HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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20.8.12

221. MOMENT PASSIONNANT AU CONSEIL MUNICIPAL DU VILLAGE: LECTURE DU PROCÈS VERBAL DE LA PRÉCÉDENTE RÉUNION ET DE L'ORDRE DU JOUR DE LA RÉUNION DU SOIR

Henry Dickson

C'était séance régulière du Conseil. Premier lundi du mois. Le Conseil était tout entier présent. Maire. Pro maire. Secrétaire municipal. Et 5 conseillers.

Prière. Menum! Menum!

La plupart des gens se levèrent pour faire menum menum quoique la plupart ne se rappelaient plus du tout des prières de leur enfance. Celle du Conseil n'en était qu'une variante demandant à Dieu de les éclairer. Ce qui Lui arrivait souvent. Mais pas tout le temps alors c'était seulement quand ça Le tentait ou qu'IL feelait pour ça. Il ne leur restait donc que leurs petites lumières intérieures souvent bien insuffisantes dont ils faisaient souvent bien mauvais usage.

Lecture de l'ordre du jour. Qu'on avait distribué dans la salle. Mais dans la pré-réunion, on avait fait passer un point du varia (à la fin) au début. Suivant le résumé du procès-verbal de la séance précédente (du mois dernier) et le compte-rendu des cheminements de quelques dossiers ayant besoin de cheminer.

La petite blonde était là pour son nouveau dossier. Elle avait décidé de créer une fabrique de cercueils. Anciennement, il y en avait partout. Le bois étant également partout. De même que les artisans capables de le traiter avec le soin nécessaire. Il ne restait plus maintenant qu'une entreprise dans la province. Qui faisait des Cadillac rembourrés (mais élégants et raffinés) (avec parfois une touche féminine) comme si le mort qu'on y mettait se souciait de son confort. Ou pouvait se plaindre dans le cas contraire.


50 livres, rien que des os tenus par des cartilages et de la peau.

Mon Dieu, on dirait qu'il dort!

Comme il a l'air confortable!

Il a l'air reposé

Contrairement à l'hôpital où il n'était pas du tout reposé. Où selon le protocole médical ou expérimental, on chercherait à tirer de lui la dernière respiration disponible. Une sorte de course à la prouesse: celui-là, je l'ai vivre 1 mois de plus que dans les statistiques.

Actuellement, il est maquillé, vidé de son sang, gonflé de produit chimique et la bouche pleine de ouate. Les paupières et les yeux et les lèvres collés à la Crazy Glue.

Un peu comme les autos US des années 60. De gros sièges mous, moelleux, un moteur bruyant, le tout reposant sur des lames molles, de gros ressorts mous et des pneus mous. Un peu dégonflés. Pour donner l'impression que le salon entier se déplace avec vous sur des fauteuils comme un radeau sur l'eau. Vous êtes en pantoufles sur un tapis mou ou une moquette molle. Par mer calme.

Une fois dans votre dernière demeure, vous ne serez pas dépaysé.

Elle prenait des notes pour son dépliant:

82 1/4 pouces de long X 28 3/4 pouces large x 24 pouces de haut.

Dimension intérieure 78 pouces de long X 24 pouces de large.

Résistance: 1400 livres par poignée.

Importantes les poignées.

Assez d'espace pour les grosses mains de 6 porteurs. Pour la coutume. Le protocole. Ou l'embonpoint du boulimique qui a creusé sa tombe avec sa cuillère, sa fourchette, sa paille et qui va maintenant être digéré, à son tour, par la grosse bouche édentée de la terre.

Mais il faut calculer les frais pour un cercueil aussi résistant. Les coins renforcés, les équerres de métal boulonnées. La colle.

Il était déjà arrivé que le fond du cercueil, simple feuille de veneer mince ou de masonite tout aussi mince découpée et clouée avec le minimum de clous à la va-vite (si on est un bon capitaliste, on compte ses clous et l'épaisseur du veneer ou du carton collé (masonite): 1/4 au lieu de 3/4 et le temps pour clouer) se décloue au moment du transport et que le cercueil crève et que le gros corps s'effondre au milieu des jambes des porteurs et tombe de tout son long, couché sur son pavois rembourré sur les pierres du parvis de l'église. Ça fait mauvais genre. Et s'il glisse sur sa luge sur les marches. Ça fait plus mauvais genre encore. Ça vous fout le décorum d'une cérémonie en l'air: les curés, les vicaires et les bedeaux détestent ça.

Et la réputation d'un salon funéraire. Avec la réputation du fabricant de boites à morts. Et si le gros mort était aimé, tous les parents qui formaient le cortège et suivaient à pieds les porteurs sont en furie. Les premiers ont tout vu. Le mort a déboulé jusqu'à leurs pieds. Les autres, en arrière, comprennent ce qu'on leur raconte et qui sera inévitablement exagéré. Même si on n'en a pas vraiment besoin. Même si ce n'est pas tout à fait nécessaire.

Le gros mort n'a pas nécessairement glissé toutes les marches de pierre, peut-être seulement quelques-unes.

Et ce n'est pas toutes les fois que le salon funéraire ne lui met pas son pantalon ou sa jupe ou ses sous-vêtements puisque cette partie du couvercle du cercueil n'est jamais ouverte. Vous savez ce que c'est, on parle, on fait l'intéressant, on exagère toujours un peu.

Et s'il était détesté, tout le village est mort de rire, si on peut dire. Mais ce n'est pas ça qui va améliorer l'avenir du salon funéraire, du directeur des funérailles.

