Les murs du sous-sol sont en pierres des montagnes équarries comme à la hache, juste assez droites pour être empilées avec du mortier. Et assez lourdes pour être portées et soulevées par 4 bras. Ils ont 3 pieds d'épais et sont de la hauteur d'un grand homme. Et se continuent jusqu'à l'étage. Au sommet des murs, on a posé les immenses poutres d'un seul tenant et d'un seul arbre soutenant l'étage et son plancher de planches et toute la maison. Quelqu'un avait déjà dit qu'on pouvait y faire circuler un tracteur. Il aurait seulement fallu des portes plus grandes pour le faire entrer. Mais il aurait circulé avec une charrette de foin.
C'est là qu'on cordait les bûches de bois sec pour l'hiver. Coupées l'année dernière et séchées dehors jusqu'à ce que, l'année suivante, on décide de les rentrer avant qu'elles ne pourrissent. Dans un autre coin, il y avait le caveau où on empilait les patates des champs des environs avec un recoin pour les carottes dans le sable. Ce qui pensait-on les conservait. 10 poches de 50 livres de patates. Moins pour les carottes. Et encore moins pour les oignons et les navets.
Il y avait aussi au centre le vieux puits de pierres des champs au-dessus duquel on avait bâti la maison.
Plus petites que les gros blocs taillés des murs de la fondation. Toutes rondes ou plutôt ovales comme des oeufs et utilisées telle quelle sur un lit de mortier. Roches sorties des terres au printemps, première récolte absurde qu'il fallait ramasser à la main à chaque nouvelle saison avant de labourer pour ne pas abîmer les socs des charrues et les sabots des boeufs ou des chevaux.
La première maison était un abris contre la mort. Un refuge coupé dans les arbres environnants. Le plancher posé sur les souches sciées. Après qu'une épouse ait trouvé désagréable de marcher dans la terre ou la boue. Les femmes sont comme ça.
Cette cabane de bois rond se trouvait alors à côté du puits que l'on creusa bien après quand les femmes et les filles furent fatiguées d'aller à la source quelques milles plus loin et qu'un nouveau citoyen puisatier et sorcier/rebouteux/ramancheur à ses heures découvrit avec sa branche de coudrier une source nouvelle plus profonde mais pas trop. Il suffisait de creuser.
La première maison s'allongea au fur et à mesure des besoins. On l'étira, lui ajoute des appendices. Une première étable. Elle n'avait qu'un étage malgré ses tentacules car les murs n'étaient pas assez forts pour supporter autre chose qu'un toit de paille.
L'installation dura bien un siècle.
La seconde maison engloba l'ancienne maison dont il ne restait que quelques traces noires et son puits.
Qui se retrouva dans la cave. On le recouvrit de planches lorsqu'une fillette s'y noya. Et d'un couvercle de madriers avec de solides charnières, une robuste chaîne et un cadenas noir lorsqu'une seconde fille s'y noya. Et on rabattit la tour de pierre du puits presqu'à ras du sol pour la sceller d'une vieille meule de moulin à farine en pierre lorsqu'une troisième fillette s'y noya.
Sans que personne n'ouvre le couvercle, le cadenas ou ne se serve de la clé qui ne quittait jamais le cou du père. Clé en un seul exemplaire. Elle était encore autour de son cou attachée à une corde de lin tressée lorsque cette nuit là, sa femme qui ne dormait plus, entendit le cri venant de la cave.
Il alluma sa chandelle et descendit avec son pistolet à poudre armé. Le couvercle était toujours en place, abaissé comme lorsqu'il l'avait vérifié et testé avant de se coucher. Comme il faisait tous les soirs. Depuis que. Depuis que.
Le cadenas fermé. Barré. La chaîne intacte. Rivée encore par l'anneau de fer boulonné sur le couvercle de bois et l'anneau de fer rivée et pris dans le ciment des pierres des la margelle.
Pendant qu'il descendait les marches, il entendait les cris, longs et terribles et les échos des cris de la fillette dans le puits sous les planches du couvercle. Cris de terreur qui lui brisaient le coeur.
Il n'y avait rien dans la cave, sauf le maudit puits avec son couvercle enchaîné et barré par le cadenas. Et les madriers intacts. Même pas mouillés ou humides.
Et les cris sous le couvercle.
Et les sons de l'eau battue par ses bras.
Sa dernière fille.
Il tremblait tellement qu'il ne pouvait entrer la clé dans le cadenas. Il dut arracher l'anneau de fer et le bois qui le retenait avec un levier de fer. Il jeta les morceaux de couvercle et put apercevoir le visage de sa fille à la lumière de sa chandelle car le niveau de l'eau était très haut à ce moment. Il aurait presque pu la toucher. Elle aurait presque pu attraper la main qu'il lui tendait.
Il leur manquait si peu.
Elle le regardait de ses grands yeux luisants.
Elle l'appela une dernière fois au secours avant de couler. En avalant de l'eau et en étouffant.
Ses longs cheveux roux flottèrent un moment comme des algues avant de disparaître.
Les parois intérieures du puits étaient lisses et humides; il était impossible de s'y agripper et elle n'en aurait pas eu la force. Les roches rondes et gluantes ne présentaient pas assez d'aspérité pour qu'elle les serre suffisamment avec ses petits doigts déjà glacés.
Lorsqu'elle réapparut, ses ongles étaient en sang. La dernière image qu'il put voir à la chandelle fut ses bras qui dépassaient de la surface de l'eau, puis ses mains et ses ongles arrachés. Elle coulait de nouveau suivie de ses longs cheveux roux.
Quelque chose cria en lui.
Il actionna la manivelle et déroula la chaîne du treuil et jeta le seau dans l'eau. Lentement, il fit entrer le seau de bois cerclé de fer dans l'eau pour qu'elle puisse s'y agripper. Même s'il était trop tard.
Comme la manivelle et le treuil n'allaient pas assez vite, il s'agrippa à la chaîne et la tira à grands coups d'épaule, la forçant à se dérouler toujours plus vite, projetant des mètres de mailles de fer dans l'eau noire. Au risque de l'assommer si encore elle était encore consciente.
Sa mère avait déjà réveillé ses fils. La mère des fillettes amenait une lampe à l'huile en tremblant. Tout ce qu'elle pouvait dire c'était : non, ce n'est pas possible. Non, ce n'est pas possible.
Les fils trouvèrent leur père stupide, figé sur place, regardant le cercle d'eau noir tranquille. Son cerveau avait cessé de fonctionner.
Sa mère venait de mourir en déboulant l'escalier des chambres mais personne ne l'entendit.
Le plus jeune actionna la manivelle pour faire remonter le seau. Et toute la longueur des chaînes tombées au fond. Ordonna au plus vieux de le descendre dans l'eau lorsqu'il aurait mit le pied dans le seau. Et on le fit descendre jusqu'au niveau de l'eau et, ensuite, sous l'eau. Personne ne savait nager dans la maison et il aurait été impossible de le faire tant le puits était étroit. Mais il était possible de retenir sa respiration autant qu'il serait nécessaire. Il fallut se mettre à 2 sur la manivelle pour les remonter. Il agrippait sa petite soeur dont l'âme s'était déjà envolée.
On attela la carriole pour aller chercher le médecin. Et une autre carriole pour aller chercher le curé.
Le médecin qui venait de veiller une nouvelle mère bien lente qui avait mis 24 heures pour accoucher était endormi sur sa chaise berceuse. Arrivé sur place, il ne put que dire que tout ce qui avait pu être fait l'avait été.
Le curé donna les derniers sacrements et prononça quelques paroles d'encouragement à la famille. La mère qui venait de perdre 3 filles était devenue folle. Le père revenu brièvement de son égarement semblait menacer quelque chose dans le fond du puits avec son pistolet. Il tira même sur une ombre et un reflet. Le bruit de la poudre enflammé fut terrible dans la cave. La balle de plomb entra dans l'eau. Et rien de plus.
Le tout était inexplicable. Et on ne chercha pas à l'expliquer.
Même le curé qui avait béni la maison et les récoltes et qui revint pour la purifier et en chasser les démons n'avaient pas d'explication.
Le Démon était l'explication la plus sûre car le Mal était partout. Mais il ne s'agissait pas d'un vrai Démon qui a une volonté, une pensée, des ailes pour se déplacer, des bras pour faire mouvoir les choses inamovibles, un esprit puissant pour faire agir les êtres contre leur volonté et leur conscience ou leur apparaître dans leurs rêves ou troubler leur âme en leur laisser voir leurs désirs les plus intimes et les plus secrets (car contrairement à Dieu, le Diable ne jugeait jamais) comme si c'était vrai.
Ou les faire traverser les murs.
Car les phénomènes physiques voulus par Dieu ne pouvaient être renversés par Satan. Par Sa Volonté, IL pouvait permettre des miracles dans certaines circonstances mais Il ne laisserait pas son Ennemi Éternel usurper de cette prérogative.
Le Démon, Satan, Lucifer, Bélial, Belzébuth, Moloch, n'était qu'un Ange déchu bien inférieur aux anges véritables. Il ne se pouvait pas qu'IL soit comme l'égal de Dieu dans une sorte de combat perpétuel à l'issue incertaine. Le Bien contre le Mal.
Comme chez les hérétiques Manichéens. Que l'Église dans sa Sagesse a brûlé en ses adeptes, apôtres, temples et livres impies. Et dont la mémoire s'est envolée dans la cendre des bûchers et des incendies bienfaisants. Stérilisant à jamais ce rameau sauvage des folies superstitieuses païennes antiques.
Avec comme pour chaque parti, ses champions, ses chevaliers, ses adeptes, ses apôtres et ses saints. Non.
Le Diable était plus qu'une idée. Le Diable existait mais de loin. Infirme. Soumis. Misérable et Invalide Estropié tentateur. Agissant de son esprit malade sur les esprits faibles et sans conseil. Par la permission de Dieu afin de s'assurer de la fermeté de ses fidèles.
Mais les plus fervents auraient leurs âmes sauvées. IL n'était dans ce sens qu'un instrument de Dieu. Et à la Fin des Temps, devenu inutile puisque le Monde aurait vu sa fin et les hommes et les femmes vivants et morts, jugés définitivement. Il serait rejeté irrémédiablement, irrévocablement dans les entrailles de l'Enfer. Comme on jette aux ordures les poteries brisées et désormais inutilisables.
