HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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25.4.12

37. UN SQUELETTE AU FOND DE LA CHEMINÉE

Henry Dickson

Tout au fond du puits de la cheminée, un squelette incrusté dans les parois du gouffre, couvert de merde durcie. On aurait pu le prendre pour un récif avec des coraux et des algues.
C'était son père, briqueteur de son état, qui s'occupait de la maison. Et pas plus lui que son fils, ne s'étaient occupés de cette cheminée. Ce qui voulait dire qu'elle était inactive depuis au moins 50 ans. Peut-être menait-elle à l'atelier du forgeron maréchal-ferrant dans la cave, lorsque la cheminée fonctionnait et elle ne fonctionnait plus depuis. Lorsqu'à sa mort on l'avait muré. Personne ne voulant reprendre le poste. Voulant ainsi effacer les dernières traces de son existence. Avant, il avait lui-même effacé les siennes en faisant démanteler son atelier-étable. Et si c'était le cas, c'était son grand-père, maçon qui l'avait muré.
Ce qui voulait dire que le mort y était depuis au moins 50 ans. Peut-être plus
Et depuis 50 ans, la merde de pigeons et de chauve-souris lui tombait sur la tête.
Belle sépulture. ll y aurait un poème à faire à ce sujet. Ou une méditation, si on n'était pas sur le toit.

Quoi faire?
Le briqueteur lui raconta qu'il avait vu bien pire (sans préciser où) et qu'il valait mieux ne pas trop s'inquiéter du sujet. Est-ce que le bonhomme en bas avait l'air de s'inquiétér? Est-ce qu'il demandait quelque chose? Si on faisait semblant de ne pas l'avoir vu, comme lorsqu'on rencontre un parent pauvre qui nous mêt dans la gêne malgré lui, est-ce que ça changera la plus petite chose dans sa condition et la nôtre.

Si les 2 avaient été sensibles à ce genre de situation, au moins l'un aurait pu dire que le mort réclamait une sépulture plus digne de son état qu'un fond de cheminée. Et était-ce une manière de traiter les décédés? Mais aucun d'eux n'eut ce genre de réflexion qui aurait donc réclamer une troisième personne sur le toit qui ne se trouvait pas là actuellement.

De toute façon, tout le monde meurt et, rares, sont ceux qui choisissent la façon et la manière. Et quelques-uns seraient vraiment très déçus de savoir à l'avance ce qui se passera. Pourtant, il leur suffirait de regarder autour d'eux pour en avoir une petite idée.

La maladie - certaines sont particulièrement dégueulasses et démontrent de la part de la nature une imagination si perverse que cette idée décevrait les poètes et décourageraient les chanteurs (sans parler de la miséricorde de Dieu, termes un peu flou lorsqu'on a un peu l'usage de ses manifestations), les derniers moments du malade (certains pourtant placés de force devant l'inévitable ne se résignent pas à mourir), ce que penseront les proches - certains seront soulagés, libérés, débarrassés. Et pour ce qui est de leur corps. Dire que certains ont peur de la crémation sous prétexte qu'ils ont peur de sentir les flammes. Pas plus que les vers et les insectes qui les dévereront lorsqu'on les enterreront, ils ne sentiront rien. Mais ils ont aussi peur du noir et des espaces confinés. Les cimetières sont pleins de claustophobles.

Celui-là, en tout cas, en désignant ce qui se trouvait au bas, dans le noir, au fond du trou, n'aurait certainement pas choisi de finir ainsi si on lui avait demandé son avis. Brièvement éclairé par la petite caméra, il était aussitôt replongé dans le noir, son univers.

C'est à vous de voir dit le briqueteur en regardant son patron du moment.

S'il comptait rééutiser la cheminée, peut-être, mais, sinon. S'il était là depuis 50 ans, il pouvait y rester encore autant.

Pendant qu'il penserait - il avait tout son temps- lui calculerait ce qu'il lui faudrait de briques et de mortiers et lui ferai un devis. D'accord.

Qu'est-ce qu'il faisait là?

Quelque soit sa raison, c'était une si vieille raison qu'elle n'intéressait plus personne depuis un moment. Le squelette ou les bouts qu'il en avait pu voir était celui d'un adulte, un homme sans doute, car s'il était déjà difficile d'expliquer la présence d'un homme dans une cheminée, celle d'une femme provoquait des explications encore plus difficiles à articuler.

Un maladroit?

