HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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30.8.12

224. ÉTAIT-ILS CONVENABLE DE CÉLÉBRER LA MESSE DANS UN SALON FUNÉRAIRE?

Henry Dickson joue au Sudoku à l'ordinateur. Pendant ce temps, la petite blonde s'endort au Conseil Muncipal et que l'auteur toujours fieilleux dit du mal de l'Église ce qui va certainement lui attirer des malheurs.

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Alors quand on perdit les revenus des services funèbres et qu'il ne resta plus que les enterrements (100$ et 50$ par an pour l'entretien du lot) on poussa des plaintes qui remontèrent au haut clergé et redescendirent précipitamment.
Comme on ne pouvait attaquer sur les impératifs financiers malgré que quelques marguillers firent entendre leurs lamentations, on utilisa sournoisement des arguments théologiques. Était-ils convenable de célébrer la messe dans un salon funéraire? Dans un lieu qui n'avait pas été consacré? On eu beau jeu de rétorquer qu'un prêtre professionnel y officiait, il avait beau avoir été curé de la paroisse désormais retraité, il serait prêtre jusqu'à sa mort. Et, lui, il avait consacré les lieux. Il n'était pas le seul puisque la chapelle servait aussi aux cérémonies funèbres bouddhistes (rares) ou étranges et bizarres et civiles. Et n'y avait-il pas des chapelles dans les résidences pour vieux ou les centres commerciaux?
À force d'entendre à la TV que les consommateurs ont toujours raison, certains avaient fini par le croire, et lorsqu'ils voulaient consommer des services religieux; ils entendaient que ceux-ci se déroulent comme ils l'exigeaient puisqu'ils payaient. Et qu'on ne leur parle pas de choses trop déplaisantes à entendre comme la justice et la charité ou l'Enfer, ce que l'Église avait compris d'elle-même depuis longtemps, se concentrant désormais et depuis des siècles sur la moralité des femmes et leurs perversions diverses.
L'Église présentait ses produits aux consommateurs et ceux-ci choisissait ce qui leur faisait plaisir et les options désirées comme au comptoir des téléphones cellulaires. Il était fini le temps où l'Église pouvait vous faire briser les jambes à la barre de fer parce que vous avez raté un précepte. Même les Dominicains jadis les piliers de l'Église et de la Sainte Inquisition étaient devenus socialistes, comme si les SS militaient dorénavant pour les droits de l'Homme.
Et d'autres ignorants, croyant que l'Église était une institution démocratique ou qu'elle l'était devenue depuis la fin de la monarchie, prétendaient que la voix de la majorité a toujours raison. Alors que l'Église affirmait le contraire. Dieu et le Saint Esprit, éclairait le Pape qui ordonnait à tous les autres. Ce qui n'est pas démocratique du tout. Les têtes des fidèles ne servant qu'à recevoir de l'eau bénite et des cendres un mercredi par an.
Si le défunt avait voulu s'entendre lors de son décès et qu'il tenait à qu'on amène une TV pour qu'on le voit donner des leçons à son peuple personnel, pourquoi pas. Ou si c'était de la musique Rock. Ce n'est pas parce que le curé ou l'organiste le défendait ou manquait s'évanouir qu'il n'en entendrait pas si c'était possible. Du moins, ses parents, amis et voisins en entendraient. Et le salon funéraire ne voyait aucune raison qui ferait qu'ils n'en entendraient pas. Que ce soit de la musique sur CD ou un orchestre au complet, même Agadoudoudou. Comme à un mariage, on inviterait un chanteur. Tarifé bien sûr à la famille.
Et la cérémonie durerait le temps voulu par la famille. Le prêtre, spécialiste de ce genre de détail pouvait vous étirer une cérémonie presque indéfiniment ou, au contraire, l'expédier comme les Trois Messes Basses d'Alphonse Daudet ce qui avait valu au curé et aux spectateurs quelques problèmes.
Ensuite, à l'heure prévue, il y aurait le banquet. Comme pour un mariage. Tout dépendant des tarifs du traiteur. L'important était que l'horaire soit respecté. Les parents les plus proches et les derniers amis pourraient rester jusqu'au dernier moment mais tout le monde serait déjà parti lorsque le traiteur ramassera les restes et la vaisselle. Le salon funéraire n'avait pas de salle de fête mais la municipalité avait une grande salle vide dans son centre communautaire qui ne demandait qu'à servir.