Tout ceci était rassurant quand c'était bien raconté. Peut-être le curé n'eut-il pas les mots qu'il fallut.
Le père des 3 fillettes fut si désespéré du sort qui s'acharnait sur lui d'autant plus que certains voisins le regardaient depuis longtemps d'un air accusateur qu'il se pendit. Il vissa un fort crochet sur la poutre au-dessus du puits et y accrocha la corde. Mais ensuite le puits ne fit plus d'autre victime.
La mère qui était déjà folle de la mort de ses 3 filles fut encore plus folle après celle de son mari. Mais comme les femmes folles ne manquaient pas dans le rang, on ne dit d'elle pas plus de mal que d'habitude. Les femmes qui n'étaient pas encore folles furent les pires. Ce qui donna au curé un sujet pour son prêche du dimanche: La calomnie, la médisance et le jugement téméraire vices de l'âme éloignent du Salut.
Ils recevaient à son tribunal de bois grinçant, le confessionnal de l'église ou de la sacristie (plus neuf et dont l'agenouilloir ne grinçait pas trop), toutes ces jalouses et savaient de quoi elles étaient capables si on ne les calmait pas. Et quelques-unes qui avaient bien écouté ses prêches se servaient même de ses paroles de consolation contre lui. Répétant à contre temps que tous ceux qui s'élèvent seront rabaissées. Ou celles. Car Dieu aime les petits et les humbles. Et il frappe les forts et ceux qui redressent la tête jusqu'à ce qu'ils courbent le dos et ploient les genoux. Et elles aimaient beaucoup que Dieu soit de leur avis.
On relisait avec satisfaction le destin de Job.
Les voisins qui soupçonnaient le père se mirent à soupçonner les filles - on sait de quoi sont capables les femmes- et allèrent une nuit déterrer leurs corps au cimetière qu'ils pendirent à un arbre de la forêt. Pour venger leur père. Depuis ce jour, le sentier qui y mène s'appelle le sentier des 3 fillettes sans que plus personne n'en sache l'origine. On imagine alors une légende charmante. Et peut-être un prince.
Le trou au centre de la meule n'était pas assez grand pour laisser passer autre chose que le bras ou la main d'un enfant. Et on remarqua qu'ensuite plus personne ne se noya.
Il y eut bien d'autres morts. Parfois tout aussi inexplicables. Mais plus jamais par noyade.
Certains saluèrent la technique, d'autres le fait d'avoir pendu ces 3 futures sorcières, d'autres l'intervention bénéfique du curé, d'autres le suicide de leur père qui prouvait la sincérité de son chagrin ou l'ampleur de sa culpabilité.
Ce genre de chose ne pouvant se produire chez un bon chrétien sans que l'influence du Malin n'y soit pour quelque chose. Et la complicité de quelques humains. D'où les soupçons sur les fillettes, le père. Et finalement la mère. Qu'on avait épargnée jusqu'à présent tant le chagrin l'avait rendu folle. Mais on en vint à se souvenir de certains airs, presque de supériorité chez cette femme qui était née dans le vieux foin comme tous les pauvres mais avait vu son sort prévisible et tracé au burin de fer jusqu'à sa mort, changé par son mariage avec le fermier le plus riche de la région. Une telle injustice avait fait douter chez certaines de la Justice de Dieu. Car cet homme robuste, énergique et puissant faisait l'envie de bien des soupirantes.
On discuta. Chuchotant que chez certain, cette richesse ne pouvait avoir qu'une origine malsaine. Et il se pouvait qu'elle exige ou se paie de quelques sacrifices sanglants. Les enfants innocents pouvant être la monnaie du Diable par quoi on payait les pièces d'or qu'il vous donnait en échange. On se remit donc à croire les fillettes innocentes. Et à les plaindre. Et quelques-uns qui les avaient pendues furent retrouvé la tête fendue.
Et la mère qui ne se consolait pas malgré les prières du curé et du vicaire et les cierges et les lampions des paroissiennes les plus dévouées et qui terrorisait tout le monde par ses pleurs incompréhensibles.
On était dans une époque dure et le chagrin comme toute chose avait son temps. Un début qui devait être compréhensible et une fin prévisible. Il en mourait tant et de tout âge: bébés, enfants, adultes aussi bien des hommes que du bétail par les maladies, les fièvres, les chevaux ou les boucs furieux. Et les chiens ensauvagés. Et les loups. Car il y avait encore des loups. Et des ours. Ou un arbre coupé ou une branche morte. Ou étouffé dans un trou sans fond du foin du fenil. Ou un méchant coup de hache sur un pied ou un coup de faux maladroit. Ou une fourche à foin lancée dans la charrette à foin après la journée de travail et qui traverse le ventre d'une fillette qui dort dans l'odeur apaisante du foin et du trèfle fraîchement coupés. Qu'il fallait bien que les survivants se ressaisissent. La vie continuait.
Après un certain temps, il était normal qu'une veuve encore jeune, vaillante et utile se remarie avec un veuf. Un jeune homme pourrait être troublé par les connaissances inopportunes d'une femme d'expérience.
Si les enfants étaient en bas âge, c'était d'autant plus urgent. Et une maison ne pouvait être laissée sans soin pendant que l'homme était au champ ou à l'étable. Une maison sans femme ni épouse n'était pas un foyer mais un hangar ou une cabane pour des passants sans racine. Et que dire des enfants abandonnés à leur sort.
Et une femme sans maison était un pauvre esprit halluciné dont la tête vidé sans lest pour la river au sol allait au gré des vents comme les feuilles mortes à l'automne.
Une femme avait impérieusement besoin de quelque chose à épousseter.
Mais allait-on épouser une folle? Elle était encore jeune malgré son âge et paraissait assez bien malgré les rides et les ravages du temps, les naissances et bien des hommes avaient fait pire. Elle était ronde, presque grosse à une époque où c'était un signe de santé pour une bonne travaillante et la maigreur une maladie qui prouve que vous ne passerez pas l'année ou signe qu'on ne mangeait pas tous les jours. Et que vous ne passerez peut-être pas l'année.
Malédiction familiale qui vous contamine, car les gens qui ne mangent pas tous les jours se reproduisent malgré tout comme tout ce qui vit. Peu importe si ce n'est pas pour bien longtemps.
Preuve tatouée dans la peau comme au fer rouge que vous n'êtes pas assez intelligent pour apprendre à vous débrouiller vous-mêmes. Trop paresseux pour même trouver et garder un médiocre employeur qui vous jugeant utile consentirait au moins à vous nourrir. Et que vous pouvez même voler. La police, quand il y en avait, surveillait particulièrement les pauvres en haillon et leurs innombrables taudis qui infectaient les villes de leur laideur et de leur puanteur. Et les maigres qui en suintaient et que l'on disait capable de tout.
À sa place, tant de femmes étaient devenues difformes. Et les exemples ne manquaient pas. Et folles en plus. Car les folles ne se comptaient plus, c'était presque une condition naturelle de leur sexe. Qui permettait à leur époux d'élever leur âme comme on redresse à la flamme et affute à la lime d'acier une tige de fer. Et elle avait du bien. Son corps encore utilisable et son or attireraient tous les chiens renifleurs des environs.
Mais certains fils considéraient que cet étranger menacerait leur héritage. Devenus adultes, ils étaient impatients. Et il n'était pas dans nos traditions de faire comme en Inde où on a réussit à convaincre les épouses veuves de se jeter d'elle-même avec satisfaction et sans amertume dans le bûcher funéraire de leur époux. D'abord, malgré son utilité, le bûcher n'était plus dans les coutumes. Sauf dans les époques plus anciennes aux valeurs plus affirmées où on brulaient vivantes les sorcières.
Ce qui faisait que d'un côté, on l'encourageait à se remarier parce qu'une femme sans homme à cause de son corps furieux risquait de perdre la raison. Bien sûr, on dira que c'était déjà fait mais ce pouvait devenir encore pire. Elle pouvait tout à coup se mettre à penser. Pire, à lire.
Pas plus qu'une génisse ouverte ou une vache qui a déjà mise bas ne devait rester sans être saillie. Régulièrement. Ce sexe constamment ouvert, au contact de l'air et des tissus trop doux, qui semble parler, respirer ou remuer sans cesse sous ses jupes dans une pénombre chaude, humide et complice ne pouvait qu'attirer le Démon. Attiser la concupiscence charnelle. Et troubler le bon ordre du village et de la paroisse.
Son sexe vide devait être régulièrement pénétré, rempli, comblé sinon il lui monterait à la tête. On avait vu ça tant de fois.
Mais le fils aîné devint amer et sa femme aussi, encore plus impatiente que lui, qui lui mettait toutes ces sortes d'inquiétudes en tête. Comme s'il n'en avait pas assez. Jour et nuit, elle rongeait son esprit. Jusqu'à ce qu'il tue sa mère. Évidamment les soupçons se portèrent sur lui. Certes, on le comprenait car sa mère pleurait tant que c'en était devenu insupportable. Ses frères le pendirent au même crochet que leur père avant que les voisins ne le fassent. Et on alla jeter sa femme au lac voisin dans un sac de patates de jute lesté de pierre.
Pour faire entrer la pierre ronde de plusieurs tonnes, on avait ouvert le mur de la fondation là où il y avait déjà la porte pour le bois et les patates et on décida que c'était une bonne chose d'avoir une porte plus grande qui permettrait au besoin de faire entrer un cheval. Pourquoi un cheval, le fils de son malheureux père n'en avait aucune idée à ce moment mais ça lui semblait une bonne idée. On ne se serait pas donné tout ce mal pour rien.