Des tas d'ouvriers plus ou moins qualifiés étaient venus au cours des ans réparer le toit avec plus ou moins d'enthousiasme ou repeindre les fenêtres. On n'avait jamais entendu parler de quelqu'un qui manquerait.

Un voleur?

Dans ce cas, la police.

Un voleur maladroit qui aurait voulu escalader le toit et descendre par la cheminée pour entrer par un des foyers. Et qui se serait diablement trompé de cible. Une fois qu'ill se serait rendu compte de son erreur, ne pouvant remonter pour on ne sait quelle raison, il aurait appelé logiquement à l'aide et personne ne l'aurait entendu. Qui peut entendre quelqu'un au fond d'une cheminée? Et au travers, les murs sont sacrément épais. Et il fallait qu'il y ait quelqu'un pour entendre quelque chose. Cette maison étant restée vide pendant de longues périodes. Chance ou malchance pour lui.

Un crétin de moins.

Les voleurs maladroits ont aussi le droit d'avoir la police pour s'occuper d'eux. Et les incapables ayant échoué plus ou moins misérablement dans leur profession remplissent les prisons. Ce qui devrait décourager les amateurs, faut croire qu'il y en a toujours de nouveaux pour reprendre le flambeau. Et de nombreux recalés, n'ayant rien compris à ce qui leur est arrivé, recommencent et se retrouve inévitablement dans le même trou. Pour certains, l'honnêté est une obligation même pas morale mais physique: un travail stable et humble, une routine sans surprise, leur épargnerait tant de soucis.

Et tout maladroit qu'il était, il avait sans doute de la famille. Les bandits ont aussi des femmes et des enfants.

Mais au bout de tout ce temps, qu'est-ce qu'il en reste? Peut-être qu'ils préfèrent leur imagination en ce qui concerne le sort de leur père/frère/fils/mari (il est dans une île avec des vahinées: le salaud!) (pas dans une cheminée)

Ou: il nous a abandonné alors que j'étais enceinte. Il a refait sa vie avec une jeune femme. À  New York, par exemple. Pas dans le fond d'une cheminée. Mais tout malheureuse qu'elle était, elle aura survécu - les femmes malheureuses et éprouvées par le sort (classique) sont innombrables et particulièrement résistantes. Plus elles sont accablés par le sort (cruel) (classique) plus elles se raidissent en enfoncent leurs serres dans la pierre. Les malheureuses sont aussi particulièrement fertiles. On les imagine constamment enceinte entourées d'une trallée de mioches sales et braillards dont elles règle (l'éducation) la vie à coup de gifles. À la longue, elles deviennent aussi endurcies que des requins ou des branches sèches et dureraient éternellement si la mort bienveillante n'en délivrait pas le monde.

Un meurtre?

Jusqu'à présent, ils n'avaient pas encore pensé au meurtre, ça manquait. Oui, un meurtre de plus ferait prendre à la journée un ton nouveau.

On avait tué quelqu'un dont on avait caché le corps dans la cheminée.

Pourquoi se donner tout ce mal?

Question sans réponse. Qui n'empêcha nullement le briqueteur de compter ses briques futures.

Alors qu'il suffirait de l'enterrer quelque part. Régulièrement, la police retrouve un corps dans un champs. On se dit que c'est probablement la Mafia qui fait ses plantations. Ou des petits caïds qui avaient trop de personnel et on dû procéder à des restructurations. Aucune des patates humaines que l'on plante ici ou là n'avaient l'idée que sa profession l'amènerait là. Ici. Ou là.

Ou dans la forêts.

De temps en temps, on trouve des restes de touristes, campeurs, épouses mangés par les renards, loups, ours. Un randonneur ou un photographe ou un chasseur trouve un bout de pied dans une botte.

Il est vrai qu'il y a de moins en moins d'arbres mais il fut un temps pas si lointain où il n'y avait que de la forêt ici. Partout. D'un bout à l'autre du continent. Tous les champs que l'on voit ici, maintenant, partout, et du haut du toit, on en voyait beaucoup et loin, avaient été gagnées sur la forêt. Arbre par arbre. Coupés, sciés, essouchés. Souche par souche. Racine à racine.

Et si la forêt était belle, personne ne pouvait dire le contraire. Voir tous ces champs débordant de futures récoltes (en ce moment, il n'y avait que des restes de neige ou de glace qui refusaient de fondre et des sillons des labours de l'année dernière mais bientôt!) était un des plus beau spectacle que l'on puisse voir.

