HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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19.4.12

27. HISTOIRE DE FANTÔMES

Henry Dickson

Va à la bibliothèque, dans le meuble à tiroirs où sont rangés les albums et les boites de photos qu'il avait trouvé avec la maison. La dernière ou celle qui était au dessus de la pile de la boite au dessus de la pile de boites – difficile de dire si c’était la dernière photo- montrait la face de l’homme qui lui avait vendu la maison.

Ou l’avait supplié (presque) de l’acheter comme s’il voulait fuir mais ne se résolvait pas à l’abandonner ou la donner gratis ou à y mettre le feu?

Sur la photo, il était heureux. Et il n’y avait pas que lui d’heureux. Il y avait une jolie femme, 50 ans, heureuse – il n’y a rien qui conserve les femmes en beauté que le bonheur et il n’y a rien qui les amoche comme le malheur. Comme si les femmes étaient allergique au malheur. Mettez du malheur à répétition depuis l’enfance, mieux, du malheur depuis des générations et… ouh!
100 ans de plus!

Et 50 ans de malheur.
1000!
Malheureusement, le bonheur ne se vend pas en tube ou flacon ou pot ou en crème hypoallergène testée dans des yeux de lapin albinos. Vendue à la tv par une fillette de 12 ans avec encore sa peau de bébé. Même au microscope, on ne trouverait pas une ride. Mais si on regardait d'aussi près, on serait arrêté par la police. On n'est pas au Japon ni dans la Rome ancienne.

Ça vaudrait une fortune.

On pourrait la vendre pour la moitié de tous leurs biens, on l'achèterait encore. Et ça se vendrait mieux et plus cher qu'une pilule de vie éternelle. Est-ce que les gens veulent tant que ça vivre vieux? Beau, riche et en santé, oui. Longtemps. Mais pas éternellement.

Quand on verrait tous ceux qu'on a aimés ou, au moins, appréciés ou, même seulement connus, mourir (ils n'ont peut-être pas les moyens de s'acheter la même crème que vous).

Que vous ne pouvez jamais vous attacher à quelqu'un parce, inévitablement...

Et, si on observe ce que l'Histoire, la Grande et la Petite a fait dans le monde: De la Grèce ancienne, il reste une dizaine de livres. Plus de peinture. Ni de sculpture. Une Acropole branlante. Même chose pour Rome. Quand on verrait les musées, les édifices, les paysages, brûlés avec joie par les foules en délire...

Des masses de gens heureux, chantant, dansant, fasciné devant les bûchers des bibliothécaires.

D'ici, on ne voit que les résulats. Mais y participer? Observer. Se trouver au milieu. Ou trop proche. Ou, regarder New York brûler au milieu du bûcher pendant que les prédicateurs invoquent Dieu ou le Diable.

On aurait des milliers d'années pour regretter de ne pas mourir.

Mais si on ne va pas si loin, si on se contente de la crème.

Et de l'$ des femmes heureuses.

Est-ce un idéal valable de rendre quelques femmes riches heureuses?

On dit que l'$ ne fait pas le bonheur, ce qui est faux. Mais pour une fois, on aurait la preuve.

Mais il faudrait vraiment le tester. Comme dans les séries Survival ou J'ai maigri de 100 livres et j'ai le cancer des os: qu'est-ce que je gagne?

On prend une femme riche et une femme pauvre, pas trop vieille, il est déjà trop tard, car elle s'est habituée au malheur et a un épiderme de croco. On les plonge non dans l'eau bouillante comme le homard, non, ce serait un autre test, mais dans un milieu, disons, contrasté ou exotique. Une dans un taudis de Bombay, l'autre dans un hôtel de luxe. Et on observe.

D'un autre côté, ça a déjà fait. Quand il y a des Révolutions, on adore jouer à ce jeu. Comme ça n'arrive pas souvent, on en profite. On envoie les unes à Auschwitz ou Vorkouta, Masanija, Tutuol Seng ou S-21.
On pourrait aussi vendre pas cher.

Parce qu’on veut rendre service à l’humanité souffrante.

Et s'il y a des spécialistes de la souffrance, ce sont bien les femmes. Même pas cher, avec 3 ½ milliards de femmes dont un bon lot de malheureuses, quelques milliards. $$$. L’inventeur serait multimultimilliardaire. Et heureux.

Ou serait en bonne place pour vérifier encore une fois si l'$ fait le bonheur.
Mais le bonheur est gratis. Actuellement. On l'a ou pas.
Content?
Difficile de dire s’il y avait d’autres photos montrant les différentes étapes menant du bonheur au malheur. Avec des indices et des jeux de pistes, des serpents, des échelles de Parchési indiquant qui ou quoi en était responsable.
Quand ça avait commencé?
Bref, l’homme était malheureux.

En photo.

En étalant les photos, on les voyait heureux et malheureux puis d'autres photos avec les étapes intermédiaires. Soucis, inquiétude, manque de sommeil.
Et en personne.

Si on avait su qu’il était malade, on aurait dit qu’il n’avait plus grand temps à vivre. Mais on ne savait pas s’il était malade ou beaucoup.

Et peut-être que malade ou pas, il n'avait pas grand temps à vivre. Il ne l'avait jamais revu donc comment savoir?

Et ce jour là, il vantait les mérites de la maison qu'il soldait. Avec des primes. Des bonus. Des extra. Il laissait tout. Rideaux, mobiliers, lits, laveuse.