Le trou au centre de la meule par où avait été fixé le mécanisme ancien du moulin servit pour faire passer le tuyau lorsqu'on remplaça le treuil et le seau par le tuyau de fer menant à la pompe à bras à côté de la grande pierre noire servant d'évier; pierre à peine entaillée et creusée à la masse de fer et au burin de fer dont une partie défonçait le mur de pierre de la maison et émergeait sous la fenêtre à l'extérieur servant de gouttière ou de déversoir puis par le plus grand évier de pierre blanche soigneusement sculpté et poli de la cuisine qui fut remplacé à son tour par un évier simple en fer émaillé puis un évier double en acier inoxydable dont le tuyau menait à une pompe électrique et son réservoir. Et un chauffe-eau électrique. Qu'on avait érigés sur un socle de béton.
On remplaça les tuyaux de fer vissés par des tuyaux de cuivre soudés ce qui permettait d'avoir de l'eau courante aux étages.
Tout le reste du sol de la cave était en terre. Ce qui maintenait l'endroit frais sans être humide même lors des journées les plus chaudes de juillet. Les larges et immenses murs de pierre aidaient aussi à repousser la chaleur comme en d'autres temps on avait chassé les sauvages à travers des murs similaires. On agrandit les fentes étroites des meurtrières par lesquelles on tirait au mousquet lorsque les plus courageux des indiens furent tués et qu'il ne resta que ceux qui préféraient vivre. Elles devinrent des fenêtres et une porte. La première.
Dans un autre coin, un autre socle de béton, vide celui-là, où avait reposé pendant une génération le réservoir d'huile à chauffage. Devenu inutile lorsque le prix du pétrole dépassa les bornes. Et qu'on décida de rééduquer les Arabes avec une bombe atomique.
On changea la fournaise à plaques de fer soudées par le modèle le plus récent permettant le chauffage à eau chaude avec de petites pompes de circulation qui ronronnaient régulièrement comme plusieurs chats contents ce qui permit de conserver les vieux calorifères de fonte de la maison.
Ce qui permit d'aligner des barres de savon noir du pays sur les calorifères pour qu'elles durcissent et durent plus longtemps.
Mais on ne garda pas la vieille fournaise à bois et ses plaques de fonte parce qu'on était fatigué d'empiler sur les murs de pierres les 15 cordes de bois permettant de passer l'hiver et d'attendre l'été. On la déboulonna et la sortit en pans, morceaux et pièces détachées. Il ne resta qu'un autre socle de pierres aboutées tant elle était antique et ancienne.
Dans chaque coin, il y avait des traces de ce qui avait été, de ce qui avait été oublié, de ce qui aurait pu être, de ce qu'on avait essayé et raté.
Alors qu'il n'en restait plus rien, un vieux avait décrit l'endroit où se trouvait la forge du maréchal ferrant. Sa cheminée murée. Comme s'il la voyait encore après tout ce temps. Même si toutes les traces avaient disparues.
Le forgeron avait eu du succès ce qui le força à déménager son atelier à côté de la maison dans l'étable à cochons qui ne servait plus à rien faute de cochon. Il y avait là un immense foyer pour l'énorme chaudron servant à cuire le repas du jour des grosses bêtes. Elles avaient toutes été égorgées puis la bâtisse demeura vide jusqu'à ce que le forgeron la transforme d'étable en écurie. Et réutilise la cheminée pour sa forge.
En plus du ferrage des chevaux, il faisait celui des boeufs, des roues de charrettes. Le cerclage de métal des tonneaux et des roues de bois qui avaient tendance à perdre leurs rivets et à s'ouvrir avec le temps. Et les fers des patins des traîneaux à chevaux d'hiver. Pour la messe, le bois, les sucres. Puis il tenta sa chance dans les ferrures décoratives pour les fermiers les plus riches et les notables. Et les croix des chemins, les chapelles et les églises.
Il fut heureux à ce qu'on dit. Se maria. Sa première femme mourut en couche comme il arrivait souvent.
Il se remaria rapidement avec la fille du fermier le plus proche évitant à celle-ci de devenir religieuse, profession des femmes en surnombre. Comme on disait: mort d'une vache, désespoir dans la maison. Mort d'une épouse, joie dans la demeure: funérailles en hiver puis mariage au printemps.
En cadeau de noce, il reçut pour l'entretien de sa femme quelques terres qui aboutaient ses propriétés. Et il garda ces terres à laquelle s'ajouta d'autres champs: le nouveau cadeau du père de sa nouvelle femme. Qui par le plus grand des hasards était un autre voisin.
Celle-ci hérita des enfants de la première qu'elle ne maltraita pas trop (les femmes sont jalouses et ce n'est pas leur moindre défaut et il leur arrive (arrivait) souvent de tuer les enfants de celle(s) qui l'avai(en)t précédée(s). Ou de faire de leur vie en enfer.
Ce n'est pas pour rien qu'on a dit longtemps que les femmes sont les plus fidèles servantes de Satan.
Et, encore de nos jours, les meilleures fournisseuses de clients pour les psy: fils et époux.
Plus résistante que la première, elle accoucha plusieurs fois et la plupart de ses enfants survécurent à la naissance.
On en trouva enterré ici et là près du pommier du jardin.
Et quelques-uns arrivèrent à la vingtaine sans avoir eu les os broyés par un cheval qui ruait. Ou en gardant leurs 2 yeux. Un cheval pouvait aussi bien vous casser la mâchoire, vous enfoncer une joue comme vous crever un oeil. Vous défoncer le crâne. Ou c'était un boeuf que vous ferriez qui vous écrasait un pied ou vous broyait le crâne, les côtes, les vertèbres et le bassin contre le mur.
Il était surprenant de constater en écoutant les vieux combien il y avait peu d'hommes entier devenus adultes qui n'avaient pas un bras ou une jambe cassée, réparée à la sorcière avec un bout de bois ou une branche, de l'écorce ou des amarres, ressoudée tout croche ce qui leur faisait des membres difformes comme des racines ou des vieux troncs ce que personne ne constatait tant qu'ils n'otaient pas chemises ou pantalons ce qu'aucun homme adulte ne faisait sauf pour son bain mensuel.
Une autre forme de pudeur était réservée aux violeurs qu'on avait fouettés pour leur crime. Marins et soldats avaient ces habitudes que certains trouvent répréhensibles tant les moeurs se sont ramollies avec le temps. Les femmes depuis toujours sont les proies des vainqueurs sur tous les champs de bataille du monde et on pardonnait aux soldats victorieux de fêter comme il se devait la défaite de leur ennemi dans le ventre de leurs femmes. De leurs veuves. Ou de leurs filles. De toutes ces orphelines. Encore mieux, sous la potence où était accroché leurs anciens époux encore chauds.
Mais il arrivait que certains chefs trouvaient que certains de leurs hommes prenaient trop cette habitude qui nuisait au bon ordre du camp en faisant des jaloux et on les faisait fouetter attachés à un mat ou à une roue de canon. Maniés comme il se devait, le fouet laissait des traces indélébiles sur les chairs et les dos. Et le puni du jour les porteraient toute sa vie durant. Aussi une pudeur bien compréhensive ou la crainte du froid ou d'un méchant courant d'air faisait éviter à ces hommes de travailler torse nu.
Il arrivait que l'on pende les violeurs mais c'était aussi se priver d'un bon marin. Il fallait soupeser le pour et le contre. Et on n'avait aucun scrupule à pendre un mauvais. Par contre voler une vache ou un cheval ou un tonneau de porto vous menait à la branche la plus haute rapidement. Il y a des choses qui se comprennent et se pardonnent et d'autres choses qui se comprennent tout aussi bien mais ne se pardonneront jamais.
Ils furent heureux comme on dit.
Les enfants moururent ou grandirent. Se marièrent et partirent de la maison pour bâtir la leur.
Certains essayèrent d'assister leur père qui leur apprenait le métier à l'ancienne en criant, grognant et soupirant. Ses seules paroles étant pour se demander ou demander au ciel comment il avait pu engendrer de tels idiots qui ne comprennent rien sans qu'on leur explique. Ce qu'il était bien incapable de faire. Ou comment leur mère, accessoirement sa femme (pas cette journée-là) avait pu aussi bien rater leur éducation.
Il avait lui-même appris son métier auprès de ces gens à qui il n'est pas nécessaire de tout expliquer. Et qui ne comprennent pas pourquoi ils devraient le faire. Il avait vu, espionné, compris. Copié. Raté. Imité. Recommencé. Car dans les techniques artisanales comprendre ne suffit jamais. Il faut que le cerveau descende dans les bras jusqu'au bout des doigts. Il faut pour cela généralement 15 ans.
On le formait en le battant, le récompensant d'un silence lorsqu'il avait réussi et en le traitant d'abruti et d'incapable ou de chien lorsqu'il gaspillait du fer, du charbon, du feu, de l'eau. Du temps. Si précieux. Ou faisait mal à un cheval. Et tant pis pour lui si le cheval ruait ou le boeuf le broyait contre un mur.
Comme on disait alors lorsqu'on parlait: c'est le métier qui entre.
Et que son maître était trop fatigué pour le jeter à terre et le battre au sang.
Jusqu'à ce qu'il puisse imiter son maître. Ce qui ne suffisait pas. Jusqu'à ce qu'il aille aussi vite que son patron qui pouvait enfin lui laisser son atelier pour aller visiter les fermes et chercher de nouveaux clients et relancer les anciens. Ou se saouler.
Bref, artisan habile, bon commerçant mais mauvais professeur, il ne put s'entourer que d'hommes engagés, journaliers et employés qui l'aidaient comme ils pouvaient. Ses frères et ses fils le fuirent aussi loin qu'ils purent. Ses filles qui ne servaient à rien sauf aux voisins s'en allèrent elles-aussi.
Il se retrouva vieux et seul lorsque sa femme mourut en priant.
Vieux et faible, il parcourait la forge froide et l'étable à chevaux vide. Il la fit démolir. Ou déconstruire car c'était du bon bois. On désassembla les poutres et les colonnes qui furent remontées ailleurs en poulaillers ou étables à vaches.
Et il mourut comme s'il n'avait pas vécu. Ne laissant rien. Son étable-atelier disparu, on vida ce qui restait de son ancienne forge de la cave. Les derniers souvenirs s'en allèrent à l'ancan. Il en resta bien quelques-uns dans la tête de quelques fils ou petits fils d'artisans qui vinrent réparer la cave en parlant autant qu'en travaillant.
