Henry Dickson
Était resté avec l'écrivain tard le soir.
Au moment où il s'en allait, sa copine qui voulait lui changer les idées en le socialisant avec prudence (les femmes ne pouvant pas s'empêcher d'éduquer «leurs» hommes. Graduellement, comme on le fait avec les bébés. L'habituant à la propreté. Tout en essayant d'éviter l'overdose d'«amis» avec les écrivains et artistes autistes.)
L'avait invité à rester à manger.
Lui n'y aurait pas pensé.
Et il ne serait pas venu à l'esprit de monsieur Dickson de s'incruster.
Pensant que la compagnie de personnes réelles lui ferait le plus grand bien car il n'avait que trop tendance à s'entourer de personnages imaginaires allant jusqu'à leur faire la conversation. Même en dehors des périodes d'écriture.
Une vie imaginaire peut être tout aussi intéressante qu'une vie réelle et souvent plus et tout aussi bien qu'une vie rêvée dans la vie ou dans un rêve (Quoique!) (intéressante! soit! mais la vie «révée» dans notre rêve n'est pas celle que nous aurions rêvée nous-même si nous avions eu le choix d'où la confusion dans les termes et l'impression qu'on (?) se fout de nous?) mais la plupart des gens s'entendent pour dire que ce n'est pas la «vraie» vie ce qui les rend content d'eux.
Au fur et à mesure qu'ils font de l'arthrite, ils ont tendance à multiplier les conseils de prudence, leçon de vie, dictons, proverbes et remontrances (dans le genre: dans mon temps) (dans mon temps, on aurait ou n'aurait jamais) ce qui les fait fuir par leur entourage.
Ce qui fait aussi dire aux artistes et aux suicidaires de base les plus communs: mais c'est vraiment ça votre vie! Et vous êtes content d'y vivre! tout le temps! Vous passez votre temps à vous plaindre. Et vous vous voudriez que je vive là-dedans!?
Et vous vous reproduisez pour foutre un mioche dans la merde parce que vous n'êtes pas content d'y patauger tout seul? Vous pensez que ce serait mieux à plusieurs?
En fait, ce que pensent de la vie, les gens n'a aucune importance puisqu'ils ne sont pas habitué à penser (ça se saurait!), n'y comprennent rien et n'en tire aucune leçon (sinon ils auraient quitté ce job merdique ou n'aurait jamais accepté de passer l'entrevue, cette bonne femme chialeuse de plus en plus moche comme une malédiction, ces enfants insupportables, ce quartier ou cette maison ou ce loyer puant): ils sont tout simplement les instrument de Darwin ou de l'Évolution ou du code génétique qui veut durer et qui manipulent leur cerveau.
Provisoirement banane ou pomme, réserve de nutriments et de chromosomes dont le destin est de grossir, enfler, tomber, meurtrir, pourrir au sol, germer, pousser de nouveau.
Interminablement.
Depuis des millénaires.
Ne comprenant rien à ce qui leur arrive, vivant eux-aussi une vie de substitution mais non assumée (travail/religion/tv/tourisme/magazinage) (juste la tv, combien d'heures par jours de vie imaginaire?) alors que les drogués, suicidaires, artistes savent très bien qu'ils ne veulent à aucun prix la vivre cette vie.
Et tous les jours, ils s'entendent dire par les gens qui se pensent «normaux» que la «vraie» vie est préférable. Ou devrait l'être.
Ce qui est aller un peu loin et très vite!
Les poètes affirment que la vraie vie est ailleurs. Mais ils sont des poètes. Des écrivains vivant eux-aussi dans un autre monde. Les écrivains non poète ont vite compris que la vraie vie n'est certainement pas ici. Et probablement pas ailleurs non plus.
La joie de vivre comme chanté dans un message de Coke! Tiens! Justement!
Ne sont pas tout à fait d'accord les millions de drogués et de suicidaires.
Pour beaucoup d'entre eux, la mort est préférable à la vie. Ou le rêve de substitution sniffé, fumé ou piqué. Ou bu à plein goulot. En attendant de mourir d'une overdose.
L'écrivain tapait des heures durant pour jouer avec ses neurotransmetteurs et se shooter à sa dopamine.
Dans toute autre situation, on aurait diagnostiqué une forme de délire plus ou moins grave chez la personne atteinte mais il semble que ce soit tout à fait normal dans ce bizarre de métier.
Et indispendable du point des vue des praticiens. Riches ou pauvres.
Toléré + ou - intensément (avec + ou - de bonne volonté) de la part de l'entourage cultivé. Ou pas. Le fait que Picasso ou Stephen King soient riches (ou l'ait été) aide à la compréhension mutuelle.
Ce qui ne «sert à rien» «qu'on ne comprend pas» sert au moins à faire du fric. Ce que tout le monde générique basique comprend.
L'invitation à dîner.
Signe qu'il y avait quelque chose à manger dans le frigo ce qui était rare.
Et si ce n'était pas moisi ou décomposé suite à la provisoire rigidité cadavérique du jambon tranché emballé sous vide passé la date fatidique devenu bouillon de culture en voie de se remettre à refaire l'évolution à rebours et de recommencer à ramper.
Signe qu'une personne féminine s'occupait de l'intendance.
Et il n'y avait plus de toiles d'araignée sur les murs et les plafonds. Autre signe.
Un oiseau femelle occupait le nid.
Il n'y a que les femmes qui peuvent passer la journée à rendre vivable l'antre d'un ours. Gratis.
D'où les os de poulet BBQ rejetés dans les coins et les toiles d'araignées (et les araignées) (charmantes petites bêtes) (avec les fourmis) et la poussière sédimentaires (ou terre noire fertile conseillé par les jardiniers et les horticulteurs) chez l'ours redenu célibataire. Et les tas de courriers, lettres, factures en train de se recycler en compost, dans un autre coin. Ou plusieurs.
Ensuite, il regardèrent la tv.
La copine de l'écrivain était dévouée, pleine de bonne volonté (on ne pouvait avoir plus et autant de bonne volonté qu'elle) mais pas très bonne cuisininière mais ce qu'elle faisait était mangeable ce qui était tout à fait acceptable pour les 2 hommes et au-dessus de leurs critères gastronomiques habituels. Ils avaient l'habitude de se contenter d'encore moins. Pourvu que ça se mange et se digère étant leur point de référence. Ils mangèrent donc avec délectation ou presque avant d'aller prendre une bière froide dans la salle de tv. Ex-salon.
L'émission Cause toujours! était déjà commencée.
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6. 10 juin 2012. État 3
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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