HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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7.9.12

230. MONSIEUR DICKSON RÉNOVE ET TROUVE LE SALUT OU AUTRE CHOSE

Henry Dickson faisait son ménage, ce qui ne lui arrivait pas souvent d'où les fils et les toiles d'araignées et les araignées (délicates) un peu partout. On finit par s'habituer à ces petites bêtes.

Lorsque la petite blonde ou une des amies de monsieur Dickson, venaient faire un tour, elles se lançait aussitôt à leur assaut, munies d'un plumeau ou d'une balayeuse (Dyson, l'amie de la femme). Il suffisait de la laisser traîner et - était-ce les couleurs ou le désing étrange? (steampunk - rétrofuturiste) - aucune femme qui passait à proximité ou qui l'apercevait dans son champ de vision, ne pouvait s'empêcher de l'empoigner et de s'en servir. Comme s'il lui avait manquée toutes ces années.

Si les pulsions sexuelles ou la libido de beaucoup de femmes laissaient à désirer, leurs pulsions ménagères s'en trouvaient contrebalançées. Une sorte de théorème d'Archimède inverse. Toute femme plongée dans la poussière reçoit une pression l'incitant furieusement à épousseter. Ce qui est loin d'être le cas (ou pas assez souvent) si elle se trouve plongée dans un gros matelas douillet et une couette en duvet.

Elles devenaient comme possédées.

Comme lorsqu'il y a un miroir quelque part, aucun être vivant du peuple des femmes ne pouvait s'empêcher de s'en servir pour se vérifier.

Les perruches ont aussi ce comportement. Peut-être une parenté?

Quelque chose l'agaçait dans la cuisine.

Le comptoir.

Le genre d'armoire, trop hautes et trop basses. On y entasse des choses qu'on ne voit plus et qu'on ne retrouve plus. Comme disait monsieur Dickson: ce qu'on ne voit pas n'existe pas.

Il y avait donc plein de choses dans les armoires du haut - et à cause de la hauteur du plafond (10 pieds), il fallait une chaise ou un escabeau pour les escalader et voir ce que c'était. Et la première rangée de chose inspectée, il y avait toutes les autres rangées de choses.

Toutes sortes de choses oubliées. Par lui et d'autres.

Toutes sortes de trucs laissés par l'ancien propriétaire qui était parti avec son seul linge sur le dos. Et bien content. Contrairement à bien des gens dans une situation similaire.

Avec une valise d'$. Un % de la valeur de la maison, selon ce que les maisons de ce genre valent habituellement. Mais, à voir ses yeux extasiés (pupilles dilatées), bien au-delà de ce qu'il pensait avoir pour une maison qu'il avait mis en vente dès le lendemain de son arrivée.

C'était alors la maison de ses rêves. Et il avait découvert ensuite et bien trop vite, qu'il y avait là bien plus de rêves qu'il ne pouvait supporter.

La maison avait sa réputation dans le village et la région et même au-delà.

Et la plupart des gens ayant encore un cerveau contenant un peu de bons sens, auraient préférés ramper à aller à genoux sur des tessons de bouteilles que d'y mettre les pieds.

Et il aurait fallu les y traîner avec un tracteur et des chaînes pour les y faire coucher une nuit.

La municipalité se désespérait de voir une source inépuisable de bonnes taxes laissée en jachère et fut bien contente de trouver quelqu'un acceptant de payer taxes municipales et scolaires. Et monsieur Dickson prit sa suite sans se plaindre continuellement de prétendus vices cachés comme le faisait l'autre. Sous-entendant bruyamment qu'on aurait dû le prévenir avant. Et que si on l'avait prévenu.

Monsieur Dickson ne disait rien.

L'ancien maire avait bien eu des mots avec lui. Mais il n'en avait plus depuis qu'il était mort.

Le nouveau maire venait de mourir à son tour mais s'il avait mauvais caractère et détestait beaucoup de gens, il n'avait jamais rien eu à redire de lui.

Une des innombrables personnes qu'il avait insulté avait sans doute précipité son décès. Ou c'était le hasard.

Le hasard est si commode. On peut tout lui mettre sur le dos.

Mais tout ceci était de l'histoire ancienne ou récente et n'intéressait personne - on se préparait pour les prochaines élections- et monsieur Dickson soupirait comme une veuve devant ses armoires.

Sans doute lors de leur construction - on n'avait fait que remplacer les portes d'origine par des superbes portes de pin à caissons- était-ce les serviteurs et servantes qui se dévouaient pour escalader ces édifices domestiques.

Il y avait assez de choses qui disparaissaient ici (et, parfois, réapparaissaient) pour qu'une des causes de disparitions disparaissent à son tour.