Les chevaux qu'il avait ferrés étaient morts bien avant lui. Les roues de chariots, de carrioles ou de calèches rouillèrent, cassèrent ou pourrirent. Les clôtures et grilles de fer forgé s'en allèrent chez des collectionneurs quand on rénova les maisons qu'elles avaient décorées.
Tout ce passé était inutile.
Voilà qu'arrivait le progrès. Ou son premier visage, l'automobile. Dont le premier exemplaire qui arriva dans le village écrasa un de ses petits-fils ce qu'on trouva à la fois triste et normal car les esprits avaient reçu une nouvelle éducation pour remplacer l'ancienne afin de s'adapter à l'époque moderne.
Celle-ci leur faisait encore considérer criminel un homme rendu fou par l'alcool et qui tue sa femme à coups de hache ou perfore des paroissiens avec son fusil de chasse. Tandis que le meurtre accidentel d'un piéton par une auto devait être vu comme un accident. Triste mais pardonnable.
Un signe de Dieu.
Une malchance. Pour tous les 2. Car le chauffeur avait brisé sa belle auto.
Même si le conducteur était lui-aussi ivre ou fou. Il y a ainsi des choses qui sont scandaleuses et d'autres qui sont tristes étant passées dans le domaine de l'inévitable ou du coup du sort comme le marcheur qui se fait électrocuter par un éclair.
Il n'avait qu'à ne pas être là.
Cette petite histoire résume l'espace de la double cheminée de la cave. N'étant pas un grand homme, il n'y eut jamais de plaque expliquant qu'ici avait vécu un homme ordinaire, qui fut un grand forgeron et qui mourut un jour.
On ne sait pas où il est enterré. Puisque ses frères et ses fils oublièrent de payer la Fabrique pour l'entretien de son lot. Ainsi on l'expulsa lui-aussi et on le réenterra quelque part sur la pile d'os de la fosse des exclus.
Par contre, lorsqu'on bêche autour du pommier mort du jardin, on trouve encore des tas de squelettes de bébés morts.
Il y aurait tant de choses à dire sur ce pommier mort et tordu.
La médecine de l'époque ayant encore à faire de nombreux progrès avant qu'un nombre raisonnable de femmes survivent à l'accouchement et qu'un pourcentage suffisant de bébés se sortent intact de ce premier jour de leur vie.
La plupart étant sortis par lambeaux de l'intérieur du ventre de leur mère à quoi ils s'accrochaient désespérément. Le médecin du village muni de pinces, de ciseaux, de griffes et de couteaux explorait le ventre de leur mère pour les en arracher morceaux par morceaux. Les déboitant comme les pièces mobiles d'un jeu.
Le jeu de la vie où ils avaient perdu dès leur premier jour.
Et quand la tête était trop grosse, il utilisait un vilebrequin médical pour la perforer.
Le vilebrequin médical outil moderne, scientifique, allemand et indispensable pour les accouchements malheureux était toujours prêt, avec ses mèches et forets bien rangés dans une élégante boite de bois exotique, son mécanisme délicat et ses rouages fins de cuivre et de laiton lisse protégés par de la soie.
La philosophe des Lumière éclaire d'une faible lueur nos pas.
Depuis qu'on avait décidé de sauver les femmes à la place de leur bébé.
Décision récente. Controversée. Trop nouvelle pour être passée dans les habitudes. Qui avait provoqué bien des débats et combien d'amertume.
Car si les femmes sont programmées et emboitées pour faire des bébés, il arrive que la nature les rate. Ce ne sont plus alors que des malheureuses inutiles répandant le malheur autour d'elle.
Chez leur pauvre mari. Et leurs misérables enfants.
Elles ont pu être femme dans leurs diverses vies, arrivant même à faire des bébés ce qui n'était pas donné à toutes (encore une autre erreur de la nature) mais au moment suprême qui était l'accomplissement de toute leur vie, ce pour quoi on les élevait depuis qu'elles étaient fillettes, elle ratait.
Leur corps était imparfait, insuffisant.
Inutilisable.
Il fallait alors prendre une décision. Sauver l'enfant. La nouvelle vie qui remplacerait les anciennes. Ou sacrifier l'ancienne. La mère.
La mère qui venait de prouver son incapacité essentielle, fondamentale, irrévocable, primordiale.
Elle ne pouvait rendre l'enfant, ne pourrait pas en avoir d'autres.
Elle mangeait de la bonne nourriture pour rien et mangerait encore.
La solution était radicale.
On lui ouvrait le ventre avec un couteau adéquat (les meilleurs étaient Suisse) et dans sa sacoche, le médecin accoucheur avait un présentoir de tissus épais soigneusement tissé au métier où diverses lames de toutes longueurs, parfois fines ou courbes étaient rangées chacune dans leurs doubles pochettes de tissus ourlés.
Il y avait quelques scies délicates.
On fermait et roulait le tissu pour les ranger et les garder en place. Et on attachait le tout avec 2 bons lacets et une boucle.
Ou déroulait et dépliait le tout sur une table basse près de la patiente.
Et on en sortait comme d'un berceau de chair rouge et sanglante le bébé furieux.
La science médicale de l'époque ne permettait pas de recoudre une telle plaie. Et encore moins de la cicatriser. La cautériser au fer rouge ne donnait rien. Et la recoudre non plus.
On avait essayé.
Et même avant que le tout soit possible, l'infection s'y mettait. La puanteur des chairs mortes dans ce corps encore vivant faisait que seuls les prêtres et les gens autrefois amoureux oseraient s'approcher de celle dont la tombe attendait dans la remise. Ou en bas sur les tréteaux du salon.
Si sa tête fonctionnait encore malgré la fièvre, elle devait dire des paroles prévues pour un tel moment, sans amertume, tristesse, désespoir.
Idéalement, profiter de ces instants où tous étaient attentifs pour consoler ceux qui restaient sur terre.
Être dans ces terribles moments un exemple, un modèle, pour ceux qui la veillaient. Ceux qui plongés dans l'affliction pouvait se mettre à douter de la justice du ciel, du pouvoir de l'Église et de la bonté de Dieu. Et sombrer dans l'amertume. Elle ne pouvait donc se laisser aller au désespoir ou à la douleur. Sa peine serait un enseignement. Sa souffrance ne lui appartenait plus. Comme sa vie. Car, pour elle, son bref séjour terrestre serait bientôt terminé: il ne restait qu'à être encore patiente si peu de temps encore et elle arriverait à l'étape du jugement où on pèserait sur une fine balance à double coupelle ses bonnes actions et ses mauvaises. Ses pensées de toute une vie. Et les pensées des autres qui l'avaient vue et les scandales qu'avaient provoqués chez ces autres sa conduite. Malheur à celui ou celle qui scandalise les enfants et les esprits simples.
Ensuite, elle allait vers un monde meilleur d'où elle pourrait veiller sur ses proches.
On ne pouvait que soulager son mal en lui glissant un chapelet dans les mains.
Et avec de l'alcool.
L'éther et le laudanum n'avait pas encore été inventés. Ou s'il l'était quelque part, ne s'étaient pas encore rendu dans son village.
Et l'usage de l'opium pourrait choquer les âmes sensibles.
Et il était écrit dans la Bible que la fille d'Ève, ayant été complice du serpent sournois, qui rampe dans le sol et qui épie sans cesse. À cause de cette curiosité qui toujours affligerait les créature de son espèce. Si faible devant la moindre tentation. Ce qui lui avait valu d'être chassée du Paradis Terrestre.
Et comme si ce n'était pas assez, responsable du premier péché des hommes: le Péché Originel qui condamnait tous les hommes même les meilleurs à rôder infiniment dans les Limbes sans jamais trouver le repos. Ce qui obligerait Dieu, qui est juge mais aussi père, a envoyer Son Fils Unique sur Terre pour le racheter à lui-même, comme prix du péché des Hommes et de leur mère, Ève, au moyen de sa souffrance et de sa mort, seule monnaie acceptable, en mourant sur la croix.
Profond mystère.
Dans l'Ancien Testament, il est dit qu'Ève souffrira dans ses chairs les douleurs de l'enfantement:
«J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur»
«Je multipliera les peines de tes grossesses. Dans la peine, tu enfanteras des fils.»
C'était écrit.
Et toujours écrit.
Il n'y avait jamais eu de changement. Comme on pouvait encore le voir dans les éditions les plus récentes de la Bible.
Comment la science des hommes pourraient-elles penser soulager la femme qu'une telle fatalité afflige?
La science ne pouvait aller contre une malédiction divine qui avait valu à cet être de naître femme. Le reste n'étant qu'une suite de calamités bien méritées.
Car il était sacrilège de précipiter sa fin: toute vie appartenant à Dieu qui les avait créée et ne faisait que réclamer son bien.
Il suffit de si peu de chose pour ne plus respirer.
Parfois, on ne se décidait pas assez vite et le bébé resté coincé dans la vulve étouffait. Le coeur de la mère n'y résistait pas. Dans certains pays aux moeurs plus rudes où on confiait à la terre acide les chairs nues de façon à permettre un embaumement rapide et peu couteux, on ressortait les dépouilles momifiées que l'on habillait pour les ranger avec les autres dans les cryptes de l'église. Comme une assemblée de paroissiennes éternellement patientes qui prieraient silencieusement dans le froid et le noir de leur dernier refuge de pierre avec leurs fils et leurs filles au-dessus dans l'église. Ces parents et fidèles momentanément vivants et respirant et suivant la messe, au-dessus de la crypte, éclairés par les vitraux savants, sous les voûtes peintes d'enseignements utiles. Et certaines mortes sont encore visibles avec leur bébé mort sortant comme trompe de leur organe. Le fait que la morte soit décemment habillée de même que le bébé permettait de rendre ce spectacle civilisé et propice au recueillement et à la prière. Dieu avait tout donné et IL avait tout repris. Qu'IL en soit remercié.
Pourtant, la science et les connaissances s'ajoutaient à l'expérience. L'initiative individuelle, le commerce et l'expérimentation sur le vivant apportait de nouvelles pages et parfois des articles savants aux publications scientifiques.
Et de toutes les mauvaises une bonne idée surgissait. Et on oubliait les échecs. Prévenant discrètement les confrères et collègues qu'il fallait éviter ceci et cela. Comme on disait: un médecin enterre ses pires échecs. Ce que ne fait pas un tailleur maladroit.
