Henry Dickson tendait son bras à la petite blonde qui s'y appuyait. On aurait dit 2 vieux se promenant dans un parc. La petite vieille chargée par toutes ces années trop pesantes suivait lentement son compagnon. Sauf qu'elle avait 20 ans et était en parfaite santé avant d'être crucifiée.
Dieu?
Le Diable?
Des forces obscures?
Probablement.
Il ne servait à rien de se demander «pourquoi» ou «pourquoi moi». C'était arrivé. Ce sont probablement des choses qui arrivent. Le problème est que c'étant antiscientifique et que personne ne la croirait. On l'enfermerait de force. Et on la bourrerait de pilule. Il n'y a pas si longtemps, on lui aurait donné une douche froide, des électrochoc, ouvert le crâne pour planter des aiguilles dans son cerveau, ce qu'on appelait lobotomie. Et des pilules pour finir.
Avant, c'aurait été des douches ou des bains glacés, des lavements, des purgations, des vomitifs, des sangsues, des saignées.
Avant, c'était carrément le bûcher.
Quand il y avait encore un médecin au village, une de ses clientes qui souffraient d'on ne sait quoi - on a parlé de folie diabétique- allait dans la salle d'attente, se mettait à genoux, commençait à prier en levant les bras au ciel, invoquant le seigneur. Elle avait commencé le même manège à l'église mais le curé n'avait pas apprécié. S'il y avait une courroie de transmission entre le Ciel et la Terre, c'étaient les professionnels comme lui, les fonctionnaires de Dieu, ce n'était pas au simple citoyen priant de s'improviser courroie de transmission. Il fit un diagnostic rapide de maladie mentale et lui conseilla d'aller consulter un fonctionnaire de la maladie pendant qu'il se préparait à changer l'eau en vin et le pain en corps du Christ pour son repas dominical.
Un peu avant, elle aussi, aurait fini sa vie sur le bûcher et probablement qu'on lui aurait coupé la langue aussi.
Tandis que monsieur Dickson, autre version possible, aurait été son assaillant. Ce sont des choses qui arrivent. Les hommes ne sont pas capable de s'en empêcher.
Justement. Précisément à ce moment, il arrivait à côté de la porte menant à la cave. Ou y descendant. La porte s'ouvrir subitement révélant un grand rectangle noir. La cave et son escalier n'étaient pas éclairés tandis que la cuisine l'était.
Probablement un coup de vent. Si on tient à expliquer les choses. Sauf que les fenêtres de la cave étaient fermées.
Il y avait eu encore une tempête la veille. Brouillard de neige le main. Visibilité gros zéro. Des grands vents sans neige. Et des bourrasque de tempêtes vers le soir. Pas longtempts. 30 minutes chacun. Suivit des mêmes vents grondants mais sans neige. Comme si on en avait manqué. Problème de coordination métérologique.
Pendant ce temps, aux îles de la Madelaine, on recevait 60 centimètres de neige. 2 pieds. Ce qui devait les rendre joyeux.
Les vents avaient ragé toute la nuit et monsieur Dickson était descendu et remonté pour voir s'il n'y avait pas de carreaux de cassés. Les grandes fenêtres du salon faites de dizaines de petits carreaux de verre pouvaient être fragile d'autant plus que le vent de l'est - point cardinal le plus terrible- poussaient dessus depuis des décennies.
Même dans la cave rien ne cassa. Donc il était improbable que le vent s'infiltre par une fenêtre et pousse la porte et l'ouvre. En maniant la clanche et le verrou.
Donc le vent - dont ne sait où- ouvrit subitement la porte de la cave et, au même moment, une impression subite et suave emplit l'esprit de monsieur Dickson. Il n'avait 1u'à pousser la petite blonde dans l'escalier. Ce serait si facile. Elle ne s'y attendrait pas. Un changement de caractère aussi subit, sans cause apparente, la prendrait par suprise. Et un instant plus tard, elle déboulerait l'escalier.
Le voyage serait plus ou moins long selon le nombre de marches qui varait selon les jours et les mois. Certaines périodes, l'escalier semblait allonger les marches se multiplier et la hauteur du plafond de la cave augmenter. Ou diminuer.
Comme pour toutes les autres choses bizarres provenant de cette maison, on faisait comme si on ne remarquait rien. Et, en général, ce genre de choses inexplicables cessait.