Et le combat continuait. Contre la nature. L'ennemi de toujours. Contre la beauté et le bon sens. Ennemis héréditaires. Il n'y avait pas une municipalité minable qui ne voulait avoir son développement, sa banlieue à elle. Ses parkings. Et ces nouveaux résidents qui accoureraient et sauveraient son budget et ses comptes de taxe. Et les champs étaient un obstacle au progrès.

Et les champs défrichés dans les bois étaient à leur tour cultivés sous forme d'asphalte, de rues et de maisons moches. L'industrie de la maison moche si alléchante pour les entrepreneurs rapaces et les clients pas de goût était comme on dit et on le dit toujours: florissante. Comme si amener l'idée d'une fleur, d'une floraison de fleurs améliorerait en quoi que ce soit cette laideur rectiligne manufacturée.

Meurtre ou pas meurtre.

Il pensa à un promoteur immobilier mais ce n'était pas le moment. Et il n'y avait pas de place dans la cheminée. En fait, il y avait en masse de la place mais pour ce qui était de l'intimité c'était foutu.
Meurtre?
Une explication qui valait les autres. Mais on ne pouvait pas faire davantage sans que les spécialistes du domaine apportent leur contribution.

Ici, on n'aimait pas trop la police. Les gens préféraient régler leurs affaires entre eux. Et quand une affaire se réglait, on se disait que ça ne nous regardait pas mais seulement les gens concernés.
C'est pour ça qu'on trouvait parfois. Ici. Ou là. Il n'y avait pas seulement les gangs de rues de villes qui profitaient des beautés de la campagne.
Et, à moins d'être soi-même menacés, on n'aimait pas trop voir la présence de la police. Parce qu'on n'aimait pas se mêler des affaires des autres. On vient de le dire. Et la profession de fouineur de la police les fait inévitablement se mêler des affaires des autres. Ils ne peuvent pas s'en empêcher. Ce qui fait qu'on n'appréciait pas tellement les gens qui appellent sans cesse la police. Ça porte malheur. Mauvais pour les affaires.
Pendant longtemps, il n'y eut pas de policier dans la région. Le seigneur réglait ses affaires comme il l'entendait et les gens qui survivaient à ses colères trouvaient qu'il avait tout à fait raison. Ceux qui n'étaient pas de cet avis - et qui envaient entraînés son courroux- se balancaient au haut d'une branche. Finalement, au bout d'un certain temps, les gens comprirent la logique de la situation. Ce qui faisait que les survivants et spectateurs étaient tout à fait contents. Pourquoi ne le seraient-ils pas, ils étaient vivants, eux. Et on leur offrait un spectacle gratis.
Et il fallait bien. Avant l'ouverture de la route et de l'autoroute, il n'y avait que le fleuve qui apportait nouvelles et marchandises et voyageurs. Et la seule manière de fuir. Si on avait du bien.

Bien sûr, il y avait la forêt, tout autour, partout, mais si on pouvait aller où on voulait tant qu'on ne vous en empêchait pas ou ne parvenait à vous rattraper, la forêt vous obligeait à voyager léger et seul. Et il était et est encore difficile de nos jours d'y circuler avec un bahut. Il fallait partir avec son linge sur le dos et se bottes. Parfois, on n'avait pas le choix.

Et comme les hivers étaient plus durs que ceux de nos jours faits pour les allergique aux arachides et buveurs de soya, il arrivait qu'on soit sans nouvelle, 6 mois de temps. Le temps que le fleuve dégèle.
Il fallait s'incruster dans le sol et survivre. Si on n'y arrivait pas, on vous retrouverait gelé une fois qu'on aura pensé à se demander ce que vous devenez.
Les gens sont donc devenus des spécialistes de la survie. Les maladroits étant écrémés, passés au sas et au tamis à chaque nouvel arrivage de naissance.
Et même lorsqu'on construisit la première route, il était impensable, compte tenu de la technologie du temps de déblayer, mieux, nettoyer, les rues comme aujourd'hui. Où on ne tolère pas un flocon de neige sur l'asphalte. D'abord, l'asphalte n'avait pas été encore inventée. Ni l'auto. Ni les pneus. On circulait donc en cariole à patins l'hiver. Ou pas du tout. Et pour aller où et pour faire quoi puisqu'on avait tout ce qu'il fallait ici. Il n'y avait que les marchands, voyageurs de commerce, gens de qualité, comme le seigneur qui allait du village au village suivant ou même à la ville.

Et, un moment, le village non plus n'avait pas été inventé.

Il fallut même 100 ans avant qu'il en ait un dans ses formes minimales.