Un homme d'affaire riche et célèbre avait voulu que lors de son service, pour éviter que les gens soient tristes - au cas où il y en aurait -que des Mariachis et des danseuses de flamenco avec des danseuses du ventre et des danseuses hawaïennes se précipitent autour de son cercueil. La cérémonie, haute en couleurs, comme aiment écrire les employés des journaux pressés (ils ont tout un tas d'expressions toutes faites pour chaque situation ce qui leur évite le supplice de penser) fut très appréciée des photographes. Il aimait qu'on parle de lui et de ses maîtresses de son vivant, on parla encore de lui lors de sa mort et de son service puis de son enterrement (son monument était digne d'un Pape). Il était très laid mais étant riche et célèbre, ingrédients irrésistibles pour toute personne ambitieuse, il vécut donc aussi longtemps que possible, toujours aussi laid mais environné des plus belles femmes qui ne demandaient qu'à coucher avec lui. Qui paie le magazinage sans compter ni regarder les factures a toujours un attrait irrésistible. Ce qui s'appelle prendre une femme par les sentiments. Avant de la prendre partout ailleurs. Et qui se met soudainement à compter se retrouvera bien seul.
La mort était devenue un buffet chinois. Service à volonté. All you can eat!
Bien sûr, la mort est une étape importante de la vie.
Et il fallait penser à ceux qui n'avait pas la foi ou ne l'avait pas encore ou l'avait perdu et qui devait, eux-aussi, mourir. Car qu'il y ait un Ciel ou non pour recevoir les braves gens, ce dont on débattait encore après quelques milliers d'années. La terre était toujours là pour vous acceuillir à défaut d'autre chose. La terre, elle, croit en vous. Et ne vous laissera pas tomber. Elle vous digérera comme les millions et les millions avant vous.
Un cercueil révolutionnaire
Un cercueil créatif
Un cercueil local
Un cercueil équitable
Un cercueil solide et écologique qui respecte l'environnement.
Et elle continuait à chercher son slogan
Tout en feuilletant la revue The Director. De la NFDA, National Funeral Directory Association. Leur convention aurait lieu à Charlotte en Caroline du Nord, le 7 octobre.
Ce qui permettait aux familles éplorées de regarder une dernière fois leur proche (on fermerait bientôt définitivement la boite) bien cancéreux et tout maigre affalé dans un oreiller de coton blanc rembourré et de mousseline comme un cornichon jaune dans la crème fouettée.
Les autres cercueils venaient des autres provinces ou de gigantesques usines des USA. La population vieillissait et on mourait beaucoup. Et mêmes les pauvres qui enterraient les leurs avaient cette fierté de ne pas les envoyer dans le trou dans n'importe quoi. On n'a pas les moyens de se payer une auto mais le meilleur des cercueils - du moins, ceux en bois vernis - ne coûtaient qu'une fraction du prix d'une auto. Les autres, en bronze ou aluminium coûtaient le prix d'une auto.
Elle avait eu l'idée - elle avait toujours des idées et c'était celle-là du moment- de faire une petite fabrique artisanale locale. On avait des chômeurs, elle en engagerait. Il y avait des artisans, elle en engagerait. Et quelques machines puisqu'ils n'étaient plus aussi habiles que les anciens.
Des cercueils concepts. Des cercueils innovateurs scientifiques. Ou presque. Un nouveau design révolutionnaire. Des produits innovateurs en constante évolution comme elle. Elle pensait qu'il ne serait rien de copier les autres ou de faire la même chose plus cher puisqu'on n'avait pas des machines aussi coûteuses et compliquées. Et on ne pouvait battre les prix des cercueils Chinois qui arrivaient par bateaux entiers. Elle pensa donc faire des cercueils simples mais illustrés. En bois ou en carton. Écologique. Sans acide. Moins cher.
Illustrés sur tout le pourtour et sur tous les côtés.
L'acheteur ou sa famille choisirait l'image qu'il ou qu'elle voudrait. Le drapeau de sa nationalité ou celui de son équipe de foot préférée. Son instrument de musique. Elle avait fait dessiner un catalogue d'idées et de suggestions par une graphiste.
Le tout serait sérigraphié sur un coffre de bois ou de carton. Le carton ne laisserait aucune empreinte écologique comme aiment le penser les adeptes de la protection de la Nature (qui est  bien  plus vieille qu'eux et accepte néanmoins ces petits gestes avec politesse). On pouvait aussi les brûler directement au four crématoire sans les transférer du cercueil loué dans la boite à pizza de carton blanche. Même la peinture ne produisait aucun gaz dangereux en crâmant.
Elle avait même préparé le roman imaginaire appelé plan d'affaire si apprécié des banques et autres institutions financières gouvernementales peuplées de fonctionnaires sans imagination. Elle prévoyait donc des profits. Et un nombre de cercueils vendus correspondant à ces profits. Dans les règles de l'art de l'affabulation.
Elle était donc à la séance du Conseil pour quêter une subvention au, au pire, ou faute de mieux, une lettre d'appréciation de ce sage organisme qui ferait bien dans son dossier de crédit à la Banque.
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20. 30 août 2012. État 2