Les armoires, trop hautes, trop larges, trop profondes, engouffraient tout ce qu'on y mettait et le rendait rarement. Leurs heures étaient désormais comptées.

Monsieur Dickson avec un marteau Eastwing et un tournevis Fuller et une perceuse et un tournevis électrique Bosch 18 volts et avait décidé que la dernière heure des armoires étaient venues.

De la même façon que le système arbsurde et démentiel de partition du second étage. Pas surprenant que le précédent proprio ait eu l'esprit un peu dérangé s'il avait vécu là-dedans. Ou, pire, s'il les avait construite. Véritable cas de possession décorative comme il n'en arrive régulièrement qu'aux femmes.

Tout avait été démonté et les planches revendues à des amateurs de planches de cèdre et de cerisier qui seraient prêts à toutes les bassesses pour satisfaire leur passion.

Il n'en était restée qu'un vaste plancher et qu'une chambre qui servait à ses invitées. Lui préférait le divan du salon.

Il y avait aussi l'autre chambre (celle qui était murée) qui avait été démantelée avec tout ce qui restait à l'intérieur. Mais il était préférable de ne plus y penser aussi il n'y pensa plus. Un autre secret de famille. Il y avait tant de choses à raconter et si peu de gens pour le faire.

Au bout d'un certain temps, il ne restait plus que les portes vernies à caisson qu'il replacerait bien quelque part. L'artisan qui les avait fait était décédé. Et quelque chose d'aussi beau était rare.

Tout le reste n'était que planches anciennes, avec encore les couleurs d'époque démontrant la totale absence de goût de plusieurs des habitants du lieu. Si on avait plusieurs fois repeint l'extérieur, tout ce qui ne se voyait pas ou plus (on avait quelquefois modifié la forme des meubles et leurs angles) n'avait pas été retouché. Et on pouvait assister en direct aux progrès de l'industrie des pigments. Et son combat héroïque contre le bois. Combat perdu d'avance. À l'époque, on trouvait que le bois faisait pauvre et qu'il fallait absolument le recouvrir. À défaut d'autre choses, de jus de betterave bouillie, bleuets, sant de boeuf ou autre bête sacrifiée à l'esthétisme.

Enfin, il ne resta plus que le grand évier de pierre blanche, ses tuyaux de cuivre et les robinets qui tenait en l'air grâce aux équerres de métal qu'il lui avait ajouté. Il observa que cette pièce avait déjà eu une autre vocation que culinaire mais difficile de savoir quoi. Car une fois les armoire enlevées, on se trouvait face au papier peint datant de Dieu sait quand? Imprimé en bleu de fleurs de lys en bois. On avait tout simplement posé les armoires dessus sans mettre de fond. Pourquoi le faire si personne le voyait. Et sans doute aucune épouse hallucinée pour convaincre de le faire malgré tout, car si personne ne le voyait ni le savait, elle, elle le savait et s'en souviendrait sans cesse. Et toujours cette image lui reviendrait à l'esprit, un mur sans fond. Avec du vieux papier peint. Et dans un coin, sur le papier peint, des journaux de 1900 pour bloquer les courants d'air. Assez pour faire dépérir toute femme dans un rayon d'un kilomêtre.

Une fois les vastes armoires désammeblées (il y aurait sans doutes d'autres amateurs pour les planches turquoises ou bleues Sainte Vierge ou vert bouteille ou les mêmes pervers que ceux qui avaient jouis publiquement devant les planches du labyrinthe de l'étage) le plancher se trouvait agrandi d'autant. Presque une autre pièce. Et les blocs d'armoire du haut révélaient les murs anciens et de l'espace supplémentaire. Les cuisines étaient vastes et on aurait pu y préparer un repas de noce pour 50 personnes. Maintenant, on pourrait en nourrir 100. À condition d'avoir une surface de travail. Le seul plancher étant bien insuffisant pour cuisiner. Et la moindre cuisinière rechignerait de cuisiner à 4 pattes. Quoique la vue d'une hôtesse de l'air ou d'une infirmière (ou de toute jolie personne revêtant leur uniforme) aurait été bien agréable à examiner. Avec un costume de médecin et un stéthoscope - indispensable- pour écouter les délicats battements fous de leur petit coeur. Une femme à 4 pattes est parfois si inspirante. Mais ce n'était pas le moment. Et il n'y avait aucune femme dans cette position que certaines jugeraient dégradantes ou animales mais il va de soi qu'à celles-ci, on ne demanderait rien. Était-ce la faute de quelqu'un si la nature bienveillante avait prévu l'usage de cette position pour la majorité des espèces?

Ni aucune femme debout, non plus.

Le chat était quelque part. Et le chien observait.

