La petite blonde ne l’écoutait plus.
Elle regardait la TV.
On avait repris la présentation des Jeux Olympiques. Puis on l’avait coupée.
On passait de l’infopub de Radio Canada pour occuper l’espace
et le temps lorsqu’on n’avait pas de pub payante.
On présenta un extrait de l’émission Entrée Principale et un
autre du téléjournal. Les nouvelles du soir.
L'organisme Mercy
for animals, variété de Greenpeace spécialisé dans les animaux avait filmé en caméra
caché ce qui se passait dans une ferme. Hybrid Meat, le plus gros éleveur de dindes du Canada – plus
une industrie, proche de la pétrochimie, de la sidérurgie ou d’Abou Ghraib ou d’un
camp de concentration que du Temps d’une Paix ou Des Belles Histoires des Pays
d’en Haut.
Il y avait une vue extérieure des bâtiments nombreux et bien rangés
qui rappelaient Birkenau.
L'urbanisme appliquée. Aux dindes.
L'urbanisme appliquée. Aux dindes.
Il n’y avait rien à redire du projet immobilier
extérieur mais beaucoup sur ce qui se passait à l’intérieur.
On y voyait – et la jolie animatrice présentatrice de
nouvelles disait avoir caché ce qui était inmontrable et elle disait lentement
en avalant sa langue et sa salive, choisir ses mots pour ne pas choquer – on y
voyait les ouvriers fermiers battre à coups de pieds bottés ou à coups de
pelles des dindes.
Pour les faire obéir. Les motiver. Les punir. Se défouler. S’amuser.
Les dindes avaient le goût de rire. Au choix.
Les dindes une fois motivées
couraient dans tous les sens. Il y en avait partout.
Les dindes dans leur salle de réunion surpeuplée, emboitées les unes dans les autres ou superposées les unes au-dessus des autres.
Les dindes dans leur salle de réunion surpeuplée, emboitées les unes dans les autres ou superposées les unes au-dessus des autres.
Et d’autres dans des
cages. Petites. Qui devaient, disait-on, servir à la reproduction.
Il y avait partout
des tas de dindes boiteuses et titubantes, amochés, infirmes – les coups – probablement
– des plaies ouvertes, sanglante, saignante, purulentes - il manquait un œil ou 2 à certaines – la plupart avait le bec coupé net - et monstrueuses
sans qu’on en explique la raison.
Parfois, on se pratiquait à l'euthanasie avec la méthode chemise brune. Une culture de la cruauté ? Une question se pose: mais où s'arrête la liberté d'expression?
Parfois, on se pratiquait à l'euthanasie avec la méthode chemise brune. Une culture de la cruauté ? Une question se pose: mais où s'arrête la liberté d'expression?
Il manquait une patte à certaines. D'autres en avaient trop.
Peut-être l’alimentation ou les produits
chimiques nécessaires à la croissance et l’épanouissement, l’arrondissement de
la dinde. Quelle importance. Son sort était défini par Dieu.
Dans x jours, l’abattoir.
Un abattoir scientifique et ergonomique. Où rien ne sera perdu d'elles.
Un abattoir scientifique et ergonomique. Où rien ne sera perdu d'elles.
La consommation humaine ou animale pour ce que les humains
ne pourraient consommer. Ou ne voudrait. Et l’égout après digestion.
La dinde,
entretemps et définitivement, serait transformé en humain et ferait parti de
son corps. Sauf de ce qui était inassimilable et qui allait à l’égout.
Entre temps, on la retrouverait propre et nette, lisse,
ronde, silencieuse, morte, congelée dans la section des viandes du supermarché.
Sous plastique.
Et pour les pas présentables – infirmes, éclopées, cancéreuses,
sidatiques, qui sait?
Avec trop d’ailes, de pattes, de têtes, de tumeurs, d’abcès,
il y avait la section des plats préparés, pré-cuisinés, frais ou congelés,
encore, de la même section. Ou assez proche.
Et l’autre industrie, presque
aussi importante que celle réservée aux humains, destinés aux toutous et
chatons. Qui méritaient ce qu’il y avait de mieux. Quoiqu’on mange les chiens
et les chats dans certains pays.