Mais le malheur arrive.
Ainsi, il était arrivé qu'excédé de tant d'heures passées à veiller une femme rétive qui refusait de coopérer, le médecin tire sur le bébé qui n'arrivait pas à émerger de sa caverne sanglante. Ce faisant, il délivre avec succès le petit être. Ce moment tant attendu qui aurait dû le combler de joie et de bonheur ne dura qu'un bref instant tant le destin est changeant, instable, incertain car sa victoire était assombrie à cause de la défaillance de la mère. Il ne pouvait que rester les bras ballants devant l'ampleur de la catastrophe.
Car à son plus grand dépit, tout l'attirail féminin suivit. Ce qui aurait été hautement comique si les conséquences n'en étaient pas si terribles. Voilà qu'émergeait entre ses jambes rouges de sang écarlate et sur le drap, la veille tout blanc, l'organe féminin interne. Tout son système mécanique de reproduction. Vulve, vagin, utérus comme une large et grande trompe de plusieurs pieds. Ses secrets dévoilés. Son intimité aussi claire que sur une planche d'anatomie. Chose qu'on n'avait jamais vue. Événement surprenant et remarquable. Spectacle fascinant.
Il était impossible de remettre un tel attirail en place. Et si la femme survivait (heureusement, rares étaient celles qui avaient la résistance pour ce faire) elle serait condamnée à déambuler jusqu'à sa mort avec une trompe d'éléphant gigotante suintante entre les jambes.
Rapidement, on se communique cette erreur et on évita de la reproduire.
Mais on dit que dans bien des pays primitifs, innombrables sont les femmes dans une telle situation. Car les ignorants sont condamnés à répéter sans cesse les mêmes erreurs. Comme si ce n'était pas assez que leur nature intime soit devenue repoussante, les plaies qui ne guérissent jamais font que s'écoule sans cesse l'urine et les fientes et dans les coutumes de bien des nations croyantes et primitives, une femme dans cet état devient impure.
Déjà qu'elle urine et défèque ne peut que repousser les esprits sincères. Oui, une femme en santé et «normale» fait aussi cela. Tristesse, désespoir et dépit pour les poètes.
Elles qui prennent soin de boire et manger si délicatement. Avec tant de manières. À l'aide de petits bols et de minuscules cuillères. De petites tasses dans de jolies soucoupes ornées. Par petites bouchées discrètes, pincées, détournées comme dérobées. Et de préférence évitant d'être vue en public lors de ces moments intimes et hygiéniques où elles sont obligées de se nourrir et où elle sont si vulnérables.
Repoussantes.
La révélation de leur fonction naturelle, de leur bassesse irrémédiable troublerait des esprits non prévenus ou peu informés des réalités de ce monde. Ils les croyaient délivrés, s'élevant au-dessus de tous. Cruelle déception qui mena tant d'hommes au monastère.
Tout ce qui rappelle leur nature animale pouvait éloigner les jeunes hommes de nature poétique. Eux pour qui la Femme est un être éthéré si éloigné de la nature fangeuse, lourde, physique, matérialiste. Comme si boire ne suffisait pas. Il fallait qu'elle mange.
Et à son plus grand désarroi, sa consternation et à son horreur, s'il l'approchait plus qu'il n'était permis, il découvrirait et apprendrait que la nature l'a rendu malade, impure, esclave. Voilà que s'ajoute ses règles qui la rendent infirme.
Car, la malédiction Divine la poursuit toujours ou, la vengeance de Satan. Et elle perd son sang. Et on ne peut qu'être méfiant devant le phénomène et le mystère d'un être de qui coule régulièrement tant de sang sans mourir.
Terrible est le sort de la femme. Ce qui a poussé certains hommes trop délicats à chercher l'affection d'autres hommes pour leur goût de la lecture et d'une hygiène plus saine.
Et voilà que pour certaines se produit cette calamité. Mieux valu qu'elles fussent mortes. Et son contact et sa vue vous contamine de son impureté radicale. Il faut donc ou la tuer ou la chasser du village. D'autant plus que son mauvais caractère sera devenu affligeant et elle peut révéler des secrets aux jeunes filles innocentes au sujet des dangers de la maternité. Et de la connaissance des hommes. Mourir ou paralyser ou avoir un bébé mort-né ou difforme ne sont pas les pires des choses qui puissent vous arriver. Il y a des secrets intimes qui doivent mourir avec celles qui les possèdent. Voilà pourquoi pendant tant de siècles on cru bon de brûler tant de femmes.
Leur présence était devenue intolérable.
Heureusement, grâce à l'étude, les drames des pays primitifs restent confinés à ces lieux reculés.
Comme on a vu, on choisissait de sauver l'enfant puisque la mère était défectueuse et qu'il ne manquait pas de filles jeunes qui rendaient fous d'inquiétude leurs parents par leur curiosité déplacée.
Leur organe extérieur féminin, irrité sans cesse par les tissus dans la marche, le vélo pourtant déconseillé pour cette raison au sexe féminin, le sport (qui les fera souffler trop fort, courir, sauter, s'exciter, s'échauffer, s'irriter, suer, utiliser des paroles profanes ou des sons inarticulés ou des bruits organiques inadéquats: redoutables circonstances si propices aux tentations et aux mauvaises rencontres), la machine à coudre à pédalier (tandis que la couture manuelle est conseillée) (ou le tricot) (ou la broderie), la danse, l'endormissement sur le ventre (interdit dans les couvents), la position assise, même dans une église ou l'agenouillement sur le prie dieu lors de la prière ou de l'offertoire ou de l'élévation ou du Chemin de Croix du Vendredi Saint peuvent entraîner des tentations déplacées ne pouvant que mener ces jeunes âmes à un destin funeste: un assassinat après un viol dans une ruelle sombre et la perte de leur âme éternelle suite aux tentations incessantes qui auront poussé ce pauvre homme innocent et pêcheur à commettre l'irréparable. Malgré lui. À cause d'elle.
Et de ses sous-vêtements de soie.
À cause d'elle, encore, il serait fouetté à un mat, un tronc d'arbre ou une roue de canon. Ou pendu à un mat ou un arbre.
Quoique le vol de chevaux ou de vaches soient éminamment plus grave.
Et, aujourd'hui, un oreiller indiscret, les cadres de porte ou la sécheuse en mouvement peuvent éloigner la jeune fille du Salut.
Il fallait les marier au plus tôt, sinon le pire était à prévoir. Le scandale atteindrait leur famille et tacherait leur nom qui n'était certes pas grand mais honorable. Si les grands de ce monde peuvent supporter avec indifférence bien des avanies, une famille pauvre n'avait que peu d'honneur et de réputation à préserver. Et l'organe fou d'une fille pouvait rendre leur sort misérable.
Le progrès des moeurs fit pour on ne sait quelle raison changer les mentalités. Soudain, il fallait sauver les mères.
Même si le nombre de femmes ne semblait pas varier. Des statisticiens pouvaient le confirmer après nombre de recensements. Elles étaient toujours aussi nombreuses et aussi inquiétantes.
Si l'opération d'avant était simple, n'importe quel boucher pouvant l'effectuer. La nouvelle opération exigeait des instruments plus précis, une maîtrise qui n'était pas donnée à tout le monde et le tour de main d'un chirurgien. Et des outils Suisse ou Allemand, les meilleurs. Quoique les Britanniques aient des fabriques réputées.
On sauva donc des mères au détriment de leurs pauvres enfants innocents ce qui irritait fortement le curé du village. Car on vient de le dire, les enfants étaient purs et innocents et non leur mère qui au cours de ses longues années avaient inévitablement accumulé les péchés. On sait comment sont les femmes.
Le vilebrequin médical se révéla fort utile.
La tête des bébés étant molle comme un ballon, une fois percée, vrillée et perforée, il était alors facile de la presser et de la dégonfler. Le contenu liquide de ce qui avait été un début de cerveau s'écoulerait. On pouvait enfin leur faire passer la bouche de chair vive et d'os qui refusait elle-aussi de la laisser s'en aller.
Il y eut bien des femmes et des filles dans cette maison. Beaucoup venaient brièvement en visite et repartait tout aussi rapidement. Et, souvent, le médecin qui avait une nombreuse famille, recevait des cousines et des nièces bien jeunes.
Le forgeron confiait à un assistant plus soigneux que les autres le soin d'aiguiser et d'affuter les instruments tranchants du médecin. Pierre fine. Cuir. Crème. Lames brillantes et lumineuses.
Un médecin y avait établi son bureau. Certains chuchotaient qu'il pratiquait des avortements clandestins et interdit ce qui était illégal et interdit. En toute logique. Et qu'il informait de certaines pratiques permettant au mari de se satisfaire sans risquer d'engrosser leur épouse. Tout en leur permettant de conserver une hygiène bienfaisante. Tous les moyens contraceptifs naturels et artificiels étant défendus par la loi de Dieu et des hommes car la ville avait sans cesse besoin de nouveaux bras pour ses usines et ses armées. Et Dieu, charitable réclamait ses infirmes, ses éclopés et ses malheureux, les plus dignes de célébrer Ses cieux.
Les ignorants et les malchanceux ne manquaient pas qui disaient qu'ils n'avait qu'à toucher leur femme une seule fois par an et la voilà aussitôt partie pour un bébé de plus. Ce qui désespérait les pauvres.
Heureusement, le médecin n'aidait que les riches ce qui lui laissait du temps de libre. Les riches avaient donc peu d'héritiers mais tous en bonne santé. Tandis que les pauvres s'accumulaient sans cesse. Conséquence de leur bienheureuse ignorance.
Et à cause de l'esprit machiavélique de leurs curés. La défaite des armes dans les champs de bataille anciens serait renversée grâce à la revanche des berceaux. Doctrine secrète dont ne devait pas entendre parler l'occupant.
Et le combat contre le Mal qui régnait sur Terre serait gagné à cause de toutes ces nouvelles âmes qui telle la fragile flamme de la bougie au vent avait brièvement éclairé d'un reflet la Terre avant de s'élever vers les Cieux où ils entonneraient leurs cantiques.