Le village était plus loin. Il est devenu plus tard celui d'une autre paroisse. Tout le reste n'était que des terres et des colons. Seigneurie vaste et fertile.

Le premier rûdiment de village consisterait en une église, un presbytère et un cimetière. Et un seul curé pour l'administrer.

Avant, chacun enterrait son mort dans sa terre, plus ou moins près de la maison. Et on en trouve encore.

On oubliait le premier curé et son vicaire.

Avant, c'était un moine itinérant qui parcourait la paroisse qui, à ce moment, aurait consisté en l'équivalent d'un pays d'Europe pour quelques centaines de paroissiens. Il allait donc et venait jusqu'à la paroisse suivante tout aussi vaste pour rencontrer les habitants. Faire une sorte de recensement. Nombre de vivants, humains et bêtes à cornes. On ne comptait pas les poules.

Chaque nouvelle naissance était une victoire sur le pays à défricher. Et celle d'une fille, la possibilité multipliée d'une nouvelle famille. Il y avait les baptêmes. Les mariages. Les décès. Toujours tristes. Souvent jeune. 20 ans. 30 ans. 40 ans. Si nombreux qu'on devait s'y faire. Et il y avait aussi tant à faire pour survivre qu'on n'avait qu'un temps bref pour l'apitoiement. Le pays à faire se ferait plus lentement avec un défricheur de moins mais une nouvelle âme de bon chrétien arrivait au Ciel ce qui était toujours une bonne nouvelle. L'armée des âmes augmentant sans cesse pour le futur combat contre le Mal.

L'été, ou de la fonte des glaces au printemps jusqu'aux premières glaces de l'automne, c'était le canot qui transportait gens et marchandises. Avec un guide, souvent indien, qui servait de carte vivante. Savait où trouver les portages. Comment parlementer avec les tribus voisines (qui étaient souvent en guerre) sans en mourir. Activité ludique qui permettait de récolter des esclaves et des guerriers à torturer.

Entre temps, le seigneur faisait la loi. S'il était sage, on lui obéissait et respectait ses avis. S'il était fou, on lui obéissait tout en le maudissant.
Et il y avait les pendus, maudits en chaire par le curé, pour rappeler par l'exemple simple à tous et chacun la conduite à tenir.
Alors les secrets et les rancunes, ici.

Ce qui ramenait encore au squelette dans la cheminée.
Qui, au village ou dans les rangs, n'avaient aucune envie qu'on parle publiquement d'un cadavre dans une cheminées.

Vieille affaire.

Mais ceux qui avaient été au courant avaient peut-être des descendants.
Si la police vient, ensuite ce seront les journalistes. Le maire voulait que le village soit renommé et connu comme le plus beau village blanc de la province. Pour les touristes et les développement de sa banlieue. 4 maisons. Et non comme un repaire sinistre de loup-garou. Ceci attirerait aussi des touristes mais pas ceux que le conseil municipale et la chambre de commerce espérait.

Appeler la police vous enlèverait toute votre tranquillité.

Ils voudraient savoir qui il était et pourquoi il était là.

Ils veulent toujours savoir de genre de chose. Ils ne peuvent pas s'en empêcher.

C'était leur métier.

Et s'ils leur prenait envie de démolir la cheminée pour pouvoir l'extraire plus facilement. Vous vous imaginez les dégâts. Et on ne pourrait pas les en empêcher. Puisque, encore une fois, ils feront leur métier. Et ce ne sont pas eux qui paieraient les dégâts. Il s'informa au sujet de son assurance.
Un maçon est comme un médecin, un médecin des maisons, comme il y a des médecins du corps et de l'âme. Son patient, parfois menu, quelque fois immense, souvent en bonne santé mais parfois malade. Mais contrairement aux autres médecins, il n'avait jamais vu de clients, même le plus mal au point, qu'il n'avait pu sauver.

S'il n'est pas tenu au secret professionnel de par sa profession, comme eux ou les notaires, avocats et curés, il savait l'importance des confidences et de la discrétion et, celle des coutumes. Quand on fouille l'entraille des vieilles maisons, c'est un peu comme pénétrer dans un corps. Il peut arriver que l'on découvre des choses. Qu'il faudra garder pour soi. Ou que l'on en comprenne certaines. Parfois, des choses que l'on avait cru définitivement enterrées. À jamais, si possible.
Il avait aidé certains à construire des abris discrets ou secrets dans leurs jardins ou, encore plus secrets dans leur cave. Parfois en béton, avec porte de métal, blindée quelquefois. Ou porte de béton coulissant sur rail mobile comme un pan de mur ce qui permet, une fois fermé de ne jamais deviner sa présence, même si on sonde les murs à la recherche de creux et de vide et des sons si particuliers (signe d'espace vide). Car tout est plein. Et sonne le plein.