Et il y avait de quoi observer.

Dans ses travaux de démolition ou de déconstruction (plus délicats) il avait remarqué qu'une partie de l'armoire du bas avait été modifiée. Les planches étaient non clouées comme les autres mais vissées. La première partie avait été construite définitivement. Le seul moyen de changer d'idée et de tout démolir. Mais l'autre partie avait été ajoutée ou modifiée dans le but de l'extraire, de la démonter et de la remonter. Rien ne bougeait et il était impossible de savoir que quelque chose bougerait. Fantaisie?

Il examina ensuite les lattes de plancher qui se trouvaient sous l'armoire et, spécialement, celles qui se trouvaient sous l'armoire que l'on dira démontable. Rien ne bougeait. Rien ne sonnait creux.

Puisqu'on en était à démonter, pourquoi ne pas démonter la plinthe de bois du mur donnant sur le plancher. Serait-elle clouée?

Non. Elle était vissée elle-aussi.

Donc on avait prévu un cube d'armoire dévissable et démontable. Et des plinthes dévissables. Et les vis étaient bien visible. Et facile à dévisser. On avait pris soin de ne pas les couvrir de peinture ce qui en aurait rendu l'extraction bien pénible. Mais personne ne le voyait puisqu'elles étaient dans le fond de l'armoire dans l'ombre.

Ce n'était pas quelque chose qu'on ferait rapidement mais qui pourrait se faire en plusieurs minutes si on savait.

Mais pourquoi se donner tout ce trouble?

Une fois la plinthe dévissée et retirée - une section des plinthes du mur, celles-ci clouées et bien clouées. À jamais. On avait soigneusement scié et découpé la planche moulurée de la plinthe originale pour la remplacer par une autre. Que l'on aurait pu enlever et remettre à volonté si on en avait le temps.

Et qu'est-ce que la plinthe cachait?

D'autres vis. Cette fois, au bout des lames du parquet. Ou, plutôt, des planches de pins originales servant de plancher et de décoration. 2 pouces d'épais par 12 pouces de large. Comme le permettait les grands arbres du temps. La déforestation par les compagnies de bois moderne ayant rendu les beaux arbres aussi rare que  la morue qui, à une certaine époque, disait-on était si abondante dans la mer et le golfe qu'on aurait pu marcher desssus et traverser d'une rive à l'autre sans se mouiller les pieds. Ressources inépuisables qui avaient permis l'arrivée des premiers touristes Viking et Bretons. Ressource qu'on avait fini par épuiser 4 siècles plus tard. En 10 ans.

Et que se passait-il si on dévissait les grandes planches?

Il se passait qu'on ouvrait une partie du plancher entre 2 poutres maitresses de 12 pouces par 2 pieds. Bien visible lorsqu'on les éclairait à la jumelle. Un appel d'air venait d'en bas. Car il y avait bien un en bas. Évidamment quelque chose.

Quelque chose qu'on avait voulu dissimuler mais pas indéfiniment. Quelque chose qu'on pouvait récupérer mais pas souvent. Étant donné tout le trouble qu'on aurait dû se donner pour y accéder.

Il trouva dommage que la petite blonde qui s'intéressait tant à la maison ne soit pas là pour découvrir elle-aussi avec lui un des secrets de la maison. Les joies sont faites pour être partagées.

Il décida donc puisque rien ne pressait d'attendre qu'elle revienne. Pour la piéger et abuser encore une fois d'elle, il mettrait l'aspirateur bien en vue. Elle serait incapble d'y résister. Et, ensuite, pour la récompenser de sa bonne volonté, il lui parlerait de sa découverte récente. Et en profiterait pour observer ses yeux. Serait-elle déjà au courant. Elle était si jeune et était au courant de tant de chose.

Oui, il remettrait l'exploration de la maison au lendemain.

Il remit les madrier en place sans les visser. Pour éviter que quelqu'un - lui - tombe dans le trou. Le chien Adolf observait le grand rectangle du trou noir sans aucune émotion. Il n'y avait là que des choses sans importance pour lui. Mais ce qui est important ou non pour un chien n'est pas toujours la même chose que pour un humain.

Tiens, le chat était revenu. Le trou ouvert et fermé ne l'intéressait pas non plus. Ce qui motivait sans doute sa venue était l'horloge interne de son estomac qui lui indiquait que le temps de l'ouvre-boite électrique était venu.

Le chien partageait avec lui le même créneau horaire.

Tous les 2 regardaient le frigo où il y avait cette fois du poulet. Mais le poulet cuit était pour les invités.

Philosophes, ils se conteraient très bien de boites de conserve.

Le chat ronronnait en se collant à sa jambe.

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7 sept. 2012. État 1