Sa femme était déjà dans l'auto et l'auto était en marche. Oui, on laissait l'auto. On partait en taxi. 

Et elle avait l'air d'un vieux pruneau. Encore une fois, le bonheur égoïste n'aime que les gens heureux. Il trouve les autres mesquins.

Dès qu'elle avait su qu'il y avait un visiteur... personne ne visitait jamais. Mieux, bien mieux, un acheteur, elle était sorti de la maison en coup de vent, en criant. Dès qu'elle eut appelé le taxi. Qui n'osa même pas s'approcher à moins de 100 pieds lorsqu'il arriva.

Elle entra dans le taxi et barra les portes. Pendant que son mari faisait les dernières supplications particulièrement attendrissantes.

Une occasion de ce genre ne se reproduirait pas souvent. Qu'il répétait sans cesse.

Comme s'il était tellement habitué, à ce point résigné de ne jamais parvenir à convaincre personne (les rares étrangers qui s'approchaient) qu'il n'arrivait pas à se convaincre que c'était inutile et il n'arrivait pas à s'arrêter de persuader quelqu'un qui n'avait pas besoin de l'être.

Une occasion de ce genre ne se présenterait pas de sitôt!
Pour lui.

Car pour on ne sait quelle raison - le futur acheteur l'apprendrait plus tard mais pas à ce moment-là - il était contentcontent de vendre.

Sa joie était si belle à voir, si communicative qu'on était vraiment heureux pour lui. On l'aurait aider à marcher avec sa béquille car il venait de se casser une jambe.
Et pour l'acheteur, une telle maison pour un tel prix. Cherchez pas, vous trouverez pas. Nulle part!

Il n'y a que lors de la grande vente des maisons de la Crise de 2008 aux USA qu'on a eu autant de chance. Des maisons à 1 $. Pas les acheteurs, pauvres et noirs ou pauvres sans être noir à qui on avait fourgué des maisons qu'ils n'auraient jamais les moyens de payer. Garantie par l'État qui voulait sauver le marché immobilier. Et à ce moment, pré-crise, elles valaient bien plus qu'1 $. 300,000 $, le double ou le triple de leur valeur. Aucune importance. Il pourrait la revendre demain s'il voulait et avec les profits de la revente, il paierait son hypthèque et les premiers versements de sa prochaine maison de 500 000$ Sky is the limit! Parce qu'en ce moment, il n'avait pas une cenne. Pas d'importance, c'était prévu. L'État qui n'avait jamais voulu construire de logis sociaux communistes leur payait des maisons. Pas parce qu'on aimait soudainement les noirs mais parce que la marché immobilier était mûr. Tous ceux qui avaient du fric avaient acheté. Mais si plus personne n'achetait le marché plomberait comme un Romain une meule au cou. On avait décidé d'introduire dans le marché tout un tas de nouveaux clients. Le rêve Américain dans toute sa splendeur. Il n'y avait que là qu'on pouvait avoir une maison sans $. Rien que cette année là. Il fallait profiter de l'occasion qui ne se représenterait pas de sitôt.

Maisons qu'on démolissait aussitôt qu'on avait jeté les acheteurs incapables de payer le deuxième versement. Parce que personne n'en voulait, il y en avait trop. Les banques qui les avaient reprises étaient comme les agriculteurs devant une trop grosse récolte, il fallait brûler, jeter le lait au ruisseau, tuer des veaux ou des vaches pour éviter que le prix de ce qui reste baisse.

Les constructeurs eux-aussi avaient profité du boom immobilier et avait mal construit autant qu'ils pouvaient. Les toits coulaient, les fenêtres laissaient entrer l'air, le froid, la pluie. Les maisons commençaient à pourrir dès qu'on les avait vendues. Aucune importance, c'était pour des nègres. Et le nègre ne sait pas ce qui est bon pour lui. Il faut le lui dire.

Et les maisons vides non chauffées pourrissaient encore plus vite.

Le tout ayant culminé dans une crise mondiale Biblique.

Et des tas de pauvres encore plus pauvres condamnés à vivre dans leur auto.

Jusqu'à ce qu'ils se fatiguent de ce jeu de hamsters fous et décident de reprendre à la banque ce qu'ils estiment qu'on leur a volé.

Bien sûr la banque ne se souvient plus de rien. Pas plus la caissière qui a des enfants et ne veut pas de problème et ne veut pas faire de politique. Il y a assez de monde dans les des bureaux de chômage et des cafétérias de l'Armée du Salut.

Généralement, ils n'ont pas le temps de sortir avec l'$ ou ils viennent tout juste de sortir qu'on les transperce au Glock.

Les policiers ont aussi des familles et n'aiment pas faire de politique.

D'autres, sachant que si c'est pour finir comme ça aussi bien le faire soi-même, pendant qu'il leur reste de l'essence dans le réservoir de l'auto. Et que la batterie fonctionne. Alors ils prennent un tuyau de sécheuse en alu souple, on le vend au pied et au mêtre, au choix (Rona), y font entrer le tuyau du silencieux qui est aussi le tuyau de l'échappement de leur auto, attention c'est chaud. Il y a assez de tuyau pour aller jusqu'à la fenêtre du chauffeur. Ils bouchent l'espace avec du saran wrap (rabais chez Metro) et du tape (en vente par lot de  4 rouleaux chez Canadian Tire).

Et bonjour en Enfer.
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19.20 avril 2012. État 3