Si on le détestait: c'est qu'on avait peur de lui; c'est aussi probablement qu'il était puissant. Vraisemblablement riche. Il a donc possiblement des héritiers riches qui tiennent férocement à leur réputation d'autant plus qu'elle est immanquablement douteuse. Autant que l'origine de leur fortune. Les gens qui leur doivent quelque chose se joindront assurément à eux. Mauvais.

Peut-être.

Si on le détestait parce que c'était un voyou pauvre, il n'y aura pas grand monde. La plupart comptant parmi ses victimes ou leurs parents. Ils ont déjà eu affaire à lui une fois ce qui est suffisant. Un fois est déjà de trop. Et on aura pu voir grandir et proliférer la petite vermine depuis son enfance. Donc il peut lui arriver n'importe quoi on s'en fout. Depuis le temps qu'on attendait qu'il lui arrive quelque chose. Enfin. Il est mort. Malheur est bon, parfois, souvent, quoiqu'on dise.

Quoiqu'il lui arrive, il n'y aura personne pour en être témoin. Il n'y aura probablement pas de cortège. Peut-être même pas d'exposition au salon funéraire. Au risque qu'on vienne à sa tombe pour lui cracher dessus.

Directement de l'embaumeur ou du four crématoire à l'église puis au cimetière pour boucler une vie ratée qui vient de se terminer abruptement. Mais qui a tout de même duré trop longtemps. Entre les 2, on fera une cérémonie vite fait si on tient à sauver son âme. Si quelqu'un s'obstine encore à cette formalité ou croit qu'une telle chose est encore possible ou que ce rat possédait cette chose particulière et étrange qu'est une âme. Ou ce qu'il en reste.

S'il est mort accidentellement à moto en entrant dans un arbre, un poteau téléphonique, un camion ou le mur de pierre l'église, en jouant à l'alchimiste avec de l'huile de hashish ou mitraillé ou perforé ou étranglé par ses amis ou ses ennemis ou ceux entre les 2 ou un voisin qu'il cambriolait ou le pied pris dans un des pièges à ours qui entourent les plantation de marihuana (le piège ne tue pas mais il entaille et ronge la chair jusqu'à l'os ce qui est très douloureux et conçu pour un  ours qui a de bons os, il peut vous casser les vôtres comme des chips Lays) est impossible d'en sortir et si vos cris et hurlements et blasphèmes attirent la police ou un garde-chasse ou un agronome vous êtes chanceux: le gardien des plans, lui, dès qu'il vous trouvera vous achèvera).

Et ce qu'il en reste. Restes pourris que l'on vient de déterrer dans un champs de blé d'inde qui servait aussi de plantation de chanvre exotique, cannabis, marihuana ou quelques os trouvés dans la forêt du moins ce qu'en avait laissé les bêtes qui l'avaient rongé et qui tient tout juste dans une petite boite de carton ou au sortir de l'eau, bien gluant et visqueux, tout pourri, enroulé dans du fil de fer barbelé ou des chaînes ou les mains menottées. Supposons qu'on a pu identifier tout ça.

Ou en se suicidant une fois qu'il a réalisé qu'il s'était fait trop d'ennemis.

Ho! Ho!

Regrettant ses péchés.

Tout le mal qu'il avait fait à des victimes innocentes.

Comme un politicien véreux ou un homme d'affaire imaginatif. Dans un vieux roman, il serait entré dans un monastère.

Morale de TV.

Quoiqu'on n'encourage pas le suicide à la TV. Dans la boite à images, il y a toujours une leçon de morale qui se cache quelque part entre 2 circuits électroniques ou 2 rideaux. Qui l'aurait probablement fait regretter ses erreurs (on ne dit plus péchés) après qu'il eut découvert toute la souffrance vécue par son entourage.

Pourquoi pas les larmes de sa mère.

Ou de sa soeur qu'il avait engrossée sur la sécheuse.

Les scénaristes et les psychologues et les spectatrices aiment penser ce genre de chose. Ils se sentent mieux ensuite.

Morale de film. On peut être plus sec au cinéma. Mais la plupart des films sont pour les enfants donc on retourne à la morale TV. Celles des vieux feuilletons du XIX. Les bons sentiments. Les grosses émotions.

Trop de morale pour une ordure de ce genre. Mais pas impossible. Mais douteux.

Ou le piège à ours faisait trop mal et qu'il est impossible de se sortir de là et que ce ne serait rien quand les gardes reviendraient faire un tour de garde aux champs. Ou que ses collègues de travail avec qui il jouait aux cartes, mal, comme tout ce qu'il faisait, lui réclamait trop d'$ que personne ne voulait lui prêter. Parce qu'il ne remboursait jamais. Pourquoi rembourserait-il quelqu'un de si crétin qui va jusqu'à lui prêter de l'$?

Ça finit par se savoir. Une si belle mentalité.

Ou il allait retourner encore une fois en prison. Là où d'autres confrères l'attendaient. Histoire de trahison. De butin mal partagé. Pourquoi partager? Lui était libre et pas eux. Et quelle idée de lui confier ce secret. Histoire de femmes de chef qu'on emprunte sans demander la permission. Qu'on fourre sans penser plus loin que le bout de sa queue comme d'habitude. Une vie bien remplie, comme la femme du chef. Bien content de lui. Tant que ça durait. Et, subitement, ça a cessé de durer.

Bon débarras. Mais dès qu'il y en a un qui part, un autre arrive.

Il était disparu depuis un an et ne manquait à personne. Et le revoilà pour sa dernière sortie publique. Dans une tombe fermée ou un pot de plastique.

Comme le fils du garagiste et ses amis qui ne manquaient vraiment pas à personne. 8 ordures d'un coup. Ou presque. On se sent tout de suite un peu plus léger.

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20. 30 août 2012. État 2