On ne parla pas de l'industrie de la mort destinée aux vieux. Ce qui aurait été un intéressant sujet de discussion.
Dans le journal du lendemain qui commenta cette nouvelle, on apporta d'autres mots.
On ne parla pas de l'industrie de la mort destinée aux vieux. Ce qui aurait été un intéressant sujet de discussion.
Dans le journal du lendemain qui commenta cette nouvelle, on apporta d'autres mots.
On pourra lire un extrait d'une directive du du Conseil Européen sur la Protection
des Animaux ou de l'OABA, Oeuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoir. Au moment de leur assassinat :
La suspension des animaux est interdite avant leur étourdissement ou leur mise à mort. Il est interdit d'asséner des coups ou d'exercer des
pressions aux endroits particulièrement sensibles. Ou des chocs électriques. Il est en particulier interdit, d'écraser, de
tordre, voire de casser la queue des animaux ou de les saisir par les yeux ou les organes sexuels. Les
coups appliqués sans ménagement et les coups de pied, sont
interdits.
Sur le site internet du journal qui reproduisait cet article, un lecteur commenta que si on éprouve la nécessité de publier une directive en
détaillant des actes aussi précis c’est qu’on les a catalogués et documentés ce
qui laisse supposer que de tels actes sont fréquents ?au moment de leur mise à mort.
Un autre lecteur donna le lien permettant d'accéder à un texte de loi.
Un autre lecteur donna le lien permettant d'accéder à un texte de loi.
Dans le cas de l'abattage rituel par les sorciers juifs ou
arabes, l'immobilisation et la suspension des animaux des espèces bovine, ovine
et caprine doit être assurée au moyen d'un procédé mécanique avant l'abattage
et jusqu'à la fin de la saignée. Les procédés autorisés pour l'étourdissement
des animaux sont les suivants : Pistolet à tige perforante. Percussion. Electonarcose.
Exposition au dioxyde de carbone. Pistolet ou fusil à balles libres. Caisson à
vide. Dislocation du cou après
étourdissement. Electrocution. Injection ou ingestion d'une dose létale d'un produit
possédant, en outre, des propriétés anesthésiques – comme pour les condamnés à
morts des USA. Atmosphère gazeuse appropriée. Article. 5. La saignée des
animaux doit être réalisée conformément aux conditions énoncées à l'annexe V du
présent arrêté. Dans les abattoirs, les opérations d'immobilisation,
d'étourdissement, d'abattage et de mise à mort. Pendant le déchargement, il
convient de ne pas apeurer, exciter ni maltraiter les animaux et de veiller à
ce qu'ils ne soient pas renversés. Il est interdit de soulever les animaux par
la tête, les cornes, les oreilles, les membres, la queue ou la toison d'une
manière qui leur cause des douleurs évitables. L'utilisation d'appareils soumettant
les animaux à des chocs électriques doit, dans la mesure du possible, être
évitée. En tout état de cause, ces appareils ne sont utilisés que pour des
bovins adultes et des porcins adultes qui refusent de bouger et seulement
lorsqu'ils ont de la place pour avancer. Les chocs ne doivent pas durer plus
d'une seconde, doivent être convenablement espacés et ne doivent être appliqués
que sur les muscles des membres postérieurs. Les chocs ne doivent pas être
utilisés de façon répétée si l'animal ne réagit pas. Les animaux incapables de
se mouvoir ne doivent pas être traînés jusqu'au lieu d'abattage mais être
abattus là où ils sont couchés ou, lorsque c'est possible et que cela
n'entraîne aucune souffrance inutile, transportés sur un chariot ou une plaque
roulante jusqu'au local d'abattage d'urgence. Les conteneurs dans lesquels sont
transportés les animaux doivent être manipulés avec ménagement, il est interdit
de les jeter à terre, de les laisser tomber ou de les renverser. Dans la mesure
du possible, ils seront chargés et déchargés horizontalement et mécaniquement. Les
animaux livrés dans des conteneurs à fond perforé ou souple doivent être
déchargés avec un soin particulier pour éviter les blessures. Les matériels
utilisés pour l'immobilisation des animaux doivent être en toutes circonstances
immédiatement efficaces dans leur emploi en vue d'épargner aux animaux toute
douleur, souffrance et excitation, ainsi que toute blessure ou contusion. Être
d'un maniement facile permettant un rythme de travail satisfaisant. Être peu
bruyants. Permettre une saignée aussi complète que possible. Les animaux ne
peuvent en aucun cas être immobilisés au moyen de liens. Les animaux qui sont
étourdis ou mis à mort par des moyens mécaniques ou électriques appliqués à la
tête doivent être présentés dans une position telle que l'appareil puisse être
appliqué et utilisé commodément, avec précision et pendant la durée convenable.