Une petite voix dans la tête de monsieur Dickson lui chuchotait que ce serait facile. Il n'avait qu'à pousser. Dans un moment, ils seraient elle et lui devant le cadre de la porte, noir comme un tombeau ou une fosse. Elle était même du mauvais côté. On n'a pas idée d'être aussi malchanceuse. Aucun effort ne serait nécessaire puisqu'elle tenait à peine debout.
Ce genre de vois avait suggéré à un groupe d'enfant que c'était amusant de pousser leur petit camarade en chaise roulante dans l'escalier. Sur le moment, ceci semblait une idée intéressante, passionnante, irrésistible. Ce n'est que lorsque l'enfant et sa chaise roulèrent sur le seuil et au delà de l'escalier puis tombèrent et se séparèrent sur les marches de béton que l'idée devint moins drôle et chacun se sauva ici et là.
La même voix avait dit tout doucement à 2 petits garçons dans une gare de demander à un petit garçon plus petit et plus jeune qu'eux de les suivre. Une caméra filma toute la scène. Les 2 enfants encadrant le troisième et allant au bout d'une ruelle où chacun d'eux prit une pierre qui était là comme par hasard afin de commencer à tuer le petit enfant. Et c'est ce qui arriva. Au bout d'un moment, le petit enfant fut tué. Et les 2 plus grands, à peine, semblèrent réaliser ce qui venait de se passer. Qui pouvait faire qu'ils soient punis. Ils se sauvèrent donc pour retourner à la maison sans penser à laver leurs mains rouges.
L'homme qui avait tué sa femme dans le salon avec une hache trouvée dans la cave entendit lui-aussi cette voix. C'était une des dernières haches de l'artisan forgeron qui avait installé longtemps son atelier dans une grande partie de la cave. Il ne restait rien de lui et de ses oeuvres mais en marchant dans la terre de la cave, le pied de l'homme avait buté sur un bout de bois qui était un manche quand on enlevait la terre et la poussière qui le recouvrait et tout au bout du manche il y avait le fer de la hache. Comme neuf. Pas rouillé. Aussi aiguisé qu'un éclat de verre. La réputation de l'artisan et de ses haches étaient reconnues de bien des gens et on venait de loin pour se procurer ce que l'on voyait comme des oeuvres d'art d'un profond artisan.
Il déterra donc le manche et le fer. La lumière de la lune brillait par une des fenêtres. C'était la pleine lune que l'on appelle lune des fous. Il était resté toute la journée à regarder le fer de la hache briller dans le soleil puis dans la lune. Et, la nuit venu, il lui vint l'envie de la montrer à sa femme. Ce qui arriva ensuite est peu clair et varie selon la persoonne qui raconte et encore de nos jours bien peu de gens se rappellent de tout ceci et ils sont trop vieux pour le raconter.
On eut beau chercher ensuite, on ne trouva pas d'autres haches.
Et, pourtant et pourtant, un nouveau locataire de la maison, un père de famille fatigué, buta sur un autre manche de hache, comme une racine qui poussait. Ceci arrive que dans un jardin ou dans une forêt, les racines passant au-dessus d'une roche effleure le sol et il peut arriver qu'un passant qui passe s'accroche le pied et même se le foule ou le casse, ceci peut arriver. Et c'est un peu ceci qui arriva dans la cave. Le père de famille fatigué faillit tomber, devint furieux, se demanda ce que cette hache faisait là. Il n'avait pas de hache comme celle-ci mais pensa que c'était la sienne. Une hache de cette qualité, aussi bien balancée et équilibrée, on ne la laisse pas par terre. Encore une fois, c'était ses étourdies de filles qui ne pensaient qu'à jour au lieu d'aider leur mère malade. Comme bien des femmes elle était devenue malade à force de faire des enfants. Rien que des filles. Des membres inutiles. Que peut-on faire de fillettes dans une ferme alors qu'il faut des bras, des bras solides et non des êtres gras et fragiles. Elles étaient allés probablement fouiller dans on atelier pour, selon leur idée de la chose, mettre de l'ordre - le genre de chose qui passe par dans ou à travers l'esprit des femmes et à laquelle elles sont incapables de résister et elles mettent de l'ordre et on ne s'y comprend plus à la suite dans tout cet ordre. Et qu'est-ce que ça avait donné si, pour on ne savait quelle raison, c'étaient des filles, elles s'étaient mises à jouer avec une hache et l'avait amené ici, descendu en bas, de