Ce combat Titanesque serait gagné une âme à la fois. Par les morts et les vivants qui, eux, à leur façon, combattraient prières par prières, chapelet par chapelet, rosaires par rosaires. Et les curé des villages les comptait soigneusement. Rendant compte à l'archevêché.
Et voici comment l'argent, l'or, le commerce, la force, la puissance et les armes seraient vaincus.
Malheureusement ce médecin protégé par des alliés puissants et secrets défaisait ces savants calculs. Comme on tire sur une maille d'un gilet ou d'une chaussette tricoté. Sans l'appui de ces entités tutélaire, il y a longtemps qu'il aurait été jeté en prison. Et autrefois condamné aux galères.
N'allons pas croire qu'il n'était pas occupé. Tant de fois des fils de famille honorables découvraient leur sève nouvelle avec une jeune servante qu'il fallait éloigner le temps que tout s'oublie. Elle était comme une terre neuve et odorante et si tendre qu'il labourait avec enthousiasme en creusant son sillon.
On fut bien content de trouver dans cette maison un médecin compréhensif. Un fils promis à un grand avenir (ou un moyen) n'allait tout de même pas tout compromettre parce qu'une fois ou plusieurs, il avait succombé à des faiblesses bien compréhensibles. Heureusement, il y avait tant de gens prêt à comprendre. Tout cela causé par cette jeune tentatrice à la voix aigüe et à la peau lisse, douce, molle, chaude et transparente que le démon avait subrepticement introduit dans son foyer. Il n'était qu'un homme, faillible et pêcheur. Ce que n'importe quel confesseur aurait pu confirmer n'eut été du secret de la confession.
Depuis longtemps son père avait prévu son mariage avec la fille du voisin ce qui lui permettrait d'assembler leurs champs. Ou d'un associé qui achèterait à bon prix de nombreuses actions de l'usine, de la fabrique ou de la manufacture. Et un instant d'égarement pourrait tout compromettre.
On racontait bien des choses sur ce médecin.
On raconte que certains ramancheurs pour prouver leur art prenait un chat et le déboitait, désarticulant tous ses os puis le mettait sur le sol, sur le ventre, pauvre être difforme et flasque dorénavant incapable de se tenir debout. Mais essayant tout de même. Ne pouvant que tomber aussitôt. C'aurait pu être une pieuvre ou un poisson. Mais il respirait encore sans que cela puisse lui servir à quelque chose. Comprenant finalement son sort, contrairement aux humains, le petit animal cessait vite d'essayer et restait sur place attendant sans se plaindre une mort secourable. Résigné à son destin. Silencieux. La respiration difficile. Son regard triste dirigé vers son maître, celui qui l'avait réduit à un tel état.
C'aurait bien pu lui arriver. Mais le ramancheur le reprenait dans ses bras, délicatement, pour éviter de le faire souffrir davantage, l'assoyait sur ses cuisses et ses genoux et, un à un, avec un léger clic, remettait ses articulations en place. Et ses os. Il déposait ensuite doucement une nouvelle fois le chat par terre. Ce chat qui, un instant avant, était incapable de se tenir debout comme de marcher. Attendant comme tous les gens dans la pièce. Le chat étant aussi surpris que les clients, sachant dans son corps et tous ses membres que sa misérable condition avait changé encore, s'essayait peu à peu à se lever puis à marcher puis à courir. Comme par miracle. Tout heureux de pouvoir vivre à nouveau.
Et ceux qui avaient été battu par leur époux, un bouc, un cochon, un cheval, un boeuf, une branche morte se mettaient à espérer de nouveau.
Ce genre de talent mettait en rage le curé et le vicaire et les Frères Maristes qui y voyaient l'intervention de Satan. Allant au-delà des connaissances naturelles et des pouvoirs des simples humains. Car si une telle chose n'avait jamais été faîtes, il était inimaginable qu'un hérétique puisse la faire. Et inenvisageable d'essayer. Si encore il avait croyant! Mais s'il l'avait été, cette condition même lui aurait interdit de tenter (du mot tentation tout proche) ce que le l'Église en Sa Sainte Sagesse désapprouverait.
Sauf curiosité Diabolique jaillissant d'un orgueil intellectuel sans borne. En défense, faisant barrage, l'Église opposait l'humilité d'esprit, la pauvreté intellectuelle, une douce ignorance (si bénéfique aux femmes), la docilité (encore si appréciée de la part d'une épouse) et la soumission à l'autorité de l'époux, reflet de celle de l'État. Et à la Tradition de l'Église. Tout ceci ne pouvait qu'amener une saine résignation. Et le calme dans les ménages. Et la société. Si apprécié des autorités.
Si Galilée vous tend son télescope tentateur vous disant comme le Serpent de la Genèse que vous n'avez qu'à regarder par vous-même et que vous verrez bien que la Terre n'est pas au centre de l'Univers que c'est plutôt le soleil et qu'il y a d'autres terres et d'autres soleils appelés étoiles: vous refuserez.
Un tel état d'esprit compliquerait bien leur vie lorsque l'aéroplane serait inventé. Heureusement à ce moment, ils seraient tous morts et une autre génération d'ecclésiastiques aurait à trouver les mots qu'il faut prouvant que c'était probablement possible. Ou non.
Car, si un moment, un malheur s'abattait comme une malédiction, sans doute pour de bonnes raisons; voilà que quelqu'un intervenait sur ce coup du sort et changeait par sa seule volonté la volonté Divine qui s'était manifestée pour des raisons incompréhensibles à de simples humains mais que l'on comprendrait un jour, une fois passé de l'autre côté.
Voilà qu'un ignorant qui ne savait pas ce qu'il fallait savoir et ignorer, qui refusait de savoir ce qu'il était impossible de faire, décidait sans consulter les érudits de changer encore une fois le cours du destin de cet être.
Même les meilleurs n'étaient pas protégés par le sort cruel. Et certains égarés par leur désespoir parlaient même d'injustice. Comme s'il était de leur pouvoir de juger de l'oeuvre de Dieu. Sacrilège! Ajoutant une injustice à une autre. Il fut un moment où de telles paroles, de telles attitudes vous auraient valu d'être brûlé vif pour le salut de votre âme immortelle.
Avec une pince ou étau de bois ou de métal sur la langue ou dans la bouche pour éviter qu'on entende vos cris, vos supplications ou vos justifications et vos discours tentateurs. Car l'Église était compréhensive et clémente.
Et que dire du médecin qui savait que toutes ces choses étaient impossibles puisqu'elles n'étaient pas enseignées dans les facultés. Et qu'aucune gravure de ses livres sérieux ne les démontrait lorsque, interloqué, par un cas difficile, sa mémoire et son expérience ne lui suffisant plus, il se jetait la tête perdue dans ses bouquins.
Heureusement, le chat vivait encore. On pouvait le voir, l'observer. Il ne paraissait pas se sentir plus mal de ce qui lui était arrivé. Et de plus en plus de gens voulaient voir le chat. Le toucher.
Le chat portait témoignage.
De nombreux clients habituels le quittaient lorsque survenait un drame ou une tragédie touchant leurs os. Ou ceux de leurs proches. Ou de leurs meilleurs animaux. Ce à quoi il ne pouvait répondre qu'en donnant des fioles et des sachets de poudres d'apothicaires. Calmant au mieux et au possible le mal et la douleur incurable. Ajoutant au sortir du bureau quelques proverbes utiles.
En ce qui concerne le domaine de la femme, le progrès des sciences changeait quelques destins. En lisant les nouveaux livres venus d'Europe et en se pratiquant sur les innombrables cobayes qui s'offraient à lui, et quelques chats, il parvint à sauver de plus en plus de vie.
Et ayant consulté le ramancheur et l'ayant payé, (en plus d'avoir soulagé sa fille d'un problème féminin qui pouvait devenir embarrassant ce qui prouvait selon lui qu'il était impossible de se passer de la médecine) celui-ci lui appris quelques trucs qu'il pouvait adapter. Et ce sont pas les femmes qui manqueraient.
Au début, il fut maladroit. Mais rien dans ces catastrophes nouvelles fruit de son inexpérience ne différait des catastrophes anciennes fruits de son ignorance.
Oui, il était maintenant possible de déboiter des bébés que le passage charnu et osseux défectueux des femmes refusait de laisser jaillir à la lumière ce qui jusqu'alors condamnait ces bébés à la mort. Et mieux valait pour eux cette mort rapide que le sort qui les attendait. On trouvait parfois de ces grands et terribles infirmes incapables de toute vie normale enchaînés dans une cave, un grenier ou une pièce secrète. Tout le monde les croyait mort et cela aurait mieux valu mais le sort en avait décidé autrement. Les révéler au monde aurait provoqué l'exaspération, le scandale, la stupeur. Faisant rejaillir la honte sur cette famille honorable au sang malade et impur.
Parfois, dans les endroits où il y avait des Romanichels ou des cirques, on les vendait pour en faire des monstres et tous accouraient pour les voir.
Autrement, si une telle délivrance un peu lâche était impossible; il ne restait plus qu'à les cacher au monde jusqu'à ce que la mort les délivre. Et, entre temps, parfois, pendant des années, passer leur écuelle de pâté ou de bouillie par la trappe du mur. Parce qu'il était impossible de les toucher ou de regarder.
Un jour, il n'y aurait plus de bruit, de sifflement, de grognements derrière le mur secret et on saurait que la fin était enfin venu délivrer tout un chacun de ce sort effroyable.
On murerait le mur.
Ajoutant une couche de planches. Ou du papier peint. Ou des briques. Ou un nouveau plancher.
Ou de grosses et lourdes pierre rendant définitivement impossible leur déplacement. Ce nouveau mur prenant la place de l'ancien. Et impossible de les distinguer.
Et plus jamais personne ne parlerait ou n'évoquerait le nom (la chose était sans nom) ou la présence de cette chose qui n'aurait jamais dû vivre. Et le médecin fut rongé par le remord de savoir que dans quelques maisons, parfois honorables et même renommées, dans des remises, greniers, caves, pièces secrètes, doubles cloisons, sous un escalier; il y avait de ces êtres abominables, monstrueux, qu'il avait révélé à la vie alors que tout aurait dû précipiter leur mort.