Le recours à des moyens appropriés en vue de restreindre les mouvements de la
tête est autorisé. Les animaux ne doivent pas être placés dans un box
d'étourdissement si l'opérateur chargé de les étourdir n'est pas prêt à opérer
dès que l'animal est placé dans un box. Un animal ne doit pas avoir la tête
immobilisée tant que l'abatteur n'est pas prêt à l'étourdir. Il est interdit
d'utiliser comme moyen de contention, d'immobilisation ou pour faire bouger les
animaux les appreils électriques servant à l'étourdissement. Les matériels
utillisés pour l'étourdissement des animaux doivent être en toutes
circonstances immédiatement efficaces dans leur emploi de façon à plonger l'animal
dans un état d'inconscience où il est maintenu jusqu'à l'intervention de la
mort afin de lui éviter toute souffrance. Ne pas s'opposer à une saignée aussi
complète que possible. Pistolet à tige perforante : Les instruments doivent
être placés de telle sorte que le projectile pénètre dans le cortex cérébral.
Il est interdit en particulier d'abattre les bovins dans la nuque. Pour les
ovins et les caprins, cette méthode est autorisée si la présence de cornes
exclut la position frontale. En pareil cas, l'instrument perforant doit être
placé derrière la base des cornes et dirigé vers la bouche, la saignée
commençant au plus tard dans les 15 secondes après le coup. En cas
d’utilisation d’un instrument à tige perforante, l’opérateur doit vérifier que
la tige revient effectivement à la position initiale après avoir traversé le
crâne après chaque tir. L’instrument ne doit pas être réutilisé avant d’avoir
été réparé. 4. Percussion : Ce procédé n'est autorisé que si l'on utilise un instrument
mécanique qui administre un coup au crâne. L'opérateur veille à ce que
l'instrument soit appliqué dans la position requise et à ce que la charge de la
cartouche soit correcte et conforme aux instructions du fabricant pour obtenir
un étourdissement efficace sans fracture du crâne. Toutefois, dans le cas de
petits lots de lapins, lorsqu'il est fait recours à l'application d'un coup sur
le crâne de manière non mécanique (avec un marteau), cette opération doit être
effectuée de manière que l'animal soit immédiatement plongé dans un état d'inconscience
jusqu'à sa mort. 5. Electronarcose : Electrodes. Les électrodes doivent être
placées de manière à enserrer la tête de telle sorte que le courant traverse le
cerveau. Il convient, en outre, de prendre les mesures appropriées pour assurer
un bon contact électrique et mouiller la peau. Lorsque les animaux sont
étourdis individuellement, l'appareillage doit : a) Etre pourvu d'un dispositif
mesurant l'impédance de la charge et empêchant l'appareil de fonctionner si le
courant minimal requis ne passe pas. Être pourvu d'un dispositif sonore ou
visuel indiquant la durée d'application à un animal. Être connecté à un
dispositif, placé de manière à être nettement visible pour l'opérateur, indiquant
la tension et l'intensité du courant. Bains d'eau : Cette méthode
d'étourdissement n'est utilisée que pour les oiseaux. Lorsque des appareils
d'étourdissement à bain d'eau sont utilisés, le niveau de l'eau doit être réglable
de manière à permettre un bon contact avec la tête de l'oiseau. Lorsque les
volailles sont étourdies en groupe dans un bain d'eau, un voltage suffisant
pour produire un courant ayant une intensité efficace pour assurer
l'étourdissement de chaque volaille sera maintenu. l convient de prendre les mesures appropriées pour
assurer un bon passage du courant et notamment un bon contact et le mouillage dudit
contact entre les pattes et les crochets de suspension. Les bains d'eau
destinés aux volailles doivent être d'une taille et d'une profondeur adaptées
