On parlait des photos de la petite blonde.
On pourrait dire que cet appareil n'a été inventé que pour célébrer sa beauté. On pourrait le dire. Si le kodak n'avait pas été inventé 100 ans avant. Ou plus.
1826
Donc il y a les photos.
Et sur les photos - pas toutes - il y a la petite blonde en train de penser. Regarder une fleur. Une chenille.
Penser toujours.
Bébé mordillant un livre.
Ou s'enfouissant dedans.
Se projetant dans les images et les illustrations.
Ou lire.
Ou dessiner les lettres et les mots avec les doigts.
Ou les manger.
Ou les goûter avec la langue.
Et lire.
Toujours.
Son occupation préférée.
S'il y a du papier avec des lettres quelque part, elle ne pourra s'empêcher de lire.
Même à l'envers.
Ou de travers.
Penser avoir des secrets lorsqu'elle est dans les environs est une vue de l'esprit.
Et comme si ça ne suffisait pas, elle lit dans les esprits.
Et vous parle sans vous parler.
Mais on parle des photos.
Et la plus vieille photo qui documente cette activité - difficile alors de dire son âge - elle devait avoir récemment quitté ses couches - et c'est pas sûr. On la voit sur la galerie de sa maison (qui était à ce moment, celle de sa mère) (rien n'a changé). Sauf qu'aujourd'hui c'est sa maison.
Et que c'est là qu'elle a offert sa première tarte au sucre à monsieur Dickson.
Là, on la voit donc en train de lire. Ou de faire semblant de lire. L'annuaire de téléphone. Le gros de Bell avec les pages jaunes.
Blanches.
Bleues.
Elle copiait sans doute le comportement de sa mère qui lisait beaucoup.
Faisait semblant.
Ou avait déjà appris, se l'étant enseignée elle-même.
C'était une boulimie de lecture. Une compulsion. Un vice. Dirait un vieux curé. Et il aurait ajouté: une forme d'orgueil intellectuel. De délire. Consistant à se servir de son intelligence. Démontrer le fonctionnement de celle-ci auprès des autres. Comme d'autres font de leurs chapeaux. Et refuser de se tenir dans les limites sûres tracées des siècles avant par l'Église. Et les bornes. Pour les bornés.
Les limites des femmes étant encore plus mesurées (soigneusement) (parcimonieusement) que celles des hommes.
La curiosité des Galilée étant déconseillée. On savait ce qui lui était arrivé. Et il fallait refuser de regarder à travers le tube diabolique au risque de découvrir des choses qui ne sauraient exister.
Hypathie
Olympe de Gouges.
Sophie Scholl
La création de Dieu ne pouvant être observée directement. Il fallait en lire ce qu'en disait Aristote et l'Église.
Mieux.
Ne pas savoir lire.
Et écouter ce qu'en disaient les soutanes.
Mais ceci s'était passé bien avant sa naissance. Et des tas de gens étaient morts pour que les ignorants cessent d'être contagieux.
Et que les délirants contaminent les autres.
De nos jours, elle lit tout autant.
Hier.
Le courrier des autres autant que le sien.
Elle continue de recevoir des lettres d'endroits variés, inattendus dont on apprend l'existence en regardant l'adresse d'envoi ou l'estampe d'oblitération sur le timbre.
Et des cartes de Noël. Avec Ho Ho Ho sur le timbre.
Elle continue de recevoir des lettres même si la plupart des gens préfèrent utiliser le courriel (pour les plus vieux) ou les messages instantanés.
Et des cartes postales
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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