Et tout récemment, un voisin, passionné comme moi de maisons anciennes, en faisant des rénovations/nettoyages comme on fait pour un tableau ancien pour en éliminer les retouches apportées à l'oeuvre du maître ou les vernis jaunis, pour retrouver la maisons en l'état presque originel (il y a parfois tant de générations de gens qui se sont succédées au fil du temps apportant chacune des changements selon leur besoin qu'il faut bien se fixer une date, une limite dans le temps. Choisir en quelque sorte, une mode, une allure, un ordre des pièces, une apparence de la maison dans laquelle il fera bon vivre dorénavant. Il a ainsi trouvé une pièce murée entre 2 chambres. Ce qu'on prit pour une armoire devenue inutile. Et qu'on aurait pu boucher pour une raison qui lui échappait. Non. Ce n'était pas une armoire. Ou pas de celle où on range du linge. Il n'y avait pas de fenêtre. Mais au fond, une chaîne. Chaîne rivée au mur. Et quelque part dans les anneaux de la chaîne, un anneau rivée. Et dans l'anneau un poignet.
Mais avec ces nouvelles procédures, il comprit qu'il était possible de déboiter légèrement le bébé, si peu, à certains endroits adéquats; pas tous, car pour certains leur sort était scellé - il aurait fallu pour les sauver recourir à l'ancienne méthode exigeant que l'on ouvre le ventre de la mère du pubis aux côtes ce qui de nombreuses expériences le prouvaient étaient condamner celles-ci à la mort. Un petit orphelin sans mère naissait et il y en avait déjà tant.
Des institutions charitables en contenaient des milliers que leurs proches étaient incapables de garder.
Heureusement, l'industrie chimique pouvait se montrer charitable et faire des dons aux orphelinats en échange de cobayes pour leurs expérimentations. Enfin, ces êtres pourraient se rendre utile et payer tout le soin que l'on avait pris d'eux. Il y en avait tant qu'on manquait de place. On pourrait enfin en accepter de nouveau tant le besoin était grand. Et leur arrivée dans les laboratoires modernes si propre et si bien ordonnés serait vu comme la récompense de leur bonne conduite.
Mais est-il bon que les gestes charitables et héroïques du passé soient remis en lumière à une époque différente où ils pourraient être mal interprétés?
Enfin, pour quelques chanceux, il devenait possible de les démancher et de les ramancher. Les déboiter pour les faire sortir de leur prison et les remettre en état de marche de l'autre côté. Miracle de la science et de la sorcellerie.
Il restait bien sûr les pauvres hères avec une trop grosse et lourde tête qu'il était impossible de sauver. Sauf encore une fois recourir à l'éventrement de leur mère. Ce qu'on se refusait dorénavant de faire malgré les protestations du curé et les citations des plus grands érudits et théologiens qu'il présentait ongle et pouce sur la ligne.
L'encyclopédie médicale l'illustre fort bien.
Un jour, on comprendra qu'il suffit de couper la femme à un endroit propice du ventre ou afin d'étirer en quelque sorte son sexe et permettre la délivrance du petit prisonnier. Mais il faudrait encore des années et des années.
Oui, la femme est source de tant de tracas et de dépense.
C'était écrit dans le vieux livre.
On apprendra un jour que la femme n'est pas aussi indispensable qu'elle veut bien le croire. Des expériences dans des laboratoires permettent déjà de penser que l'esclavage éternel de l'homme envers la femme pourrait bien un jour se terminer. Car il existe des espèces hermaphrodite sans besoin de présence féminine consternante ou même des espèces ne nécessitant pas pour la reproduction d'autre présence que le reproducteur qui se sépare simplement d'une partie de son être aussitôt remplacée, le laissant tout entier et parfait pour qu'une autre vie, semblable à la sienne dans toute sa perfection se manifeste. Simple, unique, le voilà double sans plus de problème.
Le dernier médecin du village avant que ses confrères délaissent les campagnes pour les cliniques plus confortables des villes avait transcrite des parole bien imprudentes que lui avaient dite son vieux collègue qui. Il restait de tout ça, un tôme d'un vieux journal personnel-tous les autres volumes ayant disparu- acheté dans un marché aux puces.
On apprendra aussi un jour que pour on ne sait quelle raison, l'évolution avait créé les femmes avant terme. Infirme. Même chose pour leur bébé. Ce qui était incompréhensible du point de vue naturel. Sans doute y avait-il un grand dessein derrière ces terribles et grandes choses mais aucune citation de théologien pour la commenter.
Dans la nature, le nouveau-né qui sort du sein de sa mère (ou de son vagin/utérus) doit être capable de se mettre debout et de courir. Pour sauver sa vie. Car tout ce qui vit est une proie. Et tout ce qui ne peut se défendre ou au moins se cacher, nourriture.
De ce point de vue, comme le savent tous les parents et les médecins, le bébé humain est un grand prématuré et il lui faudra bien 2 ans avant de pouvoir se mettre debout. Et on ne parle pas de courir et de se défendre. Il lui faudra encore une autre année.
Mais la femme telle qu'on la connaît ne peut pas faire davantage. Est-ce un défaut? Faut-il le lui reprocher?
Pour qu'une femme puisse faire une telle chose, soit comme l'éléphante ou la baleine une gestation de 2 ans, mieux, 3 ans; il faudrait que son bassin soit bien plus large, vraiment énorme, ce qui rendrait la marche debout impossible. Les femmes idéales devraient donc marcher à 4 pattes. Ou ramper. Et auraient un énorme derrière et un ventre monstrueux. Une sorte de truie obscène. Ou un éléphant de mer terrestre.
Et leurs grandes lèvres rouges vue de dos, leur donnerait l'apparence d'un babouin. Celles qui sont à juste titre si préoccupées de leur pudeur, qu'un rien fait rougir et baisser timidement les yeux, seraient désormais ainsi offertes au regard inquisiteur et scrutateur des hommes. Lorsque le tout serait devenu fluorescent, mauve, large, mobile, luisant, gonflé, il serait temps. Ainsi tout homme saurait que la période des chaleurs est revenue et qu'il est temps de saillir la femelle. Ceci supposant que la femme aille cul nu, ce que la morale réprouve d'avance.
Sans doute que la morale l'a interdit pour préserver de la déraison l'esprit des hommes, eux-mêmes tout juste passé du singe à l'humain. De si peu. Et si récemment.
On pense donc que l'évolution a permis aux singes nos ancêtres de se mettre debout pour regarder au-dessus du foin. Il fallut aussi que les femmes cessent de grossir et de grandir. Les arbres ne seraient plus leur refuge. Elles seraient incapables de grimper avec leurs bras atrophiés. Et, accessoirement, leurs bébés devraient à un certain moment cesser de grandir, devenant désormais des êtres sans défense. Mais l'ajustement mère/bébé ne se fit pas facilement. Chacun semblant suivre une évolution indépendante. Ayant pour résultat que bien souvent le bébé était bien trop gros pour même pouvoir sortir de leurs corps.
Mais elles pourraient en faire beaucoup plus qu'une femme idéale mettant 3 ans à faire un seul enfant parfait. Elle pourrait même en faire plusieurs chaque année.
On racontait que pour découvrir les secrets de la nature et de la femme, ce médecin fit d'innombrables expériences. Pas toutes heureuses.
Combien y eut-il de morts ou de quasi vivants? On ne pouvait compter que ceux que l'on découvrait sans les chercher. Se mettre à creuser pour satisfaire sa curiosité aurait été vu comme quelque chose de malsain.
Le progrès comme la lumière faisait fuir les ombres du passé et éclairait d'une lumière bienfaisante le chemin qui menait à demain.
Et ces bébés mort-nés ou à peu près.
Si le premier jour était difficile, il y avait le suivant, le lendemain, la première semaine, le mois qui approchait. Et l'année de leur anniversaire. Bien peu y arrivait. La mort ramassait large.
À l'époque, on en faisait des petits anges puisqu'ils étaient sans péché. À condition qu'un curé fasse les gestes qu'il fallait et dise ce qu'il fallait dire. Et qu'on les enterre dans la terre consacrée. Ce qui était coûteux. Aussi tant qu'un bébé n'avait pas encore l'apparence d'un humain, on préférait ne pas trop ébruiter la chose et l'enterrer dans le jardin. Où on l'oubliait vite.
L'histoire officielle (celle des gens du coin) parle de ces morts tristes et explicables. Qui n'étaient pas si nombreuses ou n'auraient pas dû l'être. Une femme ne pouvant produire qu'un certain nombre de bébés par an. Et il n'était pas coutume ici pour un homme d'avoir plusieurs femmes, luxe hors de prix. Ou embarras démentiel tant peuvent être nuisibles et encombrantes ces êtres.
Il n'y a pas de document écrit. Ou il n'en reste pas. Ou il est impossible de les consulter.
Et c'est en faisant des travaux qu'un mauvais coup de pelle hydraulique de tracteur révéla de nouveaux secrets. Qu'il fallut enterrer rapidement.
Le reste du temps permis de se poser des questions. Sur ce qui était explicable ou qui serait imprudent de l'être.
Ou la beauté de la logique.
Rien n'explique alors le nombre anormalement élevé (pour une histoire banale et normale) de bébés morts autour du pommier.
Encore qu'on ne trouve que ceux qu'on déterre accidentellement.
Y compris les morceaux de bébés résultat de l'insuffisance de la médecine du temps.
Aussi étrange que ça puisse paraître, il n'y avait pas que leur nombre qui était inhabituel mais leur état. Si beaucoup de petits corps étaient intacts. Et qu'on trouvait des morceaux de bébés que la médecine explique assez bien. On trouvait aussi d'autres morceaux, comme désossés intentionnellement. Non pour les faire sortir de l'utérus rageur de leur génitrice mais trop bien désossés. Trop bien nettoyés. Trop bien rongés.
Parfois, on n'arrive pas à penser certaines choses alors qu'il faut seulement les écrire. Les mots dépassent les limites protectrices de la pensée. Et on découvre en se relisant des idées qu'on n'aurait jamais cru avoir. Et des explications déplaisantes.