au type de volailles à abattre et ne doivent pas déborder à l'entrée. L'électrode
immergée doit correspondre à la longueur du bain d'eau. Pour les animaux qui
ont été étourdis, la saignée doit commencer le plus tôt possible après
accomplissement de l’étourdissement et être effectuée de manière à provoquer un
saignement rapide, profus et complet. La saignée doit être effectuée avant que
l’animal ne reprenne conscience. Tous les animaux qui ont été étourdis doivent
être saignés par incision d’au moins une des deux artères carotides ou des
vaisseaux dont elle est issue. Après incision des vaisseaux sanguins, aucune procédure
d’habillage ni aucune stimulation électrique ne doit être pratiquée sur les
animaux avant l’achèvement de la saignée. L’accrochage, le hissage et la
saignée doivent être fait avec méthode. Lorsque les volailles sont saignées à l’aide
d’un coupe-cou automatique, il faut s’assurer qu’en cas de panne et de
décapitation défaillante ou imparfaite, les oiseaux doivent être abattus
immédiatement. L'immobilisation des animaux est obligatoire avant tout
abattage. La suspension des animaux est interdite avant leur étourdissement ou
leur mise à mort. Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux
volailles, aux lapins domestiques et au petit gibier d'élevage dans la mesure
où il est procédé à l'étourdissement de ces animaux après leur suspension parle
pattes. L'étourdissement
des animaux est obligatoire avant l'abattage ou la mise à mort, à l'exception
des cas suivants : Abattage rituel. La présence d’une personne du culte :
rabbin ou imam est obligatoire. Mise à mort du gibier d'élevage lorsque le procédé
utilisé, qui doit être préalablement autorisé, entraîne la mort immédiate. Mise
à mort d'extrême urgence. La saignée doit commencer le plus tôt possible après
l'étourdissement et en tout état de cause avant que l'animal ne reprenne
conscience. Si ce cas malheureux se produit, il faut de toute urgence procéder
à l’exécution de l’animal avec le moyen disponible le plus approprié. L'abattage
rituel doit se conformer aux exigences de la législation. Dont l'habilitation
des sacrificateurs et l'agrément des organismes religieux concernés. Les sacrificateurs
doivent être en mesure de justifier de cette habilitation. Il est interdit de suspendre
les animaux avant l'égorgement et d'abattre des animaux en dehors d'un abattoir
dans des conditions illicites. Il est interdit de suspendre un animal vivant et
lorsqu'il est encore conscient. Il est interdit d'abattre les bovins dans la nuque.
Cette pratique, qui non seulement ne garantit pas un bon étourdissement de
l'animal, mais est de nature à générer des souffrances supplémentaires, est
donc contraire aux dispositions générales des articles R 214-65 et R 214-66 du
code rural, ce qui conduit à la classer parmi les mauvais traitements,
passibles des peines prévues par les contraventions de la quatrièmes classe.
Elle peut même, dans certains cas, être qualifiée d'acte de cruauté, considéré
dans ce cas comme un délit au titre de l'article 521-1 du code pénal. La
pratique et l'étourdissement des bovins et des veaux dans la nuque par un
matador est interdite. Mais les sorciers sont contre l’étourdissement
qui mécontente leur dieu qui aime le sang frais coulant. C'est plus rare de nos jours mais il arrivait que certaines personnes insistaient pour assister à titre de spectateur payant aux séances ou cérémonies d'abattage. Quelques-uns, se plaçant sous l'animal égorgé en train de saigner pour se baigner rituellement. Buvant son sang. Cette coutume n'est plus permise dans les grands abattoirs industriels mais on pouvait le retrouver il n'y a pas si longtemps dans l'abattoir du village.