quoi se blesser, il n'y a rien de plus maladroit qu'une fille. Et oublié. C'était ça leur ordre! Donc, il monta avec la hache pour leur montrer. Leur dire de faire attention à l'avenir. Qu'il avait failli tomber. Qu'elles auraient pu se couper tant le fil du fer de la hache était aigüu. Il était d'ailleurs surprenant qu'il ne leur soit rien arrivé. Mais un jour quelque chose leur arrivera qui leur mettra du plomb dans leurs petites têtes de rousses avec trop de cheveux. Avait-on idée d'avoir une tignasse pareille. Même la soeur enseignante s'en était émue. Y voyait un motif d'orgueil et de péché de luxure. On se caresse soi même en commençant à se peigner, on ne peut plus se contrôler ou c'est la main d'un homme et voilà votre vie définitivement gâchée pour une erreur de jeunesse. Trop de cheveux, trop longs, trop fins, trop roux. La perpétuelle tentation du miroir. Se comparer, s'adorer, se dévêtir devant le miroir, seule dans sa chambre, faire des gestes inappopriées alors que le Seigneur observe et juge. Tout ceci effrayait les soeurs mais elles ne pouvaient avour jusqu'où allait leurs craintes. Tout ce qu'elles pouvaient dire était que tous ces cheveux roux impossible à peigner étaient étaient. Comment dire?
Mais ce n'est pas les conversations des soeurs au parloir qui inquiétaient l'homme. Il ne s'en souvenait même plus. C'était le danger de cette hache. Sur laquelle on aurait pu se blesser. Il fallait à tout prix éviter que ce genre de chose se reproduise. Il fallait qu'il leur donne une bonne leçon. Sa femme étant incapable de le faire. Toujours malade. Encore enceinte. Il ne faisait que la toucher et elle était en famille. Et ensuite elle refusait qu'il l'approche de nouveau. Toutes ces femmes dans sa maison. Toutes ces frustrations.
Il monta donc avec la hache dans la main.
Pour leur montrer.
Voulant d'un geste autoritaire désigner le fer de la hache en faisait imaginer ce qui aurait pu se passer. Sans trop de précision, car c'étaient encore des enfants, pire, des fillettes, trop impressionnables. Elles ne cessaient de parler d'ombres, de bruits, de choses qui bougent, disparaissent, de signes. Elles voulaient partir.
Ce qui s'est passé ensuite est compliqué.
Lui-même n'arriva jamais à expliquer.
Il avait beau essayer de se souvenir, il n'y parvenait pas. Au procès. Dans sa cellule. Avec le prètre qui le visitait régulièrement et l'autre prêtre qui receuillit sa dernière confession et qui le bénit, même sur la trappe, la corde au cou, il avait beau.
S'il avait fait tout ce qu'on lui reprochait, il méritait son sort.
On l'avait jugé, condamné, des gens plus savants que lui avait comparé sa vie avec celle d'un honnête homme et l'avait rejeté comme il faisait avec les patates malades de son champs.
Et tout avait été oublié.
La porte de la cave était ouverte. Monsieur Dickson avait retrouvé une nouvelle hache sous des décennies de poussières dans un recoin où n'allait pas.
Il avait laissé la hache à cet endroit dès qu'il avait buté dessus, que la terre avait été légèrement déplacée et qu'il avait compris ce que c'était.
La porte de la cave était ouverte.
La petite blonde passe devant et lui à côté. Elle lui sourit. Comment pourrait-il faire du mal à un être aussi charmant?
Elle lui sourit comme si elle avait compris ou parce qu'elle avait compris.
C'était une jeune femme bien étrange.
La porte se referma.
Comme si un courant d'air venu de la cave avait aspiré la porte sur ses gonds au lieu de l'ouvrir.
Monsieur Dickson aida la petite blonde à monter les marches menant à l'étage. En tenant sa main, il sentait les battements de son pouls et de son coeur de son petit poignet sous son pouce.
Lorsqu'il était allé à la pharmacie louer tous ces attirails qu'elle refusait d'utiliser, il avait acheté un stéthoscope. Il avit découvert qu'il aimait entendre le bruit de son coeur. Comme sa poitrine était maintenant ouverte, le son était plus fort qu'à l'habitude. Et même sous les bandages qui refermaient le sternum, le coeur de la petite blonde faisait un son bien particulier, invitant, inspirant.
Une autre journée s'était passée.
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21 javnier 2013. État 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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