Il était fier de ces belles réalisations même s'il ne pouvait s'en vanter. Encore une fois, la discrétion professionnelle. Qui l'obligeait selon la déontologie de sa profession à ne pas dire où et qui mais ne l'empêchait nullement de faire sa propre réclame et de décrire les possibilités de son art. Art visible et connu de tous la plupart du temps. Mais c'était son art discret et invisible qui lui rapportait le plus et dans ce cas il était utile de le faire savoir. Jamais où et qui. Mais quoi. Le plus souvent possible. Pas à tout le monde, juste au monde qui peuvent apprécier et qui ont les moyens de leur goût particulier. Il ne jugeait pas. Comme ses augustes confrères. Pardonnait toujours.
Ce qu'on y fait ne le concerne pas. Il y a sans doute de la marchandises de contrebande, quelle qu'elle soit. Des richesses. Des collections. Des armes.
Des abris antinucléaires, aussi, même si ça a passé de mode. On oublie tant et si vite. Il faut un temps où on ne parlait que de ça. Cette noble activité sécuritaire encouragée par les États (et provoquées aussi par eux), parfois, subventionnée par les mêmes comme le pyromanes amis des pompiers.

Et elle a pu enrichir sa famille et payer les études universitaires de tous les enfants de son père. Des frères de celui-ci et de ceux de sa femme. Les filles ne comptant pas puisque étant à la charge des futurs époux. À elles de les motiver à réussir dans la vie. Un homme qui réussit signifiant une épousse acharnée à parvenir et ne lui laissant aucun moment de répis. Comme l'adjudant pour le troupier.
Lui, étant un homme pratique, ennemi de la théorie, aimant travailler de ses mains n'avait pas envie d'étudier les théories inutiles trop longtemps, a repris l'entreprise familiale après avoir été l'apprentis, l'employé et, finalement, l'associé et l'héritier de son père.

Puisqu'on en était au confidences, il chuchota que cette maison était très vieille, construite bien avant l'arrivée de sa famille ici par le seigneur de l'endroit tout juste débarqué du bateau. On y aurait, paraît-il, mais ce n'était qu'une rumeur, on y aurait parait-il, creusé une sorte de ... comment dire... crypte dans la cave. Avec des passages menant on ne sait où. On parlait aussi de tunnels reliant la cave aux rives du fleuve permettant de faire circuler des marchandises de contre bande, on aurait cessé de l'utiliser à la fin de la prohibition. Lui-même ne l'avait jamais vu mais on en parlait.

Il le savait car, en tant que maçon, il faisait parti par la porte d'en arrière des francs-maçons. Serment d'allégence. Cérémonie secrète d'initiation. Dépositaires de secrets.

Secrets qu'il ne devait pas révéler mais puisque c'était dorénavant la demeure de son nouveau client, il était bon que celui-ci en apprenne davantage. Ses secrets, ses mystères appartenant légalement de droit au propriétaire.

De même que ses malédictions mais de ceci il ne pouvait rien dire.

Encore une fois, étant un homme pratique, travaillant la matière, brique, mortier, pierre, de ses mains. Toutes choses muettes. Bien sûr, dans ses oeuvres, il y a avait aussi de la pensée. Coût, poids, nombre de briques, angles, rayons, portée, beauté du coup d'oeil et du point de vue. Tout ceci devait tenir élégamment son propre poids, supporter délicatement ce qu'on y mettrait dessus.

Pour les songeries, il laissait ça à d'autres dont c'était la spécialité mais qu'il ne tenait pas à nommer.

À tout autre, il ne dirait rien.
S'il n'en tenait qu'à lui, il réparerait la cheminée qui serait de la belle ouvrage et elle serait aussi belle que lors de son inauguration et durerait au moins 100 ans de plus. Si les orages et la pluie acide ne rongeait pas le mortier. Calamité qui n'existait pas avant le progrès. Mais il n'y pouvait rien.
Ce serait un petit secret qu'ils ne seraient que 2 à partager. Le briqueteur lui faisant remarquer qu'il avait vu bien des murs à réparer.

Ce que le propritaire, son nouvel ami et complice, interpréta comme: nous avons un secret à partager et ton $ aussi.
Bien des choses à penser.

Le squelette dans la cheminée était sans doute là pour le hanter longtemps.

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25 avril 2012. État 1