Théoriquement possibles. Physiquement faisables. Matériellement envisageables.
Ceux qui ont mangé du poulet frit, des cuisses ou des ailes et rongé avec plaisir les os se rappellent de leur après-festin. Ou ne leur apporte pas suffisamment d'attention. Car pourquoi réfléchir sur de petits os rongés. Les poulets ont vécu leur vie, ont été tués et mangés. Digérés et chié le surlemendemain.
Et sous ce vieil arbre difforme et mort, on trouve lorsqu'on fait un grand trou - juste pour voir- ce qui en un autre lieu aurait pu passer pour un festin de poulet frit si ç'avait été du poulet.
Des poitrines. Des cuisses. Des ailes.
Bien rongées, bien séparées, bien sucées, bien léchées. Et bien empilées.
Comme si à un certain moment ou pendant un certain temps ou à une certaines époque, on avait fait festin de bébés.
Les os avaient été cuits donc la chair qui les accompagnait aussi.
Tout ceci était bien étrange sans qu'une explication vienne clarifier les choses.
Si un tel rite (?) se passait ici, il y a des gens qui sont certainement au courant. Ou leurs survivants. Car le rituel funèbre oublié qui a commencé à un moment également oublié s'est terminé à un autre moment vague dans le temps. Car il ne semble pas y avoir d'os frais de bébé.
Un scientifique de la mort pourrait clarifier les choses. Produire des faits et des dates. Mais il faut aussi penser à la réaction des gens qui ont fait une telle chose. Quand on connaît les hommes, on sait de quoi ils sont capables. Aussi on n'ira pas poser de questions. On gardera les secrets là où ils sont.
Bien sûr, on peut aussi se demander si les bébés sont morts de morts naturelles ?
Tous ensembles?
Ou en bon ordre?
Régulièrement.
Méthodiquement.
Heureusement, il y a l'alimentation naturelle.
Il y a bien des sectes où les adeptes sincères ou des familles pieuses se recueillent en mangeant le sac amniotique et le cordon ombilical sitôt la naissance effectuée. On amène son barbecue électrique ou sa machine à panini dans l'hôpital.
Et on rappellera que la mère, femelle de l'homme est la seule femelle du genre animal à ne pas manger le placenta de son bébé. La science commence à croire que ce dégoût peut être dangereux. Car ce faire protègerait la nouvelle mère de ces dépressions dangereuses qu'on ne voit pas dans le règne animal (sauf chez la femelle perce-oreille) et qui peuvent conduire au meurtre du mari et des enfants.
Même des bébés.
Que n'a t-on vu de ces pitoyables égarées rendues hystériques par le choc de leurs innombrables hormones s'écoulant en flot rageur dans leur pauvre cerveau, s'emparant de leur esprit et d'un couteau pour égorger les plus vieux, étouffant sous un oreiller les petits et noyant dans l'évier ou le lavabo ou la baignoire ou la plage toute proche leur bébé nouveau né. Cause involontaire de ce carnage qui désespère les tribunaux.
On conseillera donc à la mère de manger le placenta cru et le plus frais possible.
Sa famille pourra manger le reste cuit.
On le décrit d'une consistance rappelant le foie. Donc pouvant très bien se cuire à la poêle avec des oignons. En ce qui concerne la préparation du foie, on conseille avant de le cuire, de plonger le foie tranché dans le lait ce qui l'attendrit et adoucit son goût. Goût rappelant le fer et qui peut incommoder certaines personnes.
Mais, justement, cet organe regorge de fer et de sang et ne peut qu'être bénéfique pour l'organisme.
Il est vrai que la consommation du foie est plus fréquente que celle du placenta.
Qui nécessitera sans doute un temps de familiarisation avant de passer dans les habitudes.
La science permet aussi de le déshydrater et de le compresser en pilules et comprimés rendant l'ingestion plus facile pour la mère.
Mais on comprendra que c'est moins naturel.
Ce qui permet d'outrepasser les barrières psychologiques qui font que certains gastronomes n'apprécient pas le caviar (des oeufs de poisson), les escargots (visqueux) (rampent), les huîtres (rappellent le sexe féminin) (il y a des tas de femmes qui n'aiment pas la fellation) (la vue) (la texture) (l'odeur) (le goût) (et autant d'hommes qui ont des réticences à les lécher) (la vue) (la texture) (l'odeur) (le goût) et les crabes (rappellent les araignées). Ou le lapin. Si jolie petite bête. Ils ont de si jolis yeux. Ce pourrait être votre ami. Et les Chinois qui mangent sauterelle, rat, serpent, chiens et chat écorchés vivants.
Avaler des bébés pieuvres vivantes (beuh!)
Mais il s'agissait d'autres choses.
Parfois des sons venaient du vieux puits écrasé sous l'immense meule grise de plusieurs tonnes. Le chuchotement d'un enfant. Ou d'une petite fille. Ou de plusieurs.
Sons qui deviennent de plus en plus clairs mais jamais parfaits lorsqu'on s'approche du trou au centre de la meule. Comme si cette meule ronde de 6 pieds de diamètre et de 2 pieds d'épaisseur était une sorte de porte. Une porte fermée qui pourrait être réouverte un jour. Et qu'il y aurait des choses au-delà de cette porte. Ou cette frontière entre 2 mondes.
Des sons qui ressemblaient à des secrets et qui chuchotaient à peine que.
Sous le pommier mort et dans ses racines.
Et si on creusait autour du pommier mort, on trouvait à chaque coup de pelle les traces d'une civilisation oubliée mais si récente où on pratiquait une médecine de l'âme autant que celle du corps. Et aussi une médecine commerciale, financière, sociale, politique.
Peut-être un culte exigeait de ses pratiquants qu'on mange les bébés décédés?
Décédés accidentellement? Décédés naturellement?
Bien sûr, le culte aurait pu être plus rigide et exiger le sacrifice de bébés en santé. L'offrande étant grande, on en attendait sans doute des récompenses inouïes. Mais il est difficile de savoir en regardant des os si un bébé a été étranglé, égorgé ou a eu le crâne fracassé.
Mais certains bébés ont effectivement le crâne ouvert comme on ferait pour un oeuf à la coque mou. Pour y tremper des croutons beurrés.
Encore une fois, un spécialiste pourrait démêler toutes ces imaginations. Mais il vaut peut-être mieux faire comme tout le monde et savoir garder ses secrets.
De toute façon en naissant chacun doit une mort. Et elle est toujours inévitable.
Prévisible. Parfois, elle sera précipitée.
Quelque fois, le vent lorsqu'il est furieux, pendant que le ciel est gris, que le ciel est bas, nuageux. Ou alors, c'est la nuit. Il y a comme des plaintes et des lamentations. Des pleurs de bébé. Qui sont de plus en plus évident lorsqu'on approche de la porte du sous-sol.
Des enfants ou des femmes naïves, bref, des esprits simples comme d'une autre époque parleraient d'esprits, de revenants, de fantômes. Mais de nos jours dans un siècle scientifique ce ne peut être que des déplacements d'air normaux dans une vieille maison non isolée (et non conforme a aucun code ISO/éthique/écolo). Air qui entre et qui sort des vieux murs, des cadres de portes et fenêtres et qui glisse et contourne ou s'infiltre dans des anfractuosités ou de vieux clous ou des fragments de bois qui résonnent ou servent de anche qui vibre comme si la maison était un instrument de musique tel un hautbois.
Sans doute, un défaut de conception ou l'usure a t-elle transformé le bois et le fer en une sorte de sifflet qui dans certaines condition fait entendre des sons qui.
Qui ressemblent à des pleurs de bébés.
Et, des chuchotements.
Et ces chuchotements parlent d'un arbre. L'arbre de la connaissance, de la vie et de la mort.
Près de la maison ancienne, près du pommier mort, il y a les fosses secrètes de bébés sacrifiés. Mangés, rongés, bus, sucés.
Et dans le village, loin ou trop proche, il y a les prêtres du culte qui ont reçu de grands pouvoirs de cette infamie. Ou ont imaginé en recevoir des honorables Démons qu'ils avaient évoqués.
Satan est l'ami de tant de gens.
On ne regarde plus les gens comme on le faisait lorsqu'on sait. Lorsqu'on sait de quoi ils sont capables. Lorsqu'on sait de quoi ils pourraient être capables. Lorsqu'on sait de quoi ils ont été capables.
Ils peuvent avoir l'apparence de qui ils imitent. Parler aussi bien que n'importe qui. Vous vouloir du bien.
Essayer de les reconnaître, de les distinguer ne peut que vous apporter des ennuis.
Bien sûr, il y a longtemps que je sais de quoi les gens sont capables (et je n'utilise pas le mot d'«humain» en pensant à eux) aussi je me montre poli et distant comme lorsqu'on visite un zoo.
Les plus furieux ne sont pas entourés de grilles et de fossés. Aucune pancarte ne vous interdit de les nourrir. Ils vont et viennent comme ils veulent. Car ce monde est à eux.
Et vous êtes leur nourriture et leur breuvage.
Tant que les sorciers gardent leur distance, la politesse veut qu'on les laisse vivre.
*
MORT: 3
Cause de la mort: 3 Noyades ( inexpliquée ou inexplicable.)
Sexe des victimes: Féminin
MORT: 1
Cause de la mort: Pendaison. Suicide
Sexe de la victime: Masculin
MORT: 1
Cause de la mort: Chute dans un escalier
Sexe de la victime: Féminin
MORT: 1
Cause de la mort: Étrangement
Sexe de la victime: Féminin
MORT: 1
Cause de la mort: Pendaison. (Justice populaire)
Sexe de la victime: Masculin
MORT: 1
Cause de la mort: Noyade (Justice populaire)
Sexe de la victime: Féminin
MORT: 3
Cause de la mort: Têtes fendues et crânes fracassés à coups de haches et de masse de fer
(Justice populaire)
Sexe des victimes: Masculin
MORT: Nombre indéterminé. + 1 - 100 ?
Cause de la mort: Sacrifice humain. Cannibalisme. Avortements clandestins. Infanticides.
Sexe des victimes: Indéterminé
Âge des victimes: Bébé
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Fin provisoire. 7 avril 2012. 18h.26