lorsqu'il reçut de la galerie de la maison qui surplombait la Place des Nations (autre nom possible) toute une bassine d'eau de vaisselle. Les épouses sont des fanatiques.
L'humeur générale étant au lynchage, ceux qui n'avaient aucune opinion joignirent celle-ci à la non opinion générale et à l'humeur communautaire et, ici et là, on recommença à assaisonner le maire de fruits et de légume de saison. Variés et nourrissants. Et, parfois, un peu lourds. On l'a dit, l'épicerie était tout en bas. Et il y avait des rabais.
Le maire dut faire retraite comme une armée en déroute. Son fidèle conseiller l'escorta dans et au travers de la foule jusqu'à son auto. Qui commençait à être recouverte de purée de tomates et d'oeufs aux jaunes pas frais et bien baveux.
Privé de sa cible, l'humeur générale redevint plus calme. Et on se promit de venir en masse à la prochaine réunion du Conseil Municipal comme on se promet après une guérison d'aller à la messe.
On commençait à brocher des pancartes et à les écrire que c'était déjà terminé. Ce qui était décevant.
Les résidents de la rue, pas seulement ceux des 2 maisons bloqués par la Place de l'Espoir (non propable) mais tous les autres, en bas et en haut, regardaient ce monument au progrès et à la peinture verte. Procédé électrostatique et cuisson au four Indélébile. Eux, au moins pouvaient circuler, par en haut ou par en bas, puisqu'il était impossible de monter et descendre la côte tout au long comme on le faisait depuis 300 ans.
Certains parlèrent d'alerter le Ministère des Affaires Muncipales (bien connu pour sa gabébie, sa collusion et sa corruption) et de demander la mise en tutelle de la municipalité. Et, en prime, l'emprisonnement du maire et de tout le conseil.
Sombre pensée qu'un nouveau matin écarta telle les fragiles ailes roses de l'aube. Ou quelque chose du genre. Homère a déjà dit quelque chose de ce genre.
Mais le destin (ou quelqu'un d'autre avec un aussi mauvais caractère ) en décida autrement:
Le maire fut retrouvé pendu.
La rumeur tout de suite informé conclut à un suicide. Mais une fourche planté dans son ventre pouvait laisser croire le contraire.
Aucune conclusion n'était possible en ce moment.
Une ou deux personnes, peu charitable, dirent qu'on ne pendait pas suffisamment de maires.
Peu importe la raison, pendons!
Même si on ignore le motif, eux le savent très bien. Pendons!
Mais la plupart des gens n'ayant comme d'habitude aucune opinion même si elles auraient eu bien des raisons d'en avoir conclurent...
Mais on n'en était pas vraiment sûr.
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28 mars 2012. État 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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