Puis vint l’extrait d’Entrée Principale, animée par André
Robitaille dont la particularité est d’être tournée en direct dans le hall d’entrée
de Radio Canada. Subtilité inouïe. Économique, arithmétique, comptable et esthétique. Rien que des bonnes choses. Permettant l’économie d’un
studio. Comme toutes les émissions économiques de chaises, on y invite des
invités et des collaborateurs pour parler et raconter leur vie ou des choses qu’on
devrait connaître. Ou qu'on n'a pas vraiment envie de connaître ou de savoir. Assis autour d’une table. Ici, d’un comptoir. Ou 2. Avec une
machine à café de 20 000 $ qui tient une grande place dans l’émission.
Publicité.
On parle de l’animateur.
Animateur enthousiaste
et bondissant de Testé sur des Humains. Où on faisait subir diverses tortures,
vexations et humiliations à des gens qui n’étaient pas Juifs ou Palestiniens. Propulsé
par les défis, les projets qui décoiffent, décloisonnent les idées reçues ou
repoussent les limites autorisées des médias. L’émission diffusée en direct,
croisement entre une émission de radio et un émission TV de services, son mandat
est d'être accessible et rassembleuse tout en étant utile et intelligente! Le
concept est de présenter des sujets qu'on ne traitera sans doute pas aux
bulletins d'information, mais assurément dans nos maisons! Ou au bureau. Entrée
principale se veut, bien humblement, un facilitateur du quotidien. Une émission
utile et divertissante, amusante à regarder. Et nourrissante pour l'esprit!
Et un des collaborateurs, Louis T.
Louis T fait parti de
la nouvelle génération, consciente du rôle qu’un humoriste peut occuper.
Reconnu pour la qualité de ses textes d’humour engagé et collé à l’actualité.
Il nous partage sa vision des choses, percutante, intelligente, mais toujours
drôle! C’est tout naturellement qu’il s’est joint à l’équipe d’Entrée
principale à titre de barista-humoriste où, toujours habillé propre, avec
veston/cravate/lunettes noires, il saura plaire aux dames par son hygiène
irréprochable et son humour savoureux.
Émission intéressante. Sauf
Louis T présenta ce qu’il appelle ses prises du jour. Des
extraits de vidéo ou des photos qu’il commente provenant de la mer infinie d’Internet.
YouTube ect.
Le sujet était l’alimentation.
Et le vidéo montrait un plat Japonais réservé aux riches japonais du Japon.
On y voyait et on décrivait un poisson japonais dans une assiette
couché sur de la salade.
Le poisson était entier.
Vivant.
Respirant.
Par à
coups.
Sa tête et sa grosse bouche était bien visible. Ouverte. Fermée. Ouverte fermée.
Ses yeux. Comme tristes. Implorants.
Est-ce qu’un gros poisson implore, prie, supplie ?
Car après sa tête, il y avait son corps jusqu’à sa queue.
Entier.
Sauf qu’entre sa tête et sa queue, on avait enlevé la peau pour laisser
la chair vive.
Et le poisson ne bougeait pas.
Sauf sa tête qui se soulevait
péniblement. Et sa grande bouche qui respirait ou semblait le faire – un poisson
ne respire pas. Du moins pas de l’air.
Donc il ne bougeait pas parce qu’on avait cassé sa colonne
vertébrale de manière à ce que, effectivement, il ne puisse bouger et sauter
hors de son assiette.
Et qu’il attende – un poisson peut-il attendre? – ce qui
va arriver ensuite. Ou ce qu’il devra subir.
Car le but du poisson, de ce poisson, l’explication de sa
présente ici, là, dans l’assiette, sur la salade et sur la table était d’être
mangé vivant.
Il fallait donc ne pas le tuer.
Son cœur était intact.
Il respirait.
Ou quelque chose du genre.
Ou étouffait.
Sur un rythme régulier.
Le sang coulait encore mais on ne le voyait pas. Il était
pour le moment dans ses veines.
À un certain moment, l’esthète culinaire découperait son cœur
qui cesserait de battre et le sang cesserait de circuler et la vie de vivre.
Et il serait alors réellement mort.
En ce moment, il était dans une phase, lente, entre la vie
et la mort.
Que l’on avait filmé soigneusement.
Pour les amateurs de suchi sophistiqué ou de steak tartare poussé
à un degré plus élevé de l’épucurianisme. La viande crue ne suffisait plus.
La
viande la plus fraîche non plus.
On mangerait la viande encore vivante et
respirante.
Pour certains esprits raffinés, l’esprit, l’énergie, la vie
peut s’absorber aussi bien que la chair et la viande et on peut l’assimiler.
Mais il faut que la bête soit vivante.
Ou l’humain.
Des esprits encore plus esthètes, philosophes, raffinés sont allés jusque-là et en ont été fort satisfaits.
On est ici au-delà
de la cuisine et de la gastronomie, dans la religion la plus ancienne. La
première de toute.
La religions primordiale des humains.
On pouvait torturer l’enfant afin d’absorber l’énergie de sa
douleur, de sa peur. Il y a là un plaisir subtil que seuls certains ont connus.
La jeunesse de la proie était importante. Essentielle.
Gilles de Rais, Gilles de Montmorency-Laval, maréchal de France,
grand connétable de France, chef des armées du royaume, général de Jeanne d’Arc,
adepte de la Magie Noire la plus satanique et la plus profondément démoniaque,
faisait enlever des enfants qu’il caressait jusqu’à ce qu’ils ressentent du
plaisir et s’abandonnent à lui puis les égorgeait et buvait leur sang. Il
voyait leur vie s’écouler lentement sur lui. Puis il les faisait cuire. Dit-on.
La bouche des enfants s'ouvrait et se fermait. Lorsqu'il les caressait.
La bouche des enfants s'ouvrait et se fermait, s'ouvrait et se fermait, régulièrement, de plus en plus difficilement, inexplicablement, lorsqu'il les égorgeait. Doucement. Dit-on.
La bouche des enfants s'ouvrait et se fermait. Lorsqu'il les caressait.
La bouche des enfants s'ouvrait et se fermait, s'ouvrait et se fermait, régulièrement, de plus en plus difficilement, inexplicablement, lorsqu'il les égorgeait. Doucement. Dit-on.
Une sorte d’holocauste pour Satan. Probablement gastronome. Comme les dieux
anciens.
Tout ceci est tellement humain.
Il est de plus en plus rare qu’on ait les moyens financiers,
politiques de se laisser aller au cannibalisme ou au sacrifice humain.
Mais ceci arrive encore.
Mais il faut être si riche.
On se contente donc de sacrifier des poissons.
Et
De toute façon, le poisson n’est pas fait pour vivre à l’air
libre sur une assiette et il mourrait bientôt étouffé si on ne le mangeait pas
rapidement.
On l'a déjà dit.
Il faut le redire.
L'image de sa bouche qui se ferme et se referme.
L'image de ses yeux qui regardent fixement la caméra qui le filme.
Et les spectateurs qui l'observent.
Pour on ne sait quelle raison, il y avait une sorte de
malaise parmi les collaborateurs de l’émission TV.
_ C’est à vous dégoûter de manger.
Dit le vendeur. Siphonné comme elle par la TV.
_ J’en suis rendu à ne plus manger que du pain et du
fromage. Ça dure moins longtemps. La cuisine et le repas. Et je me demande si on ne torture pas la
vache que l’on trait.
Tout le monde mange des cadavres.
Tout le monde mange des cadavres.
Il retint sa respiration et prit une autre bouffée de TV
_ De toute façon, on vit trop longtemps.
Il se retourna pour voir ce qu’elle avait à dire. Si elle
avait à dire quelque chose. Peut-être qu’elle trouvait tout ceci tout à fait
naturel, économique/Marché Libre/liberté du commerce./HEC/Hautes Études
Commeciales/tout ça! Ce genre de chose.
Il ne la trouva pas.
Il se pencha par-dessus son comptoir. Il la redécouvrit par
terre.
Elle avait perdu connaissance.
*
État 1.2 